ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"376"> extrémités des deux diametres dont les directions se coupent à angles droits, afin que la boussole puisse toûjours conserver la situation horisontale, malgré les roulis du vaisseau. Enfin on l'enferme dans une boîte quarrée couverte d'une glace, & on la place près du gouvernail dans une plus grande boîte ou armoire quarrée sans fer, que les marins nomment habitacle, laquelle est placée à l'arriere du vaisseau sur le pont, & éclairée pendant la nuit d'une lampe, afin que le timonier, c'est - à - dire, un matelot intelligent qui tient le gouvernail, & qui dans les vaisseaux de roi est relevé de deux heures en deux heures, puisse avoir toûjours la boussole sous les yeux, & diriger la route du vaisseau suivant le rumb qui lui est prescrit par le pilote.

Comme la rose de la boussole est mobile sur sa chape, le timonier a soin de gouverner ensorte que la pointe de la rose qui indique le rumb ou air du vent de la route actuelle du vaisseau, soit dirigée parallélement à la quille; ce que la position de la boîte de la boussole, parallelement aux parois de l'habitacle, indique suffisamment. Enfin pour ne laisser aucune équivoque, on a coûtume de marquer d'une croix l'endroit de la boîte qui regarde la proue.

Les capitaines de vaisseau, les officiers & les pilotes attentifs, ont ordinairement une boussole un peu différemment construite suspendue au plancher de leur chambre, afin de pouvoir, lors même qu'ils ne sont pas sur le pont, savoir à toute heure où le navire a le cap, c'est - à - dire, quelle route il fait actuellement (déduction faite de la dérive): cette suspension exige moins de précautions que la précédente: mais en ce cas il faut observer que l'est soit à la gauche du nord, & l'ouest à sa droite; en un mot que tous les points soient dans une situation inverse à l'égard de la boussole renversée, quoique toûjours dans la même position à l'égard du spectateur ou à l'égard du vaisseau.

Pour prévenir les accidens que les frottemens ou quelqu'irrégularité physique pourroient causer à une boussole si elle étoit seule, il y en a toûjours deux dans l'habitacle, & elles sont séparées par une cloison. Toutes deux sont exposées à la vûe du timonier.

Maintenant voici la maniere de se servir de cet instrument pour diriger la route du navire. On reconnoît sur une carte marine réduite par quel rumb le vaisseau doit tenir sa route pour aller au lieu proposé, & on tourne le gouvernail jusqu'à ce que le rumb déterminé soit vis - à - vis de la croix marquée sur la boîte; & le vaisseau faisant voile est dans sa véritable route: par exemple, si on part de l'île d'Oüessant à l'occident de Brest, & qu'on veuille aller au cap Finistere en Galice, on commencera par chereher dans une carte marine réduite quelle doit être la direction de la route, & on trouve qu'on la doit faire au sud - ouest quart au sud: tournant donc le gouvernail jusqu'à ce que le rumb sud - ouest quart au sud réponde exactement à la petite croix marquée sur la boîte de la boussole, le vaisseau se trouvera dans sa véritable route.

Tel est le principal usage de la boussole: il y en a plusieurs autres qui tendent à déterminer les latitudes, à fixer les points de l'horison où les astres se levent & se couchent; c'est - à - dire, à déterminer les amplitudes orientales ou occidentales: mais ces usages ont plus de rapport à l'Astronomie & à la Navigation, qu'à l'usage principal de la boussole.

La déclinaison de l'aimant dont on a parlé à l'article Aiguille, qui consiste en ce que cette aiguille ne se dirige presque jamais exactement vers les poles du monde, mais qu'elle s'en écarte ordinairement tantôt vers l'est tantôt vers l'ouest; cette déclinaison, dis - je, qui varie dans les différens endroits de la terre, & dans les mêmes en différens tems, oblige les marins à faire continuellement des corrections aux opérations qu'ils font avec la boussole. On verra à l'article Variation les précautions qu'ils apportent pour reconnoître & déterminer la quantité de cette variation, & les moyens dont ils se servent pour rectifier leur route.

L'avantage que les gens de mer retirent de la boussole qui les guide au travers des mers les plus vastes, & les fait arriver aux extrémités de la terre les plus reculées, a porté les Physiciens à imaginer différens moyens pour la perfectionner. Tous conviennent que la boussole doit être la mieux aimantée qu'il est possible, très - légere dans sa construction, & sur - tout parfaitement mobile sur son pivot. Nous avons enseigné dans l'article Aiguille la meilleure maniere de construire & d'aimanter les aiguilles: en voici une autre qui a aussi ses avantages, & même qui nous paroît préférable à bien des égards. Elle est fondée sur ce principe démontré par l'expérience, que le fer & l'acier ne reçoivent qu'une quantité déterminée de vertu magnétique, & qu'il y a une proportion de longueur, de largeur & d'épaisseur, pour que ces métaux puissent recevoir la plus grande quantité qu'il est possible qu'ils retiennent; c'est pourquoi M. Mitchell, auteur de cette nouvelle méthode, prétend qu'il est très - avantageux de faire les boussoles avec des lames d'acier parallélepipedes & bien trempées, plûtôt que de fil d'acier ou de lames de ressort dont on se sert ordinairement. En effet, on éprouve que non - seulement ces lames prennent beaucoup plus de vertu magnétique, qu'elles la conservent plus long - tems dans le même degré, & qu'elles la perdent beaucoup plus difficilement; mais encore qu'elles ont leurs poles plus près des extrémités; ce qui augmente considérablement leur vivacité, & l'exactitude de l'observation. La dimension qu'il estime la meilleure, est celle à peu près qu'il donne aux lames dont il compose ses aimans artificiels; c'est - à - dire, six pouces de longueur, six lignes de largeur, & environ un tiers de ligne d'épaisseur: elles doivent être percées dans le milieu, pour laisser passer le pivot sur lequel elles feront leur révolution.

On a observé que la rouille détruit considérablement la vertu magnétique, c'est pourquoi on doit tâcher d'en préserver avec soin les aiguilles des boussoles: les boîtes vitrées dans lesquelles on les renferme ordinairement sont insuffisantes, & l'air de la mer agit toûjours sur elles. On les garantira de cet accident en les enduisant d'une couche fort mince d'huile de lin cuite: cet enduit n'apporte aucun obstacle aux effets de l'aimant, & les boussoles s'aimantent autravers avec autant de facilité que si elles étoient bien polies. Il y a même lieu de croire par quelques expériences, que les boussoles peintes conservent mieux que les autres leur grande force magnétique; car on remarque dans la plûpart des ferremens peints à l'huile, qu'ils sont plus susceptibles de magnétisme que les autres fers, en meme tems qu'ils deviennent plus cassans & plus durs; & c'est peut - être par cette raison qu'ils s'aimantent mieux.

On aimantera ces lames en les posant sur le milieu d'une barre de fer assez longue, & en passant huit à dix fois d'un bout à l'autre six aimans artificiels, dont trois ont leurs poles nord tournés en haut, & contigus aux poles du sud des trois autres lames; ensorte que les poles du sud des premiers aimans soient un peu écartés des poles du nord des trois autres lames, & tournés vers l'extrémité de l'aiguille qu'on veut faire diriger vers le nord. Voyez l'article Aimant.

Comme il est difficile de bien déterminer dans des aiguilles ainsi larges & plates si leur axe, c'est - à - dire, la ligne qui joint les deux poles, passe exactement par les points de suspension, & que d'un autre côté en les faisant pointues par les extrémités, on fait ren<pb-> [p. 377] trer leurs poles en - dedans, & on les rend un peu moins aimantées qu'elles ne le pourroient être; voici un moyen de remédier à ces inconvéniens. On mettra sur un pivot une des meilleures aiguilles aimantées, construite suivant la méthode ordinaire, & pointue par ses extrémités, & on observera avec soin de combien son pole nord décline de quelque point fixe qu'on choisira à volonté: ensuite on ajustera sur le pivot la nouvelle aiguille, appliquée sur la rose de carton de telle sorte que la fleur de lis décline du point observé, dans le même sens & de la même quantité que faisoit le pole du nord de l'aiguille mince & pointue: on fixera la rose dans cette situation, & la boussole sera centrée.

Il vaudra mieux faire cette opération sur un vaisseau en cette maniere: on tirera une ligne droite de la poupe à la proue, & on placera les deux boussoles sur cette ligne, à une telle distance & en telle sorte qu'elles ne puissent ni agir l'une sur l'autre, ni être détournées par aucun fer qui soit dans le voisinage: on ajustera la rose comme on vient de dire, de maniere que la fleur de lis fasse avec la ligne d'épreuve, le même angle que fait le pole du nord de l'autre aiguille.

On ne sauroit dissimuler que le poids de ces nouvelles aiguilles ne fasse augmenter leur frottement, sur - tout si le pivot & la chape sont de cuivre; car il n'est guere possible de se servir à la mer de pivot d'acier, qui seroit bien - tôt rouillé. Mais on pourra remédier à cet inconvénient en employant un pivot d'or, allié de quelque métal pour l'endurcir, & en attachant aux barres, des chapes garnies d'un petit morceau de verre concave bien poli; ce qui vaut encore mieux que l'agate dont on se sert quelquefois. Ce petit changement, qui n'augmente pas considérablement le prix des boussoles, donne à ces instrumens plus d'exactitude qu'on ne peut espérer dans les boussoles ordinaires, sur - tout lorsque le tems est calme, & que les vagues n'agitent pas le vaisseau: car alors il faut nécessairement frapper les boîtes pour vaincre les frottemens, si l'on veut que la boussole marque la route avec exactitude; au lieu que les nouvelles boussoles se meuvent très - librement sans e secours.

On a construit sur ces principes une aiguille de boussole qui avoit trente - deux pouces de longueur, & qui pesoit un peu plus de huit onces. Elle a été mise en mouvement avec une force capable de lui faire faire vingt - cinq tours par minute: cette force a été suffisante pour lui faire continuer ses révolutions pendant l'espace de soixante - dix ou quatre - vingts minutes, & elle a encore fait des vibrations pendant quinze autres minutes, quoiqu'elle ne fût que sur un pivot de cuivre qui a été bientôt émoussé par son poids; au lieu qu'elle a fait à peine quelques vibrations lorsqu'elle a été suspendue par une chape de cuivre sur un pivot d'acier bien pointu & bien poli.

Les avantages de la boussole ne se bornent pas à ceux qu'en peuvent retirer les navigateurs; cet instrument est aussi fort utile sur la terre pour faire une infinité d'opérations: on y fait seulement différens changemens, pour le rendre propre aux divers usages auxquels on le destine. Son application la plus commune est à l'équerre des arpenteurs, qui ne consistoit anciennement que dans un cercle de cuivre divisé en quatre parties égales par deux diametres qui se coupent à angles droits. Il y a une pinnule bien perpendiculaire au plan du cercle, à l'extrémité de chacun de ces diametres, afin de pouvoir pointer sur différens objets. Voyez Equrre

Dans les nouvelles équerres d'arpenteur on a ajoûté au centre du cercle un pivot, sur lequel est suspendue une aiguille aimantée, & renfermée dans une boîte couverte d'une glace. L'aiguille parcourt dans ses différens mouvemens la circonférence d'un cercle divisé en trois cens soixante degrés; & le o de la graduation marqué d'une N (nord) ou d'une fleur de lis, est directement au - dessous d'une des pinnules, ensorte que les autres points cardinaux se trouvent aussi sous les autres pinnules: toute la machine est montée sur un pivot, ou mieux encore sur un genou, sur lequel on peut la tourner librement en tout sens.

On se sert aussi quelquefois de boussoles enfermées dans des boîtes de cuivre ou de bois (ces dernieres sont plus sûres) exactement quarrées, & dont les côtés sont bien paralleles aux diametres qui passent par les points cardinaux.

Celles - ci, par exemple, sont très - commodes pour trouver la déclinaison d'un mur ou d'un édifice, c'est - à - dire, l'angle qu'ils forment avec le méridien du lieu: pour cet effet on applique à une regle posée horisontalement le long du mur le côté de la boîte marqué sud ou nord, suivant que le mur regarde à peu près le septentrion ou le midi; ensuite on observe quel angle fait la pointe de l'aiguille, ou son pole boreal, avec le méridien tracé sur la boussole, & qui est perpendiculaire à la regle. Cet angle, réduction faite de la déclinaison de l'aimant, exprime en degrés la véritable déclinaison du mur, laquelle est orientale ou occidentale, suivant que l'aiguille s'écarte à l'est ou à l'ouest du méridien de la boussole, dans le cas où ce mur est tourné du côté du midi; & réciproquement, lorsqu'il regarde le septentrion.

Ceux qui construisent des cadrans solaires verticaux, ont souvent recours à cette méthode pour trouver la déclinaison du plan sur lequel ils veulent tracer, & découvrir jusqu'à quelle heure il peut être éclairé; ou bien en connoissant la déclinaison de l'aiguille aimantée dans le lieu & au tems de l'opération, ils l'employent pour tracer tout d'un coup une ligne méridienne, & orienter un cadran horisontal: il suffit pour cet effet de poser la boussole sur un plan bien parallele à l'horison, & de faire ensorte en tournant peu à peu la boîte, que le pole boréal de l'aiguille s'arrête du côté de l'ouest ou de l'est, sur un point qui fasse avec celui de O un angle egal à celui de la déclinaison de l'aimant (par exemple, de 17d to'N. O. pour le 19 Oct. 1750 à Paris): & en appliquant une regle à l'est ou à l'ouest de la boîte, ils tracent une ligne droite qui est la méridienne. Enfin cette méthode est encore très - utile pour orienter des édifices, des orangeries, des terres chaudes, pour donner une exposition favorable aux étuves, aux greniers, ou aux glacieres.

La Géométrie pratique tire de grands avantages de la boussole, pour lever d'une maniere expéditive des angles sur le terrein, faire le plan d'une forêt, d'un étang, d'un marais inaccessib e, ou pour déterminer le cours d'une riviere.

Par exemple, pour lever les angles A D B, B D C, (Pl. d'Arpentage, fig. 11.) on commencera par appliquer bien exactement un des côtés de la boîte de la boussole sur la ligue A D, en sorte que la ligne qui passe par les pinnules du nord & du sud se termine aux points A & D; ensuite on observera l'angle que fera le pole boéal de l'aiguille avec cette ligne: on appliquera aussi la boussole sur la ligne D B, & on observera de même l'angle que fera l'aiguille avec cette ligne. Maintenant la différence de ces deux angles sera la valeur de l'angle A D B, si l'aiguille s'écarte dans le même sens de la méridienne de la boussole; ou, ce qui est la même chose, des lignes AD, DB, sur lesquelles elle est posée. Mais si l'aiguille s'écarte de sa méridienne en sens contraire, comme il arrive en la posant sur les lignes B D, D C, la somme des angles observés sera la valeur de l'angle cherché.

On opérera plus exactement si au côté même de la boîte de la boussole est appliqué un parallélepipede creux, qui porte deux pinnules par lesquelles on

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