ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"379"> devoit arriver à son frere & à sa postérité, eurent aussi leur accomplissement.

On rencontre dans les auteurs plusieurs exemples de cette espece; Bullengerus en a recueilli une partie dans le traité qu'il a composé sur ce sujet; mais ceux que l'on vient de rapporter suffisent pour montrer jusqu'où peut aller la superstition humaine. (D. J.)

Sorts des saints (Page 15:379)

Sorts des saints, (Divinat. des Chrétiens.) sortes sanctorum, espece de divination qui vers le troisieme siecle s'est introduite chez les Chrétiens à l'imitation de celles qu'on nommoit parmi les payens, sortes homericoe, sortes virgilianoe.

Elle consistoit à ouvrir au hasard les livres sacrés, dans l'espérance d'y trouver quelques lumieres sur le parti qu'ils avoient à suivre dans telles & telles circonstances; d'y apprendre, si le succès des événemens qui les intéressoient, seroit heureux ou malheureux, & ce qu'ils devoient craindre ou espérer du caractere, de la conduite, & du gouvernement des personnes auxquelles ils étoient soumis.

L'usage avoit établi deux manieres de consulter la volonté de Dieu par cette voie: la premiere étoit, comme on vient de le dire, d'ouvrir au hasard quelques livres de l'Ecriture - sainte, après avoir imploré auparavant le secours du ciel par des jeûnes, des prieres, & d'autres pratiques religieuses. Dans la seconde qui étoit beaucoup plus simple, on se contentoit de regarder comme un conseil sur ce qu'on avoit à faire, ou comme un présage du bon ou du mauvais succès de l'entreprise qu'on méditoit, les premieres paroles du livre de l'Ecriture, qu'on chantoit dans le moment où celui qui se proposoit d'interroger le ciel par cette maniere, entroit dans une église.

Saint Augustin dans son épître à Januarius, ne paroît condamner cette pratique qu'au sujet des affaires mondaines; cependant il aime encore mieux qu'on en fasse usage pour les choses de ce siecle, que de consulter les démons.

S. Grégoire évêque de Tours, nous a fait connoître d'une maniere assez particuliere les cérémonies religieuses, avec lesquelles on consultoit les sorts des saints. Les exemples qu'il en donne, & le sien propre, justifient que cette pradique étoit fort commune de son tems, & qu'il ne la desapprouvoit pas.

On en jugera par ce qu'il raconte de lui - même en ces termes: « Leudaste comte de Tours, qui cherchoit à me perdre dans l'esprit de la reine Frédegonde, étant venu à Tours avec de mauvais desseins contre moi; frappé du danger qui me menaçoit, je me retirai fort triste dans mon oratoire; j'y pris les pseaumes de David, pour voir si à leur ouverture, je n'y trouverois rien d'où je pusse tirer quelque consolation, & j'en eus une très - grande de ce verset, aue le hasard me présenta: Il les fit marcher avec espérance & sans crainte, pendant que la mer enveloppoit leurs ennemis. En effet, ajoute - t - il, Leudaste n'osa rien entreprendre contre ma personne; car ce comte étant parti de Tours le même jour, & la barque sur laquelle il étoit monté ayant fait naufrage, il auroit été noyé s'il n'avoit pas su nager ».

Ce qu'il rapporte de Meroüée fils de Chilpéric, mérite de trouver place ici, parce qu'on y voit quelles étoient les pratiques de religion auxquelles on avoit recours pour se rendre le ciel favorable, avant que de consulter les sorts des saints, & pour mieux s'assurer de la vérité de la réponse qu'on y cherchoit.

« Méroüée, dit Grégoire de Tours, étant disgracié de Chilpéric son pere, se réfugia dans la basilique de saint Martin; & ne se fiant point à une pythonisse, qui lui avoit prédit que le roi mourroit cette même année & qu'il lui succéderoit, il mit séparément sur le tombeau du saint, les livres des pseaumes, des rois, & des évangiles; il veilla toute la nuit auprès du tombeau, & pria saint Martin de lui faire connoître ce qui devoit lui arriver, & s'il régneroit ou non. Ce prince passa les trois jours suivans dans le jeûne, les veilles, & les prieres; puis s'étant approché du tombeau, il ouvrit d'abord le livre des rois; & le premier verset portoit ces mots: Comme vous avez abando~né le Seigneur votre Dieu, pour courir après des dieux étrangers, & que vous n'avez pas fait ce qui étoit agréable à ses yeux, il vous a livré entre les mains de vos ennemis. Les passages qui s'offrirent à lui dans le livre des pseaumes, & dans celui des évangiles (passages qu'il seroit inutile de rapporter), ne lui annonçant de même rien que de funeste, il resta long - tems aux piés du tombeau fondant en larmes, & se retira en Austrasie, où il périt malheureusement, trois ans après par les artifices de la reine Frédegonde, sa belle mere ».

Dans cet exemple, on voit que c'est Méroüée qui sans recourir au ministere des clercs de saint Martin de Tours, pose lui - même les livres saints, & les ouvre. Dans celui que l'on va citer toujours d'après le même auteur, on fait intervenir les clercs de l'église, qui joignent leurs prieres à celles du suppliant; voici comme le même auteur expose ce fait.

« Chramne s'étant révolté contre Clotaire I. & se trouvant à Dijon, les clercs de l'église se mirent en prieres pour d%mander à Dieu, si le jeune prince réussiroit dans ses desseins, & s'il parviendroit un jour à la couronne. Ils consulterent, comme dans le fait précédent, trois différens livres de l'Ecriture - sainte, avec cette différence, qu'à la place du livre des rois & des pseaumes, ils joignirent ceux du prophete Isaïe, & les épîtres de saint Paul, au livre des Evangiles. A l'ouverture d'Isaïe, ils lurent ces mots: J'arracherai la haie de ma vigne, & elle sera exposée au pillage; parce qu'au lieu de porter de bons raisins, elle en a produit de mauvais. Les passages des épîtres de saint Paul, & ceux de l'évangile qui se présentoient ensuite, ne parurent pas moins menaçans, & furent regardés comme une prédiction de la mort tragique de ce prince infortuné ».

Non - seulement on employoit les sorts des saints pour se déterminer dans les occasions ordinaires de la vie, mais même dans les élections des évêques, lorsqu'il y avoit partage. La`vie de saint Aignan fait soi, que c'est de cette maniere qu'il fut nommé évêque d'Orléans. Saint Euverte qui occupoit le siége de cette ville sur la fin du iv. siecle, se trouvant accablé de vieillesse, & voulant le désigner pour son successeur, le clergé & le peuple s'opposerent vivement à ce choix. Saint Euverte prit la parole, & leur dit: « Si vous voulez un évêque agréable à Dieu, sachez que vous devez mettre Aignan à ma place ». Mais pour leur faire connoître clairement que telle étoit la volonté du Seigneur, après que ce prélat eut indiqué, selon la coutumel un jeûne de trois jours, il fit mettre d'un côté sur l'autel des billets (brevia), & de l'autre, les pseaumes, les épîtres de saint Paul, & les évangiles. Ce que l'historien qu'on vient de citer, appelle ici brevia, étoient comme je l'ai traduit, des billets sur chacun desquels on écrivoit le nom d'un des candidats.

Saint Euverte fit ensuite amener un enfant qui n'avoit point encore l'usage de la parole, & lui commanda de prendre au hasard un de ces billets; l'enfant ayant obéi, il tira celui qui portoit le nom de saint Aignan, & se mit à lire à haute voix: Aignan est le pontife que Dieu vous a choisi. Mais saint Euverte, continue l'historien, pour satisfaire tout le monde, voulut encore interroger les livres saints; le [p. 380] premier verset qui se présenta dans les pseaumes, fut: Heureux celui que vous avez choisi, il demeurera dans votre temple. On trouva dans saint Paul ces mots: Personne ne peut mettre un autre fondement que celui qui a été posé; & enfin dans l'évangile ces paroles: C'est sur cette pierre que je bâtirai mon église. Ces témoignages parurent si décisifs en faveur de saint Aignan, qu'ils réunirent pour lui tous les suffrages, & qu'il fut placé aux acclamations de tout le peuple sur le siége d'Orléans.

Les Grecs aussi - bien que les Latins, consultoient les sorts des saints dans les conjonctures critiques; Cedrenus rapporte, comme nous l'avons dit en parlant des sorts en général, que l'empereur Héraclius après avoir eu de grands avantages sur Cosroez roi des Perses, se trouvant incertain sur le lieu où il prendroit ses quartiers d'hiver, purifia son armée pendant trois jours; ce sont les termes de l'historien; qu'ensuite il ouvrit les évangiles, & qu'il trouva qu'ils lui ordonnoient d'aller hiverner en Albanie.

Depuis le huitieme siecle, les exemples de cette pratique deviennent un peu plus rares; cependant il est certain que cet usage subsista jusque dans le quatorzieme siecle, avec cette seule différence, qu'on ne se préparoit plus à cette consultation par des jeûnes & despprieres, & qu'on n'y joignoit plus cet appareil religieux, que jusqu'alors on avoit cru nécessaire pour engager le ciel à manifester ainsi ses volontés.

L'église tant grecque que latine, conserva sans cesse quelques traces de cet usage. La coutume étoit encore dans le xv. & xvj. siecle quand un évêque étoit élu, que dans la cérémonie de son sacre, immédiatement après qu'on lui avoit mis sur la tête le livre des évangiles, on l'ouvroit au hasard, & le premier verset qui se présentoit, étoit regardé comme un pronostic de ce qu'on avoit à espérer ou à craindre de son caractere, de ses moeurs, de sa conduite, & du bonheur ou du malheur qui lui étoit réfervé durant le cours de son épiscopat; les exemples en sont fréquens dans l'histoire ecclésiastique.

Si l'on en croit un de ses écrivains qui a fait la vie des évêques de Liége, la mortpfuneste d'Albert évêque de cette ville, lui fut annoncée par ces paroles, que l'archevêque qui le sacroit trouva à l'ouverture du livre des évangiles: Il envoya un de ses gardes avec ordre de lui apporter la tête de Jean; & ce garde étant entré dans la prison, lui coupa la tête. L'historien ajoute, que ce prélat en fut si frappé, qu'il adressa la parole au nouvel évêque, & lui dit en le regardant avec des yeux baignés de larmes: Mon fils, en vous donnant au service de Dieu, conduisez - vous avec crainte & avec justice, & préparez votre ame à la tentation; car vous serez un jour martyr. Il fut en effet assassiné par des émissaires de l'empereur Henri VI. & l'Eglise l'honore comme martyr.

On ajoutoit tant de foi à ces sortes de pronostics; ils formoient un préjugé si favorable ou si desavantageux aux évêques, qu'on les alléguoit dans les occasions les plus importantes, & même dans celles où il étoit question de prononcer sur la canonicité de leur élection.

La même chose se pratiquoit à l'installation des abbés, & même à la réception des chanoines; cette coutume subsiste encore aujourd'hui dans la cathédrale de Boulogne, dont le diocèse aussi - bien que ceux d'Ypres & de Saint - Omer, a été formé des débris de cette ancienne église, après que la ville de Térouanne eut été détruite par Charles - Quint. Toute la différence qui s'y trouve présentement, c'est qu'à Boulogne, le nouveau chanoine tire les sorts dans le livre des pseaumes, & non dans celui des évangiles. Feu M. de Langle évêque de Boulogne, peu d'années avant sa mort qui arriva en 1722, rendit une ordonnance qui tendoit à abroger cet usage; il craignoit avec raison qu'il n'eût quelque chose de superstitieux. Il avoit d'ailleurs remarqué, qu'il arrivoit quelquefois que le verset du pseaume que le hasard offroit au nouveau chanoine, contenoit des imprécations, des reproches, ou des traits odieux, qui devenoient pour lui une espece de note de ridicule, ou même d'infamie. Mais le chapitre qui se prétend exempt de la jurisdiction épiscopale, n'eut point égard à cette ordonnance; & comme suivant la coutume, on inséroit dans les lettres de prise de possession de chaque chanoine le verset du pseaume qui lui étoit tombé à sa réception, le chapitre résolut seulement, qu'à l'avenir on ajouteroit à ces lettres, qu'on ne faisoit en cela que suivre l'ancienne coutume de l'église de Térouanne.

Quant à la seconde maniere de consulter les sorts des saints, elle étoit comme on l'a dit, beaucoup plus simple, & également connue dans les deux églises grecque & latine. Cette maniere consistoit à regarder comme un bon ou un mauvais augure, ou comme une déclaration de la volonté du ciel, les premieres paroles de la sainte Ecriture, qu'on chantoit à l'église dans le moment qu'on y entroit à cette intention: les exemples en sont très - nombreux.

Saint Cyprien étoit si persuadé que Dieu manifestoit quelquefois ses volontés par cette voie, qu'il y avoit souvent recours; c'étoit pour ce pere de l'Eglise un heureux présage lorsqu'il trouvoit que les premieres paroles qu'il entendoit en mettant le pié dans l'église, avoient quelque relation avec les choses qui l'occupoient.

Il faut cependant convenir que dans le tems où cet usage de consulter les sorts à venir par l'Ecriture, étoit le plus en vogue, & souvent même accompagné d'un grave appareil d'actes de religion; on trouve différens conciles qui condamnent en particulier les sorts des saints, & en général toute divination faite par l'inspection des livres sacrés. Le concile de Vannes, par exemple, tenu sous Léon I. dans le v. siecle; le concile d'Agde assemblé l'an 506; les conciles d'Orléans & d'Auxerre, l'un de l'an 511, & l'autre de l'an 595, proscrivent les sorts des saints; & l'on trouve un capitulaire de Charlemagne publié en l'an 789, qui contient aussi la même défense. Mais les termes dans lesquels ces défenses sont conçues, donnent lieu de croire, que la superstition avoit mêlé une infinité de pratiques magiques dans les sorts des saints, & qu'il ne faut peut - être pas confondre la maniere de les consulter condamnée par ces canons, avec celle qui étoit souvent employée dans les premiers siecles de l'Eglise par des personnes éminentes en piété.

Ce qu'il y a de sûr, c'est que quelques théologiens conviennent en général qu'on ne peut pas excuser les sorts des saints de superstition; que c'étoit tenter Dieu que de l'interroger ainsi; que les Ecritures ne contiennent rien dont on puisse conclure, que Dieu ait pris là - dessus aucun engagement avec les hommes, & que cette coutume bien loin d'être autorisée par aucune loi ecclésiastique, a été abrogée dans les tems éclairés; cependant ces mêmes théologiens oubliant ensuite la solidité des principes qu'ils venoient d'établir, se sont persuadés que dans certaines occasrons, plusieurs de ceux qui ont consulté les sorts des saints, y ont été portés par une secrete inspiration du ciel. (D. J.)

SORTA cap (Page 15:380)

SORTA cap, (Géog. mod.) cap de la Méditerranée, sur la côte de Tripoli, en Barbarie, au fond du golphe de Sidra. On prend ce cap pour l'Hippi promontorium des anciens. (D. J.)

SORTE (Page 15:380)

SORTE, s. f. (Gram.) nom collectif, qui rassemble sous son acception un certain nombre de choses

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.