ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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venons de dire: par conséquent la différence qui s'observe
entre la bile hépatique & la cystique, ne peut provenir
que de ce que celle - ci reçûe dans la vésicule du
fiel y séjourne; la partie la plus fine s'en exhale; le reste,
comme il arrive à une huile légerement alkaline
dans un lieu chaud, devient acre, se rancit, s'épaissit,
devient plus amer, & d'une couleur plus foncée.
La véficule ne touche point à l'estomac, mais au
commencement du duodenum en descendant. Lorsque l'estomac distendu vient à occuper dans le basventre
qui est déjà très - rempli, un plus grand espace,
il presse le foie, & le duodenum comprime la
vésicule du fiel, & en exprime le suc qu'elle contient.
Ainsi la bile coule de la vésicule dans le canal
cholidoque par un chemin libre, & avec plus de facilité
si l'homme est debout; parce qu'alors le fond
de la vésicule est supérieur.
On a crû que la bile ne se séparoit pas du sang, mais
du chyle; il n'y a pas de raison qui prouve ce sentiment.
Il peut se faire qu'une portion du chyle passe
dans les veines mésaraïques; cependant la plus grande
partie passe dans le réservoir & dans le canal thorachique: de plus, dans les animaux qui meurent
de faim, il se sépare une grande quantité de bile.
La bile est filtrée par les ramifications de la veineporte,
ou par celle de l'artere hépatique: les auteurs
qui ont soûtenu que c'étoit des arteres que la bile se
séparoit, n'ont apporté aucune raison que celle de
l'analogie de toutes les autres sécrétions qui se font
par des arteres. Il est constant que la bile vient de la
veine - porte: car 1°. les ligatures qu'on a faites à l'artere
hépatique, n'ont pas supprimé la filtration de la
bile: 2°. les injections faites dans le foie par la veineporte,
sortent par le pore biliaire: mais celles que
l'on fait par l'artere hépatique passent plus difficilement;
cependant il faut avoüer que la même difficulté
ne s'oppose pas au souffle: 3°. il y a une étroite
liaison entre les ramifications du canal biliaire & de
la veine - porte; 4°. il y a une grande disproportion entre
les ramifications du canal biliaire & celles de l'artere
hépatique, lesquelles sont moins grosses qu'elles
ne devroient l'être à l'égard de l'assemblage des pores
biliaires: 5°. la veine - porte a une conformation artérielle.
Toutes ces raisons font voir que la bile se filtre
dans les extrémités de la veine - porte; on pourroit
ajoûter à tout cela, qu'en gonflant par le souffle la
veine - porte, toutes les vésicules crevent, & l'air se
glisse entre la membrane commune & la propre.
Pour savoir pourquoi la filtration de la bile se fait
par des veines & non par des arteres, il faut examiner
tout ce qui arrive au sang autour des intestins.
1°. Le sang est en trop grande quantité dans le mésentere,
dans les parois du ventricule, dans la rate,
dans le pancréas, &c. 2°. Le sang perd sa partie la
plus fluide, qui s'échappe par les couloirs; reste
donc la partie rouge, la lymphe grossiere, & la matiere
huileuse la moins ténue. 3°. Par des observations
réitérées, nous pouvons prouver que lorsque
dans ces circonstances ainsi détaillées, le sang est
échauffé dans quelque couloir par son long séjour &
par la lenteur du mouvement; il s'y forme une matiere
gommeuse, savonneuse, pénétrante: il faut
donc que cette matiere étant formée dans les parties
qui envoyent leurs veines à la veine - porte, elle se
sépare des veines, ou qu'elle rentre dans le sang arteriel: or il est nécessaire pour dépurer le sang &
pour la digestion, que cela n'arrive pas; donc il faut
que les veines fassent la sécrétion de la bile.
Il y a différentes opinions sur la maniere dont la
bile est séparée dans le foie: quelques - uns croyent
que les pores des glandes sécretoires du foie ont une
certaine configuration & une certaine grandeur, à
laquelle les parties de la bile qui coulent avec le sang,
sont proportionnées, de maniere qu'elles y sont admi<cb->
ses, tandis que toutes les autres glissent par - dessus.
D'autres avec Sylvius & Heister, ne trouvant aucune
différence dans la configuration, & croyant que les
pores de tous les vaisseaux sont circulaires, & que
toutes sortes de particules peuvent passer au travers,
si elles ne sont pas d'un volume trop considérable,
ont eu recours à une autre hypothese; ils ont donc
supposé qu'il y avoit un ferment dans le foie, par le
moyen duquel les particules du sang qui passent à
travers les conduits sécrétoires, prenoient la forme
de la bile: mais c'est résoudre une question par
une nouvelle. D'autres ont eu recours à une autre
hypothese, & ont assûré que les différentes parties
dont le sang de la veine - porte est composé, sont toutes
appliquées aux ouvertures des canaux sécrétoires
qui se trouvent aux extrémités de la veine - porte
& à celles de l'extrémité des ramifications de la veine - cave; que les pores de la veine - cave étant trop
petits, & ceux de la veine - porte assez grands pour admettre
certaines parties, elles sont par ce moyen séparées
des autres, & qu'exposées alors à l'action des
vaisseaux biliaires, il en résulte une humeur différente
du sang, que l'on appelle bile, &c. Le docteur
Keil pense que la sécrétion de la bile vient d'une attraction
violente entre les parties dont elle est composée;
& il observe que si l'artere coeliaque avoit
porté au foie tout le sang destiné à la sécrétion de
la bile, la vîtesse du sang dans cette artere, par rapport
à son peu de distance du coeur, auroit empêché
la sécrétion d'une humeur visqueuse, comme la
bile: c'est pourquoi, la nature a destiné la veineporte
à cet usage; & c'est par elle que le sang est porté
des branches des arteres mésentériques & coeliaques
au foie; en conséquence de quoi, le sang a beaucoup
de chemin à faire à travers les intestins, l'estomac,
la rate, & le pancréas, avant que de parvenir
au foie. Ainsi sa vîtesse est extrèmement diminuée;
& les particules qui doivent former la bile,
ont un tems suffisant pour s'attirer les unes les autres,
& pour s'unir avant que d'arriver aux vaisseaux
qui les séparent. Mais la nature prévoyante a
encore cherché à diminuer cette vîtesse du sang, en
rendant les capacités de tous les rameaux d'une artere
prises ensemble plus grandes que celle de cette
artere: ainsi la somme des branches produites par
l'aorte, est à l'aorte comme 102740 à 100000; &
même comme si cette proportion étoit encore insuffisante,
elle a encore pris soin d'augmenter le nombre
des branches de l'artere mésentérique. En effet
si on examine ces branches dans un cadavre, on trouvera
que la somme des branches est plus que le double
de celle du tronc: c'est pourquoi la vîtesse du
sang est moindre de moitié dans les branches que
dans le tronc. Cet auteur montre encore par un autre
calcul, que le sang est au moins 26 minutes à
passer de l'aorte au foie; au lieu que dans l'artere
qui va directement de l'aorte au foie, il n'est guere
plus que la moitié d'une seconde à faire ce chemin;
savoir le 2437 du tems qu'il met à son autre passage:
d'où il paroît que le sang n'est pas en état de former
la bile quand il court directement de l'aorte au foie,
& qu'il falloit plus de tems, & un mouvement plus
lent, pour pouvoir séparer les parties bilieuses. Il
ajoûte que si les humeurs avoient existé dans les
glandes en même qualité qu'on les trouve après la
sécrétion, la nature n'auroit pas tant travaillé pour
retarder la viresse du sang. D'ailleurs la bile tire un
autre avantage de l'usage de la veine - porte; car en
traversant tant de parties avant que d'arriver au
foie, elle dépose beaucoup de sa lymphe; & par
ce moyen, les particules étant forcées d'être plus
proches les unes des autres, sont plus vivement unies.
Tout cela est bien systématique.
Quant à la quantité de la bile qui se sépare dans le
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foie, nous ignorons, comme l'observe très - bien le docteur
Haller, la vîtesse avec la quelle le sang du mésentere
circule; nous ignorons les causes qui peuvent le
retarder ou l'accélérer: nous n'avons pas pour nous
guider des diametres assez exactement pris, & qui
soient assez constamment vrais, & toûjours les mêmes;
& par conséquent nous ne pouvons rien prononcer
en général sur la quantité de bile qui se filtre
par le foie dans un espace donné, sans risquer de
nous tromper dans tous nos calculs.
Voyons maintenant les expériences que l'on a faites
sur la bile.
On sait par expérience que la bile mêlée avec des
acides, change elle - même de nature avec eux. La plûpart
des esprits acides minéraux & le mercure sublimé,
coagulent la bile & la font diversement changer
de couleur. Elle se dissout par les sels acides, si ce
n'est dans certains animaux herbivores, dans lesquels
il doit naturellement se trouver beaucoup d'acide;
& c'est peut - être pour cette raison que l'huile de tartre
par défaillance coagule la bile cystique du boeuf,
suivant Haller; seul cas, à la vérité, où cette humeur
m'ait paru contenir en soi un acide, qu'aucune
autre épreuve ne développe & ne manifeste, & qui
est apparemment si peu considérable, que la bile n'en
corrige guere moins les qualités acescentes des herbes
dont vivent ces animaux; car d'ailleurs c'est un
fait constant que les autres alkalis, & principalement
les alkalis volatils, augmentent les propres
qualités de la bile, son goût, sa couleur, sa fluidité;
indice évident de l'affinité qui se trouve généralement
entre la bile & les matieres alkalines. Mais que la bile
soit mêlée avec de l'eau, ou qu'elle soit pure, le mêlange
des sels, même simples, la fait passer à - peu - près par les mêmes changemens, & à son tour elle
ne communique pas moins ses vertus aux autres sucs
qui se mêlent avec elle dans les intestins. Au contraire,
l'eau servant de dissolvant à la bile, la rend plus
propre à atténuer les huiles, la térébenthine, & tant
d'autres corps gras, résineux, ennemis de l'eau, &
à les diviser en une si grande ténuité, que tous ces
corps qui ne pouvoient auparavant se mêler à l'eau,
s'y unissent ensuite parfaitement. Ce n'est donc que
par cette faculté de mêler les huiles avec l'eau,
que cette humeur peut les détacher des corps auxquels
elle adhéroit, & que le fiel de boeuf fait tout
ce que le meilleur savon pourroit faire. Le savon
commun est fait d'huile tirée par expression, & de sel
fixe; le savon de Starkey est composé d'huile distillée,
& de sel fixe; enfin ce savon qui est communément
connu sous le titre de soupe de Vanhelmont, est
fait de sel alkali volatil, & d'huile très - atténuée. Or
la bile est composée d'huile humaine, telle que notre
sang la donne, & du sel qu'il fournit, qui est une espece
de sel ammoniac volatil; & par conséquent cette
humeur approche plus du dernier savon que des autres,
& doit agir comme un vrai savon humain. C'est
une vérité que les Teinturiers mêmes n'ignorent pas:
il y a long - tems qu'ils ont observé qu'ils ne pourroient
jamais faire prendre la teinture aux laines récentes,
parce qu'elles sont fort grasses, s'ils n'avoient
soin auparavant de les laisser tremper dans une lessive
urineuse & bilieuse, jusqu'à ce que tous les pores de
la laine soient purgés en quelque sorte des matieres
poisseuses & rances qui les bouchent; & ils s'y prennent
aussi de la même maniere, avant que de teindre
les étoffes tachées d'huile, & principalement
ces fils de soie qu'on tire des capsules glutineuses qui
se trouvent dans la bouche des vers - à - soie; parce
qu'en effet la glu qui se prépare dans les petits vaisseaux
intestinaux de ces capsules, enduit ces fils d'un
liniment visqueux qui ne se marie point avec l'eau.
La myrrhe, la résine, les gommes bdellium, sagapenum,
opopanax, la gomme lacque, les peintures,
les fards, toutes les matieres gluantes broyées avec
de la bile sur une pierre de porphyre, se détrempent
facilement dans l'eau; & bien des choses qui seroient
inutiles autrement, deviennent par cet art propres
à dessiner, à farder, &c. Il y a long - tems qu'on a vû
que le fiel de boeuf pouvoit être employé au lieu de
gomme gutte pour les peintures fines: mais pour
le mêler, il faut toûjours une certaine agitation.
L'huile & l'eau sont deux corps plus pesans que la
bile: de là vient que sans quelque trituration, il n'est
pas possible de les mêler tous trois ensemble; mais
le moindre broyement suffit pour faire ce mêlange;
& les intestins n'en manquent pas, puisqu'ils ont un
mouvement péristaltique très - propre à procurer ce
broyement. Drelincourt a tiré de la bile 5/6 d'eau,
1/24 d'huile & de sel volatil, 1/192 de sel fixe. Pechlin,
11/12 d'eau; Verheyen 4/5 d'eau, empreinte d'1/11 d'huile,
10/537 d'huile empyreumatique, point ou très - peu de sel
volatil, de sel fixe impur 2/327 = à 1/163, de terre 2/109:
d'autres disent avoir tiré de la bile des esprits inflammables,
des sels volatils en assez grande quantité,
du soufre, un peu de sel fixe, & de la terre; & après
la putréfaction, des sels volatils & des esprits. Pourquoi n'ont - ils pas donné les poids exacts de chacune
de ces matieres? Baglivi parle aussi de beaucoup de
sels volatils & fixes. Boerhaave ayant exposé à une
chaleur douce une certaine quantité de bile cystique,
observa qu'il s'en évapora les 3/4 de son poids sous la
forme d'une eau ou d'une lymphe à peine fétide ou
acre. Le résidu formoit une masse gluante, luisante,
d'un jaune tirant sur le verd, amere, qui ne fermentoit
ni avec les acides, ni avec les alkalis. Cette
espece de glue distillée, donna beaucoup d'huile,
mais peu de sel volatil. De douze onces de bile, il
sortit neuf onces d'eau, deux onces 1/2 d'huile, & un
ou deux gros de sel fixe: ce qui revient à 3/4 d'eau,
plus d'1/6 d'huile, & un ou 2/96 de sel. Les expériences
sur lesquelles l'on peut compter, sont ici précisément
celles qui s'accordent le mieux ensemble, & nous
apprennent clairement que l'eau fait toûjours la plus
grande portion de la bile, que l'huile est environ 1/6
de l'eau, le sel volatil 1/20; dans une bile récente &
non putréfiée, l'huile empyreumatique 1/24, le sel fixe
1/123. Voyons si le savon ordinaire n'offriroit pas à peu
près les mêmes proportions. Il est beaucoup plus acre
que la bile; le sel lixiviel & l'huile, sont en partie égale
dans le savon. Supposons qu'on mette partie égale
d'huile d'olive, ou autre; & d'huile de tartre par défaillance,
pour faire ce savon commun: ce qui feroit
suivant Dale, une proportion triple de celle qui
se trouve dans la bile; & suivant Boerhaave, une proportion
plus considérable: car de trois onces d'huile,
on met cinq scrupules de sel fixe; de sorte que dans
le savon, l'huile est au sel comme 1920 à 100: mais
dans la bile de l'homme, l'eau est à l'huile comme
10 à 2; au sel, comme 72 à 1, ou un peu moins.
La bile avoit sans doute besoin d'une grande quantité
d'eau, pour ne pas former un vrai savon solide
qui se coupât au couteau comme le savon ordinaire,
& dont on eut pû se servir sans le détremper. C'est
en effet un savon, mais fluide, & tel en un mot, qu'il
n'a besoin ni d'eau, ni d'un délayement étranger,
pour tous les usages auxquels il est destiné par la nature.
Remarquez que dans tout ce que nous avons
dit, il ne s'agit que d'une bile fraîche & bien conditionnée,
que la maladie n'a aucunement altérée,
& que la putréfaction n'a pas changée: car si toutes
les parties du corps humain solides ou liquides une
fois corrompues donnent beaucoup de sel volatil,
est il surprenant que la bile naturellement plus alcalescente
qu'aucun autre suc, fournisse une grande abondance
de ce même sel? Je ne doute pas que tant de
contradictions qui se trouvent dans les auteurs au sujet
de l'analyse chimique de la bile, ne viennent souvent
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