ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"136"> donc la bonté, mon cher monsieur, de remonter sur votre bête, & continuons notre voyage, en nous tenant compagnie. Mon étudiant bien élevé, obéit.

Nous rallentîmes notre pas, & nous marchâmes bien doucement ensemble. On parla de mon mal, & mon homme me prononça bien - tôt mon arrêt, en me disant que j'avois gagné une hydropisie, & que toute l'eau de la mer, fût - elle douce, ne pourroit me désalterer. C'est pourquoi, seigneur, Cervantes, ajoute - t - il, vous devez vous abstenir de boire, mais n'oubliez pas de manger; cela seul vous guérira sans la moindre médecine. D'autres m'en ont dit autant, lui répliquai - je, mais je ne puis m'empêcher de boire, tout comme si je n'étois né que pour boire. Ma vie tend à sa fin, & par l'examen journalier de mon pouls, je trouve que Dimanche prochain, au plus tard, il achevera sa besogne, & moi ma course. Vous êtes arrivé encore à point pour me connoître, mais je n'aurai pas le tems de vous prouver combien je suis sensible à vos obligeans procédés.

En discourant ainsi, nous gagnâmes le pont de Tolede, que j'enfilai, comme lui celui de Ségovie. Ce qu'on dira de mon avanture, c'est l'affaire de la renommée; mes amis peuvent avoir envie de la raconter, & j'en aurai une plus grande de l'éntendre. Je retournai sur mes pas, pour embrasser encore une fois mon étudiant, & il en fit autant de son côté. Ensuite il donna des deux à sa monture, & me laissa aussi malade sur mon cheval, qu'il étoit mal monté sur son ânesse, au sujet de laquelle ma plume vouloit faire encore quelque plaisanterie: mais adieu mes bons amis; car je m'en vais mourir; & j'espere de vous revoir avant qu'il soit long - tems dans l'autre monde, aussi heureux que vous le pouvez désirer ».

Voilà donc Cervantes sur le bord du tombeau. L'hydropisie augmenta, & son mal épuisa ses forces. Mais plus son corps s'affoiblissoit, plus il s'attachoit à fortifier son esprit. Ayant reçu l'Extrème - Onction, il attendit la mort avec tranquillité; & ce qu'il y a de plus surprenant, c'est qu'il ne pouvoit s'empêcher de dire ou d'écrire quelque chose de plaisant, à mesure que des idées riantes lui en venoit dans l'esprit. En effet, après avoir reçu les sacremens le 18 Avril 1616, il dicta le lendemain la dédicace de ses trav aux de Persile & Sigismonde, adressée, comme je l'ai dit, au comte de Lémos, & conçue en ces termes:

« Il y a une vieille balade, qui étoit jadis fort en vogue, & qui commençoit, avec un pié sur l'étrier. Je souhaiterois qu'elle ne convînt pas si parfaitement à cette épître, car je puis dire à - peu - près de même, avec un pié sur l'étrier. En partant pour les sombres régions, je prends le courage d'écrire cette épître, & je salue monseigneur avec ce dernier soupir. Hier on me donna l'Extrême - Onction, & aujourd'hui j'écris ceci. Le tems est court, le mal croît, l'espérance diminue; cependant il me semble que je voudrois vivre un peu plus longtems, moins pour l'amour de la vie, que pour avoir encore une fois le plaisir de voir votre excellence saine & sauve en Espagne, & il ne seroit point impossible que ce plaisir ne me rendît la santé. Mais s'il est arrêté que je doive mourir, la volonté du ciel soit faite; cependant votre excellence me permettra de l'informer de mes desirs, & de l'assurer qu'elle a en moi un serviteur si zélé, qu'il iroit même au - delà du trépas pour vous servir, si son pouvoir égaloit la sincérité de ses sentimens.

Je n'ai pas laissé que de me réjouir prophétiquement du retour de votre grandeur en Espagne; mon coeur s'épanouissoit de joie, quand je me re<cb-> présentois tout le monde vous montrant du doigt, & criant: voilà le comte de Lémos! Mes esprits se raniment, en voyant mes espérances accomplies, & vos grandes qualités justifier les idées que j'en avois conçues. Il reste encore chez moi quelques lueurs de la meche du jardin; & si par un heureux hasard, ou plutôt par un miracle, le ciel me conservoit la vie, votre excellence verra la seconde pattie de la Galatée, que je lui consacrois. Agréez mes voeux pour votre conservation, &c. A Madrid, le 19 Avril 1616».

Il finit ses jours peu de tems après, & ne vit point l'impression de son livre, dont le privilege fut accordé le 24 Septembre 1616, à Catherine de Salazar sa veuve. L'histoire de Persile & Sigismonde, & les contes ou novelas examplares, ont été traduits en françois, & ne sont pas inconnus aux gens qui aiment ces sortes de productions. La vie de l'auteur a été donnée par don Grégorio Mayans Esiscar, bibliothécaire du roi d'Espagne. Elle est à la téte de l'édition espagnole de don Quichotte, imprimée à Londres en 1738, in - 4°.

J'ai dit, au commencement de cet article, sur l'autorité de Nicolas Antonio, que Cervantes naquit à Séville; cependant l'auteur de sa vie, que je viens de citer, estime qu'il étoit né à Madrid, & il appuie son sentiment sur ce que Cervantes s'adresse à cette ville, en prenant congé d'elle dans son voyage du Parnasse, en ces termes:

« Me tournant ensuite vers ma pauvre cabane, adieu, lui dis - je, & toi, Madrid, adieu; adieu Fontaines, Prado, & vous campagnes où coule le nectar & degoûte l'ambroisie; adieu aimables & douces sociétés, où les malheureux oublient pour un tems leurs peines. Adieu charmant & romanesque séjour, où deux géans qui avoient entrepris d'escalader le ciel, frappés de la foudre, maudissent leur chûte, & sont renfermés dans les sombres prisons de la terre. Adieu théâtres, dont nous avons banni le sens commun, pour y faire régner la bouffonnerie. Adieu belle & vaste promenade de Saint - Philippe, où l'on discute les intérêts des puissances, où les nouvelles se débitent, & font l'unique sujet des conversations, où l'on examine si le croissant brille ou pâlit, si le lion aîlé (Venise) triomphe ou succombe. Adieu pâle famine; je quitte aujourd'hui mon pays, pour éviter le triste sort de mourir à ta porte, si je demeurois plus longtems ici ».

Nicolas Antonio répond que par ces mots mon pays, on peut entendre toute l'Espagne; que d'ailleurs, 1°. ce qui semble favoriser son opinion, c'est que Cervantes dit, dans la préface de ses comédies, qu'étant petit garçon il avoit vu à Séville Lupus de Rueda, un des plus célebres comiques espagnols. 2°. Que les surnoms que porte Cervantes, sont ceux de familles illustres de Séville, & non de Madrid.

Quoi qu'il en soit, il est constant que Cervantes étoit bien mal logé à Madrid; c'est ce qui paroît par la maniere dont il finit sa relation du voyage du Parnasse. Plein de souci, dit - il, je cherchai mon ancienne obscure retraite. Il n'avoit pas à sa mort dans cette ville un meilleur domicile. On admiroit ses ouvrages, & personne ne lui donna du pain; il mourut dans l'indigence, à la honte de sa nation; mais son nom ne mourra jamais.

J'ai trop amusé les gens qui goûtent les écrits de cet aimable écrivain, pour leur faire des excuses sur la longueur de son article, & je plains ceux qui n'aiment pas à la folie l'auteur de don Quichotte. Mais je passe à deux ou trois autres hommes de lettres nés à Séville, & je serai très - court sur leur compte.

Fox de Morzillo (Sébastien), en latin Sebastianus Foxus Morzillus, est du nombre des enfans de<pb-> [p. 137] venus célebres par leur génie & par leurs études. Il naquit en 1628. Philippe II. nomma pour précepteur de Dom Carlos, Morzillus, qui étoit alors à Louvain; il s'embarqua dans les Pays - Bas pour être plutôt auprès du jeune prince. Il fit naufrage, & périt à la fleur de sa vie. Il a publié avant l'âge de 25 ans, 1°. un commentaire latin in Platonis Timoeum. 2°. De conscribendâ historiâ, libellus. 3°. De regno, & regis institutione, libri tres, &c.

Monardés (Nicolas), médecin, florissoit au xvjsiecle, & mourut en 1578. Il se fit une grande répution par la pratique de son art, & par les ouvrages qu'il mit au jour. 1°. De secandà venâ in pleuritide, Hispali, 1539, in - 4°. 2°. De rosis, malis citris, aurantiis, & limoniis, Antuerpiae, 1565, in - 4°. 3°. De las drogas de las Indias, à Séville, 1574, in4°. Ce dernier livre a été traduit en anglois & en françois par Antoine Colin.

Pineda (Jean), théologien, entra dans la société des jésuites en 1572, & mourut en 1637 âgé de 80 ans. Ses commentaires latins sur Job & sur l'Ecclésiaste, forment quatre volumes in - fol. (Le chevalier de Jaucourt.)

Séville (Page 15:137)

Séville, (Géog. mod.) ville de l'Amérique septentrionale, vers le bout occidental de l'île de la Jamaïque, assez près de la mer, avec un port. Long. 299. 38. latit. 18. 42. (D. J.)

SEUILLETS (Page 15:137)

SEUILLETS, s. m. (Marine.) ce sont des planches qui sont posées sur les parties inférieures & supérieures du sabord, qui couvrent l'épaisseur du bordage, & qui empêchent de pourrir les membres du vaisseau en y entrant. On appelle hauteur de feuillets, la partie du côté du vaisseau comprise entre le pont & les sabords.

SÉVIR (Page 15:137)

SÉVIR, v. n. (Gram.) punir, châtier; la cour sevit contre les gens de robe subalternes qui font mal leur devoir.

Sévir (Page 15:137)

Sévir, s. m. (Antiq. rom.) nom d'un officier chez les Romains. Il y avoit deux sortes de sevirs: les premiers étoient des décurions des six décuries des chevaliers romains. Les seconds étoient les principaux officiers des colonies, auxquels on accordoit même le titre d'Augustates. Le trimalcion de Pétrone est titré de sévir Auguste, au pié du trophée que lui érigea Cinnamus son trésorier. (D. J.).

SEULAGE (Page 15:137)

SEULAGE, s. m. (Commerce.) terme normand qui signifie magasinage. Voyez Magasinage.

SEULE (Page 15:137)

SEULE, s. f. signifie en Normandie magasin. Voyez Magasin.

SEULLON (Page 15:137)

SEULLON, s. m. (Droit coutum.) le seullon, seillon ou sillon de terre, a quatre piés de largeur, & cent vingt piés de longueur. Trevoux. (D. J.)

SEUMARA (Page 15:137)

SEUMARA, (Géog. anc.) ville de l'Ibérie. Strabon, l. XI. p. 501. dit qu'elle étoit bâtie sur un rocher au bord de l'Aragus, à seize stades de la ville Harmozica. (D. J.)

SEURE ou SEURRE (Page 15:137)

SEURE ou SEURRE, (Géog. mod.) en latin barbare Surregium; petite ville de France dans la Bourgogne, sur le bord de la Saone & du diocèse de Besançon. Il y a des augustins, des capucins, deux couvens de religieuses & un college. Elle est la douzieme qui députe aux états de Bourgogne. (D. J.)

Seure, la (Page 15:137)

Seure, la, (Géog. mod.) riviere de France en Poitou. Elle commence à porter bateau à Niort, & se jette dans la mer au - dessous de Marans. On appelle communément cette riviere Seure niortoise, pour la distinguer de la Seure nantoise, laquelle tombe dans la Loire près de Nantes. (D. J.)

SEVRER (Page 15:137)

SEVRER, v. act. (Gramm.) c'est ôter à un enfant l'usage du lait de sa nourrice, & le faire passer à une nourriture plus solide.

Sevrer (Page 15:137)

Sevrer, (Jardinage.) on dit sevrer un arbre, une marcotte quand on la sépare du tronc d'où elle part, & qu'elle a pris racine dans la terre. C'est ainsi que l'on éleve les ifs, les tilieuls, les coignassiers, les orangers en partie, & les autres arbres de fleur, la charmille & la vigne.

SEURETE (Page 15:137)

SEURETE, s. f. (Commer.) assurance, précaution que ceux qui négocient & contractent ensemble, ont coutume de prendre, & doivent prendre pour n'être point trompés. La parole, ou au plus l'écrit des hommes, devroit être, & est en effet, la plus grande sureté des honnêtes gens; mais la malice & la chicane de la plupart, obligent souvent de prendre d'autres précautions, même avec ceux qui ont le plus de réputation de probité, & c'est ce qu'on appelle prendre ses seuretés. Le cautionnement, le nantissement, les gages, les endossemens, les souscriptions, &c. sont autant de seuretés que l'on peut prendre suivant le caractere des gens avec qui l'on traite, ou des affaires dont il s'agit. Dict. de Comm. (D. J.)

SEUSNE (Page 15:137)

SEUSNE, s. f. (Pêcherie.) on nomme seusne en Bretagne, un grand filet ou espece de senne, dont se servent les équipages des vaisseaux qui vont à la pêche de la morue, pour prendre le petit poisson dont on fait l'hameçon des lignes avec lesquelles on pêche la morue. Chaque bâtiment a ordinairement trois seusnes. Voyez Seine. (D. J.)

SEUVO - MONS (Page 15:137)

SEUVO - MONS, (Géog. anc.) montagne de la Scandinavie, Pline, lib. IV. c. xiij. en fait une montagne immense, égale aux monts Riphées. Tous les Géographes s'accordent à dire que Pline désigne par - là, cette grande chaine de montagnes qui s'étend en forme de croissant, depuis l'extrémité septentrionale de la Scandinavie, & vient finir au promontoire Cimbrique, après avoir traversé toute cette grande peninsule. Cette montagne est connue aujourd'hui sous différens noms; une partie entr'autres est appellée Skars; on donne à une autre le nom de Suia, & à une troisieme celui de Doffrafiel. (D. J.)

SEX (Page 15:137)

SEX, (Géog. anc.) Ex, Sexi ou Sexti, car ce mot s'écrit différemment, ville de l'Espagne bétique. Pline, lib. III. c. j. donne à cette ville le surnom de Firmum Julium; & les habitans sont appellés Exitani, par Strabon. On croit que c'est présentement Velez - Malaga. (D. J.)

SEXAGENAIRE (Page 15:137)

SEXAGENAIRE, s. m. & f. (Gram.) qui a atteint l'âge de 60 ans. Il y a des casuistes qui dispensent les sexagenaires du jeûne. Ce n'est pas l'âge, mais la nécessité, qui dispensent des lois. La loi Pappia Pappen défend le mariage aux sexagénaires.

SEXAGENE (Page 15:137)

SEXAGENE, s. f. (Gram.) la sixieme partie du zodiaque; le sexagene est donc de 60 degrés, & comprend deux signes.

SEXAGENARIUM (Page 15:137)

SEXAGENARIUM de ponte dejicere, (Hist. Rom.) priver un vieillard sexagenaire (c'est - à - dire qui a 60 ans), du droit de donner son suffrage dans les élections à Rome; parce que le peuple passoit sur une espece de petit pont, pour aller jetter sa ballote dans l'urne pour élire les magistrats, & on rejettoit les vieillards qui avoient 60 ans, au cas que quelqu'un de cet âge se présentât. (D. J.)

SEXAGÉSIMALE (Page 15:137)

SEXAGÉSIMALE, adj. (Arithmét.) les fractions sexagésimales sont des fractions dont les dénominateurs procedent en raison sexagécuple; par exemple, une prime ou une [omission: formula; to see, consult fac-similé version], une [omission: formula; to see, consult fac-similé version], une [omission: formula; to see, consult fac-similé version] Voyez Degré, Minute, &c.

Autrefois on ne se servoit que des fractions sexagésimales dans les opérations astronomiques, & on s'en sert encore dans bien des cas, voyez Logistique. Cependant l'arithmétique décimale est aujourd'hui fort en usage, même dans les calculs astronomiques.

Dans ces fractions, qu'on nomme aussi fractions astronomiques, le dénominateur étant toujours 60, ou un multiple de 60, on le sousentend ordinairement, & on n'écrit que le numérateurqu'on met plus

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