ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"230"> belle bibliotheque à Memphis, aujourd'hui le grand Caire, qui étoit déposée dans le temple de Vulcain: c'est de cette bibliotheque que Naucrates accuse Homere d'avoir volé l'Iliade & l'Odyssée, & de les avoir ensuite donnés comme ses propres productions.

Mais la plus grande & la plus magnifique bibliotheque de l'Egypte, & peut - être du monde entier, étoit celle des Ptolomées à Alexandrie; elle fut commencée par Ptolomée Soter, & composée par les soins de Demetrius de Phalere, qui fit rechercher à grands frais des livres chez toutes les nations, & en forma, selon S. Epiphane, une collection de 54800 volumes. Josephe dit qu'il y en avoit 200 mille, & que Demetrius espéroit en avoir dans peu 500 mille; cependant Eusebe assûre qu'à la mort de Philadelphe, successeur de Soter, cette bibliotheque n'étoit composée que de cent mille volumes. Il est vrai que sous ses successeurs elle s'augmenta par degrés, & qu'enfin on y compta jusqu'à 700000 volumes: mais par le terme de volumes, il faut entendre des rouleaux beaucoup moins chargés que ne sont nos volumes.

Il acheta de Nelée, à des prix exorbitans, une partie des ouvrages d'Aristote, & un grand nombre d'autres volumes qu'il fit chercher à Rome & à Athenes, en Perse, en Ethiopie.

Un des plus précieux morceaux de sa bibliotheque étoit l'Écriture sainte, qu'il fit déposer dans le principal appartement, apres l'avoir fait traduire en grec par les soixante - douze interpretes, que le grand - prêtre Eléazar avoit envoyés pour cet effet à Ptolomée, qui les avoit fait demander par Aristée, homme très savant & capitaine de ses gardes. Voyez Septante.

Un de ses successeurs, nommé Ptolomée Phiscon, prince d'ailleurs cruel, ne témoigna pas moins de passion pour enrichir la bibliotheque d'Alexandrie. On raconte de lui, que dans un tems de famine il refusa aux Athéniens les blés qu'ils avoient coûtume de tirer de l'Egypte, à moins qu'ils ne lui remissent les originaux des tragédies d'Eschyle, de Sophocle, & d'Euripide, & qu'il les garda en leur en renvoyant seulement des copies fideles, & leur abandonna quinze talens qu'il avoit consignés pour sûreté des originaux.

Tout le monde sait ce qui obligea Jules César, assiégé dans un quartier d'Alexandrie, à faire mettre le feu à la flotte qui étoit dans le port: malheureusement le vent porta les flammes plus loin que César ne vouloit; & le feu ayant pris aux maisons voisines du grand port, se communiqua de - là au quartier de Bruchion, aux magasins de blé & à la bibliotheque qui en faisoient partie, & causa l'embrasement de cette fameuse bibliotheque.

Quelques auteurs croyent qu'il n'y en eut que 400000 volumes de brûlés, & que tant des autres livres qu'on put sauver de l'incendie que des débris de la bibliotheque des rois de Pergame, dont 200000 volumes furent donnés à Cléopatre par Antoine, on forma la nouvelle bibliotheque du Serapion, qui devint en peu de tems fort nombreuse. Mais après diverses révolutions sous les empereurs Romains, dans lesquelles la bibliotheque fut tantôt pillée & tantôt rétabie; elle fut enfin détruite l'an 650 de Jesus - Christ, qu'Amry, général des Sarrasins, sur un ordre du calife Omar, commanda que les livres de la bibliotheque d'Alexandrie fussent distribués dans les bains publics de cette ville, & ils servirent à les chauffer pendant six mois.

La bibliotheque des rois de Pergame dont nous venons de parler, fut fondée par Eumenes & Attalus. Animés par un esprit d'émulation, ces princes firent tous leurs efforts pour égaler la grandeur & la magnificence des rois d'Egypte, & sur - tout en amassant un nombre prodigieux de livres, dont Pline dit que le nombre étoit de plus de deux cents mille. Volaterani dit qu'ils furent tous brûlés à la prise de Pergame: mais Pline & plusieurs autres nous assûrent que Mare Antoine les donna à Cléopatre, ce qui ne s'accorde pourtant pas avec le témoignage de Strabon, qui dit que cette bibliotheque étoit à Pergame de son tems, c'est - à - dire, sous le regne de Tibere. On pourroit concilier ces différens historiens, en remarquant qu'il est vrai que Marc Antoine avoit fait transporter cette bibliotheque de Pergame à Alexandrie, & qu'apres la bataille d'Actium, Auguste, qui se plaisoit à défaire tout ce qu'Antoine avoit fait, la fit reporter à Pergame. Mais ceci ne doit être pris que sur le pié d'une conjecture, aussi - bien que le sentiment de quelques auteurs, qui prétendent qu'Alexandre le grand en fonda une magnifique à Alexandrie, qui donna lieu par la suite à celle des Ptolomées.

Il y avoit une bibliotheque considérable à Suze en Perse, où Métosthenes consulta les annales de cette monarchie, pour écrire l'histoire qu'il nous en a laissée. Diodore de Sicile parle de cette bibliotheque: mais on croit communément qu'elle cotenoit moins des livres de sciences, qu'une collection des lois, des chartes, & des ordonnances des rois. C'étoit un dépôt semblable à nos chambres des comptes.

Nous ne savons rien de positif sur l'histoire de Grece, avant les guerres de Thebes & de Troie. Il seroit donc inutile de chercher des livres en Grece avant ces époques.

Les Lacédémoniens n'avoient point de livres; ils exprimoient tout d'une façon si concise & en si peu de mots, que l'écriture leur paroissoit superflue, puisque la mémoire leur suffisoit pour se souvenir de tout ce qu'ils avoient besoin de savoir.

Les Athéniens, au contraire, qui étoient grands parleurs, écrivirent beaucoup; & dès que les Sciences eurent commencé à fleurir à Athenes, la Grece fut bientôt enrichie d'un grand nombre d'ouvrages de toutes especes. Val. Maxime dit, que le tyran Pysistrate fut le premier de tous les Grecs qui s'avisa de faire un recueil des ouvrages des savans; en quoi la politique n'eut peut - être pas peu de part; il vouloit en fondant une bibliotheque pour l'usage du public, gagner l'amitié de ceux que la perte de leur liberté faisoit gémir sous son usurpation. Cicéron dit, que c'est à Pysistrate que nous avons l'obligation d'avoir rassemblé en un seul volume les ouvrages d'Homere, qui se chantoient auparavant par toute la Grece par morceaux détachés & sans aucun ordre. Platon attribue cet honneur à Hipparque, fils de Pysistrate. D'autres prétendent que ce fut Solon; & d'autres rapportent cette précieuse collection à Lycurgue & à Zenodote d'Ephese.

Les Athéniens augmenterent considérablement cette bibliotheque après la mort de Pysistrate, & en fonderent même d'autres: mais Xercès, après s'être rendu maître d'Athenes, emporta tous leurs livres en Perse. Il est vrai que si on en veut croire Aulugelle, Seleucus Nicator les fit rapporter en cette ville quelques siecles après.

Zuringer dit, qu'il y avoit alors une bibliotheque magnifique dans l'île de Cnidos, une des Cyclades: qu'elle fut brûlée par l'ordre d'Hippocrate le Medecin; parce que les habitans refuserent de suivre sa doctrine. Ce fait au reste n'est pas trop avéré.

Cléarque, tyran d'Héraclée & disciple de Platon & d'Isocrate, fonda une bibliotheque dans sa capitale; ce qui lui attira l'estime de tous ses sujets, malgré toutes les cruautés qu'il exerça contre eux.

Camérarius parle de la bibliotheque d'Apamée comme d'une des plus célebres de l'antiquité. Angelus Rocha, dans son catalogue de la bibliotheque du Vatican, dit qu'elle contenoit plus de 20000 volumes.

Si les anciens Grecs n'avoient que peu de livres, les anciens Romains en avoient encore bien moins. [p. 231] Par la suite ils eurent, aussi bien que les Juifs, deux sortes de bibliotheques, les unes publiques, les autres particulieres. Dans les premieres étoient les édits & les lois touchant la police & le gouvernement de l'état: les autres étoient celles que chaque particulier formoit dans sa maison, comme celle que Paul Emile apporta de Macédoine après la défaite de Persée.

Il y avoit aussi des bibliotheques sacrées qui regardoient la religion des Romains, & qui dépendoient entierement des pontifes & des augures. Pour les livres dont elles étoient composées, voyez Livre.

Voilà à - peu près ce que les auteurs nous apprennent touchant les bibliotheques publiques des Romains. l'égard des bibliotheques particulieres, il est certain qu'aucune nation n'a eu plus d'avantages ni plus d'occasions pour en avoir de très - considérables, puisque les Romains étoient les maîtres de la plus grande partie du monde connu pour lors.

L'histoire nous apprend qu'à la prise de Carthage, le sénat fit présent à la famille de Regulus de tous les livres qu'on avoit trouvés dans cette ville, & qu'il fit traduire en Latin 28 volumes, composés par Magon, Carthaginois, sur l'agriculture.

Plutarque assûre que Paul Emile distribua à ses enfans la bibliotheque de Persée, roi de Macédoine, qu'il mena en triomphe à Rome. Mais Isidore dit positivement, qu'il la donna au public. Asinius Pollion fit plus, car il fonda une bibliotheque exprès pour l'usage du public, qu'il composa des dépouilles de tous les ennemis qu'il avoit vaincus, & de grand nombre de livres de toute espece qu'il acheta: il l'orna de portraits de savans, & entr'autres de celui de Varron.

Varron avoit aussi une magnifique bibliotheque. Celle de Cicéron ne devoit pas l'être moins, si on fait attention à son érudition, à son goût, & à son rang: mais elle fut considérablement augmentée par celle de son ami Atticus, qu'il préféroit à tous les thrésors de Crésus.

Plutarque parle de la bibliotheque de Lucullus comme d'une des plus considérables du monde, tant par rapport au nombre de volumes, que par rapport aux superbes ornemens dont elle étoit décorée.

La bibliotheque de César étoit digne de lui, & rien ne pouvoit contribuer davantage à lui donner de la réputation, que d'en avoir confié le soin au savant Varron.

Auguste fonda une belle bibliotheque proche du temple d'Apollon, sur le mont Palatin. Horace, Juvénal, & Perse, en parlent comme d'un endroit où les poëtes avoient coûtume de réciter & de déposer leurs ouvrages:

Scripta Palatinus quoecunque recepit Apollo, dit Horace.

Vespasien fonda une bibliotheque proche le temple de la Paix, à l'imitation de César & d'Auguste.

Mais la plus magnifique de toutes ces anciennes bibliotheques, étoit celle de Trajan, qu'il appella de son propre nom, la bibliotheque Ulpienne: elle fut fondée pour l'usage du public; & selon le cardinal Volaterani, l'empereur y avoit fait écrire toutes les belles actions des princes & les decrets du sénat, sur des pieces de belle toile, qu'il fit couvrir d'ivoire. Quelques auteurs assûrent que Trajan fit porter à Rome tous les livres qui se trouvoient dans les villes conquises, pour augmenter sa bibliotheque: il est probable que Pline le jeune, son favori, l'engagea à l'enrichir de la sorte.

Outre celles dont nous venons de parler, il y avoit encore à Rome une bibliotheque considérable, fondée par Simonicus, précepteur de l'empereur Gordien. Isidore & Boece en font des éloges extraordinaires: ils disent qu'elle contenoit 80000 volumes choisis; & que l'appartement qui la renfermoit, étoit pavé de marbre doré, les murs lambrissés de glaces & d'ivoire; & les armoires & pupitres, de bois d'ébene & de cedre.

Les premiers Chrétiens occupés d'abord uniquement de leur salut, brûlerent tous les livres qui n'avoient point de rapport à la religion. Actes des Apôtres... Ils eurent d'ailleurs trop de difficultés à combattre pour avoir le tems d'écrire & de se former des bibliotheques. Ils conservoient seulement dans leurs églises les livres de l'ancien & du nouveau Testament, auxquels on joignit par la suite les actes des martyrs. Quand un peu plus de repos leur permit de s'adonner aux Sciences, il se forma des bibliotheques. Les auteurs parlent avec éloge de celles de S. Jérôme, & de George, évêque d'Alexandrie.

On en voyoit une célebre à Césarée, fondée par Jules l'Africain, & augmentée dans la suite par Eusebe, évêque de cette ville, au nombre de 20000 volumes. Quelques - uns en attribuent l'honneur à saint Pamphile, prêtre de Laodicée, & ami intime d'Eusebe; & c'est ce que cet historien semble dire lui - même. Cette bibliotheque fut d'un grand secours à S. Jérôme, pour l'aider à corriger les livres de l'ancien Testament: c'est - là qu'il trouva l'évangile de S. Matthieu en Hébreu. Quelques auteurs disent que cette bibliotheque fut dispersée, & qu'elle fut ensuite rétablie par S. Grégoire de Nazianze, & Eusebe.

S. Augustin parle d'une bibliotheque d'Hippone. Celle d'Antioche étoit très - célebre: mais l'empereur Jovien, pour plaire à sa femme, la fit malheureusement détruire. Sans entrer dans un plus grand détail sur les bibliotheques des premiers Chrétiens, il suffira de dire que chaque église avoit sa bibliotheque pour l'usage de ceux qui s'appliquoient aux études. Eusebe nous l'atteste: & il ajoûte, que presque toutes ces bibliotheques, avec les oratoires où elles étoient conservées, furent brûlées & détruites par Dioclétien.

Passons maintenant à des bibliotheques plus considérables que celles dont nous venons de parler; c'est - à - dire, à celles qui furent fondées après que le Christianisme fut affermi sans contradiction. Celle de Constantin - le - Grand, fondée, selon Zonaras, l'an 336, mérite attention: ce prince voulant réparer la perte que le tyran son prédécesseur avoit causée aux Chrétiens, porta tous ses soins à faire trouver des copies des livres qu'on avoit voulu détruire. Il les fit transcrire, & y en ajoûta d'autres, dont il forma à grands frais une nombreuse bibliotheque à Constantinople. L'Empereur Julien voulut détruire cette bibliotheque & empêcher les Chrétiens d'avoir aucuns livres, afin de les plonger dans l'ignorance. Il fonda cependant lui - même deux grandes bibliotheques, l'une à Constantinople, & l'autre à Antioche, sur les frontispices desquelles il fit graver ces paroles: Alii quidem equos amant, alii aves, alii feras; mihi verò à puerulo mirandum acquirendi & possidendi libros insedit desiderium.

Théodose le jeune ne fut pas moins soigneux à augmenter la bibliotheque de Constantin - le - Grand: elle ne contenoit d'abord que 6000 volumes: mais par ses soins & sa magnificence, il s'y en trouva en peu de tems 100000. Léon l'Isaurien en fit brûler plus de la moitié, pour détruire les monumens qui auroient pû déposer contre son hérésie sur le culte des images. C'est dans cettê bibliotheque que fut déposée la copie authentique du premier concile général de Nicée. On prétend que les ouvrages d'Homere y étoient aussi écrits en lettres d'or, & qu'ils furent brûlés lorsque les Iconoclastes détruisirent cette bibliotheque. Il y avoit aussi une copie des évangiles, selon quelques auteurs, reliée en plaques d'or du poids de quinze livres, & enrichie de pierreries.

Les nations barbarequi inonderent l'Europe, dé<pb->

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