ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
"371">
cunes gens, hommes & femmes, qui de nuit se
transportoient par vertu du diable, des places où
ils étoient, & soudainement se trouvoient en aucuns
lieux arriere de gens, ès bois, ou ès déserts,
là où ils se trouvoient en très - grand nombre hommes
& femmes, & trouvoient illec un diable en
forme d'homme, duquel ils ne vesient jamais le
visage; & ce diable leur lisoit ou disoit ses commandemens
& ordonnances, & comment & par
quelle maniere ils le devoient avrer & servir,
puis faisoit par chacun d'eux baiser son derriere,
& puis il bailloit à chacun un peu d'argent, & finalement
leur administroit vins & viandes en grand
largesse, dont il se repaissoient; & puis tout - à - coup chacun prenoit sa chacune, & en ce point
s'estaindoit la lumiere, & connoissoient l'un l'autre
charnellement, & ce fait tout soudainement
se retrouvoit chacun en sa place dont ils étoient
partis premierement. Pour cette folie furent prins
& emprisonnés, plusieurs notables gens de ladite
ville d'Arras, & autres moindres gens, femmes
folieuses & autres, & furent tellement gehinés,
& si terriblement tourmentés, que les uns confesserent
le cas leur être tout ainsi advenu, comme
dit est; & outre plus confesserent avoir veu
& cogneu en leur assemblée plusieurs gens notables,
prélats, seigneurs & autres gouverneurs de
bailliages & de villes: voire tels, selon commune
renommée, que les examinateurs & les juges leur
nommoient & mettoient en bouche: si que par
force de peines & de tormens ils les accusoient &
disoient que voirement ils les y avoient veus; &
les aucuns ainsi nommés, étoient tantôt après
prins & emprisonnés & mis à torture, & tant &
si très longuement, & par tant de fois que confesser
le leur convenoit; & furent ceux - ci qui étoient
des moindres gens, exécutés & brûlés inhumainement.
Aucuns autres plus riches & plus puissans se
rachepterent par force d'argent, pour éviter les
peines & les hontes que l'on leur faisoit; & de tels
y eut des plus grans, qui furent preschés & séduits
par les examinateurs, qui leur donnoient à entendre,
& leur promettoient s'ils confessoient le cas,
qu'ils ne perdroient ne corps ne biens. Tels y eût
qui souffrirent en merveilleux patience & constance,
les peines & les tormens; mais ne voulurent
rien confesser à leur préjudice, trop bien
donnerent argent largement aux juges, & à ceux
qui les pouvoient relever de leurs peines. Autres
y eut qui se absenterent & vuiderent du pays, &
prouverent leur innocence, si qu'ils en demourerent
paisibles, & ne fait ni à faire ce que plusieurs
gens de bien cogneurent assez, que cette maniere
d'accusation, fut une chose controuvée par aucunes
mauvaises personnes, pour grever & déstruire,
ou deshonorer, ou par ardeur de convoitise, aucunes
notables personnes, que ceux hayoient de
vieille haine, & que malicieusement ils feirent
prendre meschantes gens tous premierement, auxquels
ils faisoient par force de peines & de tormens,
nommer aucuns notables gens tels que
l'en leur mettoit à la bouche, lesquels ainsi accusez
étoient prins & tormentez, comme dit est. Qui fût
pour veoir au jugement de toutes gens de bien,
une chose moult perverse & inhumaine, au grand
deshonneur de ceux qui en furent notez, & au
très - grand péril des ames de ceux qui par tels
moyens vouloient deshonnorer gens de bien ».
Monstrelet, 3e vol. des chroniques, fol. 84. édit. de
Paris 1572. in - fol.
On renouvella ces procédures dans la même ville
& avec les mêmes iniquités, au bout d'environ 30
ans; mais le parlemennt de Paris rendit justice aux
parties, par l'absolution des accusés, & par la condamnation
des juges.
Malgré des exemples si frappans, on étoit encore
fort crédule en France sur l'article des sorciers dans
le siecle suivant.
En 1571, un sorcier nommé Trois - Echelles, fut
exécuté en greve, pour avoir eu commérce avec
les mauvais démons, & accusa douze cens personnes
du même crime, dit Mézerai, qui trouve ce
nombre de douze cens bien fort; car, ajoute - t - il, un
auteur le rapporte ainsi,
« je ne sai s'il le faut croire,
car ceux qui se sont une fois rempli l'imagination
de ces creuses & noires fantaisies, croyent que
tout est plein de diables & de sorciers.»
L'auteur
que Mézerai ne nomme point, mais qu'il désigne
pour un démonographe, c'est Bodin. Or Bodin dans
sa démonomanie, liv. IV. chap. j. dit que
« Trois - Echelles se voyant convaincu de plusieurs actes
impossibles à la puissance humaine, & ne pouvant
donner raison apparente de ce qu'il faisoit, confessa
que tout cela se faisoit à l'aide de satan, &
supplia le roi (Charles IX.) lui pardonner, &
qu'il en défereroit une infinité. Le roi lui donna
grace, à charge de revéler ses compagnons &
ses complices, ce qu'il fit, & en nomma un
grand nombre par nom & surnom qu'il connoissoit,
& pour vérifier son dire, quant à ceux qu'il avoit
vus aux sabbats, il disoit qu'ils étoient marqués
comme de la patte ou piste d'un lievre qui étoit
insensible, ensorte que les sorciers ne sentent point
les pointures quand on les perce jusqu'aux os, au
lieu de la marque. Il ajoute encore, que Trois
Echelles dit au roi Charles IX. qu'il y avoit plus
de trois cens mille sorciers en France »,
nombre
beaucoup plus prodigieux que celui qui étonnoit
Mézerai. Il y a apparence que Trois - Echelles étoit
réellement sorcier, & que la plûpart de ceux qu'il accusa,
ou ne l'étoient que par imagination, ou ne l'étoient
point du tout. Quoi qu'il en soit, Trois - Echelles profita mal de la grace que lui avoit accordée le
roi, & retomba dans ses premiers crimes, puisqu'il
fut supplicié. Quant aux autres, continue Bodin,
« la
poursuite & délation fut supprimée, soit par faveur
ou concussion, ou pour couvrir la honte de
quelques - uns qui étoient, peut - être, de la partie,
& qu'on n'eût jamais pensé, soit pour le nombre
qui se trouva, & le délateur échappa »;
mais ce
ne fut pas, comme on voit, pour long - tems. Bodin,
dit M. Bayle, de qui nous empruntons ceci, veut
faire passer pour un grand désordre cette conduite,
qui au fonds étoit fort louable, car la suppression
des procédures fondées sur la délation d'un pareil
scélérat, fait voir qu'il y avoit encore de bons restes
de justice dans le royaume. Elles eussent ramené
les maux qui furent commis dans Arras au quinzieme
siecle. Bayle, réponse aux questions d'un provinc. chap.
LV. 603 de l'édit. de 1737. in - fol.
Sous le successeur de Charles IX, on n'étoit pas
moins en garde contre l'excessive crédulité sur ce
point, comme il paroît par ce récit de Pigray, chirurgien
d'Henri III. & témoin oculaire du fait qu'il
rapporte. La cour de parlement de Paris s'étant,
« dit - il, réfugiée à Tours en 1589, nomma MM.
le Roi, Falaiseau, Renard, médecins du roi, &
moi, pour voir & visiter quatorze, tant hommes
que femmes, qui étoient appellantes de la mort,
pour être accusées de sorcellerie: la visitation fut
faite par nous en la présence de deux conseillers
de ladite cour. Nous vîmes les rapports qui avoit
été faits, sur lesquels avoit été fondé leur jugement
par le premier juge: je ne sai pas la capacité
ni la fidélité de ceux qui avoient rapporté, mais
nous ne trouvâmes rien de ce qu'ils disoient, en<pb->
[p. 372]
tre autres choses qu'il y avoit certaines places
sur eux du tout insensibles: nous les visitames fort
diligemment, sans rien oublier de tout ce qui y
est requis, les faisant dépouiller tous nuds: ils furent
piqués en plusieurs endroits, mais ils avoient
le sentiment fort aigu. Nous les interrogeâmes sur
plusieurs points, comme on fait les mélancoliques;
nous n'y reconnumes que de pauvres gens
stupides, les uns qui ne se soucioient de mourir,
les autres qui le desiroient: notre avis fut de leur
bailler plutôt de l'ellebore pour les purger, qu'autre
remede pour les punir. La cour les renvoya
suivant notre rapport ».
Pigray, chirur. liv. VII.
chap. x. p. 445.
Cependant ces accusations fréquentes de sorcellerie,
jointes à la créance qu'on donnoit à l'astrologie
judiciaire & autres semblables superstitions sous le
regne des derniers Valois, avoient tellement enraciné
le préjugé, qu'il existe un grand nombre de
vrais sorciers, que dans le siecle suivant on trouve
encore des traces assez fortes de cette opinion. En
1609, Filesac docteur de sorbonne, se plaignoit que
l'impunité des sorciers en multiplioit le nombre à l'infini.
Il ne les compte plus par cent mille, ni par
trois cens mille, mais par millions: voici ses paroles.
« Lepidè Plautus in truculento, act. I. sc. j».
Nam nunc lenonum & scortorum plus est ferè
Quam olim muscarum & cum caletur maximè.
Etiam magos, maleficos, sagas, hoc tempore in orbe
christiano, longe numero superante omnes fornices & prostibula,
& officiosos istos qui homines inter se conv nas
facere solent, nemo negabit, nisi elleborosus existat, &
nos quidem tantam colluviem miramur & pernorrescimus.
De idololat. magic. fol. 71.
La maréchale d'Ancre fut accusée de sortilege, &
l'on produisit en preuve contre elle, de s'être servie
d'images de cire qu'elle conservoit dans des cercueils,
d'avoir fait venir des sorciers prétendus religieux, dits
ambrosiens, de Nanci en Lorraine, pour l'aider dans
l'oblation d'an coq qu'elle faisoit pendant la nuit dans
l'église des Augustins & dans celle de S. Sulpice, &
enfin d'avoir eu chez elle trois livres de caracteres,
avec un autre petit caractere & une boëte, où étoient
cinq rondeaux de velours, desquels caracteres, elle
& son mari usoient pour dominer sur les volontés
des grands.
« On se souviendra avec étonnement,
dit M. de Voitaire, dans son essai sur le siecle de
Louis XIV. jusqu'à la derniere postérité, que la
maréchale d'Ancre fut brûlée en place de greve
comme sorciere, & que le conseiller Courtin, interrogeant
cette femme infortunée, lui demanda de
quel sortilege elle s'étoit servie pour gouverner
l'esprit de Marie de Médicis: la maréchale lui répondit: je me suis servie du pouvoir qu'ont les ames
fortes sur les esprits foibles, & qu'enfin cette réponse
ne servit qu'à précipiter l'arrêt de sa mort ».
Il en fut de même dans l'affaire de ce fameux curé
de Loudun, Urbain Grandier, condamné au feu
comme magicien, par une commission du conseil.
Ce prêtre étoit sans doute repréhensible & pour ses
moeurs & pour ses écrits; mais l'histoire de son procès,
& celle des diables de Loudun, ne prouvent en
lui aucun des traits, pour lesquels on le déclara dûement
atteint & convaincu du crime de magie, maléfice
& possession, & pour réparation desquels on le
condamna à être brûlé vif avec les pactes & caracteres
magiques qu'on l'accusoit d'avoir employé.
En 1680, la Vigoureuse & la Voisin, deux femmes
intriguantes qui se donnoient pour devineresses,
& qui réellement étoient empoisonneuses, furent
convaincues de crimes énormes & brûlées vives.
Un grand nombre de personnes de la premiere
distinction furent impliquées dans leur affaire; elles
nommerent comme complices ou participantes de
leurs operations magiques la duchesse de Bouillon,
la comtesse de Soisions & le duc de Luxembourg,
sans doute, afin de tacher d'obtenir grace à la faveur
de protections si puissantes. La premiere brava ses
juges dans son interrogatoire, & ne fut pas mise en
prnon, mais on l'obligea de s'absenter pendant quelque
tems. La comtesse de Soissons décretée de prise
de corps, passa en Flandres. Pour le duc de Luxembourg, accuse de commerce avec les magiciennes &
les demons, il fut envoyé à la bastille, mais élargi
bientot apres, & renvoyé absous. Le vulgaire attribuoit
à la magie son habileté, dans l'art de la guerre.
Si les personnes dont nous venons de parler eussent
pratique l'art des sorciers, elles auroient fait une
exception, à ce que dit le jurisconsulte Ayrault, qu'il
n'y a plus maintenant que des stupides, des pasyans
& des rustres qui soient sorciers. On a raison en effet
de s'etonner, que des hommes qu'on suppose avoir
commerce avec les démons & leur commander, ne
sorent pas mieux partages du côte des lumieres de l'esprit,
& des biens de la fortune, & que le pouvoir
qu ils ont de nuire, ne s'étend jamais jusqu'à leurs
accusateurs & à leurs juges. Car on ne donne aucune
rasson latistanante de la cessation de ce pouvoir, des
qu'ils sont entre les mains de la justice. Delrio rapporte
pourtant quelques exemples de sorcieres qui ont
sait du mal aux juges qui les condamnoient, & aux
bourreaux qui les exécutoient; mais ces faits sont de
la nature de beaucoup d'autres qu'il adopte, & son
seur temoignage n'est pas une autorité suffisante pour
en persuauer la certitude ou la vérité à ses lecteurs.
SORCIERE
(Page 15:372)
SORCIERE, s. f. (Conchyliol.) nom que les Bretons donnent à une espece de sabot, qui est petite &
plate. Voyez Sabot.
L'animal qui habite ce coquillage est très - petit,
& à spirales applaties; cet animal est ombiliqué, &
tire sur la couleur cendrée, avec des taches brunes.
Sa chair est reçue dans un sac brun foncé; sa bouche
est brune, ses yeux sont gros & noirs, ses cornes
sont de la même couleur & coupées dans leur largeur
par une ligne brune, ce qui les rend épaisses, & d'une
pointe fort camuse.
Trois particularités se trouvent dans ce testacé; la
premiere consiste dans une petite languette charnue,
ferme, & qui paroit sortir du fond de la poche. La
seconde est une base charnue sur laquelle il rampe.
Son opercule fait la troisieme différence; il est mince
& brillant.
On fait de fort belles fleurs à l'abbaye de la Joie
(à 2 lieues du port de Lorient) avec du burgau &
des sorcieres. (D. J.)
Sorcieres
(Page 15:372)
Sorcieres de Thessalie, (Mytholog.) la fable leur
donnoit le pouvoir d'attirer par des enchantemens
la lune sur la terre. Elles empruntoient leurs charmes
des plantes venimeuses que leur pays fournissoit
en abondance, depuis que Cerbere passant par la
Thessalie lorsqu'Hercule l'emmenoit enchaîné au roi
de Micenes, avoit vomi son venin sur toutes les herbes.
Cette fable étoit fondée sur les plantes vénéneuses
ou sur la beauté des femmes de Thessalie. (D. J.)
SORDIDITÉ
(Page 15:372)
SORDIDITÉ, s. f. (Morale.) substantif énergique
dont notre langue devroit s'enrichir, & qui exprimeroit
très - bien une avarice basse & honteuse:
« sois
économe, mais ne sois point sordide, ce n'est que
pour te reposer le soir, que tu dois, voyageur
sensé, profiter du matin de tes jours, the bramine
inspir'd».
(D. J.)
SORESSA, lago della
(Page 15:372)
SORESSA, lago della, (Géog. mod.) lac d'Italie, dans la campagne de Rome. Il s'étend dans les
marais Pomptins, entre le fleuve Sisto & la plage
romaine. Il a vers le nord un émissoire, par lequel
il se décharge dans le lac Crapolaccio, lequel se perd
lui - même dans la mer. (D. J.)
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.