ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"922"> vient qu'on trouve par - tout dans les montagnes du Daghestan, de grandes forets d'arbres fruitiers de toute espece.

Ces mêmes montagnes, dont ils connoissent seuls les sentiers, ont servi à conserver jusqu'ici les Tartares Daghestans dans l'indépendance des puissances voisines; cependant la forteresse de Saint - André que les Russes ont bâtie dans le coeur de leur pays, sur le bord de la mer Caspienne, entre Derbent & Terki, non seulement les tient en bride, mais porte bien la mine de les contraindre un jour à l'obéissance de la Russie, d'autant plus que toutes leurs forces ne montent guere qu'à quinze ou vingt mille hommes.

Les Tartares Koubans habitent au sud de la ville d'Assof, vers les bords de la riviere de Koucan, qui a sa source dans la partie du mont Caucase, que les Russes appellent Turki - Gora, & vient se jetter dans le Palus Méotide, à 46d. 15'. de latitude au nordest de la ville de Daman.

Ces Tartares sont encore une branche de ceux de la Crimée, & étoient autrefois soumis au chan de cette presqu'île; mais présentement ils ont leur chan particulier, qui est d'une même famille avec les chans de la Crimée. Il ne reconnoît point les ordres de la Porte, & se maintient dans une entiere indépendance, par rapport à toutes les puissances voisines. La plus grande partie de ces tartares ne subsistent que de ce qu'ils peuvent piller sur leurs voisins, & fournissent aux Turcs quantité d'esclaves circasses, géorgiennes & abasses, qui sont fort recherchées.

C'est pour couvrir le royaume de Casan contre les invasions de ces Tartares, que le czar Pierre a fait élever un grand retranchement qui commence auprès de Zarista sur le Wolga, & vient aboutir au Don, vis - à - vis la ville de Twia. Lorsque les Tartares de la Crimée ont quelques grands coups à faire, les Koubans ne manquent pas de leur prêter la main: ils peuvent former ensemble trente à trente - cinq mille hommes.

Les Tartares Moungales, Mogoules, ou Mungales, occupent la partie la plus considérable de la grande Tartarie, que nous connoissons maintenant sous le nom du pays des Moungales. Ce pays, dans l'état où il est à présent, est borné à l'est par la mer orientale, au sud par la Chine, à l'ouest par le pays des Callmoucks, & au nord par la Sibérie. Il est situé entre les 40 & 50 degrés de latitude, & les 110 & les 150 degrés de longitude; en sorte que le pays des Moungales n'a pas moins de quatre cens lieues d'Allemagne de longueur, & environ 150 de largeur.

Les Moungales qui habitent à - présent ce pays, sont les descendans de ceux d'entre les Mogoules, qui après avoir été pendant plus d'un siecle en possession de la Chine, en furent rechassés par les Chinois vers l'an 1368; & comme une partie de ces fugitifs s'étant sauvée par l'ouest, vint s'établir vers les sources des rivieres de Jéniséa & Sélinga, l'autre partie s'en étant retirée par l'est, & la province de Léaotung, alla s'habituer entre la Chine & la riviere d'Amur.

On trouve encore à l'heure qu'il est deux sortes de Moungales, qui sont fort différens les uns des autres, tant en langue & en religion, qu'en coutumes & manieres; savoir les Moungales de l'ouest, qui habitent depuis la Jéniséa jusque vers les 134 degrés de longitude, & les Moungales de l'est, qui habitent depuis les 134 degrés de longitude jusqu'au bord de la mer orientale.

Les Moungales de l'ouest vivent du produit de leur bétail, qui consiste en chevaux, chameaux, vaches & brebis. Ils conservent le culte du Dalaï<-> Lama, quoiqu'ils ayent un grand - prêtre particulier appellé Kutuchta. Ils obéissent à un kan, qui étoit autrefois comme le grand kan de tous les Moungales; mais depuis que les Moungales de l'est se sont empa<cb-> rés de la Chine, il est beaucoup déchu de sa puissance cependant il peut encore mettre cinquante mille chevaux en campagne. Plusieurs petits kans de Moungales, qui habitent vers les sources de la Jéniséa & les deserts de Gobi, lui sont tributaires, & quoiqu'il se soit mis lui - même sous la protection de la Chine pour être d'autant mieux en état de tenir tête aux Callmoucks, cette soumission n'est au fonds qu'une soumission précaire & honoraire. Il ne paye point de tribut à l'empereur de la Chine, qui le redoute même plus qu'aucun autre de ses voisins, & ce n'est pas sans raison; car s'il lui prenoit jamais fantaisie de s'unir avec les Callmoucks contre la Chine, la maison qui regne présentement dans cet empire, n'auroit qu'à se tenir ferme sur le trône.

Les Moungales de l'est ressemblent aux Moungales de l'ouest, excepté qu'ils sont plus blancs, sur - tout le sexe. Ils ont des demeures fixes, & même des villes & des villages; mais leur religion n'est qu'un mélange du culte du Dalai - Lama & de celui des Chinois. Ils descendent presque tous des Mogouls fugitifs de la Chine; & quoiqu'ils ayent encore quelques petits princes qui portent le titre de kan, c'est une légere satisfaction que la cour de Pekin veut bien leur laisser. Leur langue est un mélange de la langue chinoise & de l'ancienne langue mogoule, qui n'a presque aucune affinité avec la langue des Moungales de l'ouest.

Les Tartares Nogais, Nogaiens, de Nagaï, de Nagaïa ou Nagaiski, occupent la partie méridionale des landes d'Astracan, & habitent vers les bords de la mer Caspienne, entre le Jaïck & le Wolga: ils ont les Cosaques du Jaïck pour voisins du côté de l'orient; les Callmoucks dépendans de l'Ajuka - Chan du côté du septentrion; les Circasses du côté de l'occident, & la mer Caspienne les borne vers le midi.

Les Tartares Nogais sont à - peu - près faits comme ceux de Daghestan, excepté que pour surcroit de difformité, ils ont le visage ridé comme une vieille femme. Ils logent sous de petites huttes, & campent pendant l'été dans les endroits où ils trouvent les meilleurs pâturages. Ils vivent de la chasse, de la pêche & de leur bétail. Quelques - uns même s'attachent à l'agriculture. Ils sont maintenant soumis à la Russie, mais sans être sujets à d'autre contribution que celle de prendre les armes toutes les fois que l'empereur de Russie le demande; & c'est ce qu'ils font avec plaisir, parce qu'ils ont les mêmes inclinations que tous les autres tartares mahométans, c'est - à - dire d'être fort âpres au butin. Ils peuvent armer jusqu'à vingt mille hommes, & ne vont à la guerre qu'à cheval.

Les Tartares Télangouts habitent aux environs du lac que les Russes appellent Osero - téleskoi, & d'où la grande riviere Obi prend sa source. Ils sont sujets du Coutaisch, & menent à - peu - près la même vie que les autres callmoucks.

Les Tartares Tongous ou Tunguses, sont soumis à l'empire russien. Ces peuples occupent à - présent une grande partie de la Sibérie orientale, & sont divisés par les Russes en quatre branches principales, savoir:

1°. Les Podkamena - Toungousi, qui habitent entre la riviere de Jéniséa & celle de Léna, au nord de la riviere d'Angara. 2°. Les Sabatski - Toungousi, qui habitent entre la Léna, & le fond du golfe de Kamtzchatka, vers les 60 degrés de latitude au nord de la riviere d'Aldan. 3°. Les Olenni - Toungousi, qui habitent vers les sources de la Léna, & de la riviere d'Aldan, au nord de la riviere d'Amur. 4°. Les Conni - Toungousi, qui habitent entre le lac Baikal & la ville de Nerzinskoi, & le long de la riviere d'Amur.

Il n'est pas difficile d'appercevoir que ces peuples [p. 923] sont issus d'un même sang avec tous les autres tartares, parce qu'ils ont à - peu - près les mêmes inclinations & la même physionomie; cependant ils ne sont pas tout - à - fait si basannés & si laids que les Callmoucks, ayant les yeux beaucoup plus ouverts, & le nez moins écrasé que ne les ont ces derniers. Ils sont pour la plûpart d'une taille haute & robuste, & sont généralement plus actifs que les autres peuples de la Sibérie.

Les Podkamena - Toungousi & les Sabatski - Toungousi ne different guere en leur maniere de vivre des Ostiakes & des Samoyedes leurs voisins. Ils portent en hiver des habits de peaux de cerfs ou de rennes, le poil en dehors, & des culottes, bas & souliers de ces mêmes peaux tout d'une piece. Ils vivent en été de la pêche, & dans l'hiver de la chasse. Ils n'ont point d'autres prêtres que quelques schammans, qu'ils consultent plutôt comme des sorciers, que comme des prêtres.

Les Olenni - Toungousi vivent pareillement de la chasse & de la pêche; mais ils nourrissent en même tems des bestiaux, & s'habillent tant en été qu'en hiver de peaux de brebis, ou de jeunes daims; ils se servent de bonnets de peaux de renards qu'ils peuvent abattre à l'entour du cou lorsqu'il fait bien froid.

Les Conni - Toungousi sont les moins barbares de tous ces peuples; ils se nourrissent quasi tous de leur bétail, & s'habillent à - peu - près comme les Moungales, auxquels ils ressemblent beaucoup en toutes choses. Ils coupent leurs cheveux à la façon des Callmoucks & des Moungales, & se servent des mêmes armes qu'eux; ils ne cultivent point de terres; mais au - lieu de pain, ils se servent des oignons de lis jaunes qui croissent en grande quantité en ces quartiers, dont ils font une sorte de farine après les avoir séchés; & de cette farine ils préparent une bouillie qu'ils trouvent délicieuse: ils mangent aussi bien souvent les oignons lorsqu'ils sont séchés, sans en faire de la farine; ils sont bons hommes de cheval, & leurs femmes & leurs filles montent également à cheval, & ne sortent jamais sans être armées.

Tous les Toungouses en général sont braves & robustes; ils habitent des huttes ou maisons mouvantes; leur religion est à - peu - près la même par - tout, & ils prennent autant de femmes qu'ils en peuvent entretenir. Il n'y a qu'un petit nombre de conni - toungousi qui obéissent à la Chine; le reste de ce peuple est sous l'obéissance de la Russie, qui en tire les plus belles pelleteries de la Sibérie.

Les Tartares Usbecks habitent la grande Bucharie & le pays de Charass'm. La grande Bucharie est une vaste province de la grande Tartarie, & elle renferme les royaumes de Balk, de Samarcande & de Boikkahrah. Les Usbecks de la grande Bucharie viennent camper ordinairement aux environs de la riviere d'Amur, & dans les autres endroits où ils peuvent trouver de bons pâturages pour leur bétail, en attendant des occasions favorables de brigandage. Ils font des courses sur les terres voisines des Persans, ainsi que les Usbecks du pays de Charass'm; & il n'y a ni paix, ni treve qui puisse les empêcher de piller, parce que les esclaves & autres effets de prix qu'ils ravissent, font toute leur richesse. Lorsque leurs forces sont réunies, ils peuvent armer une quarantaine de mille hommes d'assez bonne cavalerie.

Tous les Tartares tirent leur nom d'un des fils d'Alanza - Cham, appellé Tatar, qui le donna à sa tribu, d'où il a passé aux alliés de cette tribu, & ensuite à toutes les branches des peuples barbares de l'Asie, qui butinoient sur leurs voisins, tant en tems de paix qu'en tems de guerre; cependant ils ont porté le nom de turcs, jusqu'à ce que Genghis - Chan les ayant rangés sous son joug, le nom de turcs est insensiblement venu à se perdre, & a fait place à celui de tartares, sous lequel nous les connoissons à - présent. Quand Genghis - Chan eut envahi l'Asie méridionale, & qu'on eut conçu que ce prince des Mogoules étoit en même tems le souverain des Tartares, on choisit de donner à tous les peuples de ces quartiers le nom de Tartares qu'on connoissoit, par préférence à celui de Mogoules dont on n'avoit jamais entendu parler.

Les Tartares tant mahométans que Callmoucks Moungales, prennent autant de femmes légitimes qu'ils veulent, ainsi qu'un grand nombre de concubines, qu'ils choisissent d'ordinaire parmi leurs esclaves; mais les enfans qui naissent des unes & des autres sont également légitimes & habiles à hériter de leurs peres.

Tous les Tartares sont accoutumés de tirer la même nourriture des chevaux que nous tirons des vaches & des boeufs; car ils ne mangent communément que de la chair de cheval & de brebis, rarement de celle de boeuf ou de vache, qu'ils n'estiment pas à beaucoup près si bonne. Le lait de jument leur sert aux mêmes usages qu'à nous le lait de vache, & on assure que le lait de jument est meilleur & plus gras. Outre cela, il est bon de remarquer que presque dans toute la Tartarie, les vaches ne souffrent point qu'on les traye; elles nourrissent à la vérité leurs veaux, mais d'abord qu'on les leur ôte, elles ne se laissent plus approcher, & perdent incessamment leur lait, en sorte que c'est une espece de nécessité qui a introduit l'usage du lait de jument chez les Tartares.

Ils ont une maniere singuliere de combattre, dans laquelle ils font fort habiles. En allant à l'action, ils se partagent sans aucun rang, en autant de troupes qu'il y a d'hordes particulieres qui composent leur armée, & chaque troupe a son chef à la tête. Ils ne se battent qu'à cheval, & tirent leurs fleches en fuyant avec autant d'adresse qu'en avançant; en sorte qu'ils trouvent toujours leur compte à harceler les ennemis de loin, en quoi la vîtesse de leurs chevaux leur est d'un grand secours.

Ils ont tous une exacte connoissance des aimacks ou tribus dont ils sont sortis, & ils en conservent soigneusement la mémoire de génération en génération. Quoique par la suite du tems une telle tribu vienne à se partager en diverses branches, ils ne laissent pas pour cela de compter toujours ces branches pour être d'une telle tribu; en sorte qu'on ne trouvera jamais aucun tartare, quelque grossier qu'il puisse être d'ailleurs, qui ne sache précisément de quelle tribu il est issu.

Chaque tribu ou chaque branche séparée d'une tribu, a son chef particulier pris dans la tribu même, qui porte le nom de mursa; & c'est proprement une espece de majorat qui doit tomber d'aîné en aîné dans la postérité du premier fondateur d'une telle tribu, à moins que quelque cause violente ne trouble cet ordre de succession. Un tel mursa doit avoir annuellement la dixme de tous les bestiaux de ceux de sa tribu, & la dixme du butin que sa tribu peut faire lorsqu'elle va à la guerre.

Les familles qui composent une tribu, campent d'ordinaire ensemble, & ne s'éloignent pas du gros de l'horde sans en faire part à leur mursa, afin qu'il puisse savoir où les prendre lorsqu'il veut les rappeller. Ces murses ne sont considérables à leur chan, qu'à proportion que leurs tribus sont nombreuses; & les chans ne sont redoutables à leurs voisins, qu'autant qu'ils ont beaucoup de tribus, & des tribus composées d'un grand nombre de familles sous leur obéissance. C'est en quoi consiste toute la puissance, la grandeur & la richesse d'un chan des Tartares.

C'est une coutume qui a été de tout tems en usage chez les Tartares, que d'adopter le nom du prince, pour lui marquer leur affection; j'en citerai pour preuve le nom de Moguls ou Mungales, & celui de

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