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SOBRIÉTÉ (Page 15:248)
SOBRIÉTÉ, s. f. (Morale.) tempérament dans le boire & le manger, ou pour mieux dire dans la recherche des plaisirs de la table.
La sobriété en fait de nourriture, a d'un côté pour opposé la gourmandise, & de l'autre une trop grande macération. La sobriété dans le boire, a pour contraire l'ivrognerie.
Je crois que la sobriété est une vertu très - recommandable; ce n'est pas Epictete & Seneque qui m'en ont le mieux convaincu par leurs sentences outrées; c'est un homme du monde, dont le suffrage ne doit être suspect à personne. C'est Horace, qui dans la pratique s'étoit quelquefois laissé séduire par la doctrine d'Aristipe, mais qui goûtoit réellement la morale sobre d'Epicure.
Comme ami de Mecene, il n'osoit pas louer directement la sobriété à la cour d'Auguste; mais il en fait l'éloge dans ses écrits d'une maniere plus fine & plus persuasive, que s'il eût traité son sujet en moraliste. Il dit que la sobriéte suffit à l'appétit, que par conséquent elle doit suffire à la bonne chere, & qu'enfin elle procure de grands avantages à l'esprit & au corps. Ces propositions sont d'une vérité sensible; mais le poëte n'a garde de les debiter lui - même. Il les met dans la bouche d'un homme de province, plein de bon sens, qui sans sortir de son caractere, & sans dogmatiser, débite ses réflexions judicieuses, avec naiveté qui les fait aimer. Je prie le lecteur de l'écouter, c'est dans la satyre ij. l. II.
Qua virtus, & quanta, boni, sit vivere parvo: (Nec meus hic sermo est, sed quem proecepit Ofellus Rusticus, ab nor>is sapiens, crassâque Minervâ) Discite, non inter lances, mensasque nitentes, Quum stupet insanis acies sulgoribus, & quum Acclinis solsis animus meliora recusat: Verum hic impransi mecum disquirite. Cur hoc? Dicam si potero. Malè verum examinat omnis Corruptus judex.
Dans la satyre vij, l. II, v. 105. Horace ne peut
encore s'empêcher de louer indirectement les avantages
de la sobriété. Il feint qu'un de ses esclaves profitant
de la liberté que lui donnoit la fête des Saturnales lui déclare cette vérité, en lui reprochant son
intempérance.
Qui, tu impunitior illa Quoe parvo sumi nequeunt obsonia captas? Nempe inamarescunt epuloe sine fine petitoe, Illusique pedes vitiosum ferre recusant Corpus.
Il est donc vrai que la sobriété tend à conserver la santé, & que l'art d'apprêter les mets pour irriter l'appétit des hommes au - delà des vrais besoins, est un art destructeur. Dans le tems où Rome comptoit ses victoires par ses combats, on ne donnoit point un talent de gages à un cuisinier; le lait & les légumes apprêtés simplement, faisoient la nourriture des consuls, & les dieux habitoient dans des temples de bois. Mais lorsque les richesses des Romains devinrent immenses, l'ennemi les attaqua, & confondit par sa valeur ces sybarites orgueilleux.
Je sais qu'il est impossible de fixer des regles sur
cette partie de la tempérance, parce que la même
chose peut être bonne à l'un & excès pour un autre;
mais il y a peu de gens qui ne sachent par expérience,
quelle sorte & quelle quantité de nourriture convient
à leur tempérament. Si mes lecteurs étoient
mes malades, & que j'eusse à leur preserire des regles
de sobriété proportionnées à l'état de chacun, je
leur dirois de faire leurs repas les plus simples qu'il
seroit possible, & d'eviter les ragoûts propres à leur
donner un faux appétit, ou le ranimer lorsqu'il est
presque éteint. Pour ce qui regarde la boisson, je
serois assez de l'avis du chevalier Temple.
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