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Cependant la sculpture moderne a été poussée fort loin, elle a découvert l'art de jetter en fonte les statues de bronze, elle ne cede en rien à la sculpture antique pour les bas reliefs, & elle l'a surpassé dans l'imitation de quelques animaux, s'il est permis d'appuyer ce jugement sur des exemples particuliers. A considérer les chevaux de Marc - Aurele, ceux de Monte - Cavallo, les pré>endus chevaux de Lysippe qui se trouvent sur le portail de l'église de S. Marc à Venise, le boeuf de Farnèse, & les autres animaux du même grouppe, il paroîtroit que les anciens n'ont point connu comme nous, les animaux des autres climats, qui étoient d'une plus belle espece que les leurs. Quelqu'un pourroit encore imaginer qu'il semble par les chevaux qui sont à Venise, & par d'anciennes médailles, que les artistes de l'antiquité n'ont pas observé dans les chevaux, le mouvement diamétral des jambes; mais il faut bien se garder de décider sur de si légeres apparences.
Encore moins faut - il se persuader que les Grecs ayent négligé de représenter les plis & les mouvemens de la peau dans les endroits où elle s'étend, & se replie selon le mouvement des membres; il est vrai que le sentiment des plis de la peau, de la mollesse des chairs, & de la fluidité du sang, est supérieurement rendue dans les ouvrages du Puget; mais ces vérités se trouvent - elles moins éminemment exprimées dans le Gladiateur, le Laocoon, la Vénus de Médicis? &c. Je suis aussi touché que personne de l'Andromède, mais combien l'étoit on dans l'antiquité des ouvrages de Polyclete? Ne sait - on pas que sa statue du jeune homme couronné, étoit si belle pour l'expression des chairs, qu'elle fut achetée environ vingt mille louis? ce seroit donc une espece de délire, de contester aux Grecs la préeminence qui leur est encore due à cet égard; il n'y a que la médiocrité qui s'avise de calculer à l'insçu du génie.
L'Europe est trop heureuse que la ruine de l'empire grec y ait fait refluer le peu de connoissances dans les arts, qui restoient encore au monde. La magnificence des Médicis, & le goût de Léon X, les fit renaître.
La richesse des attitudes, la délicatesse des contours, l'élégance des ondulations, avoient été totalement oubliées pendant plusieurs siecles. Les Goths n'avoient sçu donner à leurs figures ni grace ni mou<cb->
Michel Ange r'ouvrit en Italie les merveilles de la
sculpture, & le Goujonimita ses traces; il a été suivi
par Sarrasin, le Puget, Girardon, Coysevox, Coustou, le Gros, &c. qui ont élevé cet art dans la France, à une superiorité glorieuse pour la nation; vous
trouverez leurs articles au mot
Jene veux point prévoir la chute prochaine de cet art parmi nous; mais selon toute apparence, il n'y regnera pas aussi long - tems que chez les Grecs, à la religion desquels il tenoit essentiellement.
Ne voyons - nous pas déja la dégénération bien marquée de notre peinture? Or comme je l'ai dit, la peinture & la sculpture sont deux soeurs à peu près du même âge, extrémement liées ensemble, & qui subsistent des mêmes alimens, honneurs, recompenses, distinctions, dont la mode ne doit pas être l'origine.
La sculpture tombera nécessairement chez tous les peuples qui ne tourneront pas ses productions à la perpétuité de leur gloire, & qui n'associeront ni leurs noms, ni leurs actions, aux travaux des habiles artistes.
Enfin plusieurs raisons, qu'il n'est pas nécessaire de
détailler, nous annoncent que la sculpture seroit déja
fannée dans ce royaume, sans les soins continuels
du prince qui la soutient par de grands ouvrages auxquels
il l'occupe continuellement. (Le chevaller
Sculpture en Bronze (Page 14:840)
Les ouvrages des Grecs, en bronze, étoient également recommandables par l'élégance de leur travail & la magnificence de leur volume. Il ne faut pas s'en étonner, ce genre de monument avoit pour objet la religion, la récompense du mérite, une gloire noble & bien placée.
La pratique de leurs opérations nous est inconnue. Pline n'en a pas parlé. Il n'a décrit ni les fourneaux des sculpteurs, ni leur maniere de fondre, ni l'alliage des matieres qu'ils fondoient. Nos artistes doivent regarder le silence de cet historien en ce genre, comme une perte dans les Arts, parce qu'on auroit pu tirer un grand profit des différences de leur pratique, & des lumieres qu'ils avoient acquises par une manoeuvre juste, & qu'ils ont si constamment répétée. On doit moins regretter de n'être pas instruit du mélange de leur matiere; ce mélange a toujours été assez arbitraire, c'est - à - dire, dépendant de la volonté & de l'habitude des fondeurs. De plus, ce qui est assez rare dans la nature, on peut faire des expériences de ce mélange en petit, & elles sont toujours certaines & utiles dans le grand.
Le nombre des statues de toute grandeur, que les anciens ont faites en bronze, est presque incroyable. Les temples, les places publiques, les maisons des particuliers en étoient chargées: mais l'on ne peut s'empêcher de se récrier sur les entreprises grandes & hardies qu'ils ont exécutées dans cette opération de l'art. Nous voyons, dit Pline, des masses de statues, auxquelles on donne le nom de colosses, & qui ressemblent à des tours. Tel étoit l'Apollon placé dans le capitole, & que Lucullus avoit apporté [p. 841]
Mais un nombre presque infini d'artistes s'illustrerent par la prodigieuse quantité de petites statues de fonte & de bronze qu'ils produisirent, les unes grandes comme nature, & d'autres seulement d'un ou deux piés. On en est convaincu par la quantité de petits bronzes, qui subsistent encore. Il est vrai que les bronzes grecs sont rares, & que nous n'en connoissons guere que de romains; mais nous ne pouvons douter que Rome n'ait toujours été le singe de la Grece. La seule flotte de Mummius transporta de Corinthe à Rome trois mille statues de marbre ou de bronze, dont vraissemblablement la plus grande partie étoit ce que nous appellons des bronzes au - dessus & au - dessous d'un pié.
Les Grecs étoient dans l'usage de couvrir leurs bronzes avec du bitume ou de la poix. Ils ne pouvoient prendre cette précaution que pour les conserver, & leur donner l'éclat & le brillant qu'ils aimoient. Pline est étonné que les Romains ayent préféré la dorure à cet usage; & en cela il parle non - seulement en philosophe ennemi du luxe, mais en homme de goût, & au fait des Arts. La dorure a plusieurs inconvéniens, dont le principal sur - tout quand on dore une statue qui n'a point été faite pour être dorée, est de l'empêcher de s'éclairer selon la pensée & l'intention de l'auteur. Quant à la poix dont les anciens couvroient leurs bronzes, nous n'avons rien à desirer; les fumées & les préparations de nos artistes sont d'autant préférables, qu'elles ont moins d'épaisseur.
Il paroît par Pline, que la premiere statue de
bronze que l'on ait fondue à Rome, fut une Cérès
consacrée par Spurius Cassius, qui fut tué par son
propre pere pour avoir aspiré à la royauté. Les statues
de Romulus, que l'on voyoit dans le capitole,
& des rois prédécesseurs de Tarquin, avoient été
fondues ailleurs, & transportées ensuite à Rome.
Cependant, quoique l'usage de la fonte fût très - ancien en Italie, elle continua de former ses dieux de
terre ou de bois jusqu'à la conquête de l'Asie. Toutes
ces observations sont de M. de Caylus: je les ai puisées
dans ses Dissertations sur Pline, dont il a enrichi
les mémoires de Littérature. (Le Chevalier
Sculpture en Marbre (Page 14:841)
Lorsqu'un sculpteur statuaire veut exécuter une
statue, un grouppe de figures, ou autre sujet en marbre,
il commence par modeler, soit en terre, soit
en cire, une ou plusieurs esquisses, voyez
L'artiste ayant trouvé & établi des points de direction,
qu'il a posés à son gré sur les parties les
plus saillantes de son ouvrage, comme sont les
bras, les jambes, les draperies & autres attributs;
il retrace de nouveau les masses ou sommes de la
figure du sujet, & fait jetter à - bas les superfluités
du marbre jusqu'au gros de la superficie, par des
ouvriers ou éleves, se reposant sur eux de ce pénible
travail, mais ayant toujours les yeux sur
l'ouvrage, de crainte que ces foibles ouvriers n'atteignent
les véritables nus & points du sujet. Il doit
aussi leur faire faire attention à ne travailler que sur
le fort du marbre, cela s'entend, en ce que les outils
& les coups de masse soient toujours dirigés
vers le centre du bloc. Autrement ils courroient
risque d'étonner & d'éliter quelques parties du
marbre qui n'est presque jamais également sain,
étant souvent composé de parties poufes & de
parties fieres. Voyez
Les outils dont on se sert pour cette ébauche, sont la masse, les pointes, les doubles pointes, la marteline & la gradive, avec lesquels, en ôtant le superflu petit - à - petit, on voit sortir le sujet. Alors l'artiste suit de près l'approche de la figure, avec le ciseau & tous les autres outils qui lui sont nécessaires; & il ne la quitte plus qu'il ne l'ait terminée au plus haut point de perfection qu'il est capable de lui donner.
De quelque outil qu'il se serve, soit marteline,
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