ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"340"> d'un objet. Il se dit particulierement de la pointe des plantes, Voyez Sommet, & du haut des collines. La sommité de cette colline.

SOMMONA - KODOM (Page 15:340)

SOMMONA - KODOM, s. m. (Hist. mod. superstition.) c'est un personnage fameux, qui est l'objet de la vénération, & même du culte des Siamois, des habitans de Laos, & du Pégu. Suivant les talapoins, ou prêtres siamois, le nom propre de cet homme est Kodom, & sommona signifie le solitaire ou le religieux des bois, parce que ce législateur, devenu l'idole des Siamois, étoit un sarmane ou sammane, de la côte de Malabar ou de Coromandel, qui leur apporta la religion qu'ils suivent aujourd'hui, & qui est préchée par les talapoins ses disciples. On croit que cet homme, ou ce dieu, est le même que Poutisat ou Budda, nom qu'on lui donne en différentes parties de l'Inde: on présume aussi que c'est lui qui est adoré par une secte de Chinois qui l'appellent Shaka, ou She kia. Quoi qu'il en soit de ces opinions, les prêtres siamois font une histoire non moins merveilleuse que ridicule, de leur législateur; ils disent qu'il est né d'une fleur, sortie du nombril d'un enfant qui mordoit le gros doigt de son pié, & qui lui - même n'étoit que la feuille d'un arbre nageant à la surface des eaux. Malgré cela, les Siamois ne laissent pas de donner à Sommona kodom, un pere qui étoit roi de Tanka, ou de Ceylan, & une mere appellée Maha ou Marya, ou suivant d'autres, Man - ya. Ce nom a attiré l'attention des missionnaires chrétiens qui ont été à Siam; il a fait croire aux Siamois que Jesus - Christ étoit un frere de Sommona - kodom, qu'ils appellent le méchant Thevetat, qui, selon ces aveugles idolâtres, est tourmenté en enfer, par un supplice qui a du rapport avec celui de la croix.

Sommona - kodom mourut, suivant les annales de Siam, 544 ans avant l'ere chrétienne; les talapoins, dont le but principal est de tirer de l'argent du peuple, qu'ils séduisent, assurent que non - content d'avoir donné tout son bien aux pauvres, n'ayant plus rien, il s'arracha les yeux, & tua sa femme & ses enfans, pour les donner à manger aux talapoins. Ces charités si inouies dégagerent le saint homme de tous les liens de la vie: alors il se livra au jeûne, à la priere, & aux autres exercices qui menent à la perfection; il ne tarda point à recevoir la recompense de ses bonnes oeuvres; il obtint une force de corps extraordinaire, le don de faire des miracles, la faculté de se rendre aussi grand & aussi petit qu'il vouloit, celle de disparoître ou de s'anéantir, & d'en substituer un autre à sa place; il savoit tout, connoissoit le passé & l'avenir; il se transportoit avec une promptitude merveilleuse, d'un lieu dans un autre, pour y précher ses dogmes. Suivant les mêmes traditions, ce prétendu prophete eut deux disciples, qui partagent avec lui la vénération & le culte des Siamois; l'un deux pria un jour son maître d'éteindre le feu de l'enfer, mais il ne voulut en rien faire, disant que les hommes deviendroient trop méchans, si on leur ôtoit la crainte de ce châtiment. Malgré sa sainteté, Sommona - kodom eut un jour le malheur de tuer un homme; en punition de ce crime, il mourut d'une colique, qui lui vint pour avoir mangé de la viande de porc; avant de mourir, il ordonna qu'on lui érigeât des temples & des autels, après quoi il alla jouir du nireupan, c'est - à - dire, de l'état d'anéantissement dans lequel la théologie siamoise fait consister la félicité suprème; là, il ne peut faire ni bien ni mal; cela n'empêche point qu'on ne lui adresse des voeux. Les Siamois attendent la venue d'un second Sommona - kodom, prédit par le premier; ils le nomment Pra - narotte; il sera si charitable, qu'il donnera ses deux fils à manger aux talapoins; action qui mettra le comble à ses vertus. Voyez la Loubere, hist. & descript. de Siam.

SOMNAMBULE, & SOMNAMBULISME (Page 15:340)

SOMNAMBULE, & SOMNAMBULISME, s. m. (Médecine.) ce nom formé de deux mots latins, somnus, sommeil, & ambulo, je me promene, signifie littéralement l'action de se promener pendant le sommeil; mais on a étendu plus loin la signification de ce mot, dans l'usage ordinaire, & l'on a donné le nom générique de somnambulisme, à une espece de maladie, d'affection, ou incommodité singuliere, qui consiste en ce que les personnes qui en sont atteintes, plongées dans un profond sommeil, se promenent, parlent, écrivent, & font différentes actions, comme si elles étoient bien éveillées, quelquefois même avec plus d'intelligence & d'exactitude; c'est cette faculié & cette habitude d'agir endormi comme éveilié, qui est le caractere distinctif du somnambulisme; les variétés naissent de la diversité d'actions, & sont en conséquence aussi multipliées que les actions dont les hommes sont capables, & les moyens qu'ils peuvent prendre pour les faire; elles n'ont d'autres bornes que celles du possible, & encore ce qui paroît impossible à l'homme éveillé, ne l'est point quelquefois pour le somnambule; son imagination échauffée dirige seule & facilite ses mouvemens.

On voit souvent des somnambules qui racontent en dormant tout ce qui leur est arrivé pendant la journée; quelques - uns répondent aux questions qu'on leur fait, & tiennent des discours très - suivis; il y a des gens qui ont la malhonnèteté de profiter de l'état où ils se trouvent, pour leur arracher, malgré eux, des secrets qu'il leur importe extrêmement de cacher; d'autres se levent, composent, écrivent ou se promenent, courent les rues, les maisons; il y en a qui nagent & qui font des actions très - périlleuses par elles - mêmes, comme de marcher sur le bord d'un toît sans peur, & par - là sans danger; ils ne risquent que de s'éveiller, & si cela leur arrive, ou par hasard, ou par le secours funeste de quelque personne imprudente, ils manquent rarement de se tuer. Quelques somnambules ont les y eux ouverts, mais il ne paroît pas qu'ils s'en servent; la plûpart n'ont en se réveillant aucune idée de ce qu'ils ont fait étant endormis, mais ils se rappellent d'un sommeil à l'autre, les actions des nuits précédentes; il semble qu'ils aient deux mémoires, l'une pour la veille, & l'autre pour le sommeil. Lorsqu'on suit quelque tems un somnambule, on voit que leur sommeil, si semblable à la veille, offre un tissu surprenant de singularités: il ne manque pas d'observations étonnantes dans ce genre; mais combien peu sont faites exactement, & racontées avec fidélité? ces histoires sont presque toujours exagérées par celui qui en a été le témoin; on veut s'accommoder au goût du public, qui aime le merveilleux, & qui le croit facilement; & à mesure qu'elles passent de main en main, elles se chargent encore de nouvelles circonstances, le vrai se trouve obscurci par les fables auxquelles il est mêlé, & devient incroyable; il importe donc de choisir des faits bien constatés, par la vue & le témoignage d'un observateur éclairé. Laissant donc à part tous les contes imaginaires, ou peu prouvés, qu'on fait sur les somnambules, je vais rapporter quelques traits singuliers, qui pourront servir à faire connoître la nature de cette affection, dont la vérité ne sauroit être suspecte; je les tiens d'un prélat illustre (M. l'archevêque de Bordeaux), aussi distingué par ses vertus, que par la variété & la justesse de ses connoissances; son nom seul fait une autorité respectable, qu'on ne sauroit recuser.

Il m'a raconté qu'étant au séminaire, il avoit connu un jeune ecclésiastique somnambule: curieux de connoître la nature de cette maladie, il alloit tous les soirs dans sa chambre, dès qu'il étoit endormi; il vit entre autres choses, que cet ecclésiastique se levoit, prenoit du papier, composoit, & écrivoit des ser<pb-> [p. 341] mons; lorsqu'il avoit fini unc page, il la relisoit touthaut d'un bout à l'autre (si l'on peut appeller relire, cette action faite sans le secours des yeux); si quelque chose alors lui déplaisoit, il le retranchoit, & écrivoit par - dessus, les corrections, avec beaucoup de justesse. J'ai vu le commencement d'un des sermons qu'il avoit écrit en dormant, il m'a paru assez bien fait, & correctement écrit: mais il y avoit une correction qui étoit surprenante; ayant mis dans un endroit ce divin enfant, il crut en la relisant, devoir substituer le mot adorable à divin; pour cela il effaça ce dernier mot, & plaça exactement le premier par - dessus; après cela il vit que le ce, bien placé devant divin, ne pouvoit aller avec adorable, il ajouta donc fort adroitement un t à côté des lettres précédentes, de façon qu'on lisoit cet adorable enfant. La même personne, témoin occulaire de ces faits, pour s'assurer si le somnambule ne faisoit alors aucun usage de ses yeux, mit un carton sous son menton, de façon à lui dérober la vue du papier qui étoit sur la table; mais il continua à écrire sans s'en appercevoir; voulant ensuite connoître à quoi il jugeoit de la présence des objets qui étoient sous ses yeux, il lui ota le papier sur lequel il écrivoit, & en substitua plusieurs autres à différentes reprises, mais il s'en apperçut toujours, parce qu'ils étoient d'une inégale grandeur: car quand on trouva un papier parfaitement semblable, il le prit pour le sien, & écrivit les corrections aux endroits correspondans à celui qu'on lui avoit ôté; c'est par ce stratagème ingénieux, qu'on est venu à bout de ramasser quelques - uns de ses écrits nocturnes. M. l'archevêque de Bordeaux a eu la bonté de me les communiquer; ce que j'ai vu de plus étonnant, c'est de la musique faite assez exactement; une canne lui servoit de regle, il traçoit, avec elle, à distance egale, les cinq lignes nécessaires, mettoit à leur place, la clé, les bémols, les diésis, ensuite marquoit les notes qu'il faisoit d'abord toutes blanches, & quand il avoit fini, il rendoit noires celles qui devoient l'être. Les paroles étoient écrites au - dessous. Il lui arriva une fois de les écrire en trop gros caracteres, de façon qu'elles n'étoient pas placées directement sous leur note correspondante; il ne tarda pas à s'appercevoir de son erreur, & pour la reparer, il effaça ce qu'il venoit de faire, en passant la main par - dessus, & refit plus bas cette ligne de musique, avec toute la précision possible.

Autre singularité dans un autre genre, qui n'est pas moins remarquable; il s'imagina, une nuit au milieu de l'hiver, se promener au bord d'une riviere, & d'y voir tomber un enfant qui se noyoit; la rigueur du froid ne l'empêcha point de l'aller secourir, il se jetta tout de suite sur son lit, dans la posture d'un homme qui nage, il en imita tous les mouvemens, & après s'être fatigué quelque tems à cet exercice, il sent au coin de son lit un paquet de la couverture, croit que c'est l'enfant, le prend avec une main, & se sert de l'autre pour revenir en nageant, au bord de la prétendue riviere; il y pose son paquet, & sort en frissonnant & claquant des dents, comme si en effet il sortoit d'une riviere glacée; il dit aux assistans qu'il gêle & va mourir de froid, que tout son sang est glacé; il demande un verre d'eau - de - vie pour se rechauffer, n'en ayant pas, on lui donne de l'eau qui se trouvoit dans la chambre, il en goûte, reconnoit la tromperie, & demande encore plus vivement de l'eau - de - vie, exposant la grandeur du péril qu'il couroit; on lui apporte un verre de liqueur, il le prend avec plaisir, & dit en ressentir beaucoup de soulagement; cependant il ne s'éveille point, se couche, & continue de dormir plus tranquillement. Ce même somnambule a fourni un très grand nombre de traits forts singuliers; ceux que je viens de rapporter, peuvent suffire au but que nous nous som<cb-> mes proposé. J'ajouterai seulement que lorsqu'on vouloit lui faire changer de matiere, lui faire quitter des sujets tristes & désagréables, on n'avoit qu'à lui passer une plume sur les levres, dans l'instant il tomboit sur des questions tout - à - fait différentes.

Quoiqu'il soit très - facile de reconnoître le somnambulisme par les faits incontestables que nous avons détaillés, il n'est pas aisé d'en découvrir la cause & le méchanisme; l'étymologie de cette maladie est un écueil funeste à tous ces faiseurs d'hypothèses, à tous ces demi - savans qui ne croient rien que ce qu'ils peuvent expliquer, & qui ne sauroient imaginer que la nature ait des mysteres impénétrables à leur sagacité, d'autant plus à plaindre que leur vue courte & mal assurée, ne peut s'étendre jusqu'aux bornes très voisines de leur horison; on peut leur demander:

1°. Comment il se peut faire qu'un homme enseveli dans un profond sommeil, entende, marche, écrive, voie, jouisse en un mot de l'exercice de ses sens, & exécute avec justesse, divers mouvemens: pour faciliter la solution de ce problème, nous ajouterons que le somnambule ne voit alors que les objets dont il a besoin, que ceux qui sont présens à son imagination. Celui dont il a été question, lorsqu'il composoit ses sermons, voyoit fort bien son papier, son encre, sa plume, savoit distinguer si elle marquoit ou non; il ne prenoit jamais le poudrier pour l'encrier, & du reste il ne se doutoit pas même qu'il eût quelqu'un dans sa chambre, ne voyoit & n'entendoit personne, à moins qu'il ne les interrogeât; il lui arrivoit quelquefois de demander des dragées à ceux qu'il croyoit à côté de lui, & il les trouvoit fort bonnes quand on lui en donnoit; & si dans un autre tems on lui en eût mis dans la bouche, sans que son imagination fût montée de ce côté - là, il n'y trouvoit aucun goût, & les rejettoit.

2°. Comment l'on peut éprouver des sensations sans que les sens y ayent part; voir, par exemple, sans le secours des yeux: le somnambule dont nous avons sait l'histoire, paroissoit évidemment voir les objets qui avoient rapport à son idée, lorsqu'il traçoit des notes de musique; il savoit exactement celles qui devoient être blanchés ou noires, & sans jamais se méprendre il noircissoit les unes & conservoit les autres; & lorsqu'il étoit obligé de revenir au haut de la page, si les lignes du bas n'étoient pas seches, il faisoit un détour pour ne pas les effacer en passant la main dessus; si elles étoient assez feches, il négligeoit cette précaution inutile. Il est bien vrai que si on lui substituoit un papier tout - à - fait semblable, il le prenoit pour le sien; mais pour juger de la ressemblance, il n'avoit pas besoin de passer la main tout - autour. Peut - être ne voyoit - il que le papier, sans distinguer les caracteres. Il y a lieu de présumer que les autres sens dont il se servoit n'étoient pas plus dispos que les yeux, & que quelqu'autre cause suppléoit leur inaction; on auroit pû s'en assurer en lui bouchant les oreilles, en le piquant, en lui donnant du tabac, &c.

3°. Comment il arrivoit qu'en dormant il se rappelloit le souvenir de ce qui lui étoit arrivé étant éveillé, qu'il sût aussi ce qu'il avoit fait pendant les autres sommeils, & qu'il n'en conservât aucun souvenir en s'éveillant: il témoignoit quelquefois pendant le sommeil sa surprise de ce qu'on l'accusoit d'être somnambule, de travailler, d'écrire, de parler pendant la nuit; il ne concevoit pas comment on pouvoit lui faire de pareils reproches, à lui qui dormoit profondement toute la nuit, & qu'on avoit beaucoup de peine à réveiller; cette double mémoire est un phénomene bien merveilleux.

4°. Comment il est possible que sans l'action d'aucune cause extérieure on soit affecté aussi gravement que si on eût été exposé à ses impressions: notre som -

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