ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"702"> dans celles qu'il a travaillées avec soin; son caractere est aisé, coulant, vigoureux. Despréaux dit en parlant de ce poëte:

Regnier seul parmi nous formé sur leurs modeles, Dans son vieux style encore a des graces nouvelles.

Il est quelquefois long & diffus. Quand il trouve à imiter, il va trop loin, & son imitation est presque toujours une traduction inférieure à son modele; mais ses vers sont pleins de sens & de naiveté: Heureux!

Si du son hardi de ses rimes cyniques Il n'allarmoit souvent les oreilles pudiques.

Ce qu'on peut dire pour diminuer sa faute, c'est que ne travaillant que d'après les satyriques latins, il croyoit pouvoir les suivre en tout, & s'imaginoit que la licence des expressions étoit un assaisonnement dont leur genre ne pouvoit se passer.

Regnier est mort à Rouen en 1613, âgé de 40 ans. On connoît l'épitaphe pleine de naïveté qu'il a faite pour lui, & dans laquelle il s'est si bien peint:

J'ai vécu sans nul pensement Me laissant aller doucement A la bonne loi naturelle: Et si m'ètonne sort pourquoi La mort daigna songer à moi Qui ne songeai jamais en elle.

Jean de la Frenaye Vauquelin, publia quelques satyres peu de tems avant la mort de Regnier; mais comme il n'avoit ni la force, ni le feu, ni le plaisant nécessaire à ce genre de poëme, il ne mérite pas de nous arrêter.

Despréaux (Nicolas Boileau sieur) fleurit environ 60 ans après Regnier, & fut plus retenu que lui. Il savoit que l'honnemté est une vertu dans les écrits comme dans les moeurs. Son talent l'emporta sur son éducation: quoiqu'il fût fils, frere, oncle, cousin, beau - frere de greffier, & que ses parens le destinassent à suivre le palais, il lui fallut être poëte, & qui plus est poëte satyrique

Ses vers sont forts, travaillés, harmonieux, pleins de choses; tout y est fait avec un soin extrème. Il n'a point la naïveté de Regnier; mais il s'est tenu en garde contre ses défauts. Il est serré, précis, décent, soigné par - tout, ne souffrant rien d'inutile, ni d'obscur. Son plan de satyre étoit d'attaquer les vices en genéral, & les mauvais auteurs en particulier. Il ne nomme guere un scélérat; mais il ne fait point de difficulte de nommer un mauvais auteur qui lui déplaît, pour servir d'exemple aux autres, & maintenir le droit du bon sens & du bon goût.

Ses expressions sont justes, claires, souvent riches & hardies. Il n'y a ni vuide, ni superflu. On dit quelquefois malignement le laborieux Despréaux; mais il travailloit plus pour cacher son travail, que d'autres pour montrer le leur. Ses ouvrages se font admirer par la justesse de la critique, par la pureté du style & par la richesse de l'expression. La plûpart de ses vers sont si beaux, qu'ils sont devenus proverbes. Il semble créer les pensées d'autrui, & paroît original lorsqu'il n'est qu'imitateur.

On lui reproche de manquer d'imagination; mais où la voit - on plus brillante, plus riche & plus féconde que dans son poëme du Lutrin, ouvrage bâti sur la pointe d'une aiguille, comme le disoit M. de Lamoignon; c'est un château en l'air, qui ne se soutient que par l'art & la force de l'architecte. On y trouve le génie qui crée, le jugement qui dispose, l'imagination qui enrichit, la vertu qui anime tout, & l'harmonie qui répand les graces.

Son art poétique est un chef - d'oeuvre de raison, de goût, de versification. Enfin Despréaux a une réputation au - dessus de toutes les apologies, & sa gloire sera toujours intimement liée avec celle des belles. lettres françoises.

Il naquit au village de Crône, auprès de Paris en 1636. Il essay a du barreau, & ensuite de la sorbonne. Dégoûté de ces deux chicanes, dit M. de Voltaire, il ne se livra qu'à son talent, & devint l'honneur de la France. Il fut reçu à l'académie en 1684, & mourut en 1711. Tous ses ouvrages ont été traduits en anglois. Son Art poétique a été mis en vers portugais; & plusieurs autres morceaux de ses poésies ont été traduits en vers latins & en vers italiens. La meilleure édition qu'on ait donnée de ses oeuvres en françois, avec d'amples commentaires, a vu le jour à Paris en 1747, cinq vol. in - 8°.

Parallele des satyriques romains & françois. Si présentement on veut rapprocher les caracteres des poëtes satyriques dont nous venons de parler, pour voir en quoi iss se ressemblent, & en quoi ils different: « il paroît, dit M. le Batteux, qu'Horace & Boileau ont entr'eux plus de ressemblance, qu'ils n'en ont ni l'un ni l'autre avec Juvenal. Ils vivoient tous deux dans un siecle poli, où le goût étoit pur, & l'idée du beau sans mélange. Juvenal au contraire vivoit dans le tems même de la décadence des lettres latines, lorsqu'on jugeoit de la bonté d'un ouvrage par sa richesse, plutôt que par l'économie des ornemens. Horace & Boileau plaisantoient doucement, légerement; ils n'ôtoient le masque qu'à demi & en riant; Juvenal l'arrache avec colere: ses portraits ont des couleurs tranchantes, des traits hardis, mais gros; il n'est pas nécessaire d'être délicat pour en sentir la beauté. Il étoit né excessif, & peut - être même que quand il seroit venu avant les Plines, les Séneques, les Lucains, il n'auroit pû se tenir dans les bornes légitimes du vrai & du beau.

Perse a un caractere unique qui ne sympatise avec personne. Il n'est pas assez aisé pour être mis avec Horace. Il est trop sage pour être comparé à Juvenal; trop enveloppé & trop mystérieux pour être joint à Despréaux. Aussi poli que le premier, quelquefois aussi vif que le second, aussi vertueux que le troisieme, il semble être plus philosophe qu'aucun des trois. Peu de gens ont le courage de le lire; cependant la premiere lecture une fois faite, on trouve de quoi se dédommager de sa peine dans la seconde. Il paroît alors ressembler à ces hommes rares dont le premier abord est froid; mais qui charment par leur entretien quand ils ont tant fait que de se laisser connoître ». (Le chevalier de Jaucourt.)

Satyre dramatique (Page 14:702)

Satyre dramatique, (Art dramat.) genre de drame particulier aux anciens. Les satyres dramatiques, ou si l'on veut, les drames satyriques, se nommoient en latin satyri, au - lieu que les satyres telles que celles d'Horace & de Juvenal, s'appelloient saturoe. Il ne nous reste de drame satyrique qu'une seule piece de l'antiquité; c'est le cyclope d'Euripide. Les personnages de cette piece sont Polyphème, Ulysse, un sylène & un choeur de satyres. L'action est le danger que court Ulysse dans l'antre du cyclope, & la maniere dont il s'en tire. Le caractere du cyclope est l'insolence, & une cruauté digne des bêtes féroces. Le sylène est badin à sa maniere, mauvais plaisant, quelquefois ordurier. Ulysse est grave & sérieux, de maniere cependant qu'il y a quelques endroits où il paroît se prêter un peu à l'humeur bouffonne des sylènes. Le choeur des satyres a une gravité burlesque, quelquefois il devient aussi mauvais plaisant que le sylène. Ce que le pere Brumoi en a traduit suffit pour convaincre ceux qui auront quelque doute.

Peu importe après cela, de remonter à l'origine de ce spectacle, qui fut, dit - on, d'abord très - sérieux. [p. 703] il est certain que du tems d'Euripide, c'étoit un mélange du haut & du bas, du sérieux & du bouffon. Les Romains ayant connu le théâtre grec, introduisirent chez eux cette sorte de spectacle pour réjouir non - seulement le peuple & les acheteurs de noix, mais quelquefois même les philosophes, à qui le contraste quoiqu'outré, peut fournir matiere à réflexion.

Horace a prescrit dans son Art poétique, le goût qui doit régner dans ce genre de poëme; & ce qu'il en dit revient à ceci. Si l'on veut composer des drames sityriques, il ne faut pas prendre dans la partie que font les satires la couleur ni le ton de la tragédie, il ne faut pas prendre non - plus le ton de la comédie: Davus est trop rusé; une courtisane qui excroque un talent à un vieil avare, tout sin qu'il est, est trop subtile. Ce caractere de finesse ne peut convenir à un Sylène qui sort des forêts, qui n'a jamais été que le serviteur & le gardien d'un dieu en nourrice. Il doit être naïs, simple, du familier le plus commun. Tout le monde croira pouvoir faire parler de même les satyres, parce que leur élocution semblera entierement négligée; cependant il y aura un mérite secret, & que peu de gens pourront attraper, ce sera la suite & la liaison même des choses: il est aisé de dire quelques mots avec naïveté; mais de soutenir long - tems ce ton sans être plat, sans laisser du vuide, sans faire d'écarts, sans liaisons forcées, c'est peut - être le chef d'oeuvre du goût & du génie.

Je crois qu'on retrouve chez nous, à peu de chose près, les satyres dramatiques des anciens dans certaines pieces italiennes; du - moins on retrouve dans arlequin les caracteres d'un satyre. Qu'on sasse attention à son masque, à sa ceinture, à son habit collant, qui le sait paroître presque comme s'il étoit nud, à ses genoux couverts, & qu'on peut supposer rentrans; il ne lui manque qu'un soulier fourchu. Ajoutez à cela sa façon mievre & déliée, son style, ses pointes souvent mauvaises, son ton de voix; tout cela forme assurément une maniere de satyre. Le satyre des anciens approchoit du bouc; l'arlequin d'aujourd'hui approche du chat; c'est toujours l'homme déguisé en bête. Comment les satyres jouoient - ils, selon Horace? avec un dieu, un héros qui parloit du haut ton. Arlequin de même paroît vis - à - vis Samson; il figure en grotesque vis - à - vis d'un héros: il fait le héros lui - même; il représente Thésée, &c. Cours de Belles - lettres. (D. J.)

SATYRIASIS (Page 14:703)

SATYRIASIS, s. m. (Médecine.) maladie qui met les hommes qu'elle attaque dans cet état de salacité, qui, suivant la mythologie, caractérisoit les satyres, voyez ce mot. Ces malades n'ont quelquefois d'autre incommodité, qu'un appétit violent des plaisirs vénériens, qui dégénere presque en fureur: il est déterminé par une érection constante & voluptueuse de la verge; cet état en faisant naitre les desirs les plus vifs, est dans la plûpart la suite & le signe d'un besoin pressant, & la source & l'avant - coureur de la volupté, en quoi le satyriasis differe, comme nous l'avons observé du priapisme, voyez ce mot; mais cet appetit est tel dans plusieurs, qu'il subsiste même après qu'on l'a satisfait, & qu'il exige qu'on réitere souvent l'acte qui en est le but & qui le fait ordinairement cesser.

Baldassar Timéus rapporte l'histoire d'un musicien, dont le satyriasis étoit porté au point que le coït répeté plusieurs fois dans l'espace de quelques heures, étoit encore insuffisant pour émousser l'aiguillon qui l'y excitoit. Casuum medicin. lib. III. consult. 52. il semble même qu'alors le satyriasis en est plus irrité; il cesse pendant quelques instans, & reprend bientôt après avec une nouvelle vigueur; il en est de ces cas particuliers, comme de la demangeaison des yeux qu'on calme en les frottant, mais qui peu de tems après en est augmentée, & dégénere en cuisson douloureuse,

Les causes du satyriasis consistent dans un vice de la semence & des parties génitales; la semence péche par sa quantité, lorsqu'une continence exacte l'a laissé ramasser en trop grande abondance, ou que des médicamens actifs, aphrodisiaques, en ont fait augmenter la secrétion; elle péche en qualité, lorsque par quelque vice du sang ou par l'usage des remedes âcres échauffans, elle devient plus âcre, plus active, plus propre à irriter les reservoirs où elle se ramasse. La disposition vicieuse des parties génitales consiste dans une tension plus grande, une sensibilité excessive qui les rend susceptibles des plus legeres impressions, obéissantes au moindre aiguillon; cet esset peut être produit par les mêmes causes; c'est de leur concours que dépend le satyriasis qui survient aux phthisiques, aux personnes qui ont fait usage des cantharides, du satyrion, ou autre remede semblable; on peut ajouter à ces causes, la débauche, la crapule, la manustupration, les lectures deshonnêtes, les peintures obscenes, les conversations libertines, les attouchemens impudiques, &c. alors l'érection devient un état presque habituel de la verge, l'irritation constante de ces parties y attire une plus grande quantité d'humeurs qui forment une espece de semence, & en rendant la secrétion plus abondante, fournissent aux excès de son excrétion.

Les hommes sont les seuls sujets au satyriasis proprement dit, les femmes ne sont cependant pas exemptes des maladies qui ont pour caractere un desir insatiable des plaisirs vénériens; le besoin est le même dans l'un & l'autre sexe, & les fautes sont générales; les femmes en sont même plus punies que les hommes, les maladies de cette espece font chez elles plus de progrès, & sont beaucoup plus violentes; leur imagination plus échauffée s'altere par la contrainte où les lois de leur éducation les obligent de vivre; le mal empire par la retenue, bien - tôt il est au point de déranger la raison de ces infortunées malades; alors soustraites à son empire & n'écoutant plus que la voix de la nature, elles cherchent à lui obéir; elles ne connoissent plus, ni décence, ni pudeur; rien ne leur paroît deshonnête pourvû qu'il tende à satisfaire leurs desirs; elles agacent tous les hommes indifféremment & se précipitent avec fureur entre leurs bras, ou tâchent par des moyens que la nature indique & que l'honnêteté proscrit, de suppléer à leur défaut; cette maladie est connue sous les différens noms de fureur utérine, d'érotomanie, nimphomanie, &c. Voyez ces articles.

Le satyriasis qu'excite une trop grande quantité de semence retenue, se dissipe d'ordinaire par son excrétion légitime, & n'a point de suite fâcheuse: mais celui qui se prend du trop d'activité de la semence & d'une tension immoderée des parties de la génération, est plus lent & plus difficile à guérir; s'il persiste trop long - tems, il donne naissance à des symptomes dangereux, tels que la mélancholie; difficulté de respirer, dysurie, constipation, feu intérieur, soif, dégoût, fievre lente enfin, & phthisie dorsale qui préparent une mort affreuse. Tous ces accidens sont l'effet d'une excrétion immoderée de semence, Voyez ce mot & Manustupration. Themison, un des plus anciens auteurs qui ait écrit sur cette maladie, assure que plusieurs personnes moururent en Crete, attaquées du satyriasis.

On ne peut esperer de guerison plus prompte & plus certaine dans le satyriasis qui est l'effet d'une rigoureuse continence, que par l'évacuation de l'humeur superflue qui l'excite; il faut conseiller à ces malades de se marier; c'est le seul moyen autorisé par la religion, les lois & les moeurs, de rendre l'excrétion de semence légitime, mais ce n'est pas le seul qui la rende avantageuse; le médecin est cependant obligé de s'y tenir & d'y sacrifier souvent la santé de

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