ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"405"> bien tendu: si pes in laxâ pelle non natet. On sait que Paul Emile ayant répudié sa femme, qui étoit en considération pour sa vertu, & par - là s'étant exposé aux reproches de ses amis, se contenta de leur répondre en leur montrant le pié: vous voyez, dit - il, ce soulier, il est bien fait & me chausse juste, vous ne savez point où il me blesse.

Si ce n'étoit pas une preuve sensible de l'irrégularité de la conduite de sa semme, c'étoit au - moins une marque certaine que tout le pié étoit couvert du soulier. La forme, au volume près, en étoit égale pour les femmes comme pour les hommes. Que votre pié, dit Ovide, à une femme qu'il aime, ne nage point dans un soulier trop large.

Ne vagus in laxâ pes tibi pelle natet.

La pointe du soulier étoit recourbée; c'est de - là que Cicéron, dans son traité de la nature des dieux, a pris l'idée de la chaussure de Junon: calceolis repandis.

Il y avoit une sorte de souliers appellés perones que les simples magistrats pouvoient porter, & dont il est parlé dans Festus. Juvenal nous en a donné la description dans sa quatorzieme satyre. C'étoient de gros soul ers faits exprès pour résister aux boues, aux neiges, & dont les paysans se servoient en travaillant à la terre. Ce sont, sans doute, les mêmes dont Ulpien entend parler dans la loi. 3. §. ff. de offic. proef. virgil. calceatum, dit - il, debere proefectum vigilum coerrare. Les gardes préposés à veiller pendant la nuit aux incendies, avoient besoin de pareils souliers, pour résister aux pluies, aux neiges, & autres injures du tems.

Avant de parler de la couleur & des ornemens que les anciens mettoient à leurs souliers, il est à - propos de faire mention d'une autre sorte de souliers qui étoit en usage chez eux, & que les Romains appelloient soleoe, & qui revient assez à notre sandale. Elle consistoit dans une simple piece de bois ou de cuir que l'on plaçoit sous le pié, & que l'on attachoit par des bandelettes de toile ou d'étoffe, passées & repassées sur le pié, & entre les doigts du pié, & autour de la jambe: il nous en reste plusieurs exemples dans les anciens monumens de peinture & de sculpture, que les curieux ont conservés. C'est par rapport a ces liens que Virgile & Ovide ont appellé les sandales vincula. Ce dernier a dit dans ses métamorphoses.

Vincla duo pedibus demunt. Et Virgile, dans le huitieme livre de l'Enéide.

Et tyrrena pedum circumdat vincula plantis. On appelloit encore cette chaussure crepida & crepidula, à cause du bruit que l'on faisoit en marchant.

Cette sandale étoit plus particulierement la chaussure des femmes. Cicéron reprochant à Verrès sa mollesse & ses manieres efféminées, l'accuse d'avoir paru en public, en qualité de préteur. avec des sandales, un manteau de pourpre, & une tunique descendant jusqu'aux talons: stetit soleatus proetor populi romani, cum pallio purpureo, tunicaque talari. Ce n'est pas que les hommes ne se servissent quelquefois de la sandale, particulierement lorsqu'ils alloient à quelque festin. Quant aux souliers dont les soldats se servoient à la guerre, on les appelloit caligoe militum. Comme cette chaussure leur étoit particuliere, on les nommoit souvent caligati, au lieu de milites; ainsi Seneque, de benef. cap. xvj. en parlant de Marius, dit: à caligine ad consulatum pervenit.

Il y avoit encore deux autres chaussures en usage, mais dont on ne se servoit que sur le théatre; c'étoient le brodequin & le cothurne. Voyez chacun de ces mots à leur article.

Quelques - uns croient que les souliers des hommes étoient noirs, sur le fondement de ce vers d'Horace:

Nigris medium impedit crus pellibus.

Ils le croient encore sur ces vers de la septieme satyre de Juvenal, où parlant d'un certain Quintilien, il dit qu'il étoit beau, bien fait de sa personne, vaillant, sage & très - noble; car le croissant qu'il portoit sur ses souliers de peau noire, en étoit une preuve.

Felix, & sapiens, & nobilis, & generosus, Appositam nigroe lunam subtexit alutoe. Le terme aluta signifie une peau déliée sur laquelle on pouvoit peindre le croissant, ou la lune en son entier, comme il est dit dans les vers de Juvenal qu'on vient de lire, auxquels il faut ajouter cet endroit de l'épigramme 29 du II. liv. de Martial.

Non extrema sedet limatâ lingula plantâ, Coecina non loesum cingit aluta pedem.

On rapporte plusieurs raisons de l'usage de faire peindre une lune ou un croissant sur les souliers des sénateurs, & des personnes d'une ancienne famille. C'est une des questions que Plutarque propose sur les usages des Romains, quest. 86. On a depuis imaginé plusieurs autres raisons de cet usage qu'il seroit inutile de rapporter. On ne sait pas même si l'on peignoit la lune dans son plein, ou si ce n'étoit que son croissant, ni en quel endroit du soulier elle étoit placée.

Il est encore difficile de découvrir la forme & l'usage des souliers que les Romains appelloient mullei. Festus veut qu'on les ait ainsi nommés, de l'ancien mot mullare, qui signifioit unir différentes parties d'une étoffe ou de quelqu'autre matiere, par une couture fine & délicate, ce qui convient à la broderie des souliers. M. Danet prétend que les souliers des fils des sénateurs, avoient aussi une lune, mais différente qui leur avoit donné le titre de mullei calcei. Mais il paroît que ces mots de Tertullien dans son traité de pallio, nous donnent une idée plus claire du soulier appellé mulleus: Impuro, dit - il, cruri purum aut mulleolum induit calceum.

Les souliers qui étoient simples & sans ornement, étoient appellés puri; & ceux qui étoient ornés par une lune, ou par quelque broderie, étoient distingués par l'épithete de mullei.

Les souliers des femmes étoient blancs pour l'ordinaire. Les souliers des sénateurs étoient de peau noire, & quelquefois blanche, mais les magistrats curules les portoient de couleur rouge.

Pendant un tems, une honnête femme chez les Romains n'osoit porter du rouge aux souliers: cette couleur étoit affectée aux courtisannes. Cette mode ne dura guere, soit que le caprice la reglât, soit que dans quelques femmes, la vertu ait été assezhardie pour s'affranchir de la tyrannie d'un usage qui contraignoit le goût. Celles qui se piquoient le plus de régularité, porterent impunément des souliers rouges, long - tems même avant le regne d'Aurelien qui leur en permit l'usage, & l'ôta en même tems aux hommes, calceos mulleos, rubros viris omnibus tulit, mulieribus reliquit. L'ordonnance de ce prince fut d'autant plus gracieuse pour les dames, que lui & ses successeurs se réserverent cette couleur, à l'exemple des anciens rois d'Italie, au rapport de Dion. Elle régna dans le bas Empire, & passa des empereurs d'Occident à la personne des papes qui acheverent d'effacer les traces de sa premiere destination.

Les empereurs chargerent leurs souliers de plusieurs ornemens. Ils y firent broder la figure d'une aigle enrichie de perles & de diamans, aquilis ex lapillis & margaritis. Il y a lieu de croire que cette décoration passa jusqu'aux souliers des dames, ou du - moins jusqu'à ceux des impératrices. [p. 406]

La chaleur de saint Chrysostome contre les souliers brodés, dont la mode subsistoit de son tems, me rappelle celle du frere Thomas contre les coëffures hautes dont j'ai parlé au mot hennin. S. Chrysostome ne s'échauffa guere moins sur cette niaiserie, qu'il auroit fait si l'on avoit élevé des idoles sur les autels des chrétiens. On voit aujourd'hui des femmes qui ont beaucoup de raison & de piété, porter des souliers avec ces ornemens, que ce pere de l'Eglise regardoit comme une invention du diable. Saint Pierre ne desapprouvoit pas les ornemens de ce genre, puisque les saintes femmes qu'il cite pour exemple, en portoient elle - mêmes; mais il veut qu'on donne une autre attention aux ornemens qui font le vrai mérite.

La mollesse & la galanterie varierent la chaussure; & la mode inventa une sorte de soulier grec qu'on appelloit sicyonien. Il étoit plus léger & plus délicat que les autres. « Si vous me donniez, dit Cicéron, au premier livre de l'orateur, des souliers sicyoniens, je ne m'en servirois certainement point; c'est une chaussure trop efféminée; j'en aimerois peut - être la commodité, mais, à cause de l'indécence, je ne m'en permettrois jamais l'usage ».

On employa le liege pour hausser le soulier, & élever la taille, suivant la coutume des Perses, chez qui la petite taille n'étoit pas en honneur; l'usage de cette chaussure étoit commun sur la scene & dans les représentations où l'on recherchoit de la majesté. Les coquettes s'en servoient dans les bals, les actrices sur le théatre, sur - tout dans le comique, & s'il est permis de rapprocher des choses infiniment opposées, les prêtres s'en servoient dans les sacrifices.

On ôtoit ses souliers en se mettant à table. On sait le bon mot de Dorion, poëte musicien. Ayant perdu à un festin le soulier qu'il portoit à un pié malade. « Je ne ferai d'autre imprécation contre le filou, dit - il, sinon qu'en me dérobant mon soulier, il ait pu trouver chaussure convenable à son pié ».

Les esclaves ne portoient point de souliers, mais marchoient nuds piés; & on les appelloit pour cela cretati ou gypsati, des piés poudreux. Il y avoit même des personnes libres qui alloient aussi nuds piés; & Tacite remarque que Phocion, Caton d'Utique, & plusieurs autres marchoient quelquefois sans souliers; mais ces exemples sont rares, & généralement parlant, toutes les personnes qui étoient de condition libre, marchoient toujours chaussées, si ce n'étoit dans quelque solemnité extraordinaire de religion, ou quelque calamité publique; car nous apprenons de l'histoire que, quand on lavoit la grand'mere des dieux, on alloit piés nuds en procession, & que les dames romaines se déchaussoient dans les sacrifices de Vesta.

Tertullien rapporte que les pontifes des payens ordonnerent souvent des processions nuds piés dans un tems de sécheresse: Cùm stupet coelum & aret annus, nudi - pedalia denunciantur. A la mort de Jules César, plusieurs chevaliers romains ramasserent ses cendres, revêtus de tuniques blanches & piés nuds, pour marquer tout - ensemble leur respect & leur tristesse. Lycurgue & la jeunesse lacédémonienne alloient toujours piés nuds.

Les magiciennes dans leurs mysteres magiques, avoient un pié chaussé & l'autre nud; c'est Ovide & Virgile qui le disent: Unum exuta pedem vinclis, IV. AEneid. Horace parlant de Canidie, assure qu'elle marchoit piés nuds, pour mieux réussir dans ses enchantemens.

Si le lecteur veut réunir à cet article celui de Chaussure, & parcourir en même tems le traité de Balduinus, de calceo antiquo, il n'aura presque rien à desirer sur cette matiere. (Le chevalier de Jaucourt.)

Soulier (Page 15:406)

Soulier de Notre - Dame. (Botan.) en anglois, the ladiez - slipper. Tournefort distingue trois especes de ce genre de plante. L'espece commune, calceolus vulgaris, jette une tige d'environ un pié, garnie de quelques feuilles larges, veineuses, ressemblantes à celles du plantain, & rangées alternativement. Elle porte une fleur ordinairement unique, à sommet, composée de six petales inégaux, quatre opposés en croix, & deux placés au milieu. Ces derniers représentent en quelque maniere un soulier ou sabot, de couleur jaune, ferrugineuse ou purpurine - noirâtre. Le fruit qui succede, a la figure d'une lanterne à trois côtés. Il contient des semences semblables à de la sciure de bois; cette plante croît sur les montagnes & dans les forêts. (D. J.)

Soulier (Page 15:406)

Soulier, (Marine.) piece de bois concave, dans laquelle on met le bout de la patte de l'ancre, pour empêcher qu'elle ne s'accroche sur la pointe, quand on la laisse tomber: on n'en fait presque point usage en France.

SOULIERS (Page 15:406)

SOULIERS, (Géog. mod.) bourg de France en Provence, viguerie d'Hières, & diocèse de Toulon. Ce bourg est la patrie d'Antoine Arena, poëte du xvj. siecle, qui se rendit alors célebre par ses vers macaroniques, & en particulier par sa description de la guerre de Charles - Quint dans son pays, dont il avoit été témoin. Il mourut en 1544.

Ce n'est point à Souliers en Provence, mais au château de Souliers dans la province de la Marche qu'est né François Tristan, surnommé l'hermite, poëte reçu à l'académie françoise en 1649, & mort dans la misere en 1655, âgé de 54 ans. On connoît à ce sujet l'épigramme de M. de Montmor, maître des requêtes:

Elie, ainsi qu'il est écrit, De son manteau comme de son esprit Récompensa son serviteur fidele. Tristan eût suivi ce modele; Mais Tristan, qu'on mit au tombeau Plus pauvre que n'est un prophete, En laissant à Quinaut son esprit de poëte, Ne put lui laisser un manteau.

Les poésies de Tristan ont été recueillies en trois volumes; le premier contient ses amours; le second sa lyre, & le troisieme ses vers héroïques; mais il se distingua sur - tout par ses pieces dramatiques, qui eurent beaucoup de succès pendant sa vie. Mais sa tragédie de Marianne, retouchée par Rousseau, est la seule qui soutienne encore la réputation de son auteur. Mondori, célebre comédien de son tems, sit de si grands & de si continuels efforts, pour y bien jouer le rôle d'Hérode, qu'il en mourut. Le rôle d'Oreste dans l'Andromaque de Racine, a causé depuis le même sort à Montfleury.

Tristan a fait aussi des poésies sacrées, & a mis en vers l'office de la Vierge. Enfin il composa lui - même son épitaphe, que voici:

Je fis le chien - couchant auprès d'un grand seigneur. Je me vis toujours pauvre, & tâchai de paroître. Je vécus dans la peine attendant le bonheur, Et mourus sur un coffre en attendant mon maître. C'étoit Gaston de France dont il étoit gentilhomme ordinaire. (D. J.)

SOULONDRE (Page 15:406)

SOULONDRE, (Géog. mod.) petite riviere de France, dans le bas - Languedoc. Elle naît à 2 lieues de Lodeve; & au - dessous de cette ville, elle coule dans la Lergue. (D. J.)

SOUMELPOUR (Page 15:406)

SOUMELPOUR, (Géog. mod.) petite ville des Indes, au royaume de Bengale, dans les états du grand - mogol, sur la riviere de Gouel, à 30 lieues vers le couchant d'Ougli. Toutes ses maisons sont de terre, & couvertes de branches de cocos. Longit. 102. 20. latit. 21. 35. (D. J.)

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