ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"447"> ne goûtent plus que les spectacles mensongers qui ont rapport à l'ame, les opéras, les comédies, les tragédies, les pantomimes. Mais une chose certaine, c'est que dans toute espece de spectacles, on veut être ému, touché, agité ou par le plaisir de l'épanouissement du coeur, ou par son déchirement, espece de plaisir; quand les acteurs nous laissent immobiles, on a regret à la tranquillité qu'on emporte, & on est indigné de ce qu'ils n'ont pas pu troubler notre repos.

C'est le même attrait d'émotion qui fait aimer les inquiétudes & les alarmes que causent les périls où l'on voit d'autres hommes exposés, sans avoir part à leurs dangers. Il est touchant, dit Lucrece, de nat. rer. lib. II. de considérer du rivage un vaisseau luttant contre les vagues qui le veulent engloutir, comme de regarder une bataille d'une hauteur d'où l'on voit en sûreté la mêlée.

Suave mari magno turbantibus oequora ventis E terrâ alterius magnam spectare laborem; Suave etiam belli certamina magna tueri Per campos instructa tui sine parte pericli.

Personne n'ignore la dépense excessive des Grecs & des Romains en fait de spectacles, & sur - tout de ceux qui tendoient à exciter l'attrait de l'émotion. La représentation de trois tragédies de Sophocle couta plus aux Athéniens que la guerre du Péloponnèse. On sait les dépenses immenses des Romains pour élever des théatres, des amphithéatres & des cirques, même dans les villes des provinces. Quelques - uns de ces bâtimens qui subsistent encore dans leur entier, sont les monumens les plus précieux de l'architecture antique. On admire même les ruines de ceux qui sont tombés. L'histoire romaine est encore remplie de faits qui prouvent la passion démesurée du peuple pour les spectacles, & que les princes & les particuliers faisoient des frais immenses pour la contenter. Je ne parlerai cependant ici que du payement des acteurs. AEsopus, cétebre comédien tragique & le contemporain de Cicéron, laissa en mourant à ce fils, dont Horace & Pline font mention comme d'un fameux dissipateur, une succession de cinq millions qu'il avoit amassés à jouer la comédie. Le comédien Roscius, l'ami de Cicéron, avoit par an plus de cent mille francs de gages. Il faut même qu'on eût augmenté les appointemens depuis l'état que Pline en avoit vu dressé, puisque Macrobé dit que ce comédien touchoit des deniers publics près de neuf cens francs par jour, & que cette somme étoit pour lui seul: il n'en partageoit rien avec sa troupe.

Voilà comment la république romaine payoit les gens de théatre. L'histoire dit que Jules César donna vingt mille écus à Laberius, pour engager ce poëte à jouer lui - même dans une piece qu'il avoit composée. Nous trouverions bien d'autres profusions sous les autres empereurs. Enfin Marc - Aurele, qui souvent est désigné par la dénomination d'Antonin le philosophe, ordonna que les acteurs qui jouroient dans les spectacles que certains magistrats étoient tenus de donner au peuple, ne pourroient point exiger plus de cinq pieces d'or par représentation, & que celui qui en faisoit les frais ne pourroit pas leur donner plus du double. Ces pieces d'or étoient à - peu - près de la valeur de nos louis, de trente au marc, & qui ont cours pour vingt - quatre francs. Tite - Live finit sa dissertation sur l'origine & le progres des représentations théatrales à Rome, par dire qu'un divertissement, dont les commencemens avoient été peu de chose, étoit dégénéré en des spectacles si somptueux, que les royaumes les plus riches auroient eu peine à en soutenir la dépense.

Quant aux beaux arts qui préparent les lieux de la scene des spectacles, c'étoit une chose magnifique chez les Romains. L'architecture, après avoir formé ces lieux, les embellissoit par le secours de la peinture & de la sculpture. Comme les dieux habitent dans l'olympe, les rois dans des palais, le citoyen dans sa maison, & que le berger est assis à l'ombre des bois, c'est aux arts qu'il appartient de représenter toutes ces choses avec goût dans les endroits destinés aux spectacles. Ovide ne pouvoit rendre le palais du soleil trop brillant, ni Milton le jardin d'Eden trop délicieux: mais si cette magnificence est au - dessus des forces des rois, il faut avouer d'un autre côté que nos décorations sont fort mesquines, & que nos lieux de spectacles, dont les entrées ressemblent à celles des prisons, offrent une perspective des plus ignobles. (Le Cnevalier de Jaucourt.)

SPECTATEUR (Page 15:447)

SPECTATEUR, est une personne qui assiste à un spectacle. Voyez Spectacle.

Chez les Romains, spectateurs, spectatores, signifioient plus particulierement une sorte de gladiateurs qui avoient obtenu leur congé, & qui étoient souvent gagés pour assister comme spectateurs aux combats de gladiateurs, &c. dont on régaloit le peuple. Voyez Gladiateur.

SPECTRE (Page 15:447)

SPECTRE, s. m. (Métaphysique.) on appelle spectres certaines substances spirituelles, qui se font voir ou entendre aux hommes. Quelques - uns ont cru que c'étoient des ames des défunts qui reviennent & se montrent sur la terre. C'étoit le sentiment des Platoniciens, comme on le peut voir dans le Phédon de Platon, dans Porphyre, &c. En général l'opinion touchant l'existence des spectres étoit assez commune dans le paganisme. On avoit même établi des fêtes & des solemnités pour les ames des morts, afin qu'elles ne s'avisassent pas d'effrayer les hommes par leurs apparitions. Les cabalistes & les rabbins parmi les Juifs n'étoient pas moins pour les spectres. Il faut dire la même chose des Turcs, & même de presque toutes les sectes de la religion chrétienne. Les preuves que les partisans de cette opinion en donnent, sont des exemples ou profanes ou tirés de l'Ecrituresainte. Baronius raconte uh fait, dont il croit que personne ne peut douter: c'est la fameuse apparition de Marsilius Ficinus à son ami Michael Mercato. Ces deux amis étoient convenus que celui qui mourroit le premier; reviendroit pour instruire l'autre de la vérité des choses de l'autre vie. Quelque tems après, Mercato étant occupé à méditer sur quelque chose, entendit tout - d'un - coup une voix qui l'appelloit: c'étoii son ami Ficinus qu'il vit monté sur un cheval blanc, mais qui disparut dans le moment que l'autre l'appella par son nom.

La seconde opinion sur l'essence des spectres est celle de ceux qui croient que ce ne sont point les ames qui reviennent, mais une troisieme partie dont l'homme est composé. C'est - là l'opinion de Théophraste, Paracelse, & tous ceux qui croient que l'homme est composé de trois parties; savoir de l'ame, du corps & de l'esprit. Selon lui, chacune de ses parties s'en retourne après la mort à l'endroit d'où elle étoit sortie. L'ame qui vient de Dieu, s'en retourne à Dieu. Le corps qui est composé de deux élémens inférieurs, la terre & l'eau, s'en retourne à la terre, & la troisieme partie, qui est l'esprit, étant tirée des deux élémens supérieurs l'air & le feu, s'en retourne dans l'air, où avec le tems elle est dissoute comme le corps; & c'est cet esprit, & non pas l'ame, qui se mêle des apparitions. Théophraste ajoute qu'il se fait voir ordinairement dans les lieux & auprès des choses qui avoient le plus frappé la personne qu'il animoit; parce qu'il lui en étoit resté des impressions extrèmement fortes.

La troisieme opinion est celle qui attribue les apparitions aux esprits élémentaires. Paracelse & quel<pb-> [p. 448] ques - uns de ses sectateurs croient que chaque élément est rempli d'un certain nombre d'esprits, que les astres sont la demeure des salamandres, l'air celle des sylphes, l'eau celle des nymphes, & la terre celle des pigmées.

La quatrieme opinion regarde comme des spectres les exhalaisons des corps qui pourrissent. Les partisans de cette hypothese croient que ces exhalaisons rendues plus épaisses par l'air de la nuit, peuvent représenter la figure d'un homme mort. C'est la philosophie de Cardan & d'autres: elle n'est pas nouvelle. On en trouve des traces dans les anciens, & sur - tout dans la troade de Séneque.

Enfin la cinquieme opinion donne pour cause des spectres des opérations diaboliques. Ceux - ci supposent la vérité des apparitions comme un fait historique, dont on ne peut point douter; mais ils croient que c'est l'ouvrage du démon qui se formant un corps de l'air, s'en sert pour ses différens desseins. Ils soutiennent que c'est la maniere la plus convenable, & la moins embarrassante pour expliquer les apparitions.

Nonobstant le grand nombre de ceux qui croient les spectres & qui cherchent à expliquer leur possibilité, il y a eu de tout tems des philosophes qui ont osé nier leur existence. On en peut faire trois classes. On peut mettre dans la premiere ceux qui n'admettent aucune différence entre le corps & l'esprit, comme Spinosa, qui soutenant qu'il n'y a qu'une seule substance, ne peut point admettre des spectres. On peut mettre dans la seconde classe ceux qui paroissent croire l'existence du diable, mais qui lui ôtent tout pouvoir sur la terre. La troisieme classe comprend ceux qui admettent le pouvoir du diable sur la terre, mais qui nient qu'il puisse prendre un corps.

Spectres (Page 15:448)

Spectres, les, s. m. pl. (Conchyliolog.) en latin concha spectrorum, en anglois the spectre - shell; les auteurs appellent ainsi une volute singuliere de la classe de celles qui ont le sommet élevé. Voyez Volutes.

Ce nom lui vient de figures bisarres & frappantes dont elle est chargée. Ces figures sont rougeâtres sur un fond blanc, ce qui les fait paroître plus effrayantes. Elles forment deux grandes & larges fascies qui environnent toute la volute depuis le sommet jusqu'au bas, & entre ces fascies regnent des cordons assez réguliers de taches & de différens points. Cette coquille est rare, & se vend ordinairement fort cher. (D. J.)

Spectre coloré (Page 15:448)

Spectre coloré, (Optique.) est le nom que l'on donne à l'image oblongue & colorée du soleil, formée par le prisme dans une chambre obscure. Voyez Couleur & Prisme.

SPÉCULAIRE, pierre (Page 15:448)

SPÉCULAIRE, pierre, (Hist. nat.) nom donné par quelques naturalistes à une pierre gypseuse ou pierre à plâtre, qui est composée de feuillets brillans comme ceux du talc; on l'appelle aussi miroir des ânes. Elle est ou blanche, ou jaunâtre, ou de couleur d'iris. Il s'en trouve beaucoup à Montmartre.

SPECULARIA (Page 15:448)

SPECULARIA, (Antiq. rom.) on nommoit ainsi l'espece de vitrage faite de pierres spéculaires, & qu'on employoit aux fenêtres avant que le verre fût d'usage. (D. J.)

SPÉCULATIF (Page 15:448)

SPÉCULATIF, adj. (Phil.) on appelle ainsi les connoissances qui se bornent à la spéculation des vérités, & qui n'ont point la pratique pour objet. Voyez Pratique.

SPÉCULATION (Page 15:448)

SPÉCULATION, s. f. (Gram.) examen profond & réfléchi de la nature & des qualités d'une chose. Ce mot s'oppose à pratique. La spéculation recherche ce que c'est que l'objet; la pratique agit. Ainsi l'on peut dire que la philosophie, la vertu, la religion, la morale, ne sont pas des sciences de pure spéculation. Celui qui n'en a que la spéculation, n'est que le fantôme d'un philosophe, d'un homme vertueux, religieux, moraliste. La physique a ses spéculations, qu'il faut mettre à l'épreuve de l'expérience; que seroit - ce que les mathématiques sans les problèmes d'utilité, auxquelles on arrive par la démonstration de ses propositions spéculatives? Les théorèmes sont la partie de spéculation. Les problèmes sont la partie de pratique.

Spéculation (Page 15:448)

Spéculation, terme de marchand d'étoffes, sorte d'étoffe non - croisée qui se fabrique pour l'ordinaire à Paris, dont la chaîne est de soie cuite ou teinte, & la trème de fil blanc de Cologne, ou de fil de coton blan. Sa largeur est communément de demi - aune, moins un seize, mesure de Paris. Il s'en fait de moirée & de non - moirée de différentes couleurs. Savary. (D. J.)

SPECULUM (Page 15:448)

SPECULUM, terme de Chirurgie, nom qu'on a donné à différens instrumens qui dilatent des cavités. Ce mot est latin, & signifie miroir. On s'en est servi pour les instrumens qui font voir ce qui se trouve contre nature dans les cavités qu'ils tiennent ouvertes.

Speculum ani, est un instrument dont on se sert pour écarter le fondement, examiner le mal, tirer des os, & enlever toute matiere qui peut s'y être fixée. Voyez Dilatatoire.

Speculum matricis, est un instrument dont on se sert pour examiner & panser les endroits qui se trouvent viciés dans les parties secretes des femmes. Il a la même forme que le speculum ani. Voyez Dilatatoire.

Speculum oris, est un instrument qui sert à examiner les maux de bouche. Il y en a de deux sortes. L'un sert à contenir la langue afin de voir plus aisément le fond de la bouche. Voyez Glossocatoche. L'autre est un instrument qui sert à ouvrir & dilarer la bouche par force, afin de faire prendre au malade du bouillon ou des remedes liquides.

Cet instrument est composé de deux colonnes cylindriques, hautes pour le moins de trois pouces, paralleles entr'elles, distantes l'une de l'autre d'un pouce & demi, posées sur un piédestal, dont la base est percée perpendiculairement en écrou. Au haut des colonnes sont situées horisontalement deux plaques d'acier de figure pyramidale tronquée, c'est - à - dire, qu'elles sont plus larges du côté des colonnes que vers leur pointe. L'inférieure est mobile, la supérieure est fixe. Elles ont extérieurement quatre entaillures formées par autant de biseaux pour les empêcher de glisser quand elles sont entre les dents. La plaque inférieure a trois trous. Ceux des côtes servent à loger les colonnes sur lesquelles elle glisse; celui du milieu reçoit la soie d'une vis à double pas, qui passe par l'écrou du piédestal, & dont l'extrémité inférieure est terminée en trefle pour le tourner. Quand on tourne cette vis, dont le sommet est un chaperon ou tête demi - sphérique, au - dessus de la plaque mobile; cette plaque s'éloigne plus ou moins de celle qui est fixe, en se baissant ou se haussant comme on veut, & fait par conséquent ouvrir la bouche autant qu'il est nécessaire. Voyez la fig. 11. Pl. XXVI. On trouve dans le traité d'instrumens de M. de Garengeot, une description beaucoup plus ample de cet instrument.

M. Levret a fait graver, dans son traité des polypes, un speculum oris de son invention. Pour opérer aisément dans le fond de la bouche, soit par la ligature des polypes du nez qui s'étendent derriere le voile du palais, soit pour amputer les amygdales extraordinairement tuméfiées, il faut se rendre maître du mouvement de la mâchoire inférieure & de la langue. Les divers speculum oris ne remplissent que fort imparfaitement ces intentions; ils gênent beaucoup l'opérateur, & dans quelques cas ils empêchent

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