ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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BIBLE
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BIBLE, s. f. (Théol.) TA\BI/>LI/A, pluriel de BI>LION,
livre; c'est - à - dire, les écritures ou livre par excellence.
[p. 223]
Voyez Ecriture. C'est le nom que les Chrétiens
donnent à la collection des livres sacrés, écrits par
l'inspiration du saint - Esprit. La Bible se divise généralement
en deux parties; savoir, l'ancien & le nouveau
Testament. On appelle livres de l'ancien Testament, ceux qui ont été écrits avant la naissance de
Jesus - Christ, & qui contiennent, outre la loi & l'histoire
des Juifs, les prédictions des prophetes touchant
le Messie, & divers livres ou traités de morale. Le
nouveau Testament contient les livres écrits depuis
la mort de Jesus - Christ par ses apôtres ou ses disciples.
Suivant la décision du concile de Trente, sess. 4.
les livres de l'ancien Testament sont le Pentateuque,
qui comprend les cinq livres de Moyse, savoir la
Genese, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, & le
Deuteronome: viennent ensuite les livres de Josué,
des Juges, de Ruth, les quatre livres des Rois, les
deux de Paralipomenes, le premier & le second d'Esdras; ceux de Tobie, de Judith, d'Esther, de Job; le
Pseautier de David, contenant cent cinquante pseaumes;
les Proverbes, l'Ecclésiaste, la Sagesse, l'Ecclésiastique, le Cantique des cantiques, lsaïe, Jérémie & Baruch; Ezéchiel, Daniel, les douze petits
Prophetes, & les deux livres des Macchabées: ce
qui fait en tout quarante - cinq livres.
Le nouveau Testament en contient vingt - sept,
qui sont les quatre Evangiles, le livre des Actes des
Apôtres, les quatorze épîtres de S. Paul, l'épître de
S. Jacques, les deux épîtres de S. Pierre, les trois
épîtres de S. Jean, l'épître de S. Jude, & l'Apocalypse. Tel est à présent le canon ou catalogue des
Ecritures reçû dans l'Eglise catholique; mais qui n'est
pas admis par toutes les sectes ou sociétés qui se sont
séparées d'elle. Voyez Canon.
Quant à l'ancien Testament, il y a une grande
partie des livres qu'il contient, qui ont été reçus
comme sacrés & canoniques par les Juifs & par tous
les anciens Chrétiens: mais aussi il y en a quelques-uns
que les Juifs n'ont pas reconnus, & que les premiers
Chrétiens n'ont pas toûjours reçûs comme canoniques;
mais qui depuis ont été mis par l'Eglise
dans le canon des Livres sacrés. Ces derniers sont les
livres de Tobie, de Judith, le livre de la Sagesse, l'Ecclésiastique, & les deux livres des Macchabées: quelques - uns même ont douté de l'authenticite des livres
de Baruch & d'Esther. Tous ces livres ont été écrits
en langue Hébrarque, à l'exception de ceux que les
Juifs ne reconnoissoient point. Les anciens caracteres
étoient les Samaritains: mais depuis la captivité
on s'est servi des nouveaux caracteres Chaldéens.
Ils ont été traduits plusieurs fois en Grec; la version
la plus ancienne & la plus authentique, est celle des
Septante, dont les apôtres mêmes se sont servis. Voy.
Septante & Version.
Quoique la plûpart des livres du nouveau Testament ayent aussi été reçûs pour canoniques dès les
premiers tems de l'Eglise, on a douté cependant de
l'authenticité de quelques - uns, comme de l'épître
aux Hébreux, de celle de S. Jude, de la seconde de
S. Pierre, de la seconde & de la troisieme de S. Jean,
& de l'Apocalypse. Tous les livres du nouveau Testament ont été écrits en Grec, à l'exception de l'évangile
de S. Matthieu & de l'épitre aux Hébreux,
qu'on croit avoir été originairement écrits en Hébreu. C'est le sentiment de S. Jérôme, contre lequel
quelques critiques modernes ont soûtenu, que tout
le nouveau Testament avoit été écrit en Syriaque:
mais cette opinion est également destituée de preuves
& de vraissemblance.
Les exemplaires de la Bible s'étant extrèmement
multipliés, soit par rapport aux textes originaux,
soit par rapport aux versions qu'on en a faites dans
la plûpart des langues mortes ou vivantes, cette di<cb->
vision est la plus commode pour en donner une idée
nette au lecteur. On distingue donc les Bibles selon
la langue dans laquelle elles sont écrites, en Hébraïques, Greques, Latines, Chaldaïques, Syriaques,
Arabes, Cophtes, Arméniennes, Persiennes, Moscovites, &c. & celles qui sont en langues vulgaires:
nous allons traiter par ordre & séparément de chacune.
Les Bibles Hébraïques sont ou manuscrites ou
imprimées. Les meilleures Bibles manuscrites sont
celles qui ont été copiées par les Juifs d'Espagne;
celles qui l'ont été par les Juifs d'Allemagne étant
moins exactes, quoiqu'en plus grand nombre. Il est
facile de les distinguer au coup d'oeil. Les premieres
sont en beaux caracteres bien quarrés; comme les
Bibles Hébraiques de Bomberg, d'Etienne, & de Plantin. Les autres en caracteres semblables à ceux de
Munster & de Gryphe. M. Simon observe que les
plus anciennes Bibles Hébraïques n'ont pas 6 ou 700
ans. Le rabbin Menahem, dont on a imprimé quelques
ouvrages à Venise en 1618 sur les Bibles Hébraiques, en cite pourtant un grand nombre, dont
l'antiquité (à compter de son tems) remontoit déjà
au - delà de 600 ans. On trouve plusieurs de ces Bibles manuscrites dans la bibliotheque du Roi, dans
celle des Jésuites de Paris, & dans celle des PP. de
l'Oratoire de la rue Saint - Honoré.
Les plus anciennes Bibles Hébraïques imprimées,
sont celles qui ont été publiées par les Juifs d'Italie,
sur - tout celles de Pesaro & de Bresce. Ceux de Portugal avoient commencé d'imprimer quelques parties
de la Bible à Lisbonne, avant qu'on les chassât de ce
royaume. On peut remarquer en général, que les
meilleures Bibles Hébraïques sont celles qui sont imprimées
sous les yeux même des Juifs, si soigneux à
observer jusqu'aux points & aux virgules, qu'il est
impossible qu'on les surpasse en exactrude. Au commencement
du xvi. siecle, Daniel Bomberg imprima
plusieurs Bibles Hébraïques, in - fol. & in - 4°. à Venise, dont quelques - unes sont très - estimées des Juifs
& des Chrétiens. La premiere fut imprimée en 1517:
elle porte le nom de son éditeur, Felix Pratenni; &
c'est la moins exacte. La seconde le fut en 1526; on
y joignit les points des Massoretes, les commentaires
de différens rabbins, & une préface Hébraïque de
Rabbi Jacob Benchajim. En 1548, le même Bomberg imprima la Bible in - fol. de ce dernier rabbin;
c'est la meilleure & la plus parfaite de toutes: elle
est distinguée de la premiere Bible du même éditeur,
en ce qu'elle contient le commentaire de Rabbi D.
Kimchi sur les chroniques; ce qui n'est pas dans l'autre.
Ce fut sut cette édition que Buxtorf le pere imprima
à Bâle en 1618, sa Bible Hébraïque des Rabbins: mais il se glissa, sur - tout dans les commentaires
de ceux - ci, plusieurs fautes; car Buxtorf altéra
un assez grand nombre de leurs passages, peu favorables
aux Chrétiens. La même année parut à Venise
une nouvelle édition de la Bible Rabbinique de Léon
de Modene, rabbin de cette ville, qui prétendit avoir
corrigé un grand nombre de fautes répandues dans
la premiere édition. Mais outre que cette Bible est
fort inférieure & pour le papier & pour le caractere
aux autres Bibles de Venise, elle passa par les mains
des Inquisiteurs, qui ne la laisserent pas en son entier,
quant aux commentaires des Rabbins.
La Bible Hébraïque de R. Etienne est estimée pour
la beauté des caracteres: mais elle est trop infidele.
Plantin a aussi imprimé à Anvers différentes Bibles
Hébraïques fort belles, dont la meilleure est celle de
1566 in - 4°. Manassé Ben Israel, savant Juif Portugais, donna à Amsterdam deux éditions de la Bible
en Hébreu, l'une in - 4°. & l'autre in - 8°. La premiere
est en deux colonnes, & par - là plus commode pour
le lecteur. En 1634, Rabbi Jacob Lombroso en pu<pb->
[p. 224]
blia à Venise une nouvelle édition in - 4°. avec de
petites notes littérales au bas des pages, où les mots
Hébreux sont expliqués par des mots Espagnols.
Cette Bible est imé des Juifs de Constantinople. On y a distingué dans le texte par une petite
étoile, les endroits où il faut lire le point camés par
un camés hatouph, c'est - à - dire par un o & non par
un a. De toutes les éditions des Bibles Hébraïques
in - 8°. les plus belles & les plus correctes sont les
deux de Joseph Athias, Juif d'Amsterdam; la premiere
de 1661, préférable pour le papier; l'autre
de 1667, plus fidele: néanmoins Vander Hoogt en
a publié une en 1705, qui l'emporte encore sur ces
deux - là.
Après Athias, trois Protestans qui savoient l'Hébreu, s'engagerent à revoir & à donner une Bible
Hébraïque. Ces trois auteurs étoient Claudius, Jablonski, & Opitius. L'édition de Claudius fut publiée
à Francfort en 1677, in - 4°. On trouve au bas des
pages les différentes leçons des premieres éditions:
mais l'auteur ne paroît pas assez profond dans la maniere
d'accentuer, sur - tout pour les livres de poësie;
& d'ailleurs cette édition n'ayant pas été faite sous
ses yeux, fourmille de fautes. Celle de Jablonski parut
à Berlin, in - 4°. en 1699. L'impression en étoit
fort nette, & les caracteres très - beaux: mais quoique
l'auteur prétendît s'être servi de l'édition d'Athias & de celle de Claudius, plusieurs critiques trouverent
néanmoins la sienne trop ressemblante à l'édition
in - 4°. de Bomberg, pour ne le soupçonner pas
de l'avoir suivi peut - être trop servilement. Celle
d'Opitius fut aussi imprimée in - 4°. à Keil en 1709:
mais la beauté du papier ne répondoit pas à celle des
caracteres; d'ailleurs l'éditeur ne fit usage que de manuscrits
Allemands, négligeant trop ceux qui sont
en France, défaut qui lui étoit commun avec Claudius & Jablonski. Ces Bibles ont pourtant cet avantage,
qu'outre les divisions, soit générales, soit particulieres,
en Paraskes & Pemkim, selon la maniere
des Juifs, elles ont encore les divisions en chapitres
& en versets, suivant la méthode des Chrétiens; aussi
bien que les keri - ketib, ou différentes façons de lire,
& les sommaires en Latin; ce qui les rend d'un usage
très - commode pour les éditions Latines & les concordances.
La petite Bible in - seize de Robert Etienne
est fort estimée par la beauté du caractere: on doit
observer qu'il y en a une autre édition à Geneve
qui lui est pareille, excepté que l'impression en est
mauvaise, & le texte moins correct. On peut ajoûter
à ce catalogue quelques autres Bibles Hébraïques
sans points in - 8°. & in - 24. fort estimées des Juifs, non
qu'elles soient plus exactes, mais parce que la petitesse
du volume les leur rend plus commodes dans
leurs synagogues & dans leurs écoles. Il y en a deux
éditions de cette sorte, l'une de Plantin in - 8°. à deux
colonnes, & l'autre in - 24. imprimée par Raphalengius à Leyde en 1610. On en trouve aussi une édition
d'Amsterdam en grands caracteres, par Laurent, en
1631; & une autre in - 12. de Francfort, en 1694,
avec une préface de Leusden: mais elle est pleine
de fautes.
Bibles Greques
(Page 2:224)
Bibles Greques. Le grand nombre de Bibles que
l'on a publiées en Grec, peut être réduit à trois ou
quatre classes principales; savoir celle de Complute
ou d'Alcala de Henarès; celle de Venise, celle de
Rome, & celle d'Oxford. La premiere parut en 1515
par les ordres du cardinal Ximenès, & fut insérée
dans la Bible Polyglotte, qu'on appelle ordinairement
la Bible de Complute: cette édition n'est pas exacte,
parce qu'en plusieurs endroits on y a changé la version
des Septante, pour se conformer au texte Hébreu. On l'a cependant réimprimée dans la Polyglotte
d'Anvers, dans celle de Paris, & dans l'in - 4°. connu
sous le nom de Bible de Vatable. V. Polyglotte.
La seconde Bible Greque est celle de Venise qui parut
en 1518, où le texte Grec des Septante a été réimprimé
conformément à ce qu'il étoit dans le manuscrit.
Cette édition est pleine de fautes de copistes,
mais aisées à corriger. On l'a réimprimée à Strasbourg, à Bâle, à Francfort, & en d'autres lieux, en
l'altérant toutefois en quelques endroits pour suivre
le texte Hébreu. La plus commode de ces Bibles est
celle de Francfort, à laquelle on a ajoûté de courtes
scholies, dont l'auteur ne s'est pas nommé, mais qu'on
attribue à Junius: elles servent à marquer les différentes
interprétations des anciens traducteurs Grecs.
La troisieme est celle de Rome en 1587, dans laquelle
on a inséré des scholies tirées des manuscrits Grecs
des bibliotheques de Rome, & recueillies par Pierre
Morin. Cette belle édition fut réimprimée à Paris en
1628 par le P. Morin de l'Oratoire, qui y joignit l'ancienne
version Latine de Nobilius, laquelle dans l'édition
de Rome étoit imprimée séparément avec les
commentaires. L'édition Greque de Rome se trouve
dans la Polyglotte de Londres; & on y a ajoûté en
marge les différentes leçons tirées du manuscrit d'Alexandrie. On l'a aussi donnée en Angleterre in - 4°.
& in - 12. avec quelques changemens. Bos l'a encore
publiée en 1709 à Francker, avec toutes les différentes
leçons qu'il a pû recouvrer. Enfin la quatrieme
Bible Greque est celle qu'on a faite en Angleterre d'après
un exemplaire très - ancien, connu sous le nom
de manuscrit d'Alexandrie; parce qu'il avoit été envoyé
de cette ville. Elle fut commencée à Oxford
par le docteur Grabe en 1707. Dans cette Bible, le
manuscrit d'Alexandrïe n'est pas imprimé tel qu'il
étoit, mais tel qu'on a cru qu'il devoit être; c'est - à - dire, qu'on l'a changé aux endroits qui ont paru être
des fautes de copistes, & que l'on a aussi changé les
mots qui étoient de différentes dialectes: quelques-uns
ont applaudi à cette liberté; d'autres l'ont condamnée,
prétendant que le manuscrit étoit exact, &
que les conjectures ou les diverses leçons avoient été
rejettées dans les notes dont il étoit accompagné.
Voyez Septante.
Bibles Latines
(Page 2:224)
Bibles Latines. Quoique leur nombre soit encore
plus grand que celui des Bibles Greques, on
peut les réduire toutes à trois classes; savoir, l'ancienne
Vulgate, nommée aussi Itala, traduite du Grec
des Septante; la Vulgate moderne, dont la plus
grande partie est traduite du texte Hébreu; & les nouvelles
versions Latines faites sur l'Hébreu dans le
xvie siecle. De l'ancienne vulgate, dont on se servoit
dans la primitive Eglise, & sur - tout en occident,
jusqu'après le tems du pape S. Grégoire le grand, il
ne reste de livres entiers que les Pseaumes, le livre
de la Sagesse, & l'Ecclésiaste, & des fragmens épars
dans les écrits des Peres, d'où Nobilius a tâché de la
tirer toute entiere; projet qui a été exécuté par le
P. Sabathier, Bénédictin. On trouve un grand nombre
d'éditions différentes de la vulgate moderne, qui
est la version de S. Jérôme faite sur l'Hébreu. Le
cardinal Ximenès en fit insérer dans la Bible de Complute, une qui est altérée & corrigée en plusieurs endroits.
La meilleure édition de la vulgate de Robert
Etienne, est celle de 1540, réimprimée en 1545,
où l'on trouve en marge les différentes leçons des divers
manuscrits dont il avoit pû avoir connoissance.
Les docteurs de Louvain l'ont revûe, y ont ajoûté de
nouvelles leçons inconnues à Robert Etienne: leur
meilleure édition est celle qui contient à la fin les
notes critiques de François Lucas de Bruges. Toutes
ces corrections de la Bible Latine furent faites avant
le tems de Sixte V. & de Clément VIII. depuis lesquels
personne n'a osé faire de changement au texte
de la vulgate, si ce n'est dans des commentaires &
des notes séparées. Les corrections de Clément VIII.
en 1592, sont celles que l'on suit dans toute l'Eglise
[p. 225]
catholique; car de deux réformations qu'a fait ce
pontife, on s'en est toûjours tenu à la premiere. Ce
fut d'après elle que Plantin donna son édition, &
toutes les autres furent faites d'après celle de Plantin; de sorte que les Bibles communes sont d'après
les corrections de Clément VIII. Il y a un très - grand
nombre de Bibles Latines de la troisieme classe faites
depuis deux siecles, & comprenant les versions des
originaux des livres sacrés: la premiere est celle de
Sanctez Pagninus, Dominicain; elle fut imprimée à
Lyon in - 4°. en 1528, & est fort estimée des Juifs.
L'auteur la perfectionna, & l'on en fit à Lyon une
belle édition in - fol. en 1542, avec des scholies sous
le nom de Michael Villanovanus, auteur de ces scholies,
que M. Chambers croit être Michel Servet,
brûlé depuis à Geneve. Servet prit ce nom parce
qu'il étoit né à Villa - nueva en Aragon. Ceux de Zurich donnerent aussi une édition in - 4°. de la Bible de
Pagninus, & Robert Etienne la réimprima in - fol.
avec la vulgate en 1557. On en trouve encore une
version de 1586 en quatre colonnes, sous le nom de
Vatable, qu'on a insérée dans la Bible en quatre langues
de l'édition d'Hambourg. On range aussi au
nombre des Bibles Latines la version de Pagninus,
corrigée ou plûtôt rendue littérale par Arias Montanus, avec l'approbation des docteurs de Louvain, insérée
par ordre de Philippe Il. dans la Polyglotte de
Complute, & ensuite dans celle de Londres. Il y en
a oû différentes éditions in - fol. in - 4°. & in - 8°. auxquelles
on a ajoûté le texte Hebreu de l'ancien Testament, & le Grec du nouveau: la meilleure est celle
de 1571 in - fol. Depuis la réformation les Protestans
ont aussi donné plusieurs versions Latines de la Bible: les plus estimées parmi eux sont celles de Munster, de Léon Juda, de Castalion, & de Tremellius;
les trois dernieres ont été souvent réimprimées; &
celle de Castalion l'emporte pour la beauté du Latin, que quelques critiques trouvent pourtant trop affecté: sa meilleure édition est celle de 1573. La version
de Léon Juda, corrigée par les Théologiens de
Salamanque, a été jointe à l'ancienne édition publiée
par Robert Etienne, avec des notes de Vatable. Celles de Junius & de Tremellius sont préférées,
sur - tout par les Calvinistes; & il y en a un tres grand
nombre d'éditions. On pourroit ajouter pour
quatrieme classe des Bibles Latines, comprenant l'édition
de la vulgate corrigée sur les originaux, la
Bible d'Isidore Clarius ou Clario, écrivain catholique,
& évêque de Fuligno dans l'Ombrie. Cet auteur
peu content des corrections de l'ancien Latin,
a réformé cette derniere traduction aux endroits qu'il
a crû mal rendus; son ouvrage imprimé à Venise en
1542, fut d'abord mis à l'index, ensuite permis, &
reimprimé à Venise en 1564, à l'exception de la préface
& des prolégomenes. Plusieurs protestans ont
suivi cette méthode. André & Lue Osiander entr'autres
ont publié chacun une nouvelle édition de la
Vulgate, corrigée sur les originaux.
Bibles Orientales
(Page 2:225)
Bibles Orientales. On peut mettre à la tête
des Bibles Orientales la version Samaritaine, qui
n'admet de l'Ecriture que le Pentateuque. Cette version
est faite sur le texte Hébieu - Samaritain, un peu
différent du texte Hébreu des Juifs, & dans une langue
qui est à peu près la même que la Chaldaïque.
Le pere Morin de l'Oratoire est le premier qui ait
fait imprimer ce Pentateuque Hébreu des Samaritains avec la version; l'un & l'autre se trouvent
dans les Polyglottes de Londres & de Paris. Les Samaritains ont outre cela une version Arabe du Pentateuque, qui n'a point été imprimée, & qui est même
fort rare. On en trouve deux exemplaires dans
la bibliotheque du Roi. L'auteur se nomme Abusaïd,
& a ajoûté en marge quelques notes littérales. Ils
ont aussi l'histoire de Josué, mais différente du livre
de Josué que nous reconnoisions pour canonique, titre
qu'ils n'accordent pas au livre qu'ils ont sous le
même nom.
Bibles Chaldéennes
(Page 2:225)
Bibles Chaldéennes. Ce sont seulement des
gloses ou des expositions que les Juifs ont faites lorsqu'ils parloient la langue Chaldaique. Ils les nomment
targumim, ou les paraphrases; parce qu'en effet
ce ne sont point de pures versions de l'Ecriture. Les
meilleures sont celles d'Onkelos, qui n'est que sur le
Pentateuque, & celle de Jonathan, sur tous les livres
que les Juifs appellent Prophetes; c'est - à - dire,
sur Josué, les Juges, les livres des Rois, les grands
& les petits Propheres. Les autres paraphrases Chaldéennes sont la plûpart remplies de fabies: on les a
insérées dans la grande Bible Hébraique de Venise &
de Bâle. Mais on les lit plus aisement dans les Polyglottes, où l'on a mis à côté la traduction Latine. Voy.
Targum.
Bibles Syriaques
(Page 2:225)
Bibles Syriaques. En 1562 Jean Albert Widmanstadius fit imprimer à Vienne en Autriche tout le
nouveau Testament en très - beaux caracteres Syriaques, & cette version a été insérée dans la Bible de
Philippe II. avec la traduction Latine. Gabriel Sionite a publié aussi à Paris en 1525 une très - belle édition des Pseaumes en Syriaque, avec une version
Latine. Quant à l'ancien Testament, les Syriens en
ont deux sortes de versions: la premiere faite sur le
Grec des Septante, n'a jamais éte imprimée; l'autre
qui a été prise sur le texte Hébreu, a été imprimée
pour la premiere fois dans la grande Bible de le Jay,
& ensuite dans la Polvglotte d'Angleterre. Elle est en
usage chez les Chrétiens d'orient, qui suivent le rit
Syrien.
Bibles Arabes
(Page 2:225)
Bibles Arabes. Il y a un très - grand nombre de
Bibles Arabes, dont les unes sont à l'usage des Juifs
dans les pays où ils parlent l'Arabe; les autres à l'usage
des Chrétiens du levant qui parlent cette langue.
Les premieres ont toutes été faites sur l'Hébreu,
les autres sur d'autres versions, comme celle des Syriens sur le Syriaque, lorsque cette derniere langue
n'a plus été entendue du peuple; celle des Cophtes
sur leur langue naturelle, quoiqu'elle fût aussi bien
entendue du peuple que des prêtres. En 1516 Augustin Justiniani, evêque de Nebis, donna à Genes
une version Arabe du Pseautier, avec le texte Hébreu & la paraphrase Chaldaïque, en y ajoûtant les
interprétations Latines. La version Arabe de toute
l'Ecriture se trouve dans les Polyglottes de Paris &
de Londres. Il y a une édition entiere de l'ancien
Testament, imprimée à Rome en 1671 par ordre de
la Congrégation de Propagandâ fide, mais qu'on a voulu
faire quadrer avec la Vulgate, & qui par conséquent
n'est pas toûjours exactement conforme au texte
hébreu. Les Bibles Arabes de l'Europe ne sont pas
non plus tout - à - fait les mêmes que celles de l'orient:
plusieurs savans pensent que la version Arabe du
vieux Testament qui est imprimée dans les Polyglottes, est au moins en grande partie celle de Saadias
Gaon Rabbin, qui vivoit au commencement du dixieme
siecle; & la raison qu'ils en donnent est qu'Aben Ezra, grand antagoniste de Saadias, cite quelques
passages de cette version que l'on trouve dans
les versions Arabes des Polyglottes: mais d'autres
pensent que la version Arabe de Saadias ne subsiste
plus. En 1622 Erpenius imprima un Pentateuque de
Arabe, que l'on appelloit aussi le Pentateuque de
Mauritanie, parce qu'il étoit à l'usage des Juifs de
Barbarie: la version en est très - littérale, & passe
pour fort exacte. On a aussi publié les quatre Evangélistes en Arabe avec une version Latine, in - fol. à
Rome en 1591. Cette version a été réimprimee depuis
dans les Polyglottes de Paris & de Londres,
avec quelques changemens faits par Gabriel Sionite.
Erpenius donna aussi à Leyde en 1616 un nouveau
[p. 226]
Testament Arabe en entier, tel qu'il l'avoit trouvé
dans un manuscrit.
Bibles Cophtes
(Page 2:226)
Bibles Cophtes. Ce sont les Bibles des Chrétiens d'Egypte, qu'on appelle Cophtes ou Coptes, &
qui sont écrites dans l'ancien langage de ce pays - là.
Il n'y a aucune partie de la Bible imprimée en Cophte: mais il y en a plusieurs manuscrits dans les grandes
bibliotheques, & sur - tout dans celle du Roi.
Cette ancienne langue Cophte n'étant plus entendue
depuis très - long - tems par les Cophtes mêmes, ils lisent
l'Ecriture dans une version Arabe, comme on le
voit par les Bibles Cophtes manuscrites qui sont à la
bibliotheque du Roi.
Bibles Ethiopiennes
(Page 2:226)
Bibles Ethiopiennes. Les Ethiopiens ont aussi
traduit quelques parties de la Bible en leur langue,
comme les Pseaumes, les Cantiques, quelques chapitres
de la Genese, Ruth, Joël, Jonas, Malachie,
& le nouveau Testament, qui ont été imprimés d'abord
séparément, puis recueillis dans la Polyglotte
d'Angleterre. Cette version a été faite sur le Grec
des Septante, peut - être même sur le Cophte, qui a
lui - même été pris des Septante. Le nouveau Testament Ethiopien, imprimé d'abord à Rome en 1548,
est très - inexact: on n'a pas laissé que de le faire passer
avec toutes ses fautes dans la Polyglotte de Londres.
Bibles Arméniennes
(Page 2:226)
Bibles Arméniennes. Il y a une très - ancienne
version Arménienne de toute la Bible, qui a été faite
d'après le Grec des Septante par quelques docteurs
de cette nation dès le tems de S. Jean Chrysostome.
Comme les exemplaires manuscrits coûtoient beaucoup,
Oschan ou Uscham, évêque d'Uschouanch,
un de leurs prélats, la fit imprimer en entier in - 4°.
à Amsterdam en 1664, avec le nouveau Testament
in - 8°. On avoit cependant imprimé long - tems aupatavant
le Pseautier Arménien.
Bibles Persannes
(Page 2:226)
Bibles Persannes. Quelques uns des Peres semblent
dire que toute l'Ecriture fut d'abord traduite
en langue Persanne: mais il ne reste rien de cette
ancienne version, qu'on suppose faite d'après celle
des Septante. Le Pentateuque Persan imprimé dans
la Polyglotte de Londres, est l'ouvrage de Rabbi
Jacob, Juif Persan. Dans la même Polyglotte se
trouvent les quatre Evangélistes en Persan, avec la
traduction latine: mais cette version paroît être
tres - moderne, peu exacte, & ne méritoit pas d'être
publiée.
Bibles Gothiques
(Page 2:226)
Bibles Gothiques. On croit généralement que
Ulphilas ou Gulphilas, évêque des Goths qui habitoient
dans la Moesie, & qui vivoit dans le ive siecle,
fit une version de la Bible entiere pour ses compatriotes,
à l'exception toutefois des livres des Rois
qu'il ne voulut pas mettre entre les mains de cette
nation assez belliqueuse par elle - même, craignant
que les guerres & les combats dont il y est fait mention
ne l'excitassent à avoir toûjours les armes à la
main, & à justifier cette conduite par l'exemple des
anciens Hébreux. Quoi qu'il en soit, on n'a plus rien
de cette ancienne version que les quatre Evangélistes, qui furent imprimés in - 4°. à Dordrecht en 1665
d'après un très - ancien manuscrit.
Bibles Moscovites
(Page 2:226)
Bibles Moscovites. La Bible Moscovite est une
Bible entiere en langue Sclavone faite sur le Grec:
elle fut imprimée à Ostravie en Volhinie aux dépens
de Constantin Basile duc d'Ostravie, pour l'usage des
Chrétiens qui parlent le Sclavon, dont la langue
Moscovite est un dialecte. On la nomme communément
la Bible Moscovite.
Le nombre des Bibles en langue vulgaire est si prodigieux,
& d'ailleurs elles sont si connues, que nous
n'avons pas jugé nécessaire d'en traiter expressément.
Voyez le livre de Kortholtus Allemand, intitulé de
variis Bibliorum editionibus. R. Elias Levita. le P. Morin. Simon, Hist, critiq. du vieux & du nouv. Testam.
Bibliot. des aut. eccles. des trois prem. siec. par M. Dupin, tome I. Bibliot. sacr. du P. le Long; & celle que Dom
Calmet a jointe à son dictionn. de la Bible. (G)
* Comme nous ne nous sommes pas proposés seulement
de faire un bon ouvrage, mais encore de
donner des vûes aux auteurs, pour en publier sur
plusieurs matieres de meilleurs que ceux qu'on a,
nous allons finir cet article par le plan d'un traité
qui renfermeroit tout ce qu'on peut desirer sur les
questions préliminaires de la Bible. Il faudroit diviser
ce traité en deux parties: la premiere seroit une critique
des livres & des auteurs de l'Ecriture sainte:
on renfermeroit dans la seconde certaines connoissances
générales qui sont nécessaires pour une plus
grande intelligence de ce qui est contenu dans ces
livres.
On distribueroit la premiere partie en trois sections: on parleroit dans la premiere des questions
générales qui concernent tout le corps de la bible:
dans la seconde, de chaque livre en particulier & de
son auteur: dans la troisieme, des livres cités, perdus,
apocryphes, & des monumens qui ont rapport
à l'Ecriture.
Dans la premiere de ces sections, on agiteroit six
questions. La premiere seroit des différens noms qu'on
a donnés à la Bible, du nombre des livres qui la composent,
& des classes différentes qu'on en a faites.
La seconde, de la divinité des Ecritures; on la prouveroit
contre les payens & les incrédules: de l'inspiration
& de la prophétie; on y examineroit en quel
sens les auteurs sacrés ont été inspirés; si les termes
sont également inspirés comme les choses; si tout ce
que ces livres contiennent est de soi, même les faits
historiques & les propositions de physique. La troisieme
seroit de l'authenticité des livres sacrés, du
moyen de distinguer les livres véritablement canoniques
d'avec ceux qui ne le sont pas; on y examineroit
la fameuse controverse des Chrétiens de la
communion Romaine, & de ceux de la communion
Protestante, savoir si l'Eglise juge l'Ecriture; on expliqueroit
ce que c'est que les livres deutérocanoniques;
dans quel sens & par quelles raisons ils sont ou
doivent être nommés deutérocanoniques. La quatrieme
seroit des différentes versions de la bible & des diverses
éditions de chaque version: on y parleroit
par occasion de l'ancienneté des langues & des caracteres;
on en rechercheroit l'origine; on examineroit
quelle a été la premiere langue du monde; si l'Hébraique mérite cette préférence. S'il n'étoit pas possible
de porter une entiere lumiere sur ces objets, on
détermineroit du moins ce qu'on en voit distinctement;
on rechercheroit jusqu'où l'on peut compter
sur la fidélité des copies, des manuscrits, des versions,
des éditions, & sur leur intégrité; s'il y en a
d'authentiques outre la vulgate, ou si elle est la seule
qui le soit; on n'oublieroit pas les versions en langues
vulgaires; on examineroit si la lecture en est
permise ou défendue, & ce qu'il faut penser de l'opinion
qui condamne les traductions des livres sacrés.
La cinquieme seroit employée à l'examen du style
de l'Ecriture, de la source de son obscurité, des différens
sens qu'elle souffre, & dans lesquels elle a été
citée par les auteurs ecclésiastiques; de l'usage qu'on
doit faire de ces sens, soit pour la controverse, soit
pour la chaire ou le mystique: on y discuteroit le
point de conscience, s'il est permis d'en faire l'application
à des objets profanes. La sixieme & derniere
question de la section premiere de la premiere partie,
traiteroit de la division des livres en chapitres
& en versets, des différens commentaires, de l'usage
qu'on peut faire des rabbins, de leur talmud, de leur
gemare, & de leur cabale; de quelle autorité doivent
être les commentaires & les homélies des peres sur
l'Ecriture; de quel poids sont ceux qui sont venus
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depuis, & quels sont les plus utiles pour l'intelligence
des Ecritures.
La seconde section seroit divisée en autant de petits
traités qu'il y a de livres dans l'Ecriture: on en
feroit l'analyse & la critique; on en éclairciroit l'histoire;
on donneroit des dissertations sur les auteurs,
les tems précis, & la maniere dont ils ont écrit.
La troisieme section comprendtoit trois questions:
la premiere, des livres cités dans l'Ecriture; on examineroit
quels étoient ces livres, ce qu'ils pouvoient
contenir, qui en étoient les auteurs, enfin tout ce
que les preuves & les conjectures en pourroient indiquer: la seconde, des livres apocryphes qu'on a
voulu faire passer pour canoniques, soit qu'ils subsistent
encore, ou qu'ils ayent été perdus, soit qu'ils
ayent été composés par des auteurs Chrétiens, ou
des ennemis de la religion: la troisieme, des monumens
qui ont rapport à l'Ecriture, comme les ouvrages
de Philon, de Josephe, de Mercure Trismegiste,
& de plusieurs autres; tels sont aussi les oracles des
sibylles, le symbole des apôtres, & leurs canons.
Tel seroit l'objet & la matiere de la premiere
partie; la seconde comprendroit huit traités: le
premier seroit de la Géographie sacré>: le second,
de l'erigine & de la division des peuples; ce seroit
un beau commentaire sur le chapitre x. de la Genese: le troisieme, de la chronologie de l'Ecriture, où
par conséquent on travailleroit à éclaircir l'ancienne
chronologie des empires d'Egypte, d'Assyrie, & de
Babylone, qui se trouve extremement mêlée avec
celle des Hébreux: le quatrieme, de l'origine & de
la propagation de l'idolatrie; celui - ci ne seroit, ou
je me trompe fort, ni le moins curieux, ni le moins
philosophique, ni le moins savant: le cinquieme, de
l'histoire naturelle relative à l'Ecriture, des pierres
précieuses dont il y est fait mention, des animaux,
des plantes, & autres productions; on rechercheroit
quels sont ceux de nos noms auxquels il faudroit rapporter
ceux sous lesquels elles sont désignées: le sixieme,
des poids, des mesures, & des monnoies qui
ont été en usage chez les Hébreux, jusqu'au tems de
Notre Seigneur, ou même apres les apôtre>: le septieme,
des idiomes différens des langues principales,
dans lesquels les livres saints ont été écrits, des phrases
poëtiques & proverbiales, des figures, des allusions,
des paraboles: en un mot, de ce qui forme
une bonne partie de l'obscurité des prophéties & des
évangiles: le huitieme seroit un abrégé historique,
qui exposeroit rapidement les différens états du peuple
Hébreu jusqu'au tems des apôtres; les différentes
révolutions survenues dans son gouvernement,
ses usages, ses opinions, sa politique, ses maximes.
Voilà une idee qui me paroit assez juste & assez
étendue pour exciter un savant à la remplir. Tout ce
qu'il diroit là - dessus ne seroit peut - être pas nouveau:
mais ce seroit toûjours un travail estimable & utile
au public, que de lui présenter dans un seul ouvrage
complet, sous un même style, selon une méthode
claire & uniforme, & avec un choix judicieux, des
matériaux dispersés, & la plûpart inconnus, recueillis
d'un grand nombre de savans.
Qu'il me soit permis de m'adresser ici à ceux qui
n'ont pas de l'étendue de la Théologie, toute l'idée
qu'ils en doivent avoir. Le plan que je viens de proposer
a sans doute de quoi surprendre par la quantité
de matieres qu'il comprend; ce n'est pourtant
qu'une introduction à la connoissance de la religion:
le Théologien qui les possede ne se trouve encore qu'à
la porte du grand édifice qu'il a à parcourir; une
seule these de licence contient toutes les questions
dont je viens de parler. On se persuade faussement
aujourd'hui qu'un Théologien n'est qu'un homme
qui sait un peu mieux son catéchisme que les autres;
& sous prétexte qu'il y a des mysteres dans notre re<cb->
ligion, on s'imagine que toute sorte de raisonnemenlui
sont interdits. Je ne vois aucune science qui des
mande plus de pénétration, plus de justesse, plus de
finesse, & plus de subtilité dans l'esprit, que la Théologie; ses deux branches sent immenses, la scholastique
& la morale; elles renferment les questions les
plus intéressantes. Un Théologien doit connoitre les
devoirs de tous les états; c'est à lui à discerner les
limites qui séparent ce qui est permis d'avec ce qui
est défendu: lorsqu'il parle des devoirs de notre religion,
son éloquence doit être un tonnerre qui foudroye
nos passions, & en arrête le cours; ou doit
avoir cette douceur qui fait entrer imper ceptiblement
dans notre ame des vérités contraires à nos penchans.
Quel respect & quelle vénération ne méritent
pas de tels hommes! Et qu'on ne croye pas qu'un
Théologien, tel que je viens de le peindre, soit un
être de raison. Il est sorti de la faculté de Théologie
de Paris plusieurs de ces hommes rares. On lit dans
ses fastes les noms célebres & à jamais respectables
des Gersons, des Duperrons, des Richelieux, & des
Bossuets> Elle ne cesse d'en produire d'autres pour la
conservation des dogmes & de la morale du Christianisme. Les écrivains qui se sont échappés d'une
maniere inconsidérée contre ce qui se passe sur les
bancs de Théologie, méritent d'être dénoncés à cette
faculté, & par elle au clergé de France: que pensera - t - il d'un trait lancé contre ce corps respectable,
dans la continuation obscure d'un livre destiné toutefois
à révéler aux nations la gloire de l'Eglise Gallicane, dont la faculté de Théologie est un des principaux
ornemens? Ce trait porte contre une these
qui dure douze heures, & qu'on nomme Sorbonique:
on y dit plus malignement qu'ingénieusement, que
malgré sa longueur elle n'a jamais ruiné la santé de
personne. Cette these ne tua point l'illustre Bossuet:
mais elle alluma en lui les rayons de lumiere qui
brillenz dans ses ouvrages sur le mérite, sur la justification,
& sur la grace. Elle ne se fait point, il est
vrai, avec cet appareil qu'on remarque dans certains
colléges: on y est plus occupé des bons argumens &
des bonnes réponses, que de la pompe & de l'ostentation;
moyen sûr d'en imposer aux ignorans: on
n'y voit personne posté pour arrêter le cours d'une
bonne difficulté; & ceux qui sont préposés pour y
maintenir l'ordre, sont plus contens de voir celui qui
soûtient un peu embarrassé sur une objection très forte
qu'on lui propose, que de l'entendre répondre
avec emphase à des minuties. Ce n'est point pour
ébloüir le vulgaire que la faculté fait soûtenir des theses;
c'est pour constater le mérite de ceux qui aspirent à
l'honneur d'être membres de son corps: aussi ne voiton
point qu'elle s'empresse à attirer une foule d'approbateurs;
tous les Licenciés y disputent indifféremment: c'est que ce sont des actes d'épreuve & non
de vanité. Ce n'est point sur un ou deux traités qu'ils
soûtiennent, les seuls qu'ils ayent appris dans leur
vie; leurs theses n'ont d'autres bornes que celles de
la Théologie. Je sai que l'auteur pourra se défendre,
en disant qu'il n'a rien avancé de lui - même; qu'il
n'a fait que rapporter ce qu'un autre avoit dit: mais
excuseroit - il quelqu'un qui dans un livre rapporteroit
tout ce qu'on a écrit de vrai ou de faux contre son
corps? Nous espérons que ceux à qui l'honneur de
notre nation & de l'église de France est cher, nous
sauront gré de cette espece de digression. Nous remplissons
par - là un de nos principaux engagemens;
celui de chercher & de dire, autant qu'il est en nous,
la vérité. Voyez
Faculté, Licence, Théologie
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