ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"299"> ont germé, sont déjà autant de jeunes chênes, & le succes d'une plantation faite de cette façon n'est pas douteux; la dépense même n'est pas considérable, car il ne faut qu'un seul labour. Si l'on pouvoit se garantir des mulots & des oiseaux, on réussiroit tout de même & sans aucune dépense, en mettant en automne le gland sous l'herbe; car il perce & s'enfonce de lui - même, & réussit à merveille sans aucune culture dans les friches dont le gason est fin, serré & bien garni, & qui indique presque toûjours un terrein ferme & mêlé de glaise.

Si l'on veut semer du bois dans les terreins qui sont d'une nature moyenne entre les terres fortes & les terres légeres, on fera bien de semer de l'avoine avec les glands, pour prévenir la naissance des mauvaises herbes, qui sont plus abondantes dans ces especes de terreins, que dans les terres fortes & les terres légeres; car ces mauvaises herbes, dont la plûpart sont vivaces, font beaucoup plus de tort aux jeunes chênes, que l'avoine qui cesse de pousser au mois de Juillet.

M. de Buffon a reconnu par plusieurs expériences, que c'est perdre de l'argent & du tems que de faire arracher de jeunes arbres dans les bois pour les transplanter dans des endroits où on est obligé de les abandonner & de les laisser sans culture; & que quand on veut faire des plantations considérables d'autres arbres que de chêne ou de hêtre dont les graines sont fortes & surmontent presque tous les obstacles, il faut faire des pépinieres où on puisse élever & soigner les jeunes arbres pendant les deux premieres années, après quoi on les pourra planter avec succès pour faire des bois.

Dans les terreins secs, légers, mêlés de gravier, & dont le sol n'a que peu de profondeur, il faut faire labourer une seule fois, & semer en même tems les glands avant l'hyver. Si l'on ne seme qu'au printems, la chaleur du soleil fait périr les graines. Si on se contente de les jetter ou de les placer sur la terre, comme dans les terreins forts, elles se dessechent & périssent; parce que l'herbe qui fait le gason de ces terres légeres, n'est pas assez garnie & assez épaisse pour les garantir de la gelée pendant l'hyver, & de l'ardeur du soleil au printems. Les jeunes arbres arrachés dans les bois, réussissent encore moins dans ces terreins que dans les terres fortes; & si on veut les planter, il faut le faire avant l'hyver, avec de jeunes plants pris en pépiniere.

Le produit d'un terrein peut se mesurer par la culture; plus on travaille la terre, plus elle rapporte de fruits: mais cette vérité d'ailleurs si utile, souffre quelques exceptions; & dans les bois une culture prématurée & mal entendue, cause la disette, au lieu de produire l'abondance. Par exemple, on imagine que la meilleure maniere de mettre un terrein en nature de bois, est de nettoyer ce terrein & de le bien cultiver avant que de semer le gland ou les autres graines qui doivent un jour le couvrir de bois; & M. de Buffon n'a été desabusé de ce préjugé qui paroît si raisonnable, que par une longue suite d'observations. M. de Buffon a fait des semis considérables & des plantations assez vastes; il les a faites avec précaution: il a souvent fait arracher les genievres, les bruyeres, & jusqu'aux moindres plantes qu'il regardoit comme nuisibles, pour cultiver à fond & par plusieurs labours les terreins qu'il vouloit ensemencer. M. de Buffon ne doutoit pas du succès d'un semis fait avec tous ces soins: mais au bout de quelques années il a reconnu que ces mêmes soins n'avoient servi qu'à retarder l'accroissement des jeunes plants; & que cette culture précédente qui lui avoit donné tant d'espérance, lui avoit causé des pertes considérables: ordinailement on dépense pour acquérir; ici la dépense nuit à l'acquisition.

Si l'on veut donc réussir à faire croître du bois dans un terrein, de quelque qualité qu'il soit, il faut imiter la nature, il faut y planter & y semer des épines & des buissons qui puissent rompre la force du vent, diminuer celle de la gelée, & s'opposer à l'intempérie des saisons. Ces buissons sont des abris qui garantissent les jeunes plants, & les protegent contre l'ardeur du soleil & la rigueur des frimats. Un terrein couvert, ou plûtôt à demi - couvert, de genievre, de bruyeres, est un bois à moitié fait, & qui peut - être a dix ans d'avance sur un terrein net & cultivé.

Pour convertir en bois un champ, ou tout autre terrein cultivé, le plus difficile est de faire du couvert. Si l'on abandonne un champ, il faut vingt ou trente ans à la nature pour y faire croitre des épines & des genievres: ici il faut une culture qui dans un an ou deux puisse mettre le terrein au même état où il se trouve après une non - culture de trente ans.

Le moyen de suppléer aux labours, & presqu'à toutes les autres especes de culture, c'est de couper les jeunes plants jusqu'auprès de terre: ce moyen, tout simple qu'il paroît, est d'une utilité infinie; & lorsqu'il est mis en oeuvre à propos, il accélere de plusieurs années le succès d'une plantation.

Tous les terreins peuvent se réduire à deux especes; savoir, les terreins forts & les terreins légers: cette division, quelque vague qu'elle paroisse, est suffisante. Si l'on veut semer dans un terrein léger, on peut le faire labourer; cette opération fait d'autant plus d'effet, & cause d'autant moins de dépense, que le terrein est plus léger; il ne faut qu'un seul labour, & on seme le gland en suivant la charrue. Comme ces terreins sont ordinairement secs & brûlans, il ne faut point arracher les mauvaises herbes que produit l'été suivant; elles entrtiennent une fraîcheur bienfaisante, & garantissent les petits chênes de l'ardeur du soleil; ensuite venant à périr & à se sécher pendant l'automne, elles servent de chaume & d'abri pendant l'hyver, & empêchent les racines de geler. Il ne faut donc auçune espece de culture dans ces terreins sablonneux; il ne faut qu'un peu de couvert & d'abri pour faire réussir un semis dans les terreins de cette espece. Mais il est bien plus difficile de faire croître du bois dans des terreins forts, & il faut une pratique toute différente: dans ces terreins les premiers labours sont inutiles, & souvent nuisibles; la meilleure maniere est de planter les glands à la pioche, sans aucune culture précédente: mais il ne faut pas les abandonner comme les premiers au point de les perdre de vûe & de n'y plus penser; il faut au contraire les visiter souvent; il faut observer la hauteur à laquelle ils se sont élevés la premiere année, observer ensuite s'ils ont poussé plus vigoureusement à la seconde: tant que leur accroissement va en augmentant, ou même tant qu'il se soûtient sur le même pié, il ne faut pas y toucher. Mais on s'apperçoit ordinairement à la troisieme année que l'accroissement va en diminuant; & si on attend la quatrieme, la cinquieme, la sixieme, &c. on reconnoîtra que l'accroissement de chaque année est toûjours plus petit: ainsi dès qu'on s'appercevra que sans qu'il y ait eû de gelées ou d'autres accidens, les jeunes arbres commencent à croître de moins en moins, il faut les faire couper jusqu'à terre au mois de Mars, & l'on gagnera un grand nombre d'années. Le jeune arbre livré à lui - mêmc dans un terrein fort & serré, ne peut étendre ses racines; la terre trop dure les fait refouler sur elles - mêmes; les petits filets tendres & herbacées qui doivent nourrir l'arbre & former la nouvelle production de l'année, ne peuvent pénétrer la substance trop ferme de la terre; ainsi l'arbre languit privé de nourriture, & la production annuelle diminue fort souvent jusqu'au point de ne donner que des feuilles & quelques bou<pb-> [p. 300] tons. Si vous coupez cet arbre, toute la force de la seve se porte aux racines, elle en développe tous les germes, & agissant avec plus de puissance contre le terrein qui leur résiste, les jeunes racines s'ouvrent des chemins nouveaux, & divisent par le surcroît de leur force cette terre qu'elles avoient jusqu'alors vainement attaquée; elles y trou vent abondamment des sucs nourriciers; & dès qu'elles s'y sont, pour ainsi dire, établies, elles poussent avec vigueur au - dehors la surabondance de leur nourriture, & produisent dès la premiere année un jet plus vigoureux & plus élevé, que ne l'étoit l'ancienne tige de trois ans.

Dans un terrein qui n'est que ferme, sans être trop dur, il suffira de couper une seule fois le jeune plant pour le faire réussir.

Les auteurs d'agriculure sont bien éloignés de penser comme M. de Buffon sur ce sujet; ils répetent tous les uns après les autres que pour avoir une futaie, pour avoir des arbres d'une belle venue, il faut bien se garder de couper le sommet des jeunes plantes, & qu'il faut conserver avec grand soin le montant, c'est - à - dire, le jet principal. Ce conseil n'est bon que dans certains cas particuliers: mais il est généralement vrai, & M. de Buffon assûre, après un très grand nombre d'expériences, que rien n'est plus efficace pour redresser les arbres, & pour leur donner une tige droite, que la coupe faite au pié. M. de Buffon a même observé souvent que les futaies venues de graine ou de jeunes plants, n'étoient pas si belles ni si droites que les futaies venues sur de jeunes souches: ainsi on ne doit pas hésiter à mettre en pratique cette espece de culture, si facile & si peu coûteuse.

Il n'est pas nécessaire d'avertir qu'elle est encore plus indispensable lorsque les jeunes plants ont été gelés; il n'y a pas d'autre moyen pour les rétablir que de les couper. On auroit dû, par exemple, réceper tous les taillis de deux ou trois ans qui ont été gelés au mois d'Octobre 1740: jamais gelée d'automne n'a fait autant de mal. La seule façon d'y remédier, c'est de couper: on sacrifie trois ans pour n'en pas perdre dix ou douze.

Le chêne & le hêtre sont les seuls arbres, à l'exception des pins & de quelques autres de moindre valeur, qu'on puisse semer avec succès dans les terreins incultes. Le hêtre peut être semé dans les terreins légers; la graine ne peut pas sortir dans une terre forte, parce qu'elle pousse au - dehors son enveloppe au - dessus de la tige naissante; ainsi il lui faut une terre meuble & facile à diviser, sans quoi elle reste & pourrit. Le chêne peut être semé dans presque tous les terreins. M. de Buffon a donné en 1739, dans les Mémoires de l'Académie, les différens procédés suivant les différens terreins. Toutes les autres especes d'arbres peuvent être élevées en pépiniere, & ensuite transplantées à l'âge de deux ou trois ans.

Il faut éviter de mettre ensemble les arbres qui ne se conviennent pas: le chêne craint le voisinage des pins, des sapins, des hêtres, & de tous les arbres qui poussent de grosses racines dans la profondeur du sol. En général, pour tirer le plusd'avantage d'un terrein, il faut planter ensemble les arbres qui tirent la substance du fond en poussant leurs racines à une grande profondeur, & d'autres arbres qui puissent tirer leur nourriture presque de la surface de la terre, comme sont tous les arbres dont les racines s'étendent & courent à quelques pouces seulement de profondeur, sans pénétrer plus avant.

Lorsqu'on veut semer du bois, il faut attendre une année abondante en glands, non - seulement parce qu'ils sont meilleurs & moins chers, mais encore parce qu'ils ne sont pas dévorés par les oiseaux, les mulots & les sangliers, qui trouvant abondamment du gland dans les forêts, ne viendront pas attaquer votre semis: ce qui ne manque jamais d'arriver dans des années de disette.

Bois (Page 2:300)

Bois; accroissement du bois; formation du bois; texture du bois; force & résistance du bois. Une semence d'arbre, un gland qu'on jette en terre au printems, produit au bout de quelques semaines un petit jet tendre & herbacée, qui augmente, s'étend, grossit, durcit, & contient déjà des la premiere année un filet de substance ligneuse. A l'extrémité de ce petit arbre est un bouton qui s'épanoüit l'année suivante, & dont il sort un second jet semblable à celui de la premiereannée, mais plus vigoureux, qui grossit & s'étend davantage, durcit dans le même tems, & produit aussi à son extrémité supérieure un autre bouton qui contient le jet de la troisieme année, & ainsi des autres, jusqu'à ce que l'arbre soit parvenu à toute sa bauteur: chacun de ces boutons est une semence qui contient le petit arbre de chaque année. L'accroissement des arbres en hauteur se fait donc par plusieurs productions semblables & annuelles; de sorte qu'un arbre de cent piés de haut est composé dans sa longueur de plusieurs petits arbres mis bout à bout; le plus grand n'a pas souvent deux piés de longueur. Tous ces petits arbres de chaque année ne changent jamais de hauteur, ils existent dans un arbre de cent ans sans avoir grossi ni grandi; ils sont seulement devenus plus solides. Voilà comment se fait l'accroissement en hauteur; l'accroissement en grosseur en dépend. Ce bouton qui fait le sommet du petit arbre de la premiere année, tire sa nourriture à travers la substance & le corps même de ce petit arbre: mais les principaux canaux qui servent à conduire la seve se trouvent entre l'écorce & le filet ligneux. L'action de cette seve en mouvement dilate ces canaux & les fait grossir, tandis que le bouton en s'élevant les tire & les allonge: de plus la seve en y coulant continuellement y dépose des parties fixes, qui en augmentent la solidité; ainsi des la seconde année un petit arbre contient déjà dans son milieu un filet ligneux en forme de cone fort allongé, qui est la production en bois de la 1re année, & une couche ligneuse aussi conique, qui envelope ce premier filet & le surmonte, & qui est la production de la seconde année. La troisieme couche se forme comme la seconde; il en est de même de toutes les autres, qui s'enveloppent successivement & continuellement; de sorte qu'un gros arbre est un composé d'un grand nombre de cones ligneux, qui s'enveloppent & se recouvrent tant que l'arbre grossit. Lorsqu'on vient à l'abattre, on compte aisément sur la coupe transversale du tronc le nombre de ces cones, dont les sections forment des cercles concentriques; & on reconnoît l'âge de l'arbre par le nombre de ces cercles; car ils sont distinctement séparés les uns des autres. Dans un chêne vigoureux l'épaisseur de chaque couche est de deux ou trois lignes; cette épaisseur est d'un bois dur & solide: mais la substance qui unit ensemble ces cones ligneux n'est pas à beaucoup près aussi ferme; c'est la partie foible du bois dont l'organisation est différente de celle des cones ligneux, & dépend de la façon dont ces cones s'attachent & s'unissent les uns aux autres, que M. de Buffon explique en deux mots. Les canaux longitudinaux qui portent la nourriture au bouton, non - seulement prennent de l'étendue & acquierent de la solidité par l'action & le dépôt de la seve, mais ils cherchent encore à s'étendre d'une autre façon; ils se ramifient dans toute leur longueur, & poussent de petits fils, qui d'un côté vont produire l'écorce, & de l'autre vont s'attacher au bois de l'année précédente, & forment entre les deux couches du bois un tissu spongieux, qui coupé transversalement, même à une assez grande épaisseur, laisse voir des petits trous, à peu près comme on en voit dans la dentelle. Les couches du bois sont donc unies

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