ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"512"> gnée répétée jusqu'à vingt fois, fût le remede des inflammations; & vous verrez qu'il est un grand nombre de pleurésies & de péripneumonies, (maladies qui exigent plus que toutes les autres la saignée) dans lesquelles elle est nuisible. Vous apprendrez par - tout que, la pléthore & le tems de l'irritation passés, on doit fuir toute perte de sang comme le poison le plus dangereux, qu'elle trouble la coction, qu'elle empêche la dépuration, & qu'elle est propre à jetter les malades dans des foiblesses & des récidives, dont la convalescence la plus longue aura peine à les tirer. Consultez les inflammations extérieures (leur marche peut plus aisément être suivie) & vous verrez si les dartres, la galle, la petite vérole, le pourpre, la rage, les bubons pestilentiels, les ulceres, les plaies enflammées peuvent être guéris par la seule saignée; si elle n'aggrave pas ces maux, sur - tout lorsqu'ils portent un caractere gangréneux. Vous verrez si la nature n'en est pas le véritable médecin; & l'excrétion d'une petite portion de matiere viciée & élaborée, le remede. Vous verrez en même tems quels maux étranges peut produire la saignée en arrêtant la suppuration, en donnant lieu à des métastases, des rentrées du pus; & vous serez convaincu de ces deux vérités, que toutes inflammations n'exigent pas la saignée, & que celles même qui l'indiquent, ne l'indiquent jamais dans tout leur cours. Mais dans les inflammations simples & graves, où il n'y a aucun vice particulier gangréneux, &c. où le malade jouit de toutes ses forces, la saignée faite dans le principe de la maladie, est le plus puissant remede qui soit au pouvoir de la Médecine, & l'ancre dont un homme sage ne doit pas s'écarter.

En effet, dans ces in flammations, on trouve en même tems la pléthore & la consistence in flammatoire du sang, on trouve un resserrement spasmodique de tous les vaisseaux, un embarras général dans la circulation par la résistance que le sang oppose au coeur, particulier par l'engorgement, l'arrêt du sang épaissi dans les vaisseaux capillaires de la partie affectée, collé fortement contre leurs parois, & interdisant la circulation dans les plus ténus. Or, le vrai remede de tous ces maux est l'évacuation & la spoliation de ce sang qui, devenu plus aqueux, moins abondant, qui poussé plus fiéquemment, avec plus de vélocité, détruira, entraînera avec le tems & l'action oscillatoire des vaisseaux sanguins ce fluide épais, collé contre des parois, qui peut - être n'auroit pû, sans ces secours, se dissiper que par la suppuration, ou qui interrompant entierement le cours du sang & de tous les autres fluides, auroit fait tomber la partie dans une gangrene mortelle, si le siege de la maladie eût été un viscere. La saignée concourra alors à procurer la résolution, cette heureuse terminaison des tumeurs inflammatoires qu'on doit hâter par les autres moyens connus. Nous verrons dans les articles suivans quelle est la quantité de sang qu'on doit tirer, dans quel tems, &c.

Nous avons avancé que les hémorrhagies, la vivacité des douleurs, les convulsions, le délire, l'excès de chaleur, une fievre trop forte n'étoient point par eux - mêmes des indications suffisanses pour la saignée; parce que chacun de ces maux avoit des spécifiques contraires à sa nature. Retraçons - nous les effets de la saignée dans ces différens cas, pour nous en convaincre.

L'hémorrhagie est critique, ou symptomatique. Critique, elle ne doit être arrêtée par aucun moyen, elle ne doit être détournée par aucune voie; la saignée ne sçauroit donc lui convenir. Symptomatique, elle est l'effet de la pléthore, de la dissolution du sang, de la foiblesse ou de la rupture des vaisseaux. Dans le premier cas, on n'hésitera pas de saigner; mais ce sera à raison de la plethore, & non point de l'hémorrhagie. Dans les autres, on portera du secours par les astringens, les roborans, les topiques répercussifs, absorbans, tous tres - différens de la saignée. La défaillance que procure une saignée faite par une large ouverture, tacilite à la vérité quelquefois la formation du ca liot qui doit fermer l'orifice des vaisseaux rompus ou dilatés; mais si la prudence ne tient pas les rênes, si elle n'est pas éclairée par la raison, on en hate les progres par la dislolution du sang que cause la spoliation.

Les douleurs modérées sont souvent un remede, quoique trisie au mal. Telle est la theorie reçue dans la goutte, qui a passé en proverbe, telle elle doit être dans toutes les maladies: car tout se meut par les mêmes principes dans l'economie animale, Si elles sont immodéres, elles demandent l'usage des relâchans, des anodins & des narcotiques l'a saignée procurera bien un relâchement, si on la pratique; mais lorsque nous avons sans cesse sous la main des remedes qui peuvent produire un effet plus sûr, plus durable, plus salutaire, plus local, qui n'emporte avec lui aucun des inconvéniens de la saignée, pourquoi n'y aurions - nous pas recours préférablement? Nous disons de même des convulsions & du delire, en en appellant toujours sur ces objets, à l'expérience de tous les vrais praticians.

L'exces de chaleur trouvera bien plus de soulagement, s'il n'y a ni plethore, ni inflammation, dans les rafraîchissans acidules, aqueux, dans les bains généraux ou particuliers, le renouvellement de l'air, les vapeurs aqueuses végetales, l'évaporation de l'eau, le froid réel, l'éloignement de la cause, que dans une saignée qui, comme nous l'avons déja prouvé, entraîne avec elle tant d'inconvéniens.

Si la saignée peut changer les fievres intermittentes en continues, par la vélocité que le sang aceuiert après qu'elle a été faite, en conséquence de l'augmentation des forces réspectives du coeur; on sent déja qu'il n'est qu'une saignée jusqu'à défaillance qui puisse faire tomber la fievre, qui se renouvellera même bientôt; on sent aisément tous les maux que de semblables saignées peuvent causer; abstenons - nous en donc, jusqu'à ce que nous ne trouvions dans les remedes proposés contre l'excès de chaleur, aucune ressource suffisante, ou que nous ayons reconnu la pléthore & l'inflammation. S'il restoit encore quelque scrupule sur cet objet, nous demandons qu'on examine combien de médecins trompés par la regle qu'il faut saigner dans les fievres véhémentes, ont fait saigner leurs malades dans le paroxisme qui devoit terminer leur vie, lorsque la nature faisoit ses derniers efforts, & en hâtant leur foiblesse, en ont accéléré le terme fatal.

Après avoir parcouru les cas où on peut, où on doit s'abstenir de la saignée, passons à ceux où elle est si nuisible, qu'elle est souvent mortelle.

Contre - indication de la saignée. Si la saignée est indiquée dans la pléthore, & la consistence inflammatoire du sang, il est évident qu'elle doit être défendue dans les cas opposés, lorsque les forces sont abattues, comme après de longs travaux de corps ou d'esprit, un usage immoderé du mariage, lorsque le sang est dissous, & la partie rouge dans une petite proportion avec la sérosité. C'est ainsi que l'âge trop ou trop peu avancé, les tempéramens bilieux ou phlegmatiques, la longueur de la maladie, la cachexie, l'oedeme & toutes les hydropisies, les hémorrhagies qui ont précédé, les évacuations critiques quelconques, & toutes celles qui sont trop abondantes, les vices gangréneux, sont des contre - indications pour la saignée.

Lorsqu'on admet un usage immoderé de ce remede dans la plûpart des maladies, on est forcé d'établir une longue suite de contre - indications pour en [p. 513] empêcher les tristes effets dans un grand nombre de cas; mais lorsqu'on la réduit dans ses vraies bornes, on se trouve bien moins embarrassé par cette combinaison de causes & d'effets, d'indications & de contre - indications, qu'il est bien difficile d'apprétier.

La modération dans l'usage des remedes, la crainte de tomber dans un abus trop commun, la confiance dans les efforts de la nature, feront que, indépendament des contre - indications, si le mal est leger, si on peut raisonnablement compter que la nature sera victorieuse, on la laissera agir, on exercera du moins le grand art de l'expectation, en se bornant aux soins & au régime, pour ne pas faire du mal, dans la fureur de vouloir agir, lorsqu'on devroit n'être que spectateur.

Tems de faire la saignée. Nous avons rejetté toutes les saignées prophylactiques, ainsi nous n'avons aucun égard aux phases de la lune, ni même au cours du soleil, pour conseiller des saignées toujours nuisibles, lorsqu'il n'y a pas dans le mal une raison suffilante pour le faire; lorsqu'il y a pléthore sans fievre, le tems le plus propre pour la saignée, est le plus prochain, en ayant cependant le soin d'attendre que la digestion du repas précédent soit faite. Mais dans les fievres aiguës avec pléthore, ou dans les inflammatoires qui exigent la saignée, nous devons examiner dans quel jour de la maladie, son commencement, son milieu, ou sa fin, à quelle heure du jour, avant, pendant, ou après le paroxysme & l'accès, il est plus avantageux de faire la saignée.

Le tems de l'irritation, qui est celui de l'accroissement de la maladie, est le seul où la saignée doive être pratiquée; alors les efforts de la nature peuvent être extremes, les forces du malade n'ont point été épuisées par l'abstinence, les évacuations & la maladie; la circulation se fait avec force, les vaisseaux resserrés gênent le sang de toutes parts, la consistance inflammatoire, si elle existe, & l'obstacle, croissent; la suppuration se fait craindre, & la resolution peut être hâtée. S'il y a pléthore, on doit appréhender les hémorrhagies symptomatiques, la ruptuve des vaisseaux, les épanchemens sanguins, ce sont ces momens qu'il faut saisir; mais lorsque la maladie est dans son état, que la coction s'opere, (car quoique la nature commence à la faire dès le principe de là maladie, il est un tems où elle la fait avec plus de rapidité) elle ne convient plus: l'inflammation ne peut être resoute alors que par une coction purulente, qui seroit troublée par la saignée; dans le tems du déclin ou de la dépuration, ôter du sang, ce seroit détruire le peu de forces qui restent, ce seroit donner lieu à des métastases, ou tout au moins empêcher que cette matiere nuisible, préparée pour l'évacuation, soit évacuée; ce seroit troubler des fonctions qu'il est important de conserver dans toutes leur intégrité; ces maximes sont si vraies, les médecins les ont de tout tems tellement connues, que si quelqu'un d'eux s'est conduit différemment, aucun n'a osé le publier comme principe; la seule difficulté a roulé sur la fixation des jours où s'opéroit la coction; les uns ont cru la voir commencer au quatrieme, & ont interdit les saignées après le troisieme; les autres ont été plus loin, mais aucun n'a passé le dixieme ou le douzieme. Il est mal aisé de fixer un terme précis, dans des maladies qui sont de natures si différentes, dont les symptomes & les circonstances sont si variés, qui suivent leur cours dans un tems plus ou moins long; on sent aisément que plus la maladie est aiguë, plus le tems de l'irritation est court, plus on doit se hâter de faire les saignées nécessaires, plutôt on doit s'arrêter; c'est au médecin à prévoir sa durée. Nous pouvons ajouter que ce tems expire communément dans les fievres pro<cb-> prement dites & les inflammations au cinquieme jour; mais nous répeterons sans cesse que le tems qui précede la coction, ou l'état de la maladie, est celui où on doit borner la saignée.

Les paroxysmes ou les acces ayant toujours été considerés par les médecins, comme des branches de la maladie, qui semblables au tronc, ont comme lui un cours régulier, un accroissement, un état & un déclin; ce que nous avons dit de l'un, doit s'étendre aux autres; c'est après le frisson, lorsque la fievre est dans son plus grand feu, qu'on doit saigner.

L'interdiction de la saignée dans le frisson, nous conduit à remarquer qu'on tomberoit précisément dans la même faute, si on saignoit dans le principe de la maladie, des inflammations, avant que la nature soit soulevée & ses premiers efforts développés.

Choix du vaisseau. L'histoire de la saignée nous a presenté sur le choix des vaisseaux, une multitude de sentimens si opposés, que quoiqu'on puisse en général les réduire à trois, les révulseurs, les locaux, & les indifférens, il est peu d'auteurs qui n'ayent apporté quelques modifications à ces systèmes. Appliquons à l'usage de la saignée, les maximes que nous avons établies en parlant de ses effets.

La pléthore est générale ou particuliere; générale, elle suppose une égalité dans le cours de la circulation, un équilibre entre les vaisseaux & le sang, qui sera détruit si on ouvre une veine, pendant tout le tems que le sang coulera, mais qui se rétablira bientôt lorsque le vaisseau sera fermé; tous les révulseurs conviennent de ce principe avec les indifférens & les locaux; il est donc égal, dans ce cas, d'ouvrir la veine du bras, du pié, du col, &c. avec ou sans ligature: il n'est qu'une regle à observer, c'est d'ouvrir la veine la plus grosse & la plus facile à piquer; la plus grosse, parce qu'en fournissant dans un même espace de tems, une plus grande quantite de sang, elle produira avec une moindre perte, l'effet souvent desiré, de causer une légere défaillance.

Mais lorsque la pléthore est particuliere, il en est tout différemment, & nous nous hâtons en ce cas, de nous ranger du parti des locaux. Pour concevoir la pléthore particuliere, il faut connoître ou se rappeller qu'il peut se former dans les veines d'une partie, ou dans les artérioles, des obstacles au cours de la circulation, qui seront l'effet d'une contraction spasmodique de ces vaisseaux, ou des parties voisines, d'une compression extérieure ou interne, d'un épaississement inflammatoire particulier du sang, ou des autres humeurs; d'un séjour trop long du sang accumulé dans une partie relâchée, dans une suite de petits sacs variqueux, qui circulant plus lentement, s'épaissira, se collera contre les parois des vaisseaux, ce qui forme une pléthore particuliere, dont l'existence est démontrée par l'évacuation périodique des semmes, par les hémorrhagies critiques, certaines douleurs fixes, les hémorrhoïdes, les inflammations, les épanchemens, &c.

Dans tous ces cas la saignee doit être faite dans le siege du mal, ou du moins aussi près qu'il est possible, pour imiter la nature dans ses hémorrhagies critiques, & pour se conformer aux lois de mouvement les plus simples; c'est ainsi qu'on ouvre les hémorrhoïdes, & les varices quelconques, qu'on scarifie les yeux enflammés & les plaies engorgées, qu'on saigne au - dessous d'une compression forte qui est la cause d'un engorgement, qu'on ouvre les veines jugulaires dans plusieurs maladies de la tête avec succès, & qu'on éprouve continuellement par ces saignées locales des effets avantageux. Qui ne riroit d'un médecin qui ouvriroit la basilique pour guérir des tumeurs hémorrhoïdales extérieures enflammées? Ici l'expérience vient constamment à l'appui de la rai<pb->

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