ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"228"> & le déchiffrement des anciens manuscrits sur l'écorce des arbres, sur le papier, & sur le parchemin. Scaliger, Saumaise, Casaubon, Sirmond, Petau, & Mabillon, étoient habiles dans cette sorte de science, à laquelle on donne le nom de bibliographie.

BIBLIOMANE (Page 2:228)

BIBLIOMANE, s. m. c'est un homme possédé de la fureur des livres. Ce caractere original n'a pas échappé à la Bruyere. Voici de quelle maniere il le peint dans le chap. xüj. de son livre des Caracteres, où il passe en revûe bien d'autres originaux. Il feint de se trouver avec un de ces hommes qui ont la manie des livres; & sur ce qu'il lui a fait comprendre qu'il a une bibliotheque, notre auteur témoigne quelqu'envie de la voir. « Je vais trouver, dit - il, cet homme, qui me reçoit dans une maison, où dès l'escalier je tombe en foiblesse d'une odeur de maroquin noir dont ses livres sont tous couverts. Il a beau me crier aux oreilles, pour me ranimer, qu'ils sont dorés sur tranche, ornés de filets d'or, & de la bonne édition, me nommer les meilleurs l'un après l'autre, dire que sa galerie est remplie à quelques endroits près, qui sont peints de maniere, qu'on les prend pour de vrais livres arrangés sur des tablettes, & que l'oeil s'y trompe; ajoûter qu'il ne lit jamais, qu'il ne met pas le pié dans cette galerie; qu'il y viendra pour me faire plaisir: je le remercie de sa complaisance, & ne veux, non plus que lui, vifiter sa tannerie, qu'il appelle bibliotheque». Un bibliomane n'est donc pas un homme qui se procure des livres pour s'instruire: il est bien éloigné d'une telle pensée, lui qui ne les lit pas seulement. Il a des livres pour les avoir, pour en repaître sa vûe; toute sa science se borne à connoître s'ils sont de la bonne édition, s'ils sont bien reliés: pour les choses qu'ils contiennent, c'est un mystere auquel il ne prétend pas être initié; cela est bon pour ceux qui auront du tems à perdre. Cette possession qu'on appelle bibliomanie, est souvent aussi dispendieuse que l'ambition & la volupté. Tel homme n'a de bien que pour vivre dans une honnête médiocrité, qui se refusera le simple nécessaire pour satisfaire cette passion.

BIBLIOMANIE (Page 2:228)

BIBLIOMANIE, s. f. fureur d'avoir des livres, & d'en ramasser.

M. Descartes disoit que la lecture étoit une conversation qu'on avoit avec les grands hommes des siecles passés, mais une conversation choisie, dans laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées. Cela peut être vrai des grands hommes: mais comme les grands hommes sont en petit nombre, on auroit tort d'étendre cette maxime à toutes sortes de livres & à toutes sortes de lectures. Tant de gens médiocres & tant de sots même ont écrit; que l'on peut en général regarder une grande collection de livres dans quelque genre que ce soit, comme un recueil de mémoires pour servir à l'histoire de l'aveuglement & de la folie des hommes; & on pourroit mettre au - dessus de toutes les grandes bibliotheques cette inscription philosophique: Les petites maisons de l'esprit humain.

Il s'ensuit de - là que l'amour des livres, quand il n'est pas guidé par la Philosophie & par un esprit éclairé, est une des passions les plus ridicules. Ce seroit à peu près la folie d'un homme qui entasseroit cinq ou six diamans sous un monceau de cailloux.

L'amour des livres n'est estimable que dans deux cas; 1°. lorsqu'on sait les estimer ce qu'ils valent, qu'on les lit en philosophe, pour profiter de ce qu'il peut y avoir de bon, & rire de ce qu'ils contiennent de mauvais; 2°. lorsqu'on les possede pour les autres autant que pour soi, & qu'on leur en fait part avec plaisir & sans réserve. On peut sur ces deux points proposer M. Falconet pour modele à tous ceux qui possedent des bibliotheques, ou qui en posséderont à l'avenir.

J'ai oüi dire à un des plus beaux esprits de ce siecle, qu'il étoit parvenu à se faire, par un moyen assez singulier, une bibliotheque très - choisie, assez nombreuse, & qui pourtant n'occupe pas beaucoup de place. S'il achette, par exemple, un ouvrage en douze volumes, où il n'y ait que six pages qui méritent d'être lûes, il sépare ces six pages du reste, & jette l'ouvrage au feu. Cette maniere de former une bibliotheque m'accommoderoit assez.

La passion d'avoir des livres est quelquefois poussée jusqu'à une avarice très - sordide. J'ai connu un fou qui avoit conçû une extrème passion pour tous les livres d'Astronomie, quoiqu'il ne sût pas un mot de cette science; il les achetoit à un prix exorbitant, & les renfermoit proprement dans une cassette sans les regarder. Il ne les eût pas prêté ni même laissé voir à M. Halley ou à M. le Monnier, s'ils en eussent eu besoin. Un autre faisoit relier les siens tres - proprement; & de peur de les gâter, il les empruntoit à d'autres quand il en avoit besoin, quoiqu'il les eût dans sa bibliotheque. Il avoit mis sur la porte de sa bibliotheque, ite ad vendentes: aussi ne prêtoit - il de livres à personne.

En général, la bibliomanie, à quelques exceptions près, est comme la passion des tableaux, des curiosités, des maisons; ceux qui les possedent n'en joüissent guere. Aussi un Philosophe en entrant dans une bibliotheque, pourroit dire de presque tous les livres qu'il y voit, ce qu'un philosophe disoit autrefois en entrant dans une maison fort ornée, quam multis non indigeo, que de choses dont je n'ai que faire! (O)

BIBLIOTHECAIRE (Page 2:228)

* BIBLIOTHECAIRE, s. m. celui qui est préposé à la garde, au soin, au bon ordre, à l'accroissement des livres d'une bibliotheque. Il y a peu de fonctions littéraires qui demandent autant de talens. Celle de bibliothécaire d'une grande bibliotheque, telle, par exemple, que celle du Roi, suppose la connoissance des langues anciennes & modernes, celle des livres, des éditions, & de tout ce qui a rapport à l'histoire des Lettres, au commerce de la Librairie, & à l'Art typographique.

BIBLIOTHEQUE (Page 2:228)

BIBLIOTHEQUE, s. f. ce nom est formé de BI/BLOS2, livre, & de QH/KH, theca, repositorium; ce derniers mot vient de TI/QHMI, pono, & se dit de tout ce qui sert à serrer quelque chose. Ainsi bibliotheque, selon le sens littéral de ce mot, signifie un lieu destiné pour y mettre des livres. Une bibliotheque est un lieu plus ou moins vaste, avec des tablettes ou des armoires où les livres sont rangés sous différentes classes: nous parlerons de cet ordre à l'article Catalogue.

Outre ce premier sens littéral, on donne aussi le nom de bibliotheque à la collection même des livres. Quelques auteurs ont donné, par extension & par métaphore, le nom de bibliotheque à certains recueils qu'ils ont faits, ou à certaines compilations d'ouvrages. Telles sont la bibliotheque rabbinique, la bibliotheque des auteurs ecclésiastiques, bibliotheca patrum, &c.

C'est en ce dernier sens que les auteurs ecclésiastiques ont donné par excellence le nom de bibliotheque au recueil des livres inspirés, que nous appellons encore aujourd'hui la bible, c'est - à - dire, le livre par excellence. En effet, selon le sentiment des critiques les plus judicieux, il n'y avoit point de livres avant le tems de Moyse, & les Hébreux ne purent avoir de bibliotheque qu'après sz mort: pour lors ses écrits furent recueillis & conservés avec beaucoup d'attention. Par la suite on y ajoûta plusieurs autres ouvrages.

On peut distinguer les livres des Hébreux, en livrès sacrés, & livres profanes: le seul objet des premiers étoit la religion; les derniers traitoient de la [p. 229] philosophie naturelle, & des connoissances civiles ou politiques.

Les livres sacrés étoient conservés ou dans des endroits publics, ou dans des lieux particuliers: par endroits publics, il faut entendre toutes les synagogues, & principalement le temple de Jérusalem, où l'on gardoit avec un respect infini les tables de pierre sur lesquels Dieu avoit écrit ses dix commandemens, & qu'il ordonna à Moyse de déposer dans l'arche d'alliance.

Outre les tables de la loi, les livres de Moyse & ceux des prophetes furent conservés dans la partie la plus secrete du sanctuaire, où il n'étoit permis à personne de les lire ni d'y toucher; le grand - prêtre seul avoit droit d'entrer dans ce lieu sacré, & cela seulement une fois par an: ainsi ces livres sacrés furent à l'abri des corruptions des interprétations; aussi étoient - ils dans la suite la pierre de touche de tous les autres, comme Moyse le prédit au 32e. chapitre du Deutéronome, où il ordonna aux lévites de placer ses nvres au - dedans d l'arche.

Quelques auteurs croyent que Moyse étant prêt à mourir, ordonna qu'on fît douze copies de la loi, qu'il distribua aux douze tribus: mais Maimonides assûre qu'il en fit faire treize copies, c'est - à - dire douze pour les douze tribus, & une pour les lévites, & qu'il leur dit à tous, en les leur donnant, recevez le livre de la loi que Dieu lui - même nous a donné. Les interpretes ne sont pas d'accord si ce volume sacré fut déposé dans l'arche avec les tables de pierre, ou bien dans un petit cabinet séparé.

Quoi qu'il en soit, Josué écrivit un livre qu'il ajoûta cnsuite à ceux de Moyse. Josué XIV. Tous les prophetes firent aussi des copies de leurs sermons & de leurs exhortations, comme on peut le voir au chapitre xv. de Jérémie, & dans plusieurs autres endroits de l'Ecriture: ces sermons & ces exhortations furent conservés dans le temple pour l'instruction de la postérité.

Tous ces ouvrages composoient une bibliotheque plus estimable par sa valeur intrinseque, que par le nombre des volumes.

Voilà tout ce qu'on sait de la bibliotheque sacrée qu'on gardoit dans le temple: mais il faut remarquer qu'après le retour des Juifs de la captivité de Babylone, Néhémie rassembla les livres de Moyse, & ceux des Rois & des Prophetes, dont il forma une bibliotheque; il fut aidé dans cette entreprise par Esdras, qui, au sentiment de quelques - uns, rétablit le Pentateuque, & toutes les anciennes écritures saintes qui avoient été dispersées lorsque les Babyloniens prirent Jérusalem, & brûlerent le temple avec la bibliotheque qui y étoit renfermée: mais c'est surquoi les savans ne sont pas d'accord. En effet, c'est un point très - difficile à décider.

Quelques auteurs prétendent que cette bibliotheque fut de nouveau rétablie par Judas Machabée, parce que la plus grande partre en avoit été brûlée par Antiochus, comme on lit chap. j. du premier Livre des Macchabées. Quand même on conviendroit qu'elle eût subsisté jusqu'à la destruction du second temple, on ne sauroit cependant déterminer le lieu où elle étoit déposée: mais il est probable qu'elle eut le même sort que la ville. Car quoique Rabbi Benjamin affirme que le tombeau du prophete Ezéchiel avec la bibliotheque du premier & du second temple, se voyoient encore de son tems dans un lieu situé sur les bords de l'Euphrate; cependant Manassés de Groningue, & plusieurs autres personnes, dont on ne sauroit révoquer en doute le témoignage, & qui ont fait exprès le voyage de Mésopotamie, assûrent qu'il ne reste aucun vestige de ce que prétend avoir vû Rabbi Benjamin, & que dans tout le pays il n'y a ni tombeau ni bibliotheque hébraïque.

Outre la grande bibliotheque, qui étoit conservée religieusement dans le temple, il y en avoit encore une dans chaque synagogue. Actes des Apôtres, xv. Luc iv. 16. 17. Les auteurs conviennent presqu'unanimement que l'académie de Jérusalem étoit composée de quatre cents cinquante synagogues ou colléges, dont chacune avoit sa bibliotheque, où l'on alloit publiquement lire les écritures saintes.

Après ces bibliotheques publiques qui étoient dans le temple & dans les synagogues, il y avoit encore des bibliotheques sacrées particulieres. Chaque Juif en avoit une, puisqu'ils étoient tous obligés d'avoir les livres qui regardoient leur religion, & même de transcrire chacun de sa propre main une copie de la loi.

On voyoit encore des bibliotheques dans les célebres universités, ou écoles des Juifs. Ils avoient aussi plusieurs villes fameuses par les sciences qu'on y cultivoit, entr'autres celle que Josué nomme la ville des Lettres, & qu'on croit avoir été Cariatsepher, située sur les confins de la tribu de Juda. Dans la suite celle de Tiberiade ne fut pas moins fameuse par son école: & il est probable que ces sortes d'académies n'étoient point dépourvûes de bibliotheques.

Depuis l'entiere dispersion des Juifs à la ruine de Jérusalem & du temple par Tite, leurs docteurs particuliers ou rabbins ont écrit prodigieusement, & comme l'on sait, un amas de rêveries & de contes ridicules: mais dans les pays où ils sont tolérés & où ils ont des synagogues, on ne voit point dans ces lieux d'assemblées, d'autres livres que ceux de la loi: le thalmud & les paraphrases, non plus que les recueils de traditions rabbiniques, ne forment point de corps de bibliotheque.

Les Chaldéens & les Egyptiens étant les plus proches voisins de la Judée, furent probablement les premiers que les Juifs instruisirent de leurs sciences; à ceux - là nous joindrons les Phéniciens & les Arabes.

Il est certain que les Sciences furent portées à une grande perfection par toutes ces nations, & sur - tout par les Egyptiens, que quelques auteurs regardent comme la nation la plus savante du monde, tant dans la théologie payenne que dans la physique.

Il est donc probable que leur grand amour pour les lettres avoit produit de savans ouvrages & de nombreuses collections de livres.

Les auteurs ne parlent point des bibliotheques de la Chaldée; tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'il y avoit dans ce pays des savans en plusieurs genres, & sur - tout dans l'Astronomie, comme il paroît par une suite d'observations de 1900 ans que Calisthenes envoya à Aristote après la prise de Babylone par Alexandre. Voyez Astronomie.

Eusebe, de Proep. evangel. dit que les Phéniciens étoient très - curieux dans leurs collections de livres, mais que les bibliotheques les plus nombreuses & les mieux choisies étoient celles des Egyptiens, qui surpassoient toutes les autres nations en bibliotheques aussi bien qu'en savoir.

Selon Diodore de Sicile, le premier qui fonda une bibliotheque en Egypte, fut Osymandias, successeur de Prothée & contemporain de Priam roi de Troie. Pierius dit que ce prince aimoit tant l'étude, qu'il fit construire une bibliotheque magnifique, ornée des statues de tous les dieux de l'Egypte, & sur le frontispice de laquelle il fit écrire ces mots, le Thresor des remedes de l'ame: mais ni Diodore de Sicile ni les autres historiens ne disent rien du nombre de volumes qu'elle contenoit; autant qu'on en peut juger elle ne pouvoit pas être fort nombreuse, vû le peu de livres qui existoient pour lors, qui étoient tous écrits par les prêtres; car pour ceux de leurs deux Mercures qu'on regardoit comme des ouvrages divins, on ne les connoît que de nom, & ceux de Manethon sont bien postérieurs au tems dont nous parlons. Il y avoit une très<pb->

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