ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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RUSE (Page 14:440)

RUSE, s. f. (Gram.) adresse, art, finesse, moyen subtil, dont on use pour en imposer aux autres. Seul, il se prend toujours en mauvaise part; il ne faut point avoir de ruses; la ruse est d'un caractere faux & d'un petit esprit. On dit qu'il y a des ruses innocentes, l'y consens; mais je n'en veux avoir ni de celles - là, ni d'autres: on dit rusé & ruser.

Ruses militaires (Page 14:440)

Ruses militaires, (Art milit.) ce sont, à la guerre, des différens moyens qu'on emploie pour tromper & surprendre l'ennemi. Les ruses militaires se nomment ordinairement stratagêmes. Voyez ce mot.

Suivant Thucydide, la plus belle de toutes les louanges qu'on peut donner à un général d'armée, est celle qui s'acquiert par la ruse & le stratagême.

Les Grecs étoient grands maîtres dans cet art: c'est plutôt une science, car l'art de tromper finement à la guerre, peut être très - aisément réduit en principes & en méthode. On y excelle infiniment plus par l'acquis que par le naturel, puisqu'en effet la guerre est la science des tromperies.... Plutarque dit qu'à Lacédémone on mettoitune grande différence entre ceux qui surmontoient leurs ennemis par la ruse, & ceux qui les vainquoient par la force ouverte, & que les premiers immoloient une plus grande victime.

Homere, qui est le conseiller des gens de guerre, dit qu'il faut faire du pis que l'on peut à son ennemi, & que la tromperie de quelque espece qu'elle puisse être, est toujours permise. Il paroit assez que Grotius est de cet avis, dans son excellent ouvrage, de jure pacis & belli, que bien peu de gens de guerre lisent. Il rapporte un grand nombre d'autorités respectables & très - favorables aux ruses & fourbes militaires. Tout leur est permis, jusqu'au mensonge. Il cite bon nombre de théologiens & quelques saints, entre autres saint Chrysostome, qui dit que les empereurs qui avoient usé de surprise, de ruse & d'artifice pour réussit dans leurs desseins, étoient très - louables. Il a raison, puisque l'Ecriture est toute remplie de stratagêmes & de ruses militaires.

La victoire qui s'acquiert par la force & par la supériorité du nombre, est ordinairement l'ouvrage du soldat, plutôt que celui du général; mais celle qu'on remporte par la ruse & par l'adresse est uniquement dûe à celui - ci. L'une & l'autre sont la ressource des petites armées contre les grandes; & toutes les deux la pierre de touche de la valeur & de l'intelligence. Cette ressource ne peut être que dans l'esprit & dans le coeur. L'un se trouve toujours tranquille, & toujours présent dans les plus grands périls; il faut avoir l'autre bien haut & bien ferme pour soutenir & affronter un ennemi puissant & redoutable.

Un général qui se met à la tête d'une armée étonnée par les défaites précédentes, qui n'offre presque que de nouveaux soldats à la place des vieux qui ont péri dans les batailles, qui les expose contre de viellles troupes accoutumées à vaincre, & qui rend tous les desseins de l'ennemi inutiles, par la force de son esprit & par l'artifice de ses mouvemens; un genéral, dis - je, tel que celui - ci, est un homme du premier ordre, de la plus haute volée, & il a un courage au - dessus de tous les autres, & digne d'être admire.....

Celui qui compte sur le grand nombre de ses troupes & sur leur courage, n'a pas besoin de ruses contre un ennemi qui n'a qu'une petite armée à lui opposer. Il laisse faire au nombre; il lui suffit de lâcher la détente & le coup part, il est assuré de l'effet par ses troupes. Les victoires de la plupart des conquérans, d'un Attila, d'un Gengiscan, d'un Timurbec, ont été le prix de leur nombre; mais celles d'Annibal furent celui de la ruse & de la sagesse audacieuse de ce grand homme. Je conclus de tout ceci, dit M. de Folard, que nous n'avons fait que copier depuis le commencement de cet article, que tout général qui n'est pas rusé, est un pauvre général.

Comme l'art de ruser ne peut s'apprendre par la pratique, par la routine, qu'il faut lire & étudier, non - seulement ce que Polyen & Frontin ont écrit sur ce sujet, mais encore tout ce que les historiens nous ont transmis des ruses des grands capitaines, il n'est pas étonnant de trouver peu de généraux assez habiles dans cette matiere pour en faire un usage fréquent. Il faut de plus un esprit vif & intelligent, qui saisisse le moment d'employer les ruses, qui sache les varier suivant les circonstances; & c'est ce qui ne se rencontre pas fréquemment. M. de Folard, qui nous fournit presque toute la matiere de cet article, observe que les anciens s'appliquoient beaucoup à la lecture des ouvrages qui traitent des ruses ou des stratagêmes militaires; lecture qui lui paroit plus nécescessaire à un général qu'à tout autre: car outre, ditil, qu'elle est très - amusante, & encore plus instructive, l'ignorance où l'on est là - dessus, fait que l'on est toujours nouveau contre la ruse & le stratagême; & lorsqu'on ne les ignore point, on apprend à les rendre inutiles, ou à les mettre en usage dans l'occasion. Ce qu'il y a de bien surprenant, c'est qu'ils ont toujours leur effet, & que l'on donne toujours tout autravers, quoiqu'il y en ait un très - grand nombre qui [p. 441] aient été pratiqués mille fois. Enfin la guerre, dit le célebre commentateur de Polybe, est l'art de ruser & de tromper finement par principes & par méthode. Celui qui excelle le plus dans cet art, est sans doute le plus habile; mais chacun ruse selon la portée de son esprit & de ses connoissances. Deux généraux médiocres se tromperont réciproquement tous les deux comme deux enfans; deux habiles comme des hommes faits; ils mettront en oeuvre tout ce que la guerre a de plus subtil, de plus grand, & de plus merveilleux. Voyez Surprises. (Q)

Ruse (Page 14:441)

Ruse, le bout de la ruse, (Vénerie.) il se dit lorsqu'on trouve au bout du retour qu'a fait une bête, que ses voyes sont simples, qu'elle s'en va, & qu'elle perce.

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