ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"435"> l'un & l'autre cas: on juge que les muscles soumis à la volonté sont dans une contraction contre nature, lorsque cette contraction n'est point volontaire, c'est ce que j'appelle proprement convulsion. Cette mesure seroit fautive à l'égard des parties qui se contractent naturellement sans la participation de la volonté; on ne doit donc décider leur contraction nonnaturelle que lorsqu'elle sera portée à un trop haut point, que le mouvement tonique sera augmenté de façon à entraîner une lésion sensible dans l'exercice des fonctions. Cette seconde espece me paroît devoir retenir le nom plus approprié de spasme; la différence que je viens d'établir dans la nomenclature se trouve encore fondée sur la façon ordinaire de s'exprimer; ainsi on dit: Un homme est tombé dans les convulsions, il avoit le bras en convulsion, &c. lorsqu'il s'agit de ces contractions contre nature extérieures involontaires, & l'on dit au contraire: Le spasme des intestins, de la vessie, des extrémités artérielles des différens organes, &c. lorsqu'on veut exprimer l'augmentation de ton de ces parties intérieures. En partant de ces principes, je crois qu'on peut dire qu'une convulsion suppose un spasme violent; & dans ce cas, il sera vrai que le spasme est une disposition prochaine à la convulsion. Cette assertion est sondée sur ce que tous les symptomes apparens ont pour cause un dérangement intérieur que nous croyons analogue.

Quel est donc ce dérangement intérieur, & quelle en est la cause? Champ vaste ouvert aux théoriciens, sujet fertile en discussions, en erreurs & en absurdités. Les partisans de la théorie ordinaire confondant toujours spasme & convulsion, les ont regardés comme des accidens très - graves, qu'ils ont fait dépendre d'un vice plus ou moins considérable dans le cerveau; les uns ont cru que ce vice consistoit dans un engorgement irrégulier des canaux nerveux; d'autres l'ont attribué à un fluide nerveux, épais & grumelé, qui passoit avec peine & inégalement dans les nerfs, & excitoit par - là cette irrégularité dans les mouvemens. La plûpart ont pensé que la cause du mal étoit dans les vaisseaux sanguins du cerveau, & que leur disposition vicieuse consistoit en des especes de petits anévrismes extrèmement multipliés, qui rendoient la circulation du sang déja épais & sec, plus difficile, & en troubloient en même tems l'uniformité. Tous enfin ont recours à des causes particulieres, presque toutes vagues, chimérlques, ou peu prouvées pour l'explication d'un fait plus général qu'on ne le pense communément.

Et c'est précisément de tous les défauts qu'on pourroit, par le plus léger examen, découvrir dans ces théories, celui qui est le plus remarquable, & qu'il est le plus important d'approfondir; rien n'est plus nuisible aux progrès d'une science, que de trop généraliser certains principes, & d'en trop particulariser d'autres. La circulation du sang, simple phénomene de Physiologie, dont la découverte auroit dû, ce semble, répandre un nouveau jour sur la Médecine théorique, n'a fait qu'éblouir les esprits, obscurcir & embrouiller les matieres, parce que tout aussi - tôt on l'a regardée comme un principe général, & qu'on en a fait un agent universel. Erreur dont les conséquences ont toujours été de plus en plus éloignées du sanctuaire de la vérité ou de l'observation; donnant dans l'écueil opposé, on n'a considéré le spasme que sous l'aspect effrayant d'un symptome dangereux, tandis qu'avec une idée plus juste de l'économie animale on n'y auroit vu qu'un principe plus ou moins général, qui, vrai Protée, changeoit de forme à chaque instant, & produisoit dans différentes parties & dans différentes circonstances des effets très différens. C'est par la lecture de quelques ouvrages modernes, specimen novi medicinoe conspectus, idée de l'homme physique & moral, &c. & des différens écrits de M. de Bordeu, que partant d'une connoissance exacte de l'économie animale, voyez ce mot; on pourra sentir de quelle importance il est d'analyser plus profondément qu'on ne l'a fait jusqu'ici le spasme, & d'en examiner de beaucoup plus près la nature, le méchanisme, la marche, les especes & les variations.

A mesure que les sujets sont plus intéressans, on doit chercher davantage à trouver de grands points de vûe pour les mieux appercevoir, pour les considérer en grand, & les suivre dans toutes leurs applications; mais il faut bien prendre garde aux fondemens sur lesquels on établit de grands principes. Il est incontestable qu'en Médecine de pareils fondemens ne peuvent être assis que sur l'observation; & comme les différentes théories qui se sont succédées jusqu'à présent n'ont été reçues que sur la foi d'un pareil appui, & qu'il est probable que leurs auteurs étoient persuadés de les avoir ainsi fondés, il en résulte nécessairement qu'il en est de l'observation, comme Montagne le disoit de la raison, que c'est un pot à deux anses, une regle de plomb & de cire alongeable, ployable & accommodable, à tous sens & à toutes mesures. Il y a donc une maniere de saisir l'observation pour en tirer les lumieres qu'elle doit fournir; il faut donc un point de vûe propre à saisir le fonds de l'observation, avant que de pouvoir se flatter d'en tirer assez de parti pour former une théorie également solide & profonde.

Insantum corpus loeditur in quantum convellitur; c'est un grand & important axiome que le célebre auteur des ouvrages cités plus haut, établit pour fondement de la théorie des maladies, il découle naturellement des principes justes & feconds qu'il a exposés sur l'économie animale; il est d'ailleurs appuyé sur des observations multipliées, & sur - tout sur le genre d'observation le plus lumineux & le moins équivoque; c'est celui dont on est soi - même l'objet: voilà donc le spasme proposé comme cause générale de maladie, suivons l'auteur dans les différens pas qu'il a faits pour venir à cette conséquence, & examinons sans prévention les preuves sur lesquelles il en étaye la vérité. Jettons d'abord un coup d'oeil sur l'homme sain, & sans remonter aux premiers élémens peu connus dont il est composé, fixons plus particulierement nos regards sur le tableau animé que présentent le jeu continuel des différentes parties & les fonctions diversifiées qui en résultent.

Qu'est - ce que l'homme? ou pour éviter toute équivoque, que la méchanceté & la mauvaise foi sont si promptes à faire valoir; qu'est - ce que la machine humaine? Elle paroît à la premiere vûe, un composé harmonique de différens ressorts qui mûs chacun en particulier, concourent tous au mouvement général; une propriété générale particulierement restreinte aux composés organiques, connue sous les noms d'irritabilité ou sensibilité, se répand dans tous les ressorts, les anime, les vivifie & excite leurs mouvemens; mais modifiée dans chaque organe, elle en diversisie à l'infini l'action & les mouvemens; par elle les différens ressorts se bandent les uns contre les autres, se résistent, se pressent, agissent & influent mutuellement les uns sur les autres; cette commixture réciproque entretient les mouvemens, nulle action sans réaction. De cet antagonisme continuel d'actions, résulte la vie & la santé; mais les ressorts perdroient bientôt & leur force, & leur jeu, les mouvemens languiroient, la machine se détruiroit, si l'Etre suprème qui l'a construite n'avoit veillé à sa conservation, en présentant des moyens pour ranimer les ressorts fatigués, & pour ainsi dire débandés, pour rappeller les mouvemens & remonter en un mot toute la machine; c'est - là l'usage des six choses [p. 436] connues dans le langage de l'école sous le nom des six choses non naturelles, & qui sont absolument nécessaires à la vie: l'examen réfléchi des effets qui résultent de l'action de ces causes sur le corps & de quelques phénomenes peu approfondis, l'analogie qu'il doit y avoir nécessairement entre la machine humaine & les autres que la main des hommes a su fabriquer, & plusieurs autres raisons de convenance, ont fait penser qu'il devoit y avoir dans le corps un premier & principal ressort, dont le mouvement ou le repos entraîne l'exercice ou l'inaction de tous les autres, voyez Économie animale; observation si frappante, qu'il est inconcevable comment elle a pû échapper à l'esprit de comparaison & aux recherches des Méchaniciens modernes. Parmi les différentes parties, celles dont le département est le plus étendu, sont sans contredit, la tête & le ventre, l'influence de leurs fonctions est la plus générale; ces deux puissances réagissent mutuellement l'une sur l'autre, & par cette contranitence d'action, lorsqu'elle est modérée, se conservent dans une tension nécessaire à l'exercice de leurs fonctions respectives; mais leurs efforts se réunissent sur le diaphragme, cet organe le premier mû dans l'enfant qui vient de naître, doit être regardé comme le grand mobile de tous les autres ressorts, comme la roue maîtresse de la machine humaine, comme le point ou les dérangemens de cette machine viennent se concentrer, où ils commencent & d'où ils se répandent ensuite dans les parties analogues.

Partons de ce point de vûe lumineux, pour promener avec plus de fruit nos regards attentifs sur l'innombrable cohorte de maladies qui se présente à nos yeux; tâchons de pénétrer dans l'intérieur de la machine pour y appercevoir les dérangemens les plus cachés: supposons parmi cette multitude de ressorts qui se résistent mutuellement & qui par cette contranitence réciproque, entretiennent leurs mouvemens & concourent par - là à l'harmonie générale; supposons, dis - je, un de ces ressorts altéré, affoibli, par l'abus de ce qui sert à l'entretenir, destitué de la force nécessaire pour réagir efficacement contre le ressort sympathique; aussi - tôt cette égalité d'action & de réaction qui constitue une espece de spasme naturel est troublée; ce dernier ressort augmente la sphere de ses mouvemens, les fibres qui le composent sont irritées, tendues, resserrées, & dans un orgasme qui constitue proprement l'état spasmodique contre nature. Mais remontons à la source du dérangement d'un organe particulier, nous la trouverons dans le diaphragme, qui par le tissu cellulaire, par des bandes aponévrotiques & par les nerfs, communique comme par autant de rayons aux différentes parties; l'action de cet organe important est entretenue dans l'uniformité qui forme l'état sain par l'effort réciproque & toujours contre - balancé de la tête & de l'épigastre; si l'une de ces deux puissances vient à agir avec plus ou moins de force, dès - lors l'équilibre est rompu, le diaphragme est affecté, son action cesse d'être uniforme, une ou plusieurs de ses parties sont dérangées, & par une suite de son influence générale sur tous les visceres, le dérangement, l'affection, la maladie plus ou moins considérable se propage & se maniseste dans les organes qui répondent aux parties du diaphragme altérées, par un spasme plus ou moins sensible, plus ou moins facilement réductible à l'état naturel.

Les deux pivots sur lesquels roule le jeu du diaphragme & en conséquence tous les mouvemens de la machine, & où prennent naissance les causes ordinaires de maladie, sont comme nous l'avons déja remarqué, la tête & le bas - ventre; toute la force du bas - ventre dépend de l'action tonique des intestins & de l'estomac, & de leur effort contre le diaphragme; les alimens qu'on prend en attirent par le méchanisme de la digestion, l'influx plus considérable de toutes les parties sur la masse intestinale, en augmente le jeu, & remonte pour ainsi dire ce ressort qu'une trop longue abstinence laissoit débandé, sans force & sans action; il agit donc alors plus fortement sur le diaphragme; le dérangement qui en résulte très - sensible chez certaines personnes leur occasionne pendant la digestion une espece de fievre; si la quantité des alimens est trop grande, ou si par quelque vice de digestion ils séjournent trop long - tems dans l'estomac, l'égalité d'action & de réaction de la tête avec cet organe est sensiblement troublée, & ce trouble se peint tout aussi - tôt par l'affection du diaphragme & des parties correspondantes. Les mêmes effets suivront si les humeurs abondent en quantité à l'estomac & aux intestins, si leurs couloirs sont engorgés, si des mauvais sucs s'accumulent dans leur cavité, &c. appliquons le même raisonnement à la tête, & nous verrons l'équilibre disparoître par l'augmentation des fonctions auxquelles la masse cérébrale est destinée; ces fonctions sont connues sous le nom générique de passions ou affections de l'ame, elles se réduisent au sentiment intérieur qui s'excite par l'impression de quelque objet sur les sens, & à la durée du sentiment produit par ces impressions; ce sont ces deux causes dans la rigueur, réductibles à une seule, qui entretiennent le ressort de la tête; & son augmentation contre nature est une suite de leur trop d'activité; ainsi les passions modérées ne concourent pas moins au bonheur physique, c'est - à - dire à la santé, qu'au bonheur moral: le corps seroit bien moins actif, les sommeils seroient bien plus longs, les sens seroient dans un engourdissement continuel, si nous n'éprouvions pas cette suite constante de sensations, de craintes, de réflexions, d'espérance; si nous étions moins occupés de notre existence & des moyens de l'entretenir, & si à mesure que le soin de la vie animale nous occupe moins, nous ne cherchions à donner de l'exercice à la tête par l'étude, par l'accomplissement de nouveaux devoirs, par des recherches curieuses, par l'envie de se distinguer dans la société, par l'ambition, l'amour, &c. ce sont - là tout autant de causes qui renouvellent le ressort de la tête, & qui entretiennent son antagonisme modéré avec celui du basventre; mais si ces causes deviennent plus actives; si une crainte excessive ou une joie trop - vive nous saisit; si l'esprit ou le sentiment est trop occupé d'un seul objet, il se fatigue & s'incommode, le ressort de la tête augmentant & surpassant celui du bas - ventre, devient cause de maladie. Théorie importante qui nous manquoit, qui nous donne un juste coupd'oeil pour exciter & modérer nos passions d'une maniere convenable.

De cette double observation naît une division générale de la pathologie en maladies dûes au ressort augmenté de la tête, & en celles qui sont produites par l'augmentation du ressort du bas - ventre: cette division va paroître plus importante & plus féconde en se rapprochant du langage ordinaire des médecins; pour cela qu'on fasse attention que le dérangement du ressort du bas - ventre reconnoît pour cause, des mauvaises digestions, des amas d'humeurs viciées, &c. dans l'estomac & les intestins; & d'un autre côté que le ressort de la tête est altéré par des sensations trop vives, par des passions violentes, par des méditations profondes, des veilles excessives, des études forcées, & l'on s'appercevra que la division précédente se reduit à la distinction connue, mais mal approfondie, des maladies en humorales & nerveuses: double perspective qui se présente dans un lointain très - éclairé au médecin observateur.

Les maladies purement nerveuses dépendantes d'une lésion particuliere de sentiment, doivent être appel<pb->

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