ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"654"> & tantôt des magistrats civils qui donnoient le nom à l'année, car les éponymes de Sardes n'ont pas toujours été les mêmes officiers; il paroît que sous les regnes de Tibere & de Trajan, le proconsul, gouverneur de la province, étoit éponyme; sous presque tous les regnes suivans jusqu'à Gallien les années étoient marquées par la suite des archontes ou des strateges.

Enfin la ville de Sardes avoit des prêtres ou des pontifes d'un ordre distingué, qu'on appelloit stéphanéphores, parce qu'ils portoient une couronne de laurier, & quelquefois une couronne d'or dans les cérémonies publiques. Ce sacerdoce étoit établi dans plusieurs villes de l'Asie, à Smyrne, à Magnésie du Méandre, à Tarse, &c. On voit par les monumens que cette dignité étoit annuelle & éponyme dans quelques villes. Les stéphanéphores, anciennement consacrés au ministere des dieux, furent aussi attachés au culte des empereurs.

IX. Ce précis historique, extrait du savant mémoire de M. l'abbé Belley, & qu'il a rédigé d'après les inscriptions & les médailles de la ville de Sardes, fait assez connoître quel secours l'histoire peut tirer d'une étude approfondie des monumens antiques. Il nous reste à extraire du même mémoire l'histoire abrégée des révolutions de la ville de Sardes, depuis la fin du troisieme siecle jusqu'à présent.

Sous le haut empire, la Lydie fit toujours partie de l'Asie proconsulaire, mais dans la suite cette province fut démembrée; les pays dont elle étoit composée formerent autant de provinces particulieres: ce changement arriva sous Dioclétien & Maximien Hercule, auxquels les historiens ont reproché d'avoir affoibli l'empire en divisant ses grandes provinces. Ainsi la Lydie devint alors province. & nous voyons dans la notice de l'empire qu'elle fut gouvernée par un consulaire; Sardes étoit sa ville métropole. Constantin divisa l'Asie en dix provinces, dont l'une étoit la Lydie, dont Sardes fut toujours la métropole. Comme la qualité des eaux rendoit la situation de cette ville propre aux manufactures, nous voyons qu'anciennement les belles teintures de pourpre & d'écarlate faisoient partie de son commerce & de ses richesses. Dans les derniers siecles de l'empire romain, on y établit une fabrique d'armes.

Mais ce qui rendit la ville de Sardes illustre sous les princes chrétiens, ce fut la dignité de son église. Elle étoit une des sept premieres églises d'Asie, fondée par l'apôtre S. Jean. Méliton, un de ses évêques, écrivit en faveur des Chrétiens, & adressa leur apologie à l'empereur Marc Aurele. Ses évêques eurent le rang de métropolitains, Méonius assista en cette qualité au concile général assemblé à Ephese l'an 431, pour condamner les erreurs de Nestorius. Leur jurisdiction étoit fort étendue, & leur suite est assez connue jusqu'à la ruine de la ville.

Depuis le regne d'Héraclius, l'empire d'Orient ayant été divisé pour l'ordre civil en pays ou districts, la Lydie fit partie du district des Thracésiens, & Sardes fut toujours la capitale de ce département. Cette nouvelle division a subsisté jusqu'à la grande invasion des Turcs au commencement du quatorzieme siecle, qui se fit dans la partie occidentale de l'Asie mineure l'an 1313 sous le regne de l'empereur Andronic. Plusieurs chefs de tribus s'étoient rendus indépendans des sultans de Cogni; & s'étant fortifiés, ils se répandirent vers l'Occident. Mentecha s'empara d'Ephese & de la Carie; Aïdin de la Lydie jusqu'à Smyrne, Sarkan de Magnésie du Sipyle & des pays voisins jusqu'à Pergame; Ghermian de la Phrygie Pacatienne; Carase de la Phrygie ou Troade, depuis Asso jusqu'à Cyzique; & Osman de la Paphlagonie & d'une partie de la Bithynie. Voilà l'époque de plu<cb-> sieurs toparchies turques ou principautés particulieres, dont les noms subsistent encore dans la division que font les turcs de l'Anatolie, ou, comme ils disent, Anadoli.

Osman, duquel descendent les princes Ottomans, fonda un empire qui s'étendit en peu de tems dans trois parties du monde. Bajazeth, son quatrieme successeur, auroit détruit l'empire des Grecs, s'il n'avoit été arrêté dans ses vastes projets par Timur - Beck ou Tamerlan, qui le fit prisonnier à la bataille d'Ancora (Ancyre en Galatie) en 1402. Timur ravagea toute l'Anatolie, & envoya ses généraux faire des courses en différens cantons. L'un d'entr'eux dévasta la Lydie & la ville de Sardes, enleva l'or, l'argent, & tout ce qui s'y trouva de précieux: c'est l'époque fatale de la ruine de cette grande ville.

Timur marcha en personne contre Smyrne, & la prit; ce conquérant remit en possession de la Lydie les fils d'Aïden, qui en avoient été dépouillés par Bajazeth. Amurat détruisit leur famille, & leur principauté; Sardes ne put se relever, & n'eut plus d'évêque depuis l'an 1450; ses droits métropolitains passerent à l'église de Philadelphie, qui en est éloignée de 27 milles. La Lydie, que les Turcs nomment Aïdin - Eili, le pays d'Aïdin, resta soumise à l'empire Ottoman.

Imith a décrit dans son voyage l'état auquel la ville de Sardes étoit réduite l'an 1671; ce n'est plus, dit - il, qu'un misérable village composé de quelques chaumieres où logent un petit nombre de turcs presque tous pâtres, dont le bien consiste en troupeaux qui paissent dans la plaine voisine. Il y reste très - peu de chrétiens, sans église & sans pasteur, & qui sont réduits pour vivre à cultiver des terres; cependant, continue - t - il, Sardes au milieu de sa désolation montre encore des vestiges de son ancienne splendeur: on trouve au midi ce la ville de grandes colomnes entieres & sur pié, d'autres renversées & brisées; l'on voit à l'orient des ruines d'édifices, & d'un magnifique palais, répandues dans une grande étendue de terrein. Les choses ont encore dépéri depuis. L'on sait aujourd'hui de M. Askew, qui a voyagé dans l'Asie mineure depuis l'année 1744, que Sardes est totalement deserte, & qu'il n'y reste aucune habitant, ni turc, ni chrétien; & que l'on ne trouve plus dans ses anciennes ruines, que quelques inscriptions indéchifrables.

De tous ses titres, Sardes n'a conservé que son nom: les Turcs la nomment encore Sart. Suivant la géographie écrite en langue turque, qui a été imprimée à Constantinople depuis quelques années, Sardes & son territoire sont compris dans le district ou liva de Tiré, qui fait partie d'Aïdin - Eïli. Le Tmole y est nommé Boz - dag, c'est - à - dire, Montagne de glace. Les princes turcs qui résidoient à Magnésie, alloient ordinairement passer l'été sur cette montagne, pour éviter les chaleurs de la plaine, & prendre le divertissement de la chasse. Le géographe turc observe qu'au nord de la montagne on voit un lac poissonneux, & dont les eaux sont très belles; il peut avoir de circuit dix milles, qui font environ trois lieues de France: ce doit être le lac de Gygès, dont Homere a parlé, & qui a été célebre dans toute l'antiquité. La plaine de Sardes, qui est une des plus spacieuses & des plus fertiles de l'Asie, est présensentement inculte, on l'appelle la plaine de Nymphi.

Tel est l'état du territoire & de l'ancienne capitale de Croesus. Ce prince si renommé par ses richesses, par ses libéralités, par le soin qu'il prit d'attirer à sa cour les premiers sages de son tems, n'est pas moins fameux par les vicissitudes des événemens de sa vie. Après avoir soumis à sa puissance presque tous les peuples de l'Asie en - deçà du fleuve Halys, il perdit [p. 655] contre Cyrus, roi de Perse, la célebre bataille de Thymbrée, fut pris, chargé de chaînes, & condamné à mourir sur un bucher. Il reconnut pour la premiere fois la vérité de ces belles paroles de Solon: « qu'on ne pouvoit appeller un homme heureux qu'après sa mort ». Et il invoqua tout haut en présence de son vainqueur le nom du grand homme dont il les tenoit. Cyrus faisant alors réflexion sur l'inconstance de la fortune, & sur les dangers qu'il avoit couru de son côté un moment avant la ictoire, accorda généreusement la vie à Croesus, le gratifia d'Ecbatatane, & le traita depuis avec beaucoup de bonté & de distinction. Tout ceci se passa vers l'an 210 de Rome, du tems de Tarquin le Superbe.

Je ne dois pas oublier de couronner l'article de Sardes, en remarquant que les lettres y ont fleuri, & qu'on les cultivoit encore dans cette ville au v. siecle de l'ere chrétienne. Elle a été la patrie de Poliaenus, qui vivoit sous Jules - César, & qui outre des plaidoyers, publia trois livres du triomphe partique, c'est - à - dire, de celui de Ventidius. Elle a produit dans le iv. siecle le rhéteur Eunape, auteur d'une histoire des sophistes, que nous avons, & d'une histoire des empereurs depuis Claude le Gothique, jusqu'à la mort d'Eudoxie, femme d'Arcadius, dont il ne reste que des fragmens, mais qui sont curieux. Strabon dit que Sardes donna la naissance aux deux Diodores, orateurs célebres; mais elle doit sur - tout se glorifier de celle d'Alcman.

Je sai que Pausanias, Suidas, & Clément d'Alexandrie, le font naître à Sparte, cependant il étoit né véritablement à Sardes, mais il fut formé & élevé à Lacédemone, & y fleurissoit vers la vingt - septieme olympiade. Esclave d'un spartiate, nommé Agésidas, il fit paroître du génie & des talens qui lui procurerent la liberté, & le mirent au rang des célebres poëtes - musiciens. Il voyagea, & fut partout bien accueilli, mais il vécut principalement chez les Lacédémoniens, & il y mourut; c'est leur goût pour la poésie qui leur a fait élever un esclave au rang de citoyen, malgré leur usage de n'accorder ce privilege qu'avec beaucoup de réserve.

Alcman fut excellent joueur de cithare, & chantoit ses vers au son de cet instrument. Il fut le chef des poésies galantes & amoureuses; & puisqu'il ne paroît point que la sévere Lacédémone en ait été scandalisée, on peut juger que le poëte y avoit respecté la pudeur; ce n'est pas qu'il ne fût un homme de plaisir, il aimoit la table & les femmes; il convient lui - même quelque part qu'il étoit un grand mangeur, & selon Athenée, il avoit une maîtresse appellée Mégalastrata, distinguée par le talent de la poésie.

Clément d'Alexandrie fait Alcman auteur de la musique destinée aux danses des choeurs. Si l'on en croit Suidas, il fut le premier qui donna l'exclusion au vers hexametre par rapport aux poésies lyriques ou chantantes. On le fait encore auteur d'une sorte de vers nommé alcmanien, & composé de trois dacty les suivis d'une syllabe; mais ce qui prouve l'excellence des vers & de la musique d'Alcman, c'est que sa poésie n'avoit rien perdu de sa douceur ni de ses graces, dit Pausanias, pour avoir été écrite dans un dialecte d'une prononciation aussi rude que le dialecte dorique.

Pausanias ajoute, qu'on voyoit de son tems à Lacédémone le tombeau de ce poëte. Si les conjectures de M. Antoine Astori, vénitien, exposées dans un petit commentaire imprimé en 1697, in - folio, eussent été bien fondées, on posséderoit à Venise un ancien monument de marbre venu de Grece, & consacré à la mémoire d'Alcman; mais M. Frid. Rostgaard, savant danois, ayant examiné ce monument, n'y a pas trouvé un seul mot qui concernât le poëte Alcman. Il ne nous reste même que quelques fragmens de ses poésies. Le tems nous a ravi ses six livres de chansons pour les jeunes filles, & son poëme intitulé les nageuses, ou les plongeuses. (Le Chevalier de Jaucourt.)

SARDESUS (Page 14:655)

SARDESUS, (Géog. anc.) ville de l'Asie mineure, dans la Lycie. Etienne le géographe la place près de Lyrnessus. Il est fait mention des habitans de cette ville, sur une médaille de l'empereur Vespasien, où on lit ce mot *SARDHSSE/WN. (D. J.)

SARDICA (Page 14:655)

SARDICA ou SERDICA, (Géog. anc.) ancienne ville, la capitale & la métropole de l'Illyrie orientale, & que l'itinéraire d'Antonin, qui écrit Serdica, marque sur la route du Mont d'Or à Byzance, entre Meldia & Burburaca, à 24 milles du premier de ces lieux, & à 18 milles du second. Les Grecs comme les Latins varient sur l'ortographe du nom de cette ville. (D. J.)

SARDINE, SARDE (Page 14:655)

SARDINE, SARDE, s. f. (Hist. nat. Ichthiologie.) poisson de mer fort ressemblant à l'aphye, mais il est un peu plus grand & plus épais. Il ne differe de l'alose qu'en ce qu'il est plus étroit; au reste il lui ressemble, par la bouche, par les ouies, par les yeux, par les écailles, par la forme de la queue, & par le nombre & la position des nageoires. Voyez Aphye & Alose. La sardine a les écailles grandes, la tête d'un jaune doré, & le ventre blanc; le dos est en partie verd & en partie bleu; ces deux couleurs sont très brillantes lorsqu'on tire ce poisson vivant hors de l'eau; & dès qu'il est mort, le verd disparoit entierement, & le bleu perd beaucoup de son éclat. La sardine n'a point de vésicule de fiel; elle est plus grasse au printems qu'en toute autre saison. Rondelet, hist. nat. des poissons, prem. part. liv. VII. ch. x. Voyez Poisson.

Sardine (Page 14:655)

Sardine, (Pêche.) voici la description de leur pêche, & la maniere de les apprêter. Cette pêche se pratique particulierement sur les côtes de Bretagne, dans les canaux de Belle - Isle. Sur les côtès du nord de cette île, depuis la pointe de Sud, ou du canon de Locmaria, en tirant au nord jusqu'à celle des Doulains, au - dessous d'Auborch. Cette étendue se nomme la bonne Rade; elle est à couvert des vents de sudsud - ouest par la terre de Belle - Isle, & de ceux de nordnord - est par la grande terre qui est au large de l'île qui lui est opposée, & qui baigne la mer sauvage où les sardines ne terrissent point, parce que la lame y est toujours fort haute & très - élevée: la pêche commence ordinairement en Juin, & finit avec le mois de Septembre, ou au plus tard les premiers jours d'Octobre, outre les chaloupes, ceux de Saugon de ladite île, de Port Louis, de S. Cado, Vauray & de Groa viennent au même lieu; les chaloupes sont du port de huit, dix à douze barriques au plus, faites en forme d'yolles ou de biscayennes, avec mâts, voiles, quille, & gouvernail; elles sont aussi garnies d'avirons. Les marchands - propriétaires les fournissent de toutes choses, & prêtes à faire la pêche; ils leur donnent aussi dix à douze pieces de filets de différens calibres, pour s'en servir durant qu'ils sont sur le lieu de leur pêche, suivant la grosseur des lits, bouillons ou nouées de sardines qui se trouvent souvent durant une même marée de quatre à cinq sortes différentes; mais les mailles les plus petites sont toujours beaucoup au - dessus du moule de quatre lignes en quarré, fixé par l'ordonnance de la marine de 1684. Pour faire la pêche des sardines les pieces des rets à sardines non - montées ont ordinairement 22 brasses de long; & lorsqu'elles sont garnies de lignes & de flottes par la tête, & de plomb par bas pour les faire caler, elles se trouvent réduites seulement à 18 brasses de longueur, afin de donner au filet du jeu, & que le ret reste un peu volage, libre & non - tendu, pour donner lieu aux sardines de s'y mailler plus aisément.

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