ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
BLONDE
(Page 2:286)
BLONDE, s. f. (Commerce.) ouvrage de soie fait
à l'oreiller par le moyen des fuseaux, de la même
maniere que la dentelle, à laquelle il ressemble beaucoup;
la blonde travaillée n'en différant souvent
que par la matiere. Voy. Blonde travaillée. La
soie qui entre dans les blondes est de deux especes,
par rapport à sa qualité: la premiere est la plus grosse,
& s'employe dans les fonds. Voyez Fonds. La seconde
est la plus fine, & sert à faire les grillages.
[p. 287]
Voyez Grillage. Celle - ci se double toûjours; celle - là presque jamais, ou du moins qu'en deux fils.
On employe quelquefois encore de la soie montée,
qui n'est autre chose qu'une soie ou deux entortillées
au roüet sur une autre, comme l'or & l'argent sur la
soie. Cette opération se fait à Lyon: les Blondiers
sont obligés d'y envoyer leur soie, ou d'en tirer toute
montée. Jai dit quelquefois; & c'est en effet tres rarement
qu'on se sert de soie montée, parce que cordonnée
comme elle est, les ouvrages qu'elle produiroit
seroient lourds, cordonnés eux - mêmes, & n'auroient
point d'oeil: d'ailleurs, ces soies coûtant une
pistole de plus que les autres, les ouvriers n'en mettent
point en oeuvre qu'on ne le leur commande. Il
faut remarquer encore que les soies qui entrent dans
la blonde sont d'une qualité bien inférieure à celles
dont on fait les étoffes: celles - ci auroient le même
inconvénient que les soies montées, toutefois dans
un degré proportionnel à la nature particuliere de la
soie.
Les Blondiers achetent leurs soies en moches (V.
Moche), composées de trois parties égales, chacune
desquelles l'est de cinq écales (Voy. Ecales),
qui elles - mêmes ont encore leurs centaines, pour en
faciliter la division ou découpure. Les moches séparées,
chaque tiers en cinq parties, on met celles - ci
sur des tournettes (Voyez Tournette) pour les
découper. Cette opération est la plus difficile de tout
l'apprêtage. Elle consiste à trouver les différentes
centaines, qui sont à la vérité dans une écale, mais
indistinctes, & sans ligature comme on en voit dans
un écheveau de fil ou soie retordue. Le meilleur
moyen d'y parvenir, c'est de prendre d'abord peu
de soie, en la tournant autour des tournettes, d'aller
toûjours en augmentant jusqu'à l'entiere division. On
ne se fait point une peine de casser quelques brins de
soie qui y feroient obstacle: cela ne porte point un
grand préjudice, attendu que dans le dévidage on
noue tous les bouts, & que les noeuds n'empêchent
point de travailler la soie. Dès en commençant, on
voit à la séparation plus ou moins nette qui se fait,
si l'on a rencontré la centaine; ce qui n'empêche pas
qu'on ne soit quelquefois obligé de recommencer,
quoique les premiers tours n'ayent eû que pou d'embarras.
Les centaines enfin trouvées par cette découpure,
on les lie chacune à part vers leur milieu, de peur
qu'elles ne se mêlent, & on les couvre afin qu'elles
ne s'éventent point: on les dévide ensuite autour des
tournettes ou d'un dévidoir, au choix du fabriquant,
sur des bobines montées sur un roüet à la
main. Ceci n'a rien de difficile, & ne demande que
de la patience. Un ouvrier, quand la soie est bonne,
peut en dévider cinq onces, & gagner quarante sous
par jour; souvent aussi quand elle est bien pleine de
morvolant (Voyez Morvolant), il ne gagne que
huit sous. Cela fait, on double seulement celle qui
est destinée à faire le toilé, en quatre, cinq, six ou
sept brins, selon que la soie est plus ou moins fine.
(Voyez Doubler.) Enfin le fabriquant la donne aux
ouvriers qui en chargent leurs fuseaux (V. Charger), & exécutent les desseins qu'on leur a fournis,
les uns sur un oreiller plat, les autres sur un
oreiller à roue. (Voyez Oreiller à roue.) Les fuseaux
chargés de filets sont plus gros, afin qu'on les
reconnoisse plus aisément. (Voyez Filet.) Le reste
de l'ouvrage s'acheve en fixant la soie aux angles,
aux bords, & aux autres parties du dessein où il est
nécessaire de la fixer, par des épingles jaunes. Cette
couleur n'est pas essentielle à l'ouvrage, mais à l'ouvriere,
qui paye ces sortes d'épingles moins cher
que les autres. La texture & le jeu des fuseaux se
font l'une & l'autre comme dans la dentelle de fil.
(Voyez Dentelle.) On distingue dans la blonde
trois parties; le réseau, le grillage ou plein, & le
toilé. Voyez ces mots à leurs articles. Dans tout cela on
imite les différentes dentelles d'Angleterre, de Malines, de Valenciennes, &c. Les blondes sont parfaites
& imparfaites en deux manieres; parfaites, par
une texture réguliere, fine, & qui a de l'éclat, & par
la propreté & la blancheur qu'on a sû conserver à la
soie; imparfaites, par les deux contraires. Le défaut
de propreté & de textures égales diminue la moitié
du prix d'un ouvrage, parce qu'il n'en est pas des
blondes comme des dentelles, qui se blanchissent. Il
y a des blondes de fantaisie, & des blondes travaillées:
les blondes de fantaisie en général, sont celles d'un
moindre prix, & qui sont sujettes au caprice de la
mode & des goûts: celles - ci se divisent encore en
différentes branches particulieres, qui tantôt reçoivent
leur dénomination de la ressemblance qu'elles
ont avec certains objets naturels ou imités, plantes,
animaux, ouvrages, &c. tantôt des évenemens &
des saisons où elles paroissent; tantôt enfin de la réputation
& de la vogue seules que s'est acquis le fabriquant.
Mais pour découvrir cette ressemblance,
quand il y en a, il faut toûjours regarder le toilé ou
les fleurs, dont elle dépend uniquement.
Nous en allons nommer quelques - unes qui serviront
d'exemples.
Berg - op - zoom, ce sont des blondes dont le dessein
commença à paroître dans le tems que cette ville fut
prise; & le bruit que fit ce succès de nos armes, suffit
pour donner ce nom à une infinité de choses.
Chenille, est une blonde dont le principal toilé est
environné d'un brin de chenille. Voyez Chenille.
Persil, est une blonde composée d'une infinité de
petits toilés, assez approchans de la figure d'une
feuille de persil.
Points à la reine, est une blonde qui forme plusieurs
quadrilles pleins & vuides, dont les premiers sont
composés de trois petites branches distinctes, & à plusieurs
brins, qui montent & descendent obliquement
en se traversant dessus & dessous vers leur milieu,
& soûtenues en - haut & en - bas sur deux points transversaux
qui regnent dans toute la piece.
Pouce du roi, est une blonde dont le grand toilé représente
un éventail ouvert & fendu à la base par le
milieu.
Privure, est un toilé continué qui serpente entre
deux rangs de grillages ou de pleins: on l'appelle encore
la couleuvre.
Enfin la blonde travaillée est celle dont le dessein
correct & bien choisi, joint à une exécution délicate,
forme une piece dont la beauté permanente est
avoüée indépendamment du caprice, de la mode &
des circonstances. Les blondes travaillées imitent fort
les dentelles, & sont aussi cheres qu'estimées.
Quand toutes ces différentes sortes de blondes n'ont
pas assez de lustre en sortant des mains de l'ouvriere,
on les repasse avec une bouteille de verre semblable
à celle dont se servent les blanchisseuses de bas de
soie, en observant d'y aller fort légerement, trop de
posanteur & de répétitions les rendant trop lisses &
trop luisantes.
Nous finirons cet article par deux remarques: l'une
concernant le dessein, surquoi nous dirons que celui
qui a paru le plus agréable, même après en avoir
fait des essais, fournit souvent des pieces bien moins
belles que celles qu'on en attendoit; aussi les marchands
ont - ils soin de ne pas monter une grande quantité
de pieces sur un dessein nouveau, avant que le
goût du public ait confirmé & fixé le leur. La seconde
remarque que nous ayons à faire, est que quoique
les blondes soient ordinairement d'une seule couleur,
c'est - à - dire blanches, on ne laisse pas d'en faire
qui sont mêlées de noir, de rouge, &c. pour garnir
des robbes de dames, &c. Voyez Dentelle.
Les marchands de modes employent beaucoup de
[p. 288]
blonde pour garnir les robbes, les coëffures, les manchettes,
& les palatines des femmes.
Il y en a deux sortes relativement à la matiere; la
blonde de fil, qui ressemble beaucoup à la dentelle;
& la blonde de soie, qui n'est pas à beaucoup près si
bonne à l'usé, mais qui sied beaucoup mieux.
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.