ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"790"> du nombre des possibles, il faut faire attention tant aux choses qui coexistent ensemble dans cet univers, qu'à celles qui s'y succedent les unes aux autres. Il faut de plus remarquer que l'univers est composé de grands corps qu'on peut appeller totaux, & de moindres que nous nommerons partiaux. Le nombre des grands corps de l'univers assez limité tant qu'on n'a pu les observer qu'à la simple vue, s'est prodigieusement augmenté depuis l'invention des télescopes. M. Wolf a fait là - dessus un calcul fort propre à donner l'idée de l'immensité des corps célestes. Voici sur quoi il le fonde. Le p. Riccioli donne à la constellation d'Orion près de cinq cens degrés en quarré d'espace dans le ciel. Or Galilée a observé cinq cens étoiles dans un espace de quatre degrés; ainsi sur le même pié on pourra supposer dans Orion entier 62500 étoiles. La circonférence du cercle est de 360 degrés, & son diametre de 115: ce qui donne, suivant les théoremes d'Achimede, pour la surface entiere de la sphere, 41400 degrés en quarré. En prenant donc pour hypothese que la surface de la sphere du monde est également remplie d'étoiles, le nombre des fixes iroit à 5175000; & quoique l'arrangement des systèmes planétaires autour des fixes ne soit pas le même, on peut pourtant supposer que chaque étoile fixe placée comme soleil au centre, peut éclairer & échauffer quinze planetes: ce qui fera monter le nombre des corpstotaux du monde à 77625000. Il n'y a rien dans les suppositions précédentes qui ne soit admissible. Si au télescope divers espaces paroissent moins remplis que les quatre degrés d'Orion sur lesquels on a calculé, il y en a d'autres où ces étoiles fourmillent en beaucoup plus grande abondance, comme la voie lactée & les étoiles nébuleuses. Si du nombre des grands corps du monde nous passons aux dimensions de l'espace qu'ils doivent occuper, la somme en sera bien plus prodigieuse encore. Suivant les observations de M. Cassini, la distance moyenne de la terre au soleil est de 22000 demi - diametres terrestres, ou de 18920000 milles d'Allemagne. Cette distance étant à celle de Saturne comme 2 à 19, cela donne 179740000 milles de plus à cause de la proportion du diametre de la terre qui est de 1720 milles d'Allemagne au diametre de l'anneau de Saturne, laquelle proportion est comme 1 à 45. Le diametre de cet anneau est de 77400 milles d'Allemagne: ce qui donne, suivant les calculs de Cassini, pour distance du dernier satellite au centre de Saturne, 812700 milles d'Allemagne. En ajoutant cette distance à celle de Saturne au soleil, vous avez le demi - diametre du système planétaire auquel la terre appartient, lequel étant doublé, il en résulte le diametre entier de 36115400 milles. Cela iroit encore beaucoup plus loin, si l'on reçoit la détermination de la parallaxe du soleil, telle qu'elle a été donnée par M. de la Hire. Il est incontestable que Saturne est séparé par un fort grand espace des étoiles fixes de la premiere grandeur; & quoique les systèmes planétaires puissent différer entr'eux par rapport à l'étendue, il n'y a pourtant point d'inconvéniens à les supposer égaux. En multipliant donc le cube du diametre du systeme planétaire, par le nombre des étoiles fixes ci - dessus mdiqué, le nombre qui en provient, exprime le cube du diametre de la sphere qui comprend tous les systèmes que nous pouvons découvrir probablement par la voie des télescopes ordinaires. Mais pour diminuer les difficultés de cette multiplication, en resserrant les nombres, prenons le diametre du système planétaire en diametres terrestres qui, suivant les hypotheses précédentes, seront 209904, leur cube qui fait 92483305005195264 multiplié par 5175000, donne pour cube du diametre qui égale toute l'étendue de la sphere observable, 478601103401885491 - 200000 diametres terrestres, dont chacun est de 5088448000 milles cubiques. Quelle ne doit donc pas être l'étendue de l'intelligence divine, qui comprend l'univers formé de l'assemblage immense de tous ces systemes? Mais que sera - ce, si nous y joignons l'idée de tous les mondes possibles, de toutes les combinaisons qui peuvent résulter des choses qui entrent dans la composition de l'univers & de tant d'autres choses que la puissance divine pourroit effectuer? Ici se présentent des abymes impénétrables pour nous: ici cessent tous les calculs. Que si de l'ordre physique on passe à l'ordre moral, & qu'on veuille examiner toutes les choses possibles que Dieu voit clairement, le philosophe, ainsi que le chrétien, n'est - il pas obligé de s'écrier plein d'admiration & de respect: domine, quis similis tibi?

On est encore plus effrayé si l'on passe à la considération de ce qu'emporte la représentation distincte de tous les possibles dans l'entendement divin. Reprenons encore pour un moment la voie du calcul. On peut comparer l'étendue des entendemens aux grandeurs des espaces, & suivant cette idée, un entendement qui saisiroit distinctement toute notre terre, seroit à celui qui comprendroit avec la même distinction le systeme planétaire entier, comme 1 à 92483305005195264. Mais quelle sera la proportion de l'entendement humain à celui qui comprendroit distinctement le globe terrestre? Pour en juger, prenons l'oeil, le plus propre de nos organes aux perceptions distinctes. Un bon oeil qui n'est ni miope, ni presbyte, voit distinctement ce qui est compris dans l'espace de huit pouces. L'optique enseigne que ce que l'oeil saisit d'un seul coup, est compris dans la circonférence d'un angle droit, & que le diametre d'un objet vu sous cet angle droit, est double de la distance. En égalant donc la force visuelle à la force perceptive, on aura pour mesure de l'étendue de l'entendement humain, le cube d'un diametre de seize pouces, c'est - à - dire, 4096 pouces cubiques. Le diametre de la terre mesuré par M. Cassini, a été trouvé de 39391077 piés ou 472692924 pouces. Ainsi le diametre de la sphere qui mesure la capacité de l'entendement humain, sera comme 1 à 29543308, & par conséquent l'entendement humain est à celui qui saisit distinctement la terre entiere d'un coup d'oeil, comme 1 à 257856074311206674112. L'entendement de ce dernier à celui qui comprend tout le systeme, est en raison sous - millionieme: donc & pour derniere conclusion, l'entendement humain est par rapport à celui qui comprend tout le systeme planétaire Nous ne pousserons pas plus loin ces observations. Ce ne sont là que les bords de l'intelligence divine; qui pourroit en sonder la profondeur? Cet article est tiré des papiers de M. Formey, historiographe & secrétaire de l'académie royale de Prusse.

La science de vision est celle par laquelle Dieu voit tout ce qui a existé, existe ou existera dans le tems: ce qui emporte la connoissance de toutes les pensées & de toutes les actions des hommes, présentes, passées & à venir, aussi bien que du cours de la nature, & des mouvemens qui sont arrivés, qui arrivent ou qui arriveront dans l'univers: tout cela connu dans la de iere précision, & toujours présent aux yeux de Dieu. On peut juger par ce qu'on vient de lire sur la science de simple intelligence, de ce que c'est que l'entendement humain le plus éclairé sur le présent & le passé; car pour l'avenu il est impénétrable à ses yeux, & Dieu seul s'en est réservé la connoissance qu'il communique aux hommes, quand il lui plait.

On demande dans les écoles si cette science de vision est la cause des choses qui arrivent, & quelques théologiens tiennent pour l'affirmative; mais ils confondent la science de Dieu avec sa volonté. Le plus grand nombre reconnoit que la science divine est seu<pb-> [p. 791] lement cause directive, mais non pas efficiente, des choses qui arrivent ou qui doivent arriver, parce que selon l'axiome reçu, les choses ne sont pas futures, parce que Dieu les prévoit, mais Dieu les prévoit, parce qu'elles sont futures.

Mais comme les choses futures sont ou futures absolument, ou futures conditionnellement, & qu'entre ces dernieres il en est qui arriveront certainement, parce que la condition dont elles dépendent, sera posée, & d'autres qui n'arriveront pas, parce que la condition dont elles dépendent, ne sera pas posée: quelques théologiens ont distingué en Dieu une troisieme espece de science qu'ils nomment la science des conditionnels, scientia conditionatorum.

Ils définissent cette science des conditionnels, la connoissance que Dieu a des choses considérées du côté de leur effence, de leur nature ou de leur existence réelle, mais sous une certaine supposition, laquelle entraîne une condition, qui cependant ne sera jamais accomplie.

Ainsi, disent - ils, lorsque David fuyant la persécution de Saül, demanda à Dieu si les habitans de Ceila, ville où il s'étoit retiré, le livreroient à ses ennemis, Dieu qui savoit ce qui arriveroit à David, au cas qu'il continuât de rester à Ceïla, lui répondit: ils vous livreront, tradent. Ce que Dieu savoit, ajoutent - ils, par la science des conditionnels.

Le p. Daniel remarque que les vérités qui font l'objet de la science des conditionnels, sont fort différentes de celles que la science de simple intelligence ou celle de vision, ont pour objet; que c'est une troisieme classe d'idées mitoyenne entre les choses purement possibles, & les choses qui existent ou existeront absolument. Mais les Thomistes & les Augustiniens leur répondent que de deux choses l'une: ou les conditionnels sont futurs sous une condition qui doit être remplie, & qui le sera effectivement, & en ce cas ils rentrent dans la classe des futurs absolus: ou ils sont futurs sous une condition qui ne sera jamais remplie, & alors il faut les ranger dans le nombre des choses purement possibles.

Au reste ces derniers ne refusent pas d'admettre cette science des conditionnels, comme une opinion philosophique, mais ils la combattent fortement considérée comme opinion théologique, c'est - à - dire, comme nécessaire pour éclaircir les questions de la prédestination, de la réprobation & de la grace.

La science des conditionnels considérée sous ce rapport, est appellée dans les écoles science moyenne, scientia media. Les Molinistes qui l'ont imaginée, la définissent: la connoissance des conditionnels par laquelle Dieu voit ce que la créature libre fera, ou ne fera pas de bien ou de mal conditionnellement, c'est - à - dire, si dans telles ou telles circonstances Dieu lui accorde telle ou telle grace. Ils la supposent antérieure à tout decret absolu & efficace en Dieu, & qu'elle dirige Dieu dans la formation de ses decrets. Cette opinion a ses défenseurs & ses adversaires, dont on peut voir les raisons pour & contre dans tous les théologiens modernes; & il est libre de la soutenir dans les écoles, quelques efforts qu'on ait fait pour la noircir & pour la décrier. Voyez Augustiniens, Thomistes, Molinistes , &c.

Science secrete (Page 14:791)

Science secrete, (Hist. de l'Egl.) c'est selon Clément d'Alexandrie, la doctrine particuliere qui ne devoit être communiquée qu'aux parfaits, trop sublime & trop excellente pour le vulgaire, parce qu'elle est au - dessus de lui. Il paroît que ce pere de l'Eglise est un des premiers qui ait tâché d'introduire la discipline de la science secrete chez les chrétiens; car avant lui, personne ne l'imagina; mais Clément s'écarta de l'usage reçu, & se fit des principes à part, semblables à ceux des payens, qui cachoient leurs mysteres, & qui enveloppoient la science d'énigmes. Leur exemple l'entraîna, & on le voit aisément par ce mot de Pindare qu'il rapporte lui même pour étayer son opinion: n'exposez point les anciennes doctrines en présence de tout le monde; la voie du silence est la plus sûre.

D'ailleurs, c'étoit une ancienne coutume des sages, de voiler la sagesse, & de ne la communiquer que par des emblèmes, par des figures énigmatiques, & par des sentencesobscures. Les Egyptiens le faisoient; Pythagore l'avoit fait à leur exemple. Hipparque ayant osé décrier les dogmes de Pythagore, & les expliquer dans un livre exprès, on le chassa de l'école, & on lui éleva un tombeau, comme s'il eût été mort. Il y avoit des ouvrages d'Epicure qu'on tenoit secrets; il y en avoit de Zenon, & d'autres philosophes. Ainsi Clément d'Alexandrie se persuada sans peine, qu'il y avoit aussi des doctrines secretes qu'il ne falloit communiquer que de vive voix de chrétien à chrétien, digne de les recevoir.

Cependant il ne faut pas s'imaginer, que ces doctrines secretes, que S. Clément ne permet de communiquer qu'aux parfaits, soient des vérités de la foi, ou des vérités essentielles, puisqu'on les prêchoit à tout le monde; mais ce qu'il nomme doctrines secretes, sont les explications mystiques des lois, des cerémonies, en général de celles qui avoient été instituées dans le vieux Testament, ou ce qui avoit été dit mystiquement par les prophetes. C'étoit là la science secrete, dont il ne falloit parler qu'aux initiés. C'étoit là la tradition que J. C. avoit enseignée a ses disciples, la sagesse mystérieuse. Ce que S. Clément avoit permis de divulguer & d'enseigner à tous; c'est ce que S. Paul appelle le lait, c'est - à - dire la doctrine des cathéchumenes, la foi, l'espérance, la charité; mais ce qui, selon lui, ne devoit point être divulgué; c'est ce que l'apôtre appelle viande solide, c'est - à - dire la connoissance des secrets, ou la compréhension de l'essence divine. Voilà, continue t - il, cette science secrete dont J. C. fit part à ses disciples depuis sa résurrection.

Quoi qu'il en soit de toutes les idées de Clément d'Alexandrie sur la science secrete, il est constant que les chrétiens n'ont jamais caché leurs mysteres aux infideles. S. Paul n'avoit point cette pratique; elle ne fut point d'usage du tems de Tertullien, de Minucius Felix, & de Justin martyr; ce dernier déclare qu'il seroit bien fâché qu'on l'accusât de rien dissimuler par malice, ou par affectation; mais Clément d'Alexandrie se fraya une nouvelle route, & l'applanit si bien par son crédit & par son érudition, qu'il trouva des sectateurs, & S. Chrysostome lui - même tout homme sensé qu'il étoit. On peut voir la dissertation de Casaubon sur le silence mystérieux, exercit. XII. n° 43. (D. J.)

Sciences (Page 14:791)

Sciences, jeux instructifs pour apprendre les, (Litter.) C'est ainsi qu'on a nommé divers jeux de cartes, & même de dez, imaginés pour apprendre aux enfans & aux jeunes gens, non - seulement les sciences qui ne demandent que des yeux & de la mémoire, telles que l'histoire, la géographie, la chronologie, le blason, la fable; mais ce qu'il y a de plus singulier, les sciences mêmes qui demandent le plus de raisonnement & d'application, telles que la logique & le droit.

Le premier qui ait cherché la méthode d'apprendre les sciences par des figures, & à rendre utile pour l'esprit le jeu de cartes, est un cordelier allemand, nommé Thomas Mürner, né à Strasbourg. Ce religieux enseignant au commencement du xvj siecle la philosophie en Suisse, s'apperçut que les jeunes gens étoient rebutés des écrits d'un Espagnol, qu'on leur donnoit pour apprendre les termes de la dialectique. Il en fit une nouvelle par images & par figures, en forme de jeu de cartes, afin que le plaisir engageant

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