ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"504"> grandeur prises sur les ennemis, & portées sur deux cens cinquante chariots.

D'un autre côté, la multitude des statues qui se faisoient perpétuellement dans Rome étoit si grande, que l'an 596 de la fondation de cette ville les censeurs P. Cornelius Scipio & M. Popilius se crurent obligés de faire oter des marchés publics les statues de particuliers & de magistrats ordinaires, qui les remplissoient, attendu qu'il en restoit encore assez pour les embellir, en laissant seulement celles de ceux qui en avoient obtenu le privilege par des decrets du peuple & du sénat.

Entre les statues que les censeurs réformerent, je ne dois pas oublier celle de Cornélie, mere des Gracches, ni celles d'Annibal, qui prouvoient du moins la noble façon de penser des Romains. Je crois que Pline se dégrade, quand il lui échappe de dire à l'occasion de ces dernieres, & adeò diserimen omne sublatum, ut Annibalis etiam statuae, tribus locis visebantur in urbe cujus intrà muros solus hostium emisit hastam.

Cependant la séverité des censeurs que nous venons de nommer, ne put éteindre une passion si dominante, & qui s'accrut encore sur la fin de la république, ainsi que sous le regne d'Auguste & de ses successeurs. L'empereur Claude fit des lois inutiles pour la modérer. Cassiodore qui fut consul 463 ans après la mort de ce prince, nous apprend que le nombre des statues pédestres qui se trouvoient dans Rome de son tems, égaloit à - peu - pres le nombre des habitans de cette grande ville, & les figures équestres excédoient celui des chevaux. En un mot, les statues de prix étoient si nombreuses, qu'il taliut créer des officiers pour garder nuit & jour ce peuple de statues, & ces troupeaux de chevaux, si je puis parler ainsi, dispersés dans toutes les rues, palais & places publiques de la ville. Cet amas prodigieux de statues demandoit autant d'habileté pour en empêcher le pillage qu'on avoit mis d'art à les faire, & de soin à les fixer en place: nam quidem populus copiosissimus statuarum, greges etiam abundantissimi equorum, tali sunt cautela servandi, quali & curâ videntur affiai.

Mais entre tant de statues publiques de Rome, il s'en trouva une seule à la garde de laquelle on imagina de pourvoir d'une façon bien singuliere. Peut - être pensez - vous que c'étoit une statue d'or massif, qui se trouvoit posée devant la maison d'un riche affranchi, d'un traitant ou d'un munitionnaire de vivres? Point du tout. Eh bien, la statue en bronze ou en marbre de quelque civinité tutélaire des Romains? Non. La statue d'un demi - dieu, de l'Hercule de Tarente, de Castor, de Pollux? Nullement. La statue de quelque héros du sang des empereurs, de Marcellus, de Germanicus? En aucune façon. C'etoit la figure d'un chien qui se léchoit une plaie; mais cette figure étoit si vraie, si naturelle, d'une exécution si parfaite, qu'on décida qu'elle méritoit d'être mise sous un cautionnement nouveau dans la chapelle de Minerve, au temple de Jupiter capitolin. Cependant comme on ne trouva personne assez riche pour cautionner la valeur de ce chien, les gardiens du temple furent obligés d'en répondre au péril de leur vie. Ce n'est point un fait que j'imagine ou que je brode, j'ai pour garant l'autorité & le témoignage de Pline, dont voici les propres paroles, l. XXXIV. c. vij. canis eximium miraculum, & indiscreta veri similitudo, non eò solùm intelligitur, quòd ibi dicata fuerat, verùm, & nova satisdatione, nam summa nulla par videbatur, capite tutelari cavere proetio, instituti publici fuit.

Il faut terminer ce discours qui, quoiqu'un peu long pour cet ouvrage, n'est qu'un précis fort abrégé des recueils que j'ai faits sur les statues de la Grece & de Rome. Aussi me suis - je moins proposé de tout dire que de piquer & d'étendre la curiosité. Il est bon de joindre à la lecture de Pausanias & de Pline la dissertation de Frigelius, de statuis illustrium romanorum, dont le petit livre de François Lemée n'est qu'un extrait. Le traité des statues de Calistrate, traduit par Vigenere à la fin des images des deux Philostrates, avec les notes du traducteur, est plein d'érudition; mais les ouvrages des savans d'Italie méritent encore plus d'être étudiés.

Enfin nous n'avons ici considéré que l'historique; l'art statuaire, qui renferme d'autres détails intéressans liés de près à cet article, a été discuté avec recherches au mot Sculpture ancienne & moderne; & les artistes célebres ont été soigneusement dénommés avec des observations sur l'art même aux mots Sculpteurs anciens, & Sculpteurs modernes. On a même pris soin de décrire les belles statues antiques qui nous sont parvenues. Voyez Bas - Relief, Gladiateur, Hercule, Laocoon, Rotateur, Vénus de Médicis, & autres. (Le chevalier de Jaucourt.)

Statue (Page 15:504)

Statue, (Critique sacrée.) image taillée pour être adorée; Moise les defend totalement aux Hébreux, Deuter. xvj. 22. Il est parlé dans l'Ecriture de la statue d'or que Nabuchodonosor fit dresser dans la plaine de Dura; elle avoit soixante coudées de haut, & six de large; il est apparent qu'il l'avoit érigée en l'honneur de Bel. Mais le changement de la femme de Loth en statue de sel, Genes xix. 26. a plus excité l'attention des commentateurs de l'Ecriture que la statue de Nabuchodonosor. Quelques critiques pensent que le corps de la femme de Loth s'étant incrusté de nitre de la mer - Morte, Moïse a pu appeller statue de sel un corps ainsi pétrifié. D'autres savans prétendent avec plus de vraissemblance, que le texte de l'Ecriture doit s'entendre figurément d'un état d'immobilité, dans lequel cette femme curieuse demeura; & que ces mots changée en statue de sel, signifient comme en statue de sel, comparaison ordinaire à des habitans d'un pays qui abondoit en masses de sel nitreux. (D. J.)

STATUER (Page 15:504)

STATUER, v. act. (Gram.) c'est arrêter par un statut, apres examen, délibération. Voyez Statut.

STATURE (Page 15:504)

STATURE, s. f. (Gram.) est la grandeur & la hauteur d'un homme. Ce mot vient du latin statura, qui est formé de stare, être debout.

La stature ou taille d'un homme est admirablement bien proportionnée aux circonstances de son existence. Le docteur Grew observe que si l'homme eût été nain, il eût difficilement pu être une créature raisonnable: car pour cet effet, ou il auroit eu une grosse tête, & son corps & son sang n'auroient pas pu fournir assez d'esprits à son cerveau; ou s'il eût eu la tête petite & proportionnée, il n'auroit pas eu de cervelle suffisamment pour remplir ses fonctions. De plus, si l'homme eût été géant, il n'eût pas pu si commodément trouver des nourritures, parce que la quantité des bêtes propres à la nourriture de l'homme n'auroit pas été suffisante; ou si les bêtes avoient été plus grosses à proportion, on n'auroit jamais pu trouver assez de pâturages pour les nourrir, &c. Voyez Nain, Géant.

Cependant c'est le sentiment commun, même depuis le tems d'Homere, que dans les siecles les plus reculés les hommes surpassoient de beaucoup les modernes en grandeur; & nous voyons à la vérité que les histoires, tant sacrée que prophane, font mention d'hommes dont la taille étoit surprenante; aussi ces histoires en parlent - elles comme de Géans.

M. Derham observe, qu'il est très - probable que la taille des hommes étoit au commencement du monde telle qu'elle est à présent; comme on peut l'es<pb-> [p. 505] timer par les tombeaux, momies, &c. qui subsistent encore. Le plus ancien tombeau qui existe est celui de Cheops dans la premiere pyramide d'Egypte, qui suivant l'observation de M. Gréaves ne surpasse de gueres la grandeur de nos cercueils ordinaires. Sa cavité, dit - il, n'a que 6. 488 piés de long, & 2. 218 piés de large, & 2. 160 de profondeur: de ces dimentions & de celles de différens corps embaumés qu'il a apportés d'Egypte, cet auteur exact conclud que la nature ne décroît point, & que les hommes de notre tems sont de la même taille que ceux qui vivoient il y a trois mille ans.

M. Hakewell nous fournit d'autres exemples plus modernes à joindre à ces observations: les tombeaux qui sont à Pise, & qui ont quelques mille ans d'antiquité, ne sont pas plus longs que les nôtres. On peut dire la même chose de celui d'Athelstan qui est dans l'église de Malmsbury, de celui de Sheba, dans saint Paul, qui sont de l'année 693, &c.

Les anciennes armures, écus, vases, &c. qu'on a déterrés de nos jours, fournissent la même preuve: par exemple, le casque d'airain qu'on a déterré à Metaurum, est propre pour servir à un homme de notre tems; cependant on prétend que c'est un de ceux qui ont été laissés lors de la défaite d'Asdrubal. Joignez à tout cela qu'Auguste avoit 5 piés 9 pouces de haut, qui étoit la taille de la reine Elisabeth; avec cette différence seulement, qu'en évaluant le pié romain avec le nôtre, la reine avoit deux pouces de plus que cet empereur.

STATUT (Page 15:505)

STATUT, s. m. (Gram. & Jurisprud.) est un terme générique qui comprend toutes sortes de lois & de réglemens.

Chaque disposition d'une loi est un statut, qui permet, ordonne ou défend quelque chose.

Il y a des statuts généraux, il y en a de particuliers; les premiers sont des lois générales qui obligent tous les sujets: les statuts particuliers sont des réglemens faits pour une seule ville, pour une seule église ou communauté, soit laïque, soit ecclésiastique, séculiere ou réguliere: chaque corps d'arts & métiers a ses statuts: les ordres réguliers, hospitaliers & militaires en ont aussi.

Un des points les plus difficiles à bien démêler dans la jurisprudence, c'est de déterminer la nature & le pouvoir des statuts, c'est - à - dire, en quel cas la loi doit recevoir son application.

En général les coutumes sont réelles, clauduntur territorio; cependant on est souvent embarrassé à déterminer quel statut ou coutume on doit suivre pour la décision d'une contestation. Souvent le statut du domicile se trouve en concurrence avec les différens statuts de la situation des biens, avec celui du lieu où l'acte a été passé, du lieu où l'exécution s'en fait; & pour connoitre le pouvoir de chaque statut, & celui d'entr'eux qui doit prévaloir, il faut d'abord distinguer deux sortes de statuts, les uns personnels, les autres réels.

Les statuts personnels sont ceux qui ont principalement pour objet la personne, & qui ne traitent des biens qu'accessoirement; tels sont ceux qui regardent la naissance, la légitimité, la liberté, les droits de cité, la majorité, la capacité ou incapacité de s'obliger, de tester, d'ester en jugement, &c.

Les statuts réels sont ceux qui ont pour objet principal les biens, & qui ne parlent de la personne que relativement aux biens; tels sont ceux qui concernent les dispositions que l'on peut faire de ses biens, soit entre - vifs ou par testament.

Quelques auteurs distinguent une troisieme espece de statuts, qu'ils appellent mixtes; savoir, ceux qui concernent tout - à - la fois la personne & les biens; mais de cette maniere la plûpart des statuts seroient mixtes, n'y ayant aucune loi qui ne soit faite pour les personnes, & aussi presque toujours par rapport aux biens. A dire vrai, il n'y a point de statut mixtes, ou du moins qui soient autant personnels que réels; car il n'y a point de statuts qui n'ait un objet principal; cet objet est réel ou personnel, & détermine la qualité du statut.

Le statut du domicile regle l'état de la personne, & sa capacité ou incapacité personnelle; il regle aussi les actions personnelles, les meubles & effets mobiliers, en quelque lieu qu'ils se trouvent situés de fait.

Le pouvoir de ce statut du domicile s'étend partout pour ce qui est de son ressort; ainsi, celui qui est majeur, selon la loi de son domicile, est majeur partout.

Le statut de la situation des biens, en regle la qualité & la disposition.

Quand le statut du domicile & celui de la situation sont en contradiction l'un avec l'autre, s'il s'agit de l'état & capacité de la personne, c'est le statut du domicile qui doit prévaloir; s'il s'agit de la disposition des biens, c'est la loi de leur situation qu'il faut suivre.

Si plusieurs statuts réels se trouvent en concurrence, chacun a son effet pour les biens qu'il régit.

En matiere d'actes, c'est le statut du lieu où on les passe qui en regle la forme.

Mais il y a certaines formalités qui servent à habiliter la personne, telles que l'autorisation du mari à l'égard de la semme; celles - là se reglent par le statut du domicile, comme touchant la capacité personnelle; d'autres sont de la substance de la disposition même, telles que la tradition & l'acceptation dans les donations; & celles - ci se reglent par le statut du lieu où sont les biens dont on dispense.

Enfin dans l'ordre judiciaire on distingue deux sortes de statuts, ceux qui concernent l'instruction, & ceux qui touchent la décision: pour les premiers, litis ordinatoria, on suit la loi du lieu où l'on plaide: pour les autres, litis decisoria, on suit la loi qui régit les personnes ou leurs biens, selon que l'un ou l'autre est l'objet principal de la contestation.

Quelques statuts sont seulement négatifs, d'autres prohibitifs, d'autres prohibitifs - négatifs.

Le statut simplement négatif, est celui qui déclare qu'une chose n'a pas lieu, mais qui ne défend pas de déroger à sa disposition, comme quand une coutume dit que la communauté de biens n'a pas lieu entre conjoints, & qu'elle ne défend pas de l'établir.

Le statut prohibitif est celui qui défend de faire quelque chose, comme la coutume de Normandie, art. 33. qui porte que quelqu'accord ou convenance qui ait été faite par contrat de mariage, & en faveur d'icelui, les femmes ne peuvent avoir plus grande part aux conquêts faits par le mari, que ce qui leur appartient par la coutume, à laquelle les contractans ne peuvent déroger.

Le statut est prohibitif - négatif lorsqu'il déclare qu'une chose n'a pas lieu, & qu'il défend de déroger à sa disposition: on confond souvent le statut prohibitif avec le prohibitif - négatif.

Quand le statut prononce quelque peine contre les contrevenans, on l'appelle statut pénal. Voyez Loi penale & pfine.

Sur la matiere des statuts, on peut voir Bartole, Balde, Paul de Castre, Christineus, Everard, Tiraqueau, Dumoulin, Dargentré, Burgundus, Rodemburgius, Voet, les mémoires de Roland, les questions sur les démissions de M. Boulenois, & ses dissertations sur les questions qui naissent de la contrariété des lois & coutumes. (A)

Statut de sang (Page 15:505)

Statut de sang, (Hist. d'Angleterre.) c'est ainsi qu'on nomma en Angleterre le reglement qu'Henri VIII. fit en 1539 au sujet de la religion. Il décerna

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