ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"672">

Lorsque l'homme est parfait, les tégumens du limon se déchirent, comme dans les douleurs de l'enfantement; la terre aride environnante s'entr'ouvre, & la génération spontanée s'acheve.

La nature a resusé à l'homme ce qu'elle a accordé aux bêtes; elle lui a fait des besoins particuliers. Delà l'invention des vêtemens & d'autres arts.

Ses mains ont été les sources les plus fécondes de ses connoissances. C'est de - là que lui est venue la connoissance de sa force & de sa supériorité sur les animaux.

L'exercice des sens ne se fait pas sans obstacle. Il a sallu les lever.

Lorsque l'action des sens est suspendue, & que le mouvement cesse dans l'animal, sans qu'il y ait aucun obstacle extérieur, aucun vice interne, l'animal continue de vivre. Il faut donc chercher en lui quelque organe sans le secours duquel les autres ne puissent vaquer à leurs fonctions. Cet organe est le coeur.

Lorsque l'animal est mort, lorsque la vie n'y est plus, sans qu'on remarque dans sa configuration & dans ses organes aucun derangement qui en anéantisse les opérations, il faut en conclure qu'il y a un principe particulier & antérieur dont toute l'économie dépendoit.

Lorsque ce principe s'est retiré, l'animal restant entier; quelle apparence qu'il revienne, l'animal étant détruit?

Il y a donc deux choses dans l'animal, le principe par lequel il vit, & le corps qui sert d'instrument au principe. La partie noble c'est le principe; le corps est la partie vile.

Il faut le déposer dans le tems, lorsque le principe vivifiant s'en est retiré. Un être vraiment étonnant, prétieux & digne d'admiration, c'est le feu.

Sa force est surprenante; ses effets prodigieux; la chaleur du coeur ne permet pas de douter que le feu n'anime cet organe, & ne soit le principe de son action.

La chaleur subsiste dans l'animal, tant qu'il vit; elle n'est dans aucune partie aussi grande qu'au coeur. A la mort, elle cesse. L'animal est froid.

Cette vapeur humide & chaude du coeur qui fait le mouvement dans l'animal, est sa vie.

Malgré la multitude & la diversité des parties dont l'animal est composé; il est un relativement à l'esprit. L'esprit y occupe un point central d'où il commande à toute l'organisation.

L'esprit est un. Il communique avec les membres par des fibres & des canaux. Coupez, anéantissez, embarrassez la communication de l'esprit à un membre & ce membre sera paralysé.

Le coeur envoie l'esprit au cerveau; le cerveau le distribue dans les arteres. Le cerveau abonde en esprit. Il en est un réservoir.

Si par quelque cause que ce soit, un organe est privé d'esprit, son action cesse. C'est un instrument inutile & abject.

Si l'esprit s'échappe de tout le corps; s'il se consume en entier, ou s'il se dissout, le corps reste sans mouvement; il est dans l'état de mort.

De la comparaison de l'homme avec les autres êtres, il suit qu'elles ont des qualités communes & des qualités différentes. Qu'ils sont uns dans les convenances; variés & plusieurs, dans les disconvenances.

Le premier coup d'oeil que nous jettons sur les propriétés des choses, nous instruit de toute la richesse de la nature.

Si l'esprit est un. Le corps est un relativement à la continuité & à son économie. C'est un même organe qui a différentes fonctions sur sa longueur, selon le plus ou le moins d'énergie de l'esprit.

Il y a aussi une sorte d'unité sous laquelle on peut considerer tous les animaux; même organisation, même sens, même mouvement, même fonction, même vie, même esprit.

L'esprit est un, les coeurs sont différens. La différence est dans les vaisseaux & non dans la liqueur.

L'espece est une. Les individus différens; mais cette différence est semblable à celles des membres, qui n'empêche point la personne d'être une.

Il y a dans toute espece d'animaux la sensation, la nutrition & le mouvement spontané. Ces fonctions communes sont propres à l'esprit; les autres fonctions diverses dans les différentes especes d'animaux lui appartiennent moins spécialement.

L'esprit est un dans tout le genre animal, quoiqu'il y ait quelque différence légere dans ses fonctions, d'une espece d'animaux à une autre. Le genre animal est un.

Quelque diversité que nous remarquions dans le port, la tige, les branches, les fleurs, les feuilles, les fruits, les semences des plantes, elles vivent, elles croissent, elles se nourrissent de même. Le genre en est un.

Le genre animal & le genre végétal ont des qualités communes, telles que l'accroissement & la nutrition. Les animaux sentent, conçoivent; les plantes ne sont pas tout - à - fait privées de ces qualités. On peut donc renfermer par la pensée ces deux genres & n'en faire qu'un.

Les pierres, la terre, l'eau, l'air, le feu, en un mot tous les corps qui n'ont ni sentiment, ni accroissement, ni nutrition, ne different entr'eux que comme les colorés & les non - colorés, les chauds & les froids, les ronds & les quarrés. Mais ce qui est chaud peut se refroidir, ce qui est froid se rechauffer, ce qui est coloré s'obscurcir, ce qui est obscur se colorer; les eaux se changent en vapeurs, les vapeurs se remettent en eau; ainsi, malgré l'apparence de la diversité il y a unité.

Mais c'est la diversité des organes qui fait la diversité des actions; les actions ne sont point essentielles; appliquez le principe de l'action de la même maniere, & vous aurez les mêmes actions; appliquez - le diversement vous aurez des actions différentes; mais tous les êtres étant convertibles les uns dans les autres, il n'y a que le principe de l'action qui soit un. Il est commun à tous les êtres, animés ou inanimés, vivans ou brutes, mus ou en repos.

Toute cette variété répandue dans l'univers disparoit donc aux yeux de l'homme attentif. Tout se reduit à l'unité.

Entre les qualités des corps naturels, les premieres qu'on remarque ce sont la tendance en haut dans les uns, tels que l'air, le feu, la fumée, la flamme; & la tendance en bas dans les autres, tels que l'eau, la terre, les pierres.

Il n'y en a point qui soit absolument privé de l'un & de l'autre de ses mouvemens, ou parfaitement en repos, à moins qu'un obstacle ne l'arrête.

La pesanteur & la légereté ne sont pas des qualités des corps comme tels; sans quoi il n'y auroit point de grave qui n'eût quelque légereté, ni de léger qui n'eût quelque pesanteur. La pesanteur & la légereté sont donc de quelque chose surajoutée à la notion de corporéité.

L'essence des graves & des légers est donc composée de deux notions; l'une commune, c'est la corporéité; l'autre différente, c'est ce qui constitue grave le corps grave, & léger le corps léger.

Mais cela n'est pas vrai seulement des graves & des légers, mais de tout en général. L'essence est une notion composée de la corporéité & de quelque chose sur - ajoutée à cette qualité.

L'esprit animal qui réside dans le coeur, a nécessairement quelque chose de sur - ajouté à sa corporéité, qui le rend propre à ses fonctions admirables: c'est la notion de ce quelque chose qui constitue sa forme & sa différence: c'est par elle qu'il est ame animale ou sensitive. [p. 673]

Ce qui opere dans les plantes les effets de la chaleur radicale dans les animaux, s'appelle amevégétative.

Ces qualités sur - ajoutées ou formes se distinguent par leurs effets.

Elles ne tombent pas toujours sous le sens. La raison les soupçonne.

La nature d'un corps animé, c'est le principe particulier de ce qu'il est, & de ce qui s'y opere.

L'essence même de l'esprit consiste dans quelque chose de sur ajouté à la notion de corporéité.

Il y a une forme générale & commune à tous les êtres dans laquelle ils conviennent, & d'où émanent une ou plusieurs actions; outre cette forme commune & générale, un grand nombre ont une forme commune particuliere sur - ajoutée, d'où émanent une ou plusieurs actions particulieres à cette forme surajoutée. Outre cette premiere forme sur - ajoutée, un grand nombre de ceux auxquels elle est commune, en ont une seconde sur - ajoutée particuliere d'où émanent une ou plusieurs actions particulieres à cette seconde forme sur - ajoutée. Outre cette seconde forme sur - ajoutée, un grand nombre de ceux à qui elle est commune, en ont une troisieme particuliere sur - ajoutée d'où émane une ou plusieurs actions particulieres à cette troisieme forme sur - ajoutée, & ainsi de suite.

Ainsi les corps terrestres sont graves, & tombent. Entre les corps graves & qui tombent, il y en a qui se nourrissent & s'accroissent. Entre les corps graves & qui tombent, & qui se nourrissent & s'accroissent, il y en a qui sentent & se meuvent. Entre les corps graves & qui tombent, & qui se nourrissent & s'accroissent, & qui sentent & se meuvent, il y en a qui pensent.

Ainsi toute espece particuliere d'animaux a une propriété commune avec d'autres especes, & une propriété sur - ajoutée qui la distingue.

Les corps sensibles qui remplissent dans ce monde le lien de la génération & de la corruption, ont plus ou moins de qualités sur - ajoutées à celle de la corporéité, & la notion en est plus ou moins composée.

Plus les actions sont variées, plus la notion est composée, & plus il y a de qualités sur - ajoutées à la corporéité.

L'eau a peu d'actions propres à sa forme d'eau. Ainsi la notion ni la composition ne supposent pas beaucoup de qualités sur - ajoutées.

Il en est de même de la terre & du feu.

Il y a dans la terre des parties plus simples que d'autres.

L'air, l'eau, la terre, & le feu se convertissant les uns dans les autres, il faut qu'il y ait une qualité commune. C'est la corporéité.

Il faut que la corporéité n'ait par elle - même rien de ce qui caractérise chaque élement. Ainsi elle ne suppose ni pesanteur ni légéreté, ni chaleur ni froid, ni humidité ni sécheresse. Il n'y a aucune de ces qualités qui soit commune à tous les corps. Il n'y en a aucune qui soit du corps en tant que corps.

Si l'on cherche la forme sur - ajoutée à la corporéité qui soit commune à tous les êtres animés ou inanimés, on n'en trouvera point d'autre que l'étendue conçue sous les trois dimensions. Cette notion est donc du corps comme corps.

Il n'y a aucun corps dont l'existence se manifeste aux sens par la seule qualité d'étendue surajoutée à celle de corporéité; il y en a une troisieme sur - ajoutée.

La notion de l'étendue suppose la notion d'un sujet de l'étendue: ainsi l'étendue & le corps different.

La notion du corps est composée de la notion de la corporéité & de la notion de l'étendue. La corporéité est de la matiere; l'étendue est de la forme. La corporéité est constante; l'étendue est variable à l'infini.

Lorsque l'eau est dans l'état que sa forme exige, on y remarque un froid sensible, un penchant à descendre d'elle - même; deux qualités qu'on ne peut lui ôter sans détruire le principe de sa forme, sans en séparer la cause de sa maniere d'être aqueuse; autrement, des propriétés essentielles à une forme pourroient émaner d'une autre.

Tout ce qui est produit, suppose un produisant; ainsi d'un effet existant, il existe une cause efficiente.

Qu'est - ce que l'essence d'un corps? C'est une disposition d'où procedent ses actions, ou une aptitude à y produire ses mouvemens.

Les actions des corps ne sont pas d'elles - mêmes, mais de la cause efficiente qui a produit dans les corps les attributs qu'ils ont, & d'où ces actions émanent.

Le ciel & toutes les étoiles sont des corps qui ont longueur, largeur & profondeur. Ces corps ne peuvent être infinis; car la notion d'un corps infini est absurde.

Les corps célestes sont finis par le côté qu'ils nous présentent; nous avons là - dessus le témoignage de nos sens. Il est impossible que par le côté opposé, ils s'étendent à l'infini. Car soient deux lignes paralleles tirées des extrémités du corps, & s'enfonçant ou le suivant dans toute son extension à l'infini; qu'on ôte à l'une de ces lignes une portion finie; qu'on applique cette ligne moins cette portion coupée à la parallele qui est entiere, il arrivera de deux choses l'une; ou qu'elles seront égales, ce qui est absurde, ou qu'elles seront inégales, ce qui est encore absurde; à - moins qu'elles ne soient l'une & l'autre finies, & par conséquent le corps dont elles formoient deux côtés.

Les cieux se meuvent circulairement; donc le ciel est sphérique.

La sphéricité du ciel est encore démontrée par l'égalité des dimensions des astres à leur lever, à leur midi & à leur coucher. Sans cette égalité, les astres seroient plus éloignés ou plus voisins dans un moment que dans un autre.

Les mouvemens célestes s'exécutent en plusieurs spheres contenues dans une sphere suprème qui les emporte toutes d'orient en occident dans l'intervalle d'un jour & d'une nuit.

Il faut considérer l'orbe céleste & tout ce qu'il contient, comme un système composé de parties unies les unes aux autres, de maniere que la terre, l'eau, l'air, les plantes, les animaux & le reste des corps renfermé sous la limite de cet orbe, forment une espece d'animal dont les astres sont les organes de la sensation, dont les spheres particulieres sont les membres, dont les excrémens sont cause de la génération & de la corruption dans ce grand animal, comme on le remarque quelquefois, que les excrémens des petits produisent d'autres animaux.

Le monde est - il éternel, ou ne l'est - il pas? C'est une question qui a ses preuves également fortes pour & contre.

Mais, quel que soit le sentiment qu'on suive, on dira: si le monde n'est pas éternel, il a une cause efficiente: cette cause efficiente ne peut tomber sous le sens, être matérielle; autrement elle seroit partie du monde. Elle n'a donc ni l'étendue & les autres propriétés du corps; elle ne peut donc agir sur le monde. Si le monde est éternel, le mouvement est éternel; il n'y a jamais eu de repos. Mais tout mouvement suppose une cause motrice hors de lui: donc la cause motrice du monde seroit hors de lui; il y auroit donc quelque chose d'abstrait, d'antérieur au monde, d'incomparable, & d'anomal à toutes les parties qui le composent.

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.