ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"300"> Dans l'étoffe riche, les desseins sont sur des papiers de 10 en 10; & dans celle - ci, ils sont sur des 8 en 10, parce qu'elle est toute soie, & que dans l'autre la dorure empêcheroit de serrer l'étoffe.

Lorsqu'il est question de lire le dessein, l'on examine dans les tiges les feuilles & les fleurs, dont la quantité de cordes qui doivent être prises peut aller à une certaine hauteur, sans qu'il y ait du changement, comme par exemple, à une dixaine ou deux de hauteur qui seront tirées sans discontinuer; on en fait un lac qui est placé à la droite de la tireuse, & on continue de lire les petites parties jusqu'à la hauteur où la disposition du dessein oblige de changer ce premier lac pour en lire un second; & ainsi des autres jusqu'à la fin du dessein. Quand l'étoffe est prête à être travaillée, la tireuse tire ce premier lac, & arrête le bouton tiré entre deux chevilles placées à sa droite; dans lesquelles chevilles qui n'ont de distance de l'une à l'autre qu'autant qu'il en faut pour y placer la corde qui est arrêtée par le bouton qui est au - dessous, ce lac se trouvant tiré pendant le tems que les autres lacs qui sont legers se tirent, & que l'étoffe se fabrique jusqu'à la dixaine ou ligne transversale du dessein, où il faut changer ce premier lac qui ordinairement est le plus pesant; lorsque le moment du changement arrive, le dernier lac tire une sonnette qui avertit du changement: pour lors la tireuse sort le lac arrêté entre les deux chevilles, & en place un autre pour continuer son travail.

Comme ces gros lacs sont placés en une seule ligne à la droite des autres boutons, il faut que les chevilles soient placées de façon que chaque bouton soit perpendiculaire aux deux chevilles dans lesquelles il doit être arrêté; sans quoi la tire seroit gênée: c'est pour cela que la planche des chevilles qui est de quatre pouces de largeur, doit être d'une longueur égale au rang des boutons qui contiennent le gros lac, cette planche est arrêtée solidement à une piece de bois de la hauteur de l'étai du métier, où elle forme une espece de croix, & à une distance du bouton égale à la longueur déterminée qu'il doit avoir pour tenir la soie levée à la hauteur nécessaire pour que la navette puisse passer.

Il est aisé de comprendre que cette façon de lire le dessein soulage beaucoup la tireuse, puisque dans un dessein de 50 dixaines, loin de tirer le gros lac 500 fois, elle ne le tire au plus que 50, même 25 ou 30, suivant la hauteur des cordes arrêtées; & encore tire - t - elle ce lac seul pour le mettre entre les deux chevilles, le surplus qui n'est pas arrête, étant les plus petites parties à tirer qui ne sauroient la fatiguer.

Il y a encore une observation très - importante à faire sur cette façon de disposer le métier.

C'est une regle, que chaque lac ou bouron doit contenir autant de cordes de tirage qu'il y a de cordes de rame à tirer. Ces cordes qui sont d'un très - beau fil retordu coutent 4 liv. 10 s. jusqu'à 100 s. la livre. Or, si le gros lac contient 100 ou 200 cordes plus ou moins; le bouton en doit tirer autant pour une fois seulement; s'il est poussé jusqu'à une dixaine seulement, on épargne sur 100 cordes du lac 900 cordes de moins chaque dixaine, & sur 200 cordes 1800, de trois quarts & plus de longueur chacune; ce qui, outre cette épargne qui est considérable, dégage par cette diminution de cordes le travail qui seroit beaucoup plus gêné, si le métier contenoit ce millier nombreux de cordages qui est diminué par ce retranchement industrieux.

Les florentines sont montées à 8 lisses pour le satin & autant pour le rabat, ce qui fait 16 lisses égales en tout. Les chaînes sont depuis 60 jusqu'à 75 portées; les lisses de satin sont armées à l'ordinaire, savoir, une prise & deux laissées; celles de rabat baissent de suite; de façon que ce qui fait figure de florentine à l'endroit de l'étosse, fait satin à l'envers; & ce qui fait satin à l'endroit, fait slorentine à celui qui lui est opposé.

On ne se sert point de carrette ordinaire pour faire lever les lisses de la florentine; & au moyen de celle qui est en usage, on épargne une estriviere chaque marche où il en faut une pour lever la lisse de satin, & une pour faire baisser la lisse de rabat. Une estriviere seule fait tout le mouvement, au moyen d'une carrete fort élevée dont les alerons sont fixés horisontalement, auxquels on attache d'un côté la lisse qui doit baisser, & de l'autre celle qui doit lever; de façon qu'une seule estriviere attachée à la lisse de rabat faisant baisser la lisse d'un côté de même que l'aleron, lorsque l'ouvrier foule la marche, le fait lever du côté opposé; & par conséquent la lisse qui lui est attachée. Par exemple.

Au premier aleron d'un côté est attachée la premiere lisse de satin du côté du corps; & de l'autre la premiere lisse de rabat du côté du battant. Au deuxieme, la quatrieme de satin & la troisieme de rabat. Au troisieme, la septieme lisse de satin & la troisieme de rabat. Au quatrieme, la deuxieme lisse de satin & la quatrieme de rabat. Au cinquieme, la cinquieme de satin & la cinquieme de rabat. Au sixieme, la huitieme de satin & la sixieme de rabat. Au septieme, la troisieme lisse de satin & la septieme de rabat. Au huitieme enfin, la sixieme lisse de satin & la huitieme de rabat.

L'usage est de commencer par la deuxieme lisse de satin & celles de rabat comme elles sont marquées, en suivant le satin à l'ordinaire, pour éviter la contrariété qui se trouveroit entre la huitieme lisse de rabat & la premiere de satin.

Il est bon d'observer encore que les carrettes dans les florentines ne sont pas placées au - travers des estases comme dans les autres métiers. On les attache au plancher & en long, c'est - à - dire, parallelement aux deux estases; ensorte qu'en suivant l'ancienne méthode, il faudroit à la carrette trente alerons, tandis qu'il ne lui en faut ici que huit; il faudroit huit carquerons, au lieu qu'ici il n'y a point; il faudroit seize estrivieres pour les huit marches, tandis qu'on n'en employe que huit.

Machines inventées pour faciliter la fabrication des étoffes. La quantité de machines qui ont été inventées pour faciliter la fabrication de l'étoffe est considérable, attendu le peu d'utilité qui en résulte. Il en est cependant quelques - unes auxquelles on ne sauroit refuser un juste applaudissement.

Telle est, par exemple, celle qui fut inventée en l'année 1717 par Jean Baptiste Garon, fabriquant de Lyon, ou plutôt par le sieur Jurines, maître passementier. Cette machine, qui tient lieu d'une seconde tireuse, de laquelle on ne pouvoit pas absolument se passer pour la fabrication des étoffes riches, ou celles dont la tire est extraordinairement pesante, ne coûte aujourd'hui que 7 livres 10 sols, au lieu de 45 livres que son auteur la vendoit, suivant le privilege qui lui fut accordé de la vendre seul pendant l'espace de dix années, par arrêt du conseil du mois de Mai 1718. Il est vrai qu'elle revenoit à son auteur à 20, 22 livres, le surplus de son prix lui tenoit lieu de récompense. Cette machine très - utile a tellement été multipliée, qu'on ne croiroit pas trop hasarder en soutenant qu'il y en a actuellement plus de dix mille à Lyon.

Après cette machine, a paru sur les rangs celle de Falcon, imaginée en 1738. Elle lui a été attribuée, quoique Basile Bouchon en fût le premier inventeur. Cette machine, aussi inutile qu'elle a coûté de l'argent, n'est mise en pratique que par un seul fabriquant, duquel Falcon a acheté les suffrages pour la [p. 301] faire valoir; elle coûte à la communauté, à la ville ou à l'état environ quatre - vingt mille livres jusqu'à ce jour, en y comprenant une pension viagere de 1500 livres, dont la moitié est reversible après sa mort, sur la tête de sa femme. Cette pension a été accordée en 1748. Loin de soulager la tireuse, cette machine la fatigue extraordinairement, en ce qu'elle est obligée de travailler des piés & des mains, au lieu que suivant l'ancienne méthode, elle travaille des mains seulement. Tous les maîtres ouvriers qui ont voulu s'en servir, en ont été tellement satisfaits, que, excepté le seul qui a vendu cherement son suffrage à Falcon, ils ont fourni une déclaration, certifiée des maîtres gardes des ouvriers pour lors en exercice, qui contient en substance que s'ils avoient continué de s'en servir, elle les auroit tous ruinés; cette déclaration est du mois de Janvier 1754, ensuite des ordres adressés à M. le prevôt des marchands de la ville de Lyon, par M. de Gournay, intendant du commerce, par sa lettre du mois de Décembre précédent, pour constater son utilité, en conséquence d'une nouvelle demande de Falcon au conseil d'une somme de 20 mille livres de gratification, & d'une augmentation de mille livres de pensien pour la rendre parfaite, comme si dans l'espace de seize années Falcon n'eût pas encore eu le tems de donner à sa machine toute la perfection dont elle devoit être revêtue, eu égard aux sommes qu'il en avoit reçues.

On sera sans doute surpris que le conseil ait ordonné le payement de sommes aussi considérables, & une pension de même pour une machine aussi inutile; la chose n'est pas difficile à concevoir, parce qu'en cela, comme en beaucoup d'autres choses, le conseil est souvent trompé. Quand il s'agit de statuer sur la récompense d'une machine, le ministere envoye la requête de l'inventeur au prevôt des marchands de Lyon, pour avoir son avis sur l'invention proposée; le prevôt des marchands communique la lettre du ministre ou son préposé aux maîtres & gardes de la communauté, qui bien souvent composent avec l'inventeur; le traité étant conclu, les maîtres & gardes donnent leur avis par écrit au prevôt des marchands, qui en conséquence envoye le sion au ministre, sur lequel la gratification est ordonnée. Falcon a reçu environ 50 mille livres depuis 1748 jusqu'en 1754, suivant ses quittances: on pense bien que toutes ces sommes ne sont pas entrées chez lui.

La machine de Falcon ne peut servir ni aux étosses brochées, riches ou autres, ni aux étosses courantes au bouton; dans les premieres, pour un dessein de cent douzaines seulement en dix lacs brochés comme elles se font aujourd'hui, où il faut douze mille lacs, il faudroit douze mille bandes de carton de deux pouces & demi de large, les lacs qui ordinairement sont de fil dans les métiers ordinaires, étant de carton dans celle - ci. Il faudroit en outre au moins trois mois pour monter ce métier, au lieu de quinze jours qui suffisent, même moins suivant l'ancienne méthode; le carton revient aussi cher que le fil de lac, qui dans une étoffe brochée durera dix à douze années, & dans celle - ci il ne peut servir absolument qu'à un dessein. Quand le fil de lac est usé, il sert encore à tramer des toiles grossieres destinées à faire des nappes, des essuie - mains & des draps pour coucher les tireuses & les compagnons du maître. Veuton avoir toutes les machines nécessaires pour lire le dessein & faire les lacs, 3000 livres ne seroient pas suffisantes pour en faire les frais, sans y comprendre le tems perdu pour monter le métier. Veut - on augmenter ou diminuer les cordages, il faut les machines différentes; par conséquent les mêmes frais pour chaque métier. Veut on faire des étoffes courantes, ou au bouton avec la même machine, on soutient hardiment qu'outre les frais différens & proportionnés à la quantité de cordages énoncés ci - dessus, un bon ouvrier ne fera pas le quart de la journée. En un mot, si la machine & toutes les autres qui y concourent est disposée pour un métier de quatre cens cordes à l'ordinaire, on ne sauroit en diminuer ni en augmenter une seulement, qu'il ne faille faire les frais nécessaires & énoncés ci - dessus pour la mettre en état de travailler. Cette machine déclarée inutile & ruineuse par les principaux membres de la communauté, a cependant été préconisée par un très grand machiniste l'un des rédacteurs du réglement du 19 Juin 1744, puisqu'elle fait un article de ce réglement, qui permet un cinquieme métier aux fabriquans qui voudront le monter suivant la méchanique de Falcon, ce qui n'a pu faire faire fortune à cette méchanique, puisqu'elle a été proscrite par ceux qui seuls sont en état de connoître son utilité. On est bien éloigné de penser que Falcon ait acheté les suffrages, & du machiniste, & des rédacteurs du réglement; on les a cru trop délicats pour un commerce semblable.

Le conseil est aujourd'hui plus circonspect à l'égard des gratifications; l'intendant a ordre de pulvériser tous les méchanismes nouveaux en fait de fabrique pour s'assurer de leur utilité; c'est lui qui a soin de faire payer & de donner les ordonnances à ce sujet au lieu & place du prevôt des marchands qui en étoit chargé ci - devant.

On a inventé encore d'autres machines pour travailler sans tireuse; mais elles ne sont bonnes que pour des desseins de trois ou quatre dixaines; elles sont montées avec un cylindre, dont la circonférence se rapporte à la quantité de dixaines dont le dessein est composé, chaque ligne du dessein tant transversale que perpendiculaire contenant plus d'un demi - pouce, ce qui fait que pour un dessein de cinquante dixaines de large pour quatre cens cordes à l'ordinaire, il faudroit un cylindre de vingt - cinq pouces & plus de longueur, & pour cinquante dixaines de hauteur en huit, en dix seulement, cent vingt - cinq pouces de circonférence, ce qui ne feroit pas moins de quarante - deux pouces ou trois piés & demi de diametre, & encore faudroit - il que l'étoffe n'eût qu'un lac seulement: ajoutez à toutes ces inventions qu'il n'est pas possible qu'un ouvrier puisse faire seul un ouvrage, ordinairement pénible pour deux personnes, & aller aussi vîte. La tireuse d'ailleurs étant utile pendant le cours de la fabrication à beaucoup d'autres occupations toutes relatives à l'expédition de l'ouvrage, telles que celles de remonder, r'habiller les fils, changer ceux qui sont écorchés, &c. tandis que l'ouvrier est occupé à autre chose. D'où il faut conclure que toutes les méchaniques, dont le nombre est assez grand, ne sont imaginées que pour attrapper par leurs auteurs quelques sommes d'argent, ce qui les rend paresseux & débauchés tout ensemble; il est vrai que l'ordre établi depuis quelque tems a produit un changement différent. On ne disconvient pas que les ouvriers qui se distinguent dans les inventions d'étosses ne méritent récompense, toutefois en rendant l'étoffe publique de même que l'invention; mais à l'égard des méchaniques pour la fabrication de l'étoffe, si on n'avoit accordé que le privilege aux inventeurs tels que le sieur Garon, on auroit épargné des sommes considérables; parce que si la méchanique est bonne, tous les ouvriers s'en serviront; si elle ne l'est pas, elle ne mérite aucune gratification. Lorsque le privilege de dix années accordées à Garon fut expiré, on compta deux mille machines dans la fabrique, lesquelles pouvoient lui avoir procuré environ 25000 livres de bénéfice, ce qui devoit être suffisant pour son indemnité.

Modele d'un métier d'étoffe fabriquant seul un damas

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