ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"574"> avoit de la continuation d'un dictionnaire qui auroit honoré la nation, sont malheureusement aujourd'hui très - foibles (c). On ne se flatte plus guere de lire les articles Régie & Régisseur, qui eussent sans doute offert une réfutation complette de ceux qui contiennent des réflexions mal digérées, des assertions légeres & une critique peu judicieuse de plusieurs passages de l'esprit des lois. Il faut donc tâcher de les détruire dans un morceau particulier, & d'empêcher que l'étranger ne se méprenne sur les idées qu'ont les François du crédit & de la finance.

Un coup - d'oeil rapidement jetté sur les doutes proposés à l'auteur de la théorie de l'impôt, conduira naturellement à l'examen des mots ferme & financier, où l'on retrouve les mêmes principes de la citation entiere desquels l'anonyme s'est servi contre l'ouvrage de M. de M....

Je tombe (p. 38.) sur une observation fausse & perfide: fausse, parce qu'elle donne à une phrase un sens dont elle n'est point susceptible: perfide, parce qu'elle dénonce une expression innocente sous un rapport odieux. M. de M.... a dit: lorsque les peuples reçoivent un chef, soit par élection, soit par droit héréditaire, sur quoi l'on observe avec affectation, que recevoir ne peut s'entendre que de ce qu'on a droit de refuser: or, ajoute - t on, dans un royaume héréditaire, le choix ne dépend pas du peuple. M. de M.... avoit - il laissé la moindre équivoque? En écrivant droit hériditaire, n'établissoit - il pas que le peuple ne pouvoit, ni refuser, ni choisir, puisque son souverain l'étoit de droit?

M. de M.... a témoigné (p. 158. & 161.) ses allarmes sur l'abus qu'on pouvoit faire de la souveraineté; on lui en fait un crime grave (p. 140. des doutes). Eh quoi! cette appréhension contredit - elle la confiance qu'il a dans la bonté paternelle du souverain? Quand on voit la flatterie empressée à empoisonner le coeur des rois; quand on réfléchit sur la facilité & sur le penchant qu'ont tous les hommes à être injustes, dès qu'ils ne sont point arrêtés par le frein de la loi; quand on médité fur les suites de cet abus fatal aux moeurs qu'il corrompt, à la liberté qu'il enleve & à l'humanité qu'il dégrade, le vrai citoy en peutil trop multiplier les avis, les prieres, les images & tous les ressorts de cette éloquence qui maîtrise l'ame?

« J'employe, a - t - on dit dans la théorie de l'impôt, (p. 187.) cinq mille livres que rapporte ma terre, au loyer d'une maison; si le fisc prétend encore son droit sur cette location, il tire d'un sac deux moutures ». Sûrement ce raisonnement n'est point solide, mais la replique ne l'est pas davantage: car soutenir (p. 64. des doutes), que c'est le propriétaire de la maison & non le locataire qui paye l'imposition, c'est avancer que c'est le marchand, & non l'acheteur particulier, qui est chargé des droits d'entrée, tandis que les loyers, comme les marchandises, augmentent en raison des impôts qu'ils supportent: il falloit se borner à prouver que la possession qui donne un revenu, est très - distincte de l'emploi qu'on peut faire de ce même revenu; que la propriété d'un fonds est indépendante d'une location; & qu'ainsi les droits imposés tombent sur deux objets réellement différens, quoique réunis sous la même main.

L'anonyme veut démontrer à M. de M...(p. 70.) que le premier objet du contrôle des actes, est d'en constater la date & d'en assurer l'authenticité, & que le droit qu'on a joint à la formalité, n'en change point la véritable destination. L'anonyme s'est trompé: la quotité exorbitante du droit contredit absolument le but du législateur, puisqu'il est de fait que les par<->

(c) L'auteur ne parloit pas sans beaucoup de vraissemblance. Les jésuites existoient encore lorsqu'il écrivoit.
ticuliers aiment mieux encourir les peines de nullité & la privation d'hypotheque, en rédigeant leurs conventions sous signature privée, que d'acquitter les droits immenses auxquels sont assujettis les contrats publics. Est - on quelquefois contraint d'en passer? on ne balance pas alors à s'exposer aux dangers d'un procès, en supprimant des clauses dont l'énonciation rendroit la formalité trop dispendieuse, ou en les embrouillant pour tâcher d'en soustraire la connoissance aux yeux avides du traitant. C'est ainsi que la condition du sujet est devenue pire qu'elle n'étoit avant l'établissement du contrôle: si la sûreté étoit alors moins grande à certains égards, elle l'étoit plus à d'autres; & certainement elle étoit plus générale: la mauvaise foi altéroit moins d'actes que la crainte des droits n'en annulle aujourd'hui que les riches seuls peuvent s'y soumettre. Je dis la même chose de l'insinuation & du centieme denier; en applaudissant à l'institution, je demande que la loi soit certaine, pour que la perception ne soit pas arbitraire; qu'elle soit claire, pour que celui qui paye sache pourquoi il paye; que le droit soit léger, pour que sa modicité permette de jouir de l'avantage qu'il procure; qu'il soit volontaire, pour que le peuple conçoive que c'est en sa faveur, & non pas en faveur d'un fermier qu'il se leve & qu'il est établi. Le centieme denier, par exemple, dit l'auteur, est représentatif de lods & ventes; je le prie de me dire pourquoi on en exige, lors même que les mutations ne donnent pas ouverture aux droits seigneuriaux? Plusieurs questions de ce genre convaincroient que le légal des édits n'est qu'un prétexte, & que le bursal en est le motif.

Que veut - on dire par cette sentence énigmatique: l'oisiveté a son utilité, ce qu'elle consomme est son tribut? (p. 166.) Ignore - t - on que quand quelqu'un ne fait rien, un autre meurt de faim dans l'empire? qu'il ne peut y avoir dans un corps politique parfaitement sain, un membre qui reçoive sans donner? que le tribut n'en sauroit être passif? Voilà cependant ce que l'auteur des doutes appelle une vérité qu'il faudroit méditer pour en découvrir d'autres; elles seroient probablement du même genre: on apprendroit, par exemple, que l'oisif est maître de son loisir (p. 168.), ce qui ne laisse pas que de composer un bon fonds pour asseoir un impôt.

On accuse aussi M. de M. de s'interdire les ressources du crédit (p. 170.), & on raisonne à perte de vue d'après cette supposition qui est très - gratuite. L'ami des hommes exclut le crédit, qui ne consiste qu'en expédiens, qui ne vient que des pertes que le roi fait avec certaines compagnies; qui excede le degré fondé sur le revenu général de la nation; qui détruit les arts, l'industrie, le commerce, après avoir anéanti la population & l'agriculture; qui ayant desséché le germe de la prospérité d'un état, le deshonore & l'expose à une révolution funeste; mais il est le partisan de ce crédit, qui naît de la confiance & d'une administration éclairée (théorie de l'impôt, p. 160.), qui est conséquent à ce principe: faites peu d'engagemens, & acquittez - les exactement. En effet, la faculté d'emprunter, qui porte sur l'opinion conçue de l'assurance du payement, constitue l'essence du crédit solide; elle n'entraîne ni la création de nouveaux impôts, ni l'extension des anciens; & voilà celle qu'adopte un ministre intelligent.

M. de M... a parlé de la cession des restes du bail des fermes générales (p. 405, 406, &c. de la théorie de l'impôt); il en sollicite une severe liquidation. Son critique répond à ses plaintes sur ce sujet, en dissertant sur l'abus qu'il y avoit de les comprendre dans des affaires particulieres, comme on faisoit autrefois, au lieu de les réunir à la nouvelle adjudication, comme on fait depuis quelque tems. De ce que [p. 575] l'abus étoit très - grand dans la forme passée, s'ensuit - il que la présente n'en ait aucun? Et si elle en a, n'eston pas autorisé à s'en plaindre (d)? N'est - il pas de l'injustice la plus criante de laisser subsister ces recherches interminables, contre lesquelles le citoyen ne peut jamais assurer sa tranquillité, & d'exiger des arrérages de vingt années, lorsqu'on restreint à deux les répétitions que les parties qui ont trop payé sont en droit de demander?

« Ce mot de liberté, que chacun interprete ou confirme, admet ou rejette, fait aujourd'hui la base la plus générale des projets, des écrits & des conversations: on en a même fait une sorte de cri de guerre, un signal de combat; il nous est venu d'Angleterre, & peut - être n'est - ce pas - là un des moindres torts que nous aient fait nos voisins ». Cet étonnant langage, qu'un esclave avili sous un despote de l'Orient auroit de la peine à prononcer, se trouve à la page 186 des doutes. N'est - on pas indigné de tant d'humiliation? Un roi, le pere de ses peuples, peut - il être plus noblement loué, que lorsque la liberté fait la base des écrits, des projets & des conversations? C'est l'éloge le plus pur & le plus attendrissant qu'on puisse faire d'un souverain, que de s'entretenir devant lui du plus grand des biens. On ne le prononce pas sous un tyran, ce mot sacré; il ne vient point de l'Angleterre, la nature l'a gravé dans tous les coeurs; il est le cri du plus mâle des sentimens. On ne comprend point comment on a pu se permettre, à ce sujet, une sortie contre des livres anglois, qu'on feroit très - bien d'étudier avant d'en haiarder dans sa propre langue.

Par une suite des grandes vues de l'anonyme, il ne s'en fie pas à l'intérêt pour éclairer les hommes sur l'espece de culture & de commerce qu'ils doivent choisir; il veut qu'on décide à Paris, si ce sont des oliviers qui conviennent à la Provence & des manufactures de soie à la ville de Lyon.

En voilà assez, & peut - être trop, pour indiquer la maniere du contradicteur de M. de M... Il est tems d'abandonner une critique qui ne respire, ni la chaleur de la bienfaisance, ni le courage de la justice, pour s'attacher à effacer ce que l'Encyclopédie offre de pernicieux sous les deux articles ferme, (finance) & financier.

Observations sur les articles ferme, finance, & financier de ce Dictionnaire. « Ferme du roi, sinance. Il ne s'agit dans cet article que des droits du roi que l'on est dans l'usage d'affermer; & sur ce sujet on a souvent demandé laquelle des deux méthodes est présérable, d'affermer les revenus publics ou de les mettre en régie »?

Premier principe de M. de Montesquieu. « La régie est l'administration d'un bon pere de famille, qui leve lui - même avec économie & avec ordre, ses revenus ».

Observations de M. P* * *. Tout se réduit à savoir, si dans la régie il en coûte moins au peuple que dans la ferme; & si le peuple payant autant d'une façon que de l'autre, le prince reçoit autant des régisseurs que des fermiers. Car s'il arrive dans l'un ou dans l'autre cas (quoique par un inconvénient différent) que le peuple soit surchargé, poursuivi, tourmenté, sans que le souverain reçoive plus dans une hypothèse que dans l'autre; si le régisseur fait perdre par sa négligence, ce que l'on prétend que le fermier gagne par exaction, la ferme & la régie ne seront - elles pas également propres à produire l'avantage de l'état, dès

(d) Un ministre auquel un étranger demanderoit pourquoi il n'y a pas au - moins dans la capitale une salle où l'on puisse représenter convenablement les chef - d'oeuvres du théatre francois, répondroit il en disant qu'autrefois une populace d'importuns se mêloit à un sénat romain, qu'Athalie avoit un panier, & que ces grossieretés ridicules sont abolies?
que l'on voudra & que l'on saura bien les gouverner? Peut - être néanmoins pourroit - on penser avec quelque fondement, que dans le cas d'une bonne administration, il seroit plus facile encore d'arrêter la vivacité du fermier, que de hâter la lenteur de ceux qui régissent, c'est - à - dire qui pronnent soin des intérêts d'autrui.

Quant à l'ordre & à l'économie, ne peut - on pas avec raison imaginer qu'ils sont bien moins observés dans les régies que dans les sermes; puisqu'ils sont confiés; savoir, l'ordre à des gens qui n'ont aucun intérêt de le garder dans la perception, l'économie à ceux qui n'ont aucune raison personnelle d'épargner les frais du recouvrement? C'est une vérité dont l'expérience a fourni plus d'une fois la démonstration.

Réponses. Si de la solution de cette premiere question dépendoit celle de la thèse générale, le principe de M. de Montesquieu auroit bientôt force de loi. Le régime le plus sage ne peut imprimer la perfection à aucun établissement, il ne peut que diminuer à un certain point, le nombre & la grandeur des abus. Laissons donc à la régie & à la ferme ceux dont elles sont susceptibles, & nous serons convaincus que le peuple paye plus dans la seconde que dans la premiere. La négligence ne poursuit ni ne surcharge; elle est lente, elle oublie; mais elle ne tourmente pas. Si elle fait perdre, c'est au souverain, qui dans une bonne administration doit compter sur ces pertes légeres en elles mêmes, utiles à plusieurs citoyens, par - là faciles à réparer; puisqu'elles laissent des moyens dont le gouvernement peut se ressaisir dans des tems orageux. Cette méthode ne peut donc avec son abus, nuire à l'état. Il n'en est pas ainsi de l'exaction; le petit nombre qui l'exerce est le seul qui en profite: un peuple est écrasé, & le prince ne s'enrichit point. Le royaume sera épuisé, sans que le trésor - royal soit rempli: les gains extraordinaires attaqueront les ressources dans leur principe, & les enfans n'auront, dans les plus pressans besoin de leur pere, que des voeux stériles à lui offrir. Ceux qui connoîtront les hommes & les gouvernemens, avoueront que dans une monarchie, l'ardeur de l'intérêt particulier est bien plus impossible à réprimer, qu'il n'est difficile d'exciter le zele & de s'assurer de l'exactitude de ceux qui prennent soin des intérêts d'autrui. Accordons cependant, que l'un n'est pas plus aisé que l'autre, & il n'en sera pas moins évident que la paresse de la régie est préférable à la cupidité de la ferme.

Tout homme aime l'ordre & l'observe, tant que son intérêt ne s'y oppose point. C'est parce que le régisseur n'en a aucun à la perception, qu'elle sera juste: mais le fermier, dont les richesses augmentent en raison de l'étendue des droits, interprétera, éludera & forcera sans cesse la loi; seul il multipliera les frais, parce qu'ils déterminent le recouvrement qui est le mobile de sa fortune, & qui est, comme nous l'avons supposé, indifférent au régisseur.

Second principe de M. de Montesquieu. « Par la régie, le prince est le maître de presser ou de retarder la levée des tributs, ou suivant ses besoins, ou suivant ceux de son peuple ».

Observations. Il l'est également quand ses revenus sont affermés, lorsque par l'amélioration de certaines parties de la recette & par la diminution de la dépense, il se met en état de se relâcher du prix du bail convenu, ou d'accorder des indemnités: les sacrifices qu'il fait alors en faveur de l'agriculture, du commerce & de l'industrie se retrouvent dans un produit plus considérable des droits d'une autre espece. Mais ces louables opérations ne sont, ni particulieres à la régie, ni étrangeres à la ferme; elles dépendent dans l'un & dans l'autre cas d'une administration, qui mette

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