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Seigneuriage (Page 14:896)
Le droit de seigneuriage étoit non - seulement inconnu aux anciens, mais, même sous les Romains, on ne prenoit pas sur les monnoies les frais de fabrication, comme la plûpart des princes font aujourd'hui; l'état les payoit au particulier qui portoit une livre d'or fin à la monnoie; on lui rendoit 72 sols d'or fin, qui pesoient une livre. Ainsi l'or & l'argent en masse, ou converti en monnoie, étoit de même valeur.
Il est difficile d'indiquer quand nos rois ont commencé à lever le droit de seigneuriage sur leurs monnoies, ou pour mieux dire, sur leurs sujets. Nous n'avons rien sur cela de plus ancien qu'une ordonnance de Pepin. Du moins il y a apparence que les rois de la premiere race en avoient joui, parce qu'il n'est pas vraissemblable que Pepin eût osé dans le commencement de son regne, imposer un nouveau tribut sur les François qui venoient de lui donner la couronne.
Dans tout ce qui nous reste d'ordonnances des rois de la seconde race pour les monnoies, il n'y est fait aucune mention de ce droit; cependant la donation que Louis le débonnaire fit à S. Médard de Soissons du pouvoir de battre monnoie, montre que l'on en tiroit quelque profit, puisqu'il dit qu'il leur accorde ce droit pour être employé au service qui se faisoit chez eux en l'honneur de S. Sébastien. Mais ce droit qui est quelquefois appellé monetagium, est très - bien prouvé dans un bail que Philippe Auguste fit l'an 1202, de la monnoie de Tournai. Nos habebimus tertiam partem monetagii quod inde exiet. Tâchons à - présent de découvrir en quoi consistoit ce droit, du moins sous quelques regnes.
Depuis Pepin qui prenoit la vingt - deuxieme partie de douze onces, nous ne savons point ce que ses successeurs jusqu'à S. Louis, prirent sur les monnoies pour le droit de seigneuriage, & pour les frais de la fabrication. Il est difficile de dire à quoi se montoit l'un & l'autre; car cela a fort varié dans tous les regnes, même sous ceux où les monnoies n'ont point été affoiblies, & où elles ont été bien réglées. Cependant ce que S. Louis leva sur ses monnoies, nous peut servir en quelque façon de regle, puisque toutes les fois qu'elles tomberent dans le désordre sous ses successeurs, ce qui arriva souvent, les peuples demanderent toujours qu'on les remît au même état qu'elles étoient du tems de S. Louis.
Ce sage prince avoit fixé le prix du marc d'argent à 54 sols 7 deniers tournois; & il le faisoit valoir 58 sols étant converti en monnoie; de sorte qu'il prenoit sur chaque marc d'argent, tant pour son droit de seigneuriage que de brassage, ou frais de la fabrication, 3 s. 5 d. c'est - à - dire, quatre gros d'argent, ou la sixieme partie du marc. On prenoit aussi à proportion un droit de seigneuriage sur les monnoies d'or. M. le Blanc a donné des tables à la fin de chaque regne, qui constatent ce que les successeurs de S. Louis ont levé, tant sur les monnoies d'argent que sur celles d'or.
Nos rois se sont quelquefois départis de ce droit de seigneuriage, retenant seulement quelque chose pour la fabrication; c'est ainsi que se conduisit Phi<cb->
Il convient de remarquer que ce que nos anciens
rois prenoient sur la fabrication de leurs monnoies,
étoit un des principaux revenus de leur domaine:
ce qui a duré jusqu'à Charles VII. aussi lorsque le besoin
de l'état le demandoit, le roi non - seulement
augmentoit ce droit, & levoit de plus grosses sommes
sur la fabrication des monnoies, mais par une
politique bien mal - entendue, il les affoiblissoit, c'est - à - dire, en diminuoit la bonté: c'est ce que nous apprend
un plaidoyé fait en l'an 1304 par le procureur
de Philippe le Bel, contre le comte de Nevers, qui
avoit affoibli sa monnoie.
Sous la troisieme race, dès que les rois manquoient d'argent, ils affoiblissoient leurs monnoies, pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de l'état, n'y ayant encore ni aides, ni tailles. Charles VI. dans une de ses ordonnances, déclare qu'il est obligé d'affoiblir ses monnoies, pour résister à son adversaire d'Angleterre, & obvier à sa damnable entreprise, attendu, ajoute - il, que de présent nous n'avons aucun autre revenu de notre domaine, dont nous nous puissions aider.
Les grandes guerres que les successeurs de S. Louis eurent à soutenir contre les Anglois, les obligerent souvent de pratiquer ce dangereux moyen pour avoir de l'argent. Charles VII. dans la pressante nécessité de ses affaires, poussa l'affoiblissement si loin, & leva un si gros droit sur les monnoies, qu'il retenoit les trois quarts d'un marc d'argent pour son droit de seigneuriage & de brassage. Il prenoit encore une plus grosse traite sur le marc d'or.
M. le Blanc dit avoir lu dans un manuscrit de ce
tems - là, que le peuple se ressouvenant de l'incommodité
& des dommages infinis qu'il avoit reçus de
l'affoiblissement des monnoies & du fréquent changement
du prix du marc d'or & d'argent, pria le roi de
quitter ce droit, consentant qu'il imposât les tailles
& les aides: ce qui leur fut accordé; le roi se réserva
seulement un droit de seigneuriage fort petit, qui
fut destiné au payement des officiers de la monnoie,
& aux frais de la fabrication. Un ancien regître des
monnoies qui paroit avoir été fait sous le regne de
Charles VIII. dit que
SEIGNEURIAL (Page 14:896)
SEIGNEURIAL, adj. (Jurisprud.) se dit de ce
qui appartient au seigneur ou à la seigneurie, comme
un manoir seigneurial, un droit seigneurial, le retrait
seigneurial. Voyez
SEIGNEURIE (Page 14:896)
SEIGNEURIE, s. f. (Gram. & Jurisp.) est le titre que l'on donne à différentes sortes de supériorités & [p. 897]
Ce terme seigneurie, tire son étymologie de seigneur, qui vient du latin senior; parce qu'anciennement
la supérioriré & puissance politique étoit attribuée
aux vieillards. Voyez ci - devant
Chez les Hébreux, les Juifs, les Grecs, les Romains & autres peuples de l'antiquité, il n'y avoit point d'autre seigneurie, puissance ou supériorité, que celle qui étoit attachée à la souveraineté, ou aux offices dont l'exercice consistoit en quelque partie de la puissance publique; on ne connoissoit point encore ces propriétés particulieres tenues noblement, ni cette supériorité sur les héritages d'autrui, que l'on a depuis appellé seigneuries.
Ceux que dans l'ancienne Gaule on appelloit principes regionum atque pagorum, n'étoient pas des possesseurs de seigneuries telles que nos duchés, comtés, châtellenies; c'étoient des gouverneurs de provinces & villes, ou des magistrats & juges qui rendoient la justice dans un lieu. Leur puissance étoit attachée à leur office, & non à la possession d'un certain territoire.
La propriété qu'on appelloit autrefois sieurie, du pronom sien, ne participoit alors jamais de la seigneurie ou puissance publique.
Cependant par succession de tems, les seigneuries qui, si l'on en excepte la souveraineté, n'étoient que de simples offices, furent converties en propriété. La sieurie fut confondue avec la seigneurie, de sorte que présentement le terme de seigneurie a deux significations différentes; l'une en ce qu'il sert à désigner tout droit de propriété ou de puissance propriétaire, que l'on a dans un bien; l'autre est qu'il sert à désigner une terre seigneuriale, c'est - à - dire possedée noblement, & avec titre de seigneurie.
Ainsi le terme de seigneurie signifie en général une certaine puissance possedée propriétairement, à la différence de la puissance attachée à l'office dont l'officier n'a simplement que l'exercice.
La seigneurie est publique ou privée; on peut voir la définition de l'une & de l'autre dans les subdivisions qui suivent cet article.
Les Romains ont reconnu la seigneurie ou puissance publique, & l'ont exercée sur les personnes & sur les biens.
Il est vrai que du tems de la république, les citoyens romains n'étoient pas soumis à cette puissance, elle résidoit au contraire en eux; ils possédoient aussi librement leurs héritages d'Italie. Mais les autres personnes & les biens situés ailleurs, étoient soumis à la puissance publique, jusqu'à ce que toutes ces différences furent supprimées par les empereurs. Les terres payoient à l'empereur un tribut appellé censum, lequel cens étoit la marque de la seigneurie publique.
Tel étoit aussi l'état des Gaules sous la domination des Romains, lorsque les Francs en firent la conquête. Les vainqueurs se firent seigneurs des personnes & des biens des vaincus, sur lesquels ils s'attribuerent non seulement la seigneurie publique, mais aussi la seigneurie privée ou propriété.
Ils firent tous les naturels du pays serfs, tels que ceux qu'on appelloit chez les Romains censitos, seu adscriptitios, gens de main - morte, ou gens de pote, quasi alienoe potestatis; d'autres semblables à ceux que les Romains appelloient colonos, seu gleboe addictos, gens de suite, ou serfs de suite, lesquels ne pouvoient quitter sans le congé du seigneur.
Le peuple vainqueur demeura franc de ces deux especes de servitudes, & exempt de toute seigneurie privée.
Les terres de la Gaule furent toutes confisquées; une partie fut retenue pour le domaine du prince, le
La seule différence fut que les Francs ne donnerent pas seulement les frontieres, ils distribuerent de même toutes les terres de l'état.
Les provinces furent données avec titre de duché; les marches ou frontieres, avec le titre de marquisat; les villes avec leur territoire, sous le titre de comté; les châteaux & villages, avec quelque territoire àl'entour, sous le titre de baronnie ou de châtellenie, ou de simple seigneurie.
Mais ceux auxquels on donna ces terres n'en eurent pas la seigneurie pleine & entiere; la seigneurie publique en demeura pardevers l'état, ils n'en eurent que l'exercice; le prince se réserva même la seigneurie privée de ces terres, dont la propriété lui est reversible, & même pendant qu'elles étoient possédées par chaque officier ou capitaine, il y conservoit toujours une autre sorte de seigneurie privée, qui est ce que l'on a appellé seigneurie directe; ces terres n'étant données qu'à la charge de certains devoirs & de certaines prestations.
Telle fut la premiere origine des fiefs & seigneuries, lesquels n'étoient d'abord qu'à tems, & ensuite à vie, & devinrent dans la suite héréditaires.
Les capitaines auxquels on avoit donné des terres, tant pour eux que pour leurs soldats, en distribuerent à leur tour différentes portions à leurs soldats, aussi à titre de fief, d'où se formerent les arrieresfiefs.
Ils en rendirent aussi quelques portions aux naturels du pays, non pas à titre de fief, mais à la charge d'un cens, tel qu'ils en payoient aux Romains; de - là vient l'origine de nos censives.
Au commencement les seigneuries étoient tout à la fois offices & fiefs. Les seigneurs rendoient eux - mêmes la justice en personne; mais dans la suite ils commirent ce soin à d'autres personnes, & on leur a enfin défendu de juger eux - mêmes, au moyen de quoi les offices des seigneurs ont été convertis en seigneuries, auxquelles néanmoins est demeurée attachée une partie de la puissance publique.
C'est de - là qu'on distingue deux différens degrés de seigneurie publique; le premier qui est la souveraineté; le second qu'on appelle suzeraineté, comme étant un diminutif de la souveraineté, & une simple supériorité sans aucun pouvoir souverain.
On distingue aussi deux sortes de seigneurie privée; savoir la directe, qui est celle des seigneurs féodaux ou censuels; & la seigneurie utile, qui est celle des vassaux & sujets censiers. C'est pourquoi par le terme de seigneurie privée l'on entend aussi quelquefois la propriété simplement, abstraction faite de toute seigneurie prise en tant que puissance & supériorité.
La seigneurie privée ou directe, n'a plus guere lieu présentement que sur les biens & non sur les personnes, si ce n'est dans quelques lieux où il y a encore des cerfs de main - morte & gens de poursuite, & à l'égard des vassaux & censitaires pour les devoirs & prestations dont ils sont tenus à cause de leurs héritages.
Les premieres seigneuries publiques, dans l'ordre
de dignité, sont les seigneuries souveraines, lesquelles
ont des droits & prérogatives qui leur sont propres.
Voyez
Les seigneuries publiques qui sont seulement suzeraines
ou subalternes, sont des seigneuries non souveraines,
ayant fief ou franc - aleu noble, avec justice
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