ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"534"> Petit faisceau de filets blancs, qu'on peut regarder comme les vésicules séminales. Ce petit faisceau remonte le long du canal déférent & les reins, & a environ six à sept lignes de long.

On a trouvé beaucoup de variété dans les testicules de cet animal. Le plus souvent il n'y en a que deux, qui sont d'un blanc jaunâtre, de la forme d'une petite feve, assez longs, & ayant chacun une espece de petite glande plus blanche, & presque transparente, appliquée sur la partie supérieure; ensorte qu'elle semble ne faire qu'un corps avec le testicule, & qu'elle n'en est distinguée que par la couleur. Quelquefois les testicules sont en forme de poire assez irréguliere, & dont la pointe est tournée vers le bas. Assez souvent ils sont joints l'un à l'autre parune espece de petit corps glanduleux. Quelquefois on trouve distinctement quatre testicules, dont les deux inférieurs sont plus petits que les supérieurs. On remarque cette variété dans les différens âges & les différentes especes de salamandres mâles.

La partie supérieure de chaque testicule est attachée au sac pulmonaire vers le milieu de sa longueur par un petit vaisseau ligamenteux; ou plûtôt ce petit vaisseau ne fait que passer dans la membrane qui attache le sac pulmonaire, & va se perdre dans la même membrane proche du canal déférent.

Le canal déférent se trouve vers l'anus; dans cet endroit est un corps cartilagineux, long d'environ deux lignes, en forme de mitre, qui selon toutes les apparences, tient lieu de verge à cet animal; car il est vraissemblable que la salamandre s'accouple réellement, quoiqu'aucun physicien n'ait peut - être pas encore vû cet accouplement; mais ce qui doit persuader qu'il se fait, c'est que les salamandres sont vivipares.

Wurfbainius rapporte qu'il en a vû une faire trente - quatre petits tous vivans; & M. Maupertuis assure avoir vû une fois dans une salamandre quarante - deux petits, & dans une autre cinquante - quatre, presque tous vivans, aussi bien formés & plus agiles que les grandes salamandres. Celui qui feroit une distinction & qui diroit que les salamandres terrestres sont vivipares, & par conséquent se doivent accoupler; mais que les aquatiques sont ovipares, & frayent seulement à la maniere des poissons, on pourroit lui répondre que les organes paroissant les mêmes dans les unes que dans les autres, il y a apparence que la génération se doit faire de la même maniere.

Des parties de la génération de la salamandre femelle. On trouve dans les parties intérieures de la femelle, des différences très - sensibles, & les organes très distingués; en ouvrant la capacité du ventre, on découvre les ovaires & les sacs graisseux. Lorsqu'on a enlevé les sacs graisseux, l'on voit que les ovaires sont composés de plusieurs lobes, renfermés par une même membrane, qui les separe entr'eux, & les attache aux sacs graisseux, aux trompes, & aux sacs pulmonaires. Cette membrane est toute parsemée de vaisseaux sanguins, qui se partagent en de très - petites branches, sur la surface des ovaires. Les oeufs ne sont point flottans dans la capacité de l'ovaire, mais ils y adherent intérieurement, & vraissemblablement passent de - là dans la trompe.

Après avoir enlevé les ovaires, on découvre les trompes; elles prennent depuis le col, & faisant plusieurs plis & replis, elles se terminent à l'anus. M. Duverney a fait voir qu'elles avoient à leur extrémité supérieure, une espece d'ouverture ou de pavillon, par lequel entrent les oeufs. Lorsqu'ils sont entrés dans les trompes, ils acquierent beaucoup plus de grosseur qu'ils n'en avoient dans l'ovaire; & lorsqu'ils sont arrivés à l'extrémité inférieure, ils sortent par le canal commun.

Les trompes sont remplies dans toute leur lon<cb-> gueur d'une liqueur épaisse, trouble, jaunâtre, en assez grande quantité, & qui ne sort point par le canal commun. Est - ce cette matiere visqueuse qui entoure les oeufs, & qui sert de premier aliment au petit germe qui doit éclore? Les trompes se terminent avec le rectum, & le col de la vessie, dans un gros muscle, auquel est attaché l'extrémité des reins qui adherent aux trompes, dans presque toute leur longueur; de sorte qu'en enlevant ce muscle, on enleve en même tems les reins, les trompes, l'intestin & la vessie.

Il n'y a point de matrice dans cet animal; ce sont les trompes qui en servent, puisqu'on y trouve quelquefois des petits tous formés.

La salamandre n'est ni dangereuse, ni venimeuse. Parlons maintenant des propriétés attribuées faussement à la salamandre, & de celles qu'elle possede réellement.

Les anciens, & plusieurs naturalistes modernes, ont regardé la salamandre comme un animal des plus dangereux; si on les en croyoit, des familles entieres sont mortes, pour avoir bû de l'eau d'un puits où une salamandre étoit tombée. Non - seulement, ajoutent-ils, sa morsure est mortelle, comme celle des viperes, mais elle est même plus venimeuse, parce que sa chair, reduite en poudre, est un poison, au lieu que celle de la vipere est un remede.

Tous ces préjugés ont été généralement reçus, jusqu'à ce que des physiciens de nos jours les aient détruits par des expériences expresses. Ils ont fait mordre divers animaux dans les parties les plus délicates, par des salamandres choisies; ils leur ont fait avaler des salamandres entieres, coupées par morceaux, hachées, pulvérisées; ils leur ont donné à boire de l'eau dans laquelle on avoit jetté des salamandres. Ils les ont nourris des mets trempés dans le prétendu venin de ce reptile. Ils ont injecté de son poison dans des plaies faites à dessein; & néanmoins, aucun accident n'est survenu de tous ces divers essais. En un mot, non - seulement la salamandre n'est plus un animal dangereux, de la morsure duquel on ne peut guerir, c'est au - contraire l'animal du monde le moins nuisible, le plus timide, le plus patient, le plus sobre, & le plus incapable de mordre. Ses dents sont petites & serrées, égales, plus propres à couper qu'à mordre, si la salamandre en avoit la force, & elle ne l'a point.

Elle ne vit point dans le feu. Tandis que cette pauvre bête inspiroit jadis aux uns de l'horreur, par le venin redoutable qu'on lui supposoit, elle excitoit dans l'esprit d'autres personnes une espece d'admiration, par la propriété singuliere dont on la croyoit douée, de vivre dans le feu. Voilà l'origine de deux célébres devises que tout le monde connoît; celle d'une salamandre dans le feu qu'avoit pris François I. avec ces mots, nutrio & extinguo, j'y vis, & je léteins; & celle que l'on a faite pour une dame insensible à l'amour, avec ce mot espagnol, mas yelo que fugeo, froide même au milieu des flammes.

On regardoit la salamandre comme l'amiante des animaux; & toute fabuleuse qu'en paroisse l'histoire, elle s'étoit si bien accréditée parmi les modernes, sur des mauvaises expériences, qu'on a été obligé de les répeter en divers lieux, pour en détromper le public. En France, par exemple, M. de Maupertuis n'a pas dédaigné de vérifier ce conte; quelque honteux, dit - il lui - même, qu'il soit au physicien, de faire une expérience ridicule, c'est pourtant à ce prix qu'il doit acheter le droit de détruire certaines opinions, consacrées par des siecles: M. de Maupertuis a donc jetté plusieurs salamandres au feu: la plûpart y périrent sur le champ; quelques - unes eurent la force d'en sortir à demi - brûlées, mais elles ne purent résister à une seconde épreuve. [p. 535]

Cependant il arrive quelque chose d'assez singulier lorsqu'on brûle la salamandre. A peine est - elle sur le feu, qu'elle paroît couverte de ce lait dont nous avons parlé, qui se raréfiant à la chaleur, ne peut plus être contenu dans ses petits réservoirs; il s'échape de tous côtés, mais en abondance sur la tête, & sur tous les mamelons, & se durcit d'abord, quelquefois en forme de perles.

C'est cet écoulement qui a vraissemblablement donné lieu à la fable de la salamandre; toutefois il s'en faut beaucoup, que le lait dont il s'agit ici, sorte en assez grande quantité, pour éteindre le moindre feu; mais il y a eu des tems, où il n'en falloit guere davantage, pour faire un animal incombustible. Ainsi, l'on auroit dû fe dispenser de rapporter dans les Transactions philosophiques, n°. 21. & dans l'abrégé de Lowthorp, vol. II. p. 86. la fausse expérience du chevalier Corvini, faite à Rome, sur une salamandre d'Italie, qui se garantit, dit - on, de la violence du feu deux sois de suite; la seconde fois pendant deux heures, & vécut encore pendant neuf mois depuis ce tems - là. Les ouvrages des sociétés, & sur - tout des sociétés de l'ordre de celles d'Angleterre, doivent avoir pour objet de nous préserver des préjugés, bien loin d'en étendre le cours.

Elle vit au contraire dans l'eau glacée. Non - seulement les salamandres ne vivent pas dans le feu, mais tout au contraire, elles vivent ordinairement, & pendant assez long - tems, dans l'eau qui s'est glacée par le froid. A mesure que l'eau dégele, on les voit expirer plus d'air que d'ordinaire, parce qu'elles en avoient fait une plus grande provision dans leurs poumons, tandis que l'eau se geloit. On dit qu'on a trouvé quelquefois en été dans des morceaux de glaces, tirées des glacieres, des grenouilles qui vivoient encore: on rapporte aussi dans l'histoire de l'acad. des Sciences, année 1719, qu'on a vu dans le tronc bien sec d'un arbre, un crapaud très - vivant, & très - agile. Si ces deux derniers faits, qui sont peut - être faux, se trouvent un jour confirmés, cette propriété seroit commune à ces différens animaux.

Elle subsiste long tems sans manger. Les salamandres peuvent vivre plus de six mois sans manger, comme M. du Fay l'a expérimenté. Ce n'est pas qu'il eût dessein de les priver d'alimens, pour éprouver leur sobriété, mais il ne savoit de quoi les nourrir. Tout - au - plus elles se sont quelquefois accommodées ou de mouches à demi - mortes, ou de la plante nommée lentille aquatique, ou de ce frai de grenouille, dont naissent ces petits lésards noirs, auxquels on voit pousser les pattes, dans le tems qu'ils ne sont pas plus gros que des lentilles, mais tout cela, elles le prenoient sans avidité, & s'en passoient bien.

Elle change fréquemment de peau. Les salamandres qui sont dans l'eau, de quelqu'âge & de quelqu'espece qu'elles soient, changent de peau tous les quatre ou cinq jours au printems & en été, & environ tous les 15 jours en hiver, ce qui est peut - être une chose particuliere à cet animal; elles s'aident de leur gueule & de leurs pattes pour se dépouiller, & l'on trouve quelquefois de ces peaux entieres, qui sont très - minces, flottantes sur l'eau. Cette peau étendue sur un verre plan, & vue au microscope, paroît transparente, & toute formée de très - petites écailles.

Il arrive quelquefois aux salamandres un accident particulier; il leur reste à l'extrémité d'une patte, un bout de l'ancienne peau, dont elles n'ont pu se défaire: ce bout se corrompt, leur pourrit cette patte, qui tombe ensuite, & elle ne s'en porte pas plus mal; tout indique qu'elles ont la vie très - dure.

Elle a des ouies qui s'effacent au bout d'un certain tems. Dans un certain tems de l'âge d'une salamandre, on lui voit, lorsqu'elle est dans l'eau, deux petits pennaches, deux petites houpes frangées, qui se tiennent droites, placées des deux côtés de sa tête, précisément comme le sont les ouies des poissons; & ce sont en effet des ouies, des organes de la respiration; mais ce qui est très - singulier, au bout de trois semaines, ces organes s'effacent, disparoissent, & n'ont par conséquent plus de fonction. Il semble alors que les salamandres fassent plus d'effort pour sortir de l'eau, qui ne leur est plus si propre, cependant elles y vivent toujours. M. du Fay en a conservé pendant plusieurs mois, après la perte de leur ouies, dans de l'eau où il les avoit mises. Il est vrai qu'elles paroissent aimer mieux la terre, mais peut - être ausu cette nouvelle eau leur convenoit - elle moins que celles où elles étoient nées. Le lesard est le seul animal que l'on sache, qui perde ses ouies de poisson; mais il les perd pour devemr grenouille, & en se dépouillant d'une enveloppe générale, à laquelle ses ouies étoient attachées; ce qui est bien différent de la salamandre.

Elle périt si on lui jette du sel sur le corps. Quoiqu'elles aient la vie extrémement dure, on a trouvé le poison qui leur est mortel, c'est du sel en poudre. Wurf bainius l'a dit le premier, & M. du Fay en a vérifié l'expérience. Il n'y a pour les tuer, qu'à leur jetter du sel pulvérisé sur le corps; on voit assez par les mouvemens qu'elles se donnent, combien elles en sont incommodées; il sort de toute leur peau, cette liqueur visqueuse, qu'on a cru qui les préservoit du feu, & elles meurent en 3 minutes.

L'histoire naturelle des salamandres demande de nouvelles recherches. La salamandre pourra sans doute fournir encore un grand nombre d'observations, & il y en avoit plusieurs dans les papiers de M. Duverney, trouvés après sa mort, qui n'ont point été imprimées. Nous n'avons touché que quelques - unes des propriétés connues de ce reptile; mais combien y en a - t - il, qui nous sont inconnues? Combien de faits qui la concernent, qui méritent d'être approfondis? Tel est, par exemple, celui de sa génération; s'il y a des salamandres vivipares, n'y en auroit - il pas aussi d'ovipares? Des physiciens ont trouvé des petits formés dans leurs corps; d'autres disent avoir vu des salamandres frayer à la maniere des poissons.

La salamandre a fourni de nouveaux termes inintelligibles à la science hermétique. Au reste, il n'étoit guere possible que la célébrité de cet animal ne vînt à fournir des termes au langage des alchimistes & des chimistes, & c'est ce qui est arrivé. Ainsi, dans la philosophie hermétique, la salamandre qui est conçue & qui vit dans le feu, dénote ou le soufre incombustible, ou la pierre parfaite au rouge, qui sont autant de mots inintelligibles. En chimie, le sang de la salamandre, désigne les vapeurs rouges, qui, dans la distillation de l'esprit de nitre, remplissent le récipient de nuées rouges; ce sont les parties les plus fixes & le plus fortes de l'esprit; mais ce terme offre une chimere; car le nitre ne donne point de vapeurs dans la distillation.

Elle n'a point de vertus médicinales. Entre les médecins qui se sont imaginés que la salamandre n'étoit pas sans quelque vertu médicinale, les uns l'ont mise au nombre des dépilatoires en l'appliquant extérieurement. Les autres ont recommandé ses cendres pour la cure des ulceres scrophuleux, en en saupoudrant les parties malades. D'autres encore en ont vanté la poudre, pour faciliter l'évulsion des dents; mais il est inutile de faire une liste de puérilités.

Autears. Ce n'est pas Aldrovandi, Gesner, Rondelet, Charlton, Jonston, &c. qu'il faut lire sur la salamandre; c'est Wurfsbainius (Jok Pauli) salamandrologia, Norib. 1683. in - 4°. avec figures, & mieux encore les mémoires de MM. de Maupertuis & du Fay, quisont dans le recueil de l'acad. des Sciences, an -

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