ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"498"> tous les peuples du monde ont consacré de bonne heure les statues à la religion. Les Egyptiens montrerent l'exemple: ces peuples, dit Diodore de Sicile, liv. I. frappés d'admiration en observant le mouvement régulier du soleil & de la lune, les regarderent comme les premieres divinités auxquelles ils se croyoient redevables de toute la douceur de leur vie. Ils bâtirent des temples à leur honneur, poserent à l'entrée de ces édifices sacrés des figures de sphinx, & dans l'intérieur des statues de lions, à cause de l'entrée du soleil dans le signe du lion, au tems des débordemens du Nil, principe de la fertilité de leurs terres dans toute l'étendue de son inondation. Osiris leur avoit enseigné l'agriculture; ils l'honorerent, après sa mort, sous la figure d'une genisse.

La promptitude des Israélites à élever le serpent d'airain, montre que cette nation avoit appris en Egypte l'art de la statuaire. Cet art passa promptement chez les Grecs & chez les Romains, qui chargerent leurs temples de superbes statues, depuis celle de Cybelle jusqu'à celle d'Isis, après qu'ils eurent adopté le polythéïsme.

Il seroit peut - être à souhaiter que les payens n'eussent jamais songé à faire entrer les statues & les images dans leur culte religieux, du - moins le Christianisme épuré pouvoit s'en passer. Le peuple n'est pas capable de s'élever au - dessus des sens; mettant toujours l'accessoire à la place du principal, il cherche à s'acquitter aisément ici la superstition le subjugue, & là la dépravation l'entraîne dans des excès criminels.

Elien, Hist. var. liv. IX. c. xxxjx. rapporte qu'un jeune athénien devint amoureux de la statue de la Bonne Fortune qui étoit dans le Prytanée. Les voeux fréquens qu'il lui présentoit l'échaufferent à un tel point, qu'après avoir trouvé des raisons pour excuser dans son esprit la solie de sa passion, il vint à l'assemblée des prytanes, & leur offrit une grosse somme pour l'acquisition de la statue: on le refasa; il orna la statue avec toute la magnificence qui pouvoit être permise à un particulier, lui fit un sacrifice, & se donna la mort Pline, l. XXXVI. c. jv. Valere - Maxime, VIII. xj. Athenée, l. VIII. Plutarque, in Gryllo; Clément d'Alexandrie, admonit. ad Gentiles; Arnobe, lib. adversus Gentiles, sont remplis d'exemples de ces foiblesses humaines pour les statues de Vénus qu'on voyoit à Gnide & dans l'île de Chypre.

Quoi qu'il en soit, après les dieux, l'honneur des statues fut communiqué aux demi - dieux & aux héros que leur valeur élevoit au - dessus des autres, & qui par des services éclatans s'étoient rendus vénérables à leur siecle.

Quelques - uns ont reçu ces honneurs pendant leur vie, & d'autres les ayant resusés, les ont mérités apres leur mort par un motif de reconnoissance encore moins équivoque. Tel fut Scipion, à qui Rome ne rendit cet éclatant témoignage de son estime que quand il ne fut plus en état de s'y opposer lui - même. Etant censeur, il avoit fait abattre toutes les statues que les particuliers s'étoient érigées dans la place publique, à - moins qu'ils n'eussent été autorisés à le faire par un decret du sénat; & Caton aima mieux que l'on demandât pourquoi on ne lui en avoit point élevé, que si on pouvoit demander à quel titre on lui avoit fait cet honneur - là.

Suétone dit qu'Auguste déclara par un édit que les statues qu'il avoit fait élever en l'honneur des grands hommes de toutes les nations, ne l'avoient été que pour leur servir d'exemple, de même qu'aux princes ses successeurs, & afin que les citoyens en désirassent de semblables. Mais on sait assez que la plûpart de ses successeurs en furent plus redevables à la crainte de leurs sujets qu'à leur propre mérite; aussi sentant bien qu'ils n'avoient rien de semblable à espérer après leur mort, ils se hâtoient de se faire rendre par force ou par complaisance un hommage qui n'étoit dû qu'à la vertu.

Les statues, comme les temples, faisoient une partie considérable des apothéoses dont il est si souvent parlé dans les auteurs de l'histoire d'Auguste; on y trouve un grand détail des cérémonies essentielles qui se pratiquoient en ces occasions, & de tout ce que la flatterie y ajouta pour plaire davartage aux vivans dans des honneurs si légerement décernés aux défunts. Les Romains étoient si scrupuleux dans ces dédicaces de temples ou de statues, qu'ils les auroient recommencées s'ils s'étoient apperçus qu'un seul mot ou même une seule syllabe y eût été obmise; & Pline observe que le pontife Métellus, qui étoit begue, se prépara pendant six mois à prononcer le nom de la déesse Ops - opifera, à laquelle on devoit dédier une statue.

Les législateurs ont été honorés de statues dans presque tous les états; quelques hommes illustres ont partagé avec eux cet honneur; mais d'autres se défiant de la reconnoissance & de l'estime publique, n'attendirent pas qu'on le leur accordât, ils éleverent à eux - mêmes des statues à leurs frais; & c'est peut - être à cette liberté que l'on doit les réglemens qui défendirent d'en ériger sans l'aveu des censeurs. Mais ces ordonnances ne s'éten doient pas sur les statues que les personnes de quelque consideration faisoient poser pour l'ornement de leurs maisons de campagne, où quelquefois à côté des leurs, ils en élevoient pour des esclaves dont les services leur avoient été agréables, ce qui n'étoit pas permis à la ville, du - moins pour les esclaves.

Valere - Maxime dit qu'une statue de Sémiramis la représentoit au même état où elle se trouvoit lorsqu'on vint dire que les habitans de Babylone s'étoient révoltés; elle étoit à sa toilette, n'ayant qu'un côté de ses cheveux relevés; & s'étant présentée en cet état à son peuple, il rentra aussi - tôt dans le devoir.

Cornélius Népos, dans la vie de Chabrias, rapporte que les Athéniens qui honoroient d'une statue les athletes victorieux à quelque jeu que ce fût de la Grece, le firent représenter appuyé sur un genou, couvert de son bouclier, la lance en arrêt, parce que Chabrias avoit ordonné à ses soldats de se mettre dans cette attitude pour recevoir l'attaque des soldats d'Agésilaüs, qui furent défaits. Ces mêmes Athéniens éleverent à Bérose, qui a vécu du tems d'Alexandre, & non au tems de Moïse, ainsi que l'établit Eusebe, une statue dont la langue étoit dorée, & qui fut posée dans le lieu des exercices publics par estime pour ses écrits, & pour ses observations astronomiques.

Pline dit que Lucius Minucius Augurinus, qui s'opposa aux desseins ambitieux de Mélius, & qui de l'état de sénateur où il étoit né, passa à celui de plebéien pour pouvoir être tribun du peuple, ayant rétabli l'abondance à Rome, fut honoré d'une statue à la porte Trégemina; & Patin cite la médaille qui le représente comme il l'étoit dans cette statue, tenant en sa main deux épis, symbole de l'abondance.

Les femmes même qui avoient rendu quelque service à la république, furent associées à la prérogative d'avoir des statues. On ordonna une statue équestre à Clélia, échappée des mains de Porsenna qui la gardoit en ôtage. La vestale Suffétia eut par un decret du sénat, la permission de choisir le lieu qui lui plairoit pour poser la statue qui lui fut décernée en reconnoissance de quelques terres dont elle sit présent à la ville de Rome; & Denys d'Halicarnasse en allegue quelques autres exemples.

Quand le sénat ordonnoit une statue, il chargeoit les entrepreneurs des ouvrages publics de prendre au trésor de l'état de quoi fournir à la depense qui convenoit. Il y avoit un terme fixé pour l'exécution de [p. 499] cet ordre, & des officiers préposés pour y tenir la main.

En accordant la permission ou le droit d'élever des statues, le sénat en déterminoit le lieu, avec un terrein de cinq piés d'étendue autour de la base, afin que la famille de ceux à qui il avoit fait cette faveur eût plus de commodité pour assister aux spectacles qui se donnoient dans les places publiques, avant qu'on eût bâti les amphithéâtres & les cirques. La concession du lieu étoit proportionnée à la dignité de celui que l'on vouloit honorer, & à l'action qui lui procuroit l'avantage d'avoir une statue par autorité publique.

Quelques - unes étoient placées dans les temples ou dans les cirques, où le sénat s'assembloit, d'autres dans la place de la tribune aux harangues, dans les lieux les plus éminens de la ville, dans les carrefours, dans les bains publics, sous les portiques destinés à la promenade, à l'entrée des aqueducs, sur les ponts; & avec le tems il s'en trouva un si grand nombre, que c'étoit un peuple de pierres ou de marbre: partout, dit Cicéron, on les honoroit en brûlant de l'encens devant ces représentations; on y portoit des offrandes, on y allumoit des cierges; & comme on en posoit selon les occurrences, à l'occasion de quelque action singuliere, dans des lieux moins fréquentés, il y avoit des officiers chargés du foin de les faire garder; ces officiers sont appellés dans le droit romain, comites, curatores statuarum, & tutelarii.

Les lieux destinés à la représentation des comédies & des tragédies, étoient accordés pour élever des statues à ces fameux acteurs qui faisoient les délices du peuple; les auteurs des belles pieces de théâtre n'y avoient pas moins de droit, mais le plus souvent on les plaçoit dans les bibliotheques, sur - tout depuis que Pollion en eût ouvert de publiques.

On ordonnoit quelquefois des statues pour faire passer à la postérité la punition de quelque trahison ou de quelque crime contre l'état; on les posoit couchées par - terre & sans base, pour les tenir à la portée des insultes dont parle Juvénal.

Solin remarque, que Dédale fut le premier qui imagina de donner aux statues l'attitude naturelle d'une personne qui marche; avant lui elles avoient les piés joints, & on les appelloit chez les Romains compernes.

Les statues assises étoient communément employées pour représenter les dieux & les déesses, comme un symbole du repos dont ils jouissoient. On représentoit de même les premiers magistrats pour exprimer la situation tranquille de leur ame, dans l'examen & la discussion des affaires.

Quant à la matiere dont elles étoient composées, il y a apparence que l'argille comme la plus maniable, & la plus susceptible de formes arbitraires, y fut d'abord employée. Après lui avoir donné la figure qui convenoit au dessein, l'ouvrier la laissoit durcir au soleil, ou la faisoit sécher au feu, pour la mettre en état de résister plus long - tems aux injures de l'air; peut - être même que l'incrustation de quelque matiere plus dure pour la préserver d'altération, conduisir ceux qui inventerent l'art de fondre les métaux, à se servir de l'argille pour la composition des moules.

Le bois fut ensuite mis en oeuvre comme plus traitable que la pierre ou les métaux; les Romains n'eurent pendant long - tems dans leurs temples que des dieux de bois grossiérement taillés, même après que les Sculpteurs eurent assujetti la pierre & le marbre. Les statues des dieux se faisoient souvent par préférence d'un certain bois, plutôt que d'un autre. Priape fut d'abord de bois de figuier pour le jardinier qui imploroit son affistance, contre ceux qui voloient ses fruits; le vigneron voulut que son Bacchus fût de bois de vigne; & l'on employoit celui d'olivier pour les statues de Minerve: Mercure, en sa qualité de dieu des Sciences, ne se tailloit pas tout de bois, surtout pour être joint à Minerve par les hermathènes, & à Hercule par les hermeracles.

Hérodote rapporte que les Epidauriens réduits à la derniere misere par la stérilité de leurs terres, envoyerent consulter l'oracle de Delphes, qui leur répondit, que le remede à leurs maux étoit attaché à l'érection de deux statues à l'honneur des déesses Damia & Auxesia, en les faisant tailler d'olivier franc. Comme le seul territoire d'Athenes nourrissoit de ces sortes d'arbres, ils envoyerent en demander; on leur en promit, sous la condition que tous les ans à certains jours les Epidauriens députeroient quelques - uns de leurs ciroyens, pour faire à Athènes des sacrifices à Minerve & à Erechthée. Après quelques années, cette servitude déplut aux Epidauriens, qui voulurent s'en affranchir, & on leur déclara la guerre. Il paroît en examinant le nom de ces deux divinités peu connues, que ce n'étoit qu'un avertissement de l'oracle, pour engager les Epidauriens à donner plus de soin qu'ils n'en donnoient à la culture de leurs terres.

Pausanias fait mention de quelques statues de bois qui avoient le visage, les mains & les piés de marbre; d'autres de bois doré & peint, avec le visage, les piés & les mains incrustés d'ivoire. Le même historien dit que Théodore de Samos fut le premier qui découvrit l'art de fondre le fer, & que Tisagoras fut le premier qui en fit usage pour fondre plusieurs statues; mais ce métal est trop poreux, & parlà trop susceptible de la rouille pour avoir été longtems mis en oeuvre, sur - tout pour être exposé en plein air ou dans des lieux humides. Le cuivre qui devint bronze par son alliage avec l'étain ou le plomb de douze jusqu'à vingt - cinq livres par cent, a une consistance bien plus fusible, & se trouve moins sujet à l'altération.

L'or & l'argent ont encore été employés pour les statues, il ne faut qu'ouvrir Pausanias pour en trouver de fréquens exemples: mais Valere - Maxime observe que ni à Rome, ni en aucun endroit de l'Italie, on n'avoit vû de statues d'or, avant que Glabrion en exposât une équestre pour Marcus - Acilius Glabrion son pere, dans le temple de la piété, après la défaite d'Antiochus le grand aux Thermopyles. Les magistrats d'Athènes, lors de leur installation, faisoient serment qu'ils seroient exacts observateurs des lois, & qu'ils ne recevroient aucuns présens pour l'administration de la justice, sous peine de faire élever à leurs dépens une statue d'or d'un certain poids; l'ivoire entroit encore dans la fabrique des statues.

J'ignore s'il y avoit des statues magiques faites avec de la cire pour être plus susceptibles des maléfices, mais il est certain que le bois de buis comme le plus compact, étoit employé dans les secrets de la magie. Photius, dans l'extrait des XXII. livres des histoires d'Olympiodore, fait mention d'une statue élevée à Reggio, qui avoit la vertu d'arrêter les feux du mont Etna, & qui empêchoit les Barbares de venir désoler les côtes.

Pline & beaucoup d'historiens ont parlé de la statue artificielle de Memnon, qui retentissoit tous les matins au lever du soleil, & dont les débris, à ce que disent quelques auteurs, rendoient au lever du soleil un son semblable à celui des cordes d'un instrument lorsqu'elles viennent à se casser.

Néalcés de Cyzique rapporte, qu'après la mort de Méton, les habitans d'Acragas s'étant révoltés, Empédocle appaisa la sédition, conseilla à ses citoyens de prendre le gouvernement républicain, & qu'ayant fait de grandes libéralités au peuple, & doté les fil.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.