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Comme ce sont nos idées qui nous représentent les êtres successifs, la notion du tems naît de la succession de nos idées, & non du mouvement des corps extérieurs; car nous aurions une notion du tems, quand même il n'existeroit autre chose que notre ame, & en tant que les choses qui existent hors de nous sont conformes aux idées de notre ame qui les représentent, elles existent dans le tems.
Le mouvement est si loin de nous donner par lui - même l'idée de la durée, comme quelques philosophes l'ont prétendu, que nous n'acquérons même l'idée du mouvement, que par la réflexion que nous faisons sur les idées successives, que le corps qui se meut excite dans notre esprit par sa co - existence successive aux différens êtres qui l'environnent. Voila pourquoi nous n'avons point l'idée du mouvement, en regardant la lune ou l'aiguille d'une montre, quoique l'une & l'autre soit en mouvement; car ce mouvement est si lent, que le mobile paroît dans ce même point pendant que nous avons une longue succession d'idées. Le tems bien loin d'être la même chose que le mouvement, n'en dépend donc à aucun égard. Tant qu'il y aura des êtres dont l'existence se succédera, il y aura nécessairement un tems, soit que les êtres se meuvent ou qu'ils soient en repos.
Il n'y a point de mesure du tems exactement juste.
Chacun a sa mesure propre du tems dans la promptitude
ou la lenteur avec laquelle ses idées se succedent,
& c'est de ces différentes vîtesses en diverses
personnes, ou dans la même en divers tems, que
naissent ces façons de parler, j'ai trouvé le tems bien
long ou bien court; car le tems nous paroît long, lorsque
les idées se succedent lentement dans notre esprit,
& au contraire. Les mesures du tems sont arbitraires,
& peuvent varier chez les différens peuples;
la seule qui soit universelle, c'est l'instant. Lisez sur
la mesure du tems les écrits de Messieurs Leibnitz &
Clarkc, dans le recueil de diverses pieces, publié par
M. des Maizaux; le tome I. chap. vj. des institutions
de physique de Madame du Châtelet; & les paragraphes 569. 587. de l'ontologie de M. Wolf. Article de
M.
Quelques auteurs distinguent le tems en astronomique & civil.
Le tems astronomique est celui qui se mesure purement & simplement par le mouvement des corps célestes.
Le tems civil n'est autre chose que le tems astronomique,
accommodé aux usages de la société civile,
& divisé en années, mois, jours, &c. Voyez
Le tems fait l'objet de la chronologie. Voyez
On distingue aussi dans l'Astronomie le tems vrai
ou apparent, & le tems moyen; on en peut voir
l'explication à l'article
Tems (Page 16:96)
Cette mobilité successive de l'existence ou du tems, nous la fixons en quelque sorte, pour la rendre commensurable, en y établissant des points fixes caractérisés par quelques faits particuliers: de même que nous parvenons à soumettre à nos mesures & à nos calculs l'étendue intellectuelle, quelque impalpable qu'elle soit, en y établissant des points fixes caractérisés par quelque corps palpable & sensible.
On donne à ces points fixes de la succession de
l'existence ou du tems, le nom d'époques (du grec
Après ces notions préliminaires & fondamentales, il semble que l'on peut dire qu'en général les tems sont les formes du verbe, qui expriment les différens rapports d'existence aux diverses époques que l'on peut envisager dans la durée.
Je dis d'abord que ce sont les formes du verbe, afin de comprendre dans cette définition, non - seulement les simples inflexions consacrées à cet usage, mais encore toutes les locutions qui y sont destinées exclusivement, & qui auroient pu être remplacées par des terminaisons; ensorte qu'elle peut convenir également à ce qu'on appelle des tems simples, des tems composés ou surcomposés, & même à quantité d'idiotismes qui ont une destination analogue, comme en françois, je viens d'entrer, j'allois sortir, le monde doit finir, &c.
J'ajoute que ces formes expriment les différens rapports d'existence aux diverses époques que l'on peut envisager dans la durée: par - là après avoir indiqué le matériel des tems, j'en caractérise la signification, dans laquelle il y a deux choses à considérer, savoir les rapports d'existence à une époque, & l'époque qui est le terme de comparaison. [p. 97]
§. I. Premiere division générale des
Les présens sont les formes du verbe, qui expriment la simultanéité d'existence à l'égard de l'époque de comparaison. On leur donne le nom de présens, parce qu'ils désignent une existence, qui, dans le tems même de l'époque, est réellement présente, puisqu'elle est simultanée avec l'époque.
Les prétérits sont les formes du verbe, qui expriment l'antériorité d'existence à l'égard de l'époque de comparaison. On leur donne le nom de prétérits, parce qu'ils désignent une existence, qui, dans le tems même de l'époque, est déja passée (proeterita), puisqu'elle est antérieure à l'époque.
Les suturs sont les formes du verbe, qui expriment la postériorité d'existence à l'égard de l'époque de comparaison. On leur donne le nom de futurs, parce qu'ils désignent une existence, qui, dans le tems même de l'époque, est encore à venir (futura), puisqu'elle est postérieure à l'époque.
C'est véritablement du point de l'époque qu'il faut envisager les autres parties de la durée successive pour apprécier l'existence; parce que l'époque est le point d'observation: ce qui co - existe est présent, ce qui précede est passé ou prétérit, ce qui suit est avenir ou futur. Rien donc de plus heureux que les dénominations ordinaires pour désigner les idées que l'on vient de développer; rien de plus analogue que ces idées, pour expliquer d'une maniere plausible les termes que l'on vient de définir.
L'idée de simultanéité caractérise très - bien les présens; celle d'antériorité est le caractere exact des prétérits; & l'idée de postériorité offre nettement la différence des futurs.
Il n'est pas possible que les tems des verbes expriment autre chose que des rapports d'existence à quelque époque de comparaison; il est également impossible d'imaginer quelque espece de rapport autre que ceux que l'on vient d'exposer: il ne peut donc en effet y avoir que trois especes générales de tems, & chacune doit être différenciée par l'un de ces trois rapports généraux.
Je dis trois especes générales de
§. 2. Seconde division générale des
Sous le premier aspect, les tems des verbes expriment tel ou tel rapport d'existence à une époque quelconque & indéterminée: sous le second aspect, les tems des verbes expriment tel ou tel rapport d'existence à une époque précise & déterminée.
Les noms d'indéfinis & de définis employés ailleurs abusivement par le commun des Grammairiens, me paroissent assez propres à caractériser ces deux différences de tems. On peut donner le nom d'indéfinis à ceux de la premiere espece, parce qu'ils ne tiennent effectivement à aucune époque précise & déterminée, & qu'ils n'expriment en quelque sorte que l'un des trois rapports généraux d'existence, avec abstraction de toute époque de comparaison. Ceux de la seconde espece peuvent être nommés définis, parce
Chacune des trois especes générales de tems est susceptible de cette distinction, parce qu'on peut également considérer & exprimer la simultanéité, l'antériorité & la postériorité, ou avec abstraction de toute époque, ou avec relation à une époque précise & déterminée; on peut donc distinguer en indéfinis & définis, les présens, les prétérits & les futurs.
Un présent indéfini est une forme du verbe qui exprime la simultanéité d'existence à l'égard d'une époque quelconque; un présent défini est une forme du verbe qui exprime la simultanéité d'existence à l'égard d'une époque précise & déterminée.
Un prétérit indéfini est une forme du verbe qui exprime l'antériorité d'existence à l'egard d'une époque quelconque; un prétérit défini est une forme du verbe qui expriment l'antériorité d'existence à l'égard d'une époque précise & déterminée.
Un futur indéfini est une forme du verbe qui exprime la postériorité d'existence à l'égard d'une époque quelconque; un futur défini est une forme du verbe qui exprime la postériorité d'existence à l'égard d'une époque précise & déterminée.
§. 3. Troisieme division générale des
Ce point fixe doit être le même pour celui qui parle & pour ceux à qui le discours est transmis, soit de vive voix soit par écrit; autrement une langue ancienne seroit, si je puis le dire, intraduisible pour les modernes; le langage d'un peuple seroit incommunicable à un autre peuple, celui même d'un homme seroit inintelligible pour un autre homme, quelque affinité qu'ils eussent d'ailleurs.
Mais dans cette suite infinie d'instans qui se succedent rapidement, & qui nous échappent sans cesse, auquel doit - on s'arrêter, & par quelle raison de préférence se déterminera - t - on pour l'un plutôt que pour l'autre? Il en est du choix de ce point fondamental, dans la grammaire, comme de celui d'un premier méridien, dans la géographie; rien de plus naturel que de se déterminer pour le méridien du lieu même où le géographe opere; rien de plus raisonnable que de se fixer à l'instant même de la production de la parole. C'est en effet celui qui, dans toutes les langues, sert de dernier terme à toutes les relations de tems que l'on a besoin d'exprimer, sous quelque forme que l'on veuille les rendre sensibles.
On peut donc dire que la position de l'époque de comparaison est la relation à l'instant même de l'acte de la parole. Or cette relation peut être aussi ou de simultanéité, ou d'antériorité, ou de postériorité, ce qui peut faire distinguer trois sortes d'époques déterminées: une époque actuelle qui coïncide avec l'acte de la parole: une époque antérieure, qui précede l'acte de la parole: & une époque postérieure, qui suit l'acte de la parole.
De - là la distinction des trois especes de tems définis en trois especes subalternes, qui me semblent ne pouvoir être mieux caractérisées que par les dénominations d'actuel, d'antérieur & de posterieur tirées de la position même de l'époque déterminée qui les différencie.
Un présent défini est donc actuel, antérieur ou postérieur, selon qu'il exprime la simultanéité d'existence
à l'égard d'une époque déterminément actuelle, antérieure
ou postérieure.
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