ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"407"> semblable à de la terre ou à de l'ochre; c'est cet enduit que l'on nomme roullte.

Pour comprendre la formation de la rouille, on n'a qu'à faire attention aux propriétés de l'air; de l'aveu de tous les Chimistes, il est chargé de l'acide vitriolique, qui est de tous les acides celui qui a le plus de disposition à s'unir avec le fer; de l'union de cet acide avec ce métal, il résulte un sel neutre, connu sous le nom de vîtriol. Voyez Vitriol. Ce sel se décompose à l'air, & alors il s'en dégage une terre ferrugineuse brune ou rougeâtre, qui n'est autre chose que de l'ochre ou de la rouille; d'où l'on voit que la rouille est la terre qui servoit de base au fer privée du phlogistique; ce principe est si foiblement combiné dans le fer, que l'eau suffit pour l'en dégager.

On a tenté différens moyens pour prévenir la rouille; mais il ne paroît pas qu'ils ayent eu le succès que l'on desiroit; ces remedes n'ont été que momentanés, & lorsque les substances dont on avoit couvert le fer sont évaporées, l'air reprend son activité sur ce métal. Les huiles, les peintures, les vernis, sont les seuls moyens de garantir le fer de la rouille, sur - tout si l'on a soin de les renouveller de tems à autres; du - moins ces substances empêchent la rouille de se montrer; car dans le vrai elles contiennent de l'eau & de l'acide qui doivent nécessairement agir sur le fer par - dessous, & y former de la rouille.

L'enduit verd qui se forme sur le cuivre, & qui est connu sous le nom de verd - de - gris, peut aussi être regardé comme une espece de rouille.

Rouille (Page 14:407)

Rouille la, (Arts.) un grand inconvénient du fer pour les usages de la vie, c'est la rouille, qui n'est pas moins que la dissolution de ses parties par l'humidité des sels acides de l'air; l'acier y est aussi sujet, mais plus lentement. Il seroit très - utile pour les Arts d'avoir des moyens qui empêchassent ce métal d'être si susceptible de cet accident. On ne sait jusqu'à ce jour d'autre secret pour l'en préserver, autant qu'il est possible, que celui de le frotter d'huile ou de graisse: voici la recette d'un onguent propre à cet usage, imaginé par M. Homberg, & qu'on peut conseiller aux Chirurgiens pour la conservation de leurs instrumens.

Il faut prendre huit livres de graisse de povc, quatre onces de camphre, les faire fondre ensemble, y mêler du crayon en poudre une assez grande quantité pour donner à ce mélange une couleur noirâtre, faire chauffer les instrumens de fer ou d'acier qu'on desire préserver de la rouillure, ensuite les frotter, & les oindre de cet onguent.

Le fer est de tous les métaux celui qui s'altere le plus facilement: il se change tout en rouille, à - moins qu'on ne le préserve des sels de l'air par la peinture, le vernis, l'étamage. Il donne prise aux dissolvans les plus foibles; puitque l'eau même l'attaque avec succès. Quelquefois une humidité legere & de peu de durée, suffit pour défigurer, & pour transformer en rouille les premieres couches des ouvrages les mieux polis. Aussi pour défendre ceux qui par leur destination, sont trop exposés aux impressions de l'eau, at - on cherché à les revêtir de divers enduits; on peint à l'huile, on dore les plus précieux, on en bronze quelques - uns; on a imaginé de recouvrir les plus communs d'une couche d'etain. Autrefois nos serruriers étoient dans l'usage d'étamer les verroux, les targettes, les serrures, les marteaux de porte; & c'est ce qu'on pratique encore dans quelques pays étrangers. Journellement les Eperonniers étament les branches & les mords des brides. Enfin, on étame des feuilles de fer, & ces feuilles étamées sont ce que nous appellons du fer - blanc.

M. Ellys rapporte dans son voyage de la baye d'Hudson, que les métaux sont moins sujets dans cer<cb-> tains climats très - froids à se rouiller que dans d'autres. Cette observation qui paroît d'abord peu importante, mérite néanmoins l'attention des Physiciens; car s'il est vrai qu'il y a une grande différence pour la rouille des métaux dans différens climats, on pourra alors se servir de cette différence, comme d'une indication pour les qualités similaires ou dissimilaires de l'air dans ces mêmes pays, & cette connoissance pourroit être utilement appliquée en plusieurs occasions.

Le sieur Richard Ligon qui a compilé une relation de l'île de Barbade, il y a plus d'un siecle, rapporte que l'humidité de l'air y étoit de son tems si considérable, qu'elle faisoit rouiller dans un instant les couteaux, les clés, les aiguilles, les épées, &c. Car, ditil, passez votre couteau sur une meule, & ôtez - en toute la rouille; remettez - le dans son fourreau, & ainsi dans votre poche; tirez - le un moment après, & vous verrez qu'il aura commencé à se couvrir de tous côtés de nouvelle rouille; que si vous l'y laissez pendant quelque tems, elle pénétrera dans l'acier, & rongera la lame. Il ajoute encore que les serrures qu'on laisse en repos se rouillent tout - à - fait au point de ne pouvoir plus servir, & que les horloges & les montres n'y vont jamais bien à cause de la rouille qui les attaque en dedans, & qui est un effet de l'humidité extraordinaire de l'air de ce pays. Il remarque aussi qu'avant leur arrivée dans cette île, ils observerent déja ces mêmes effets sur mer pendant quatre ou cinq jours, qu'ils eurent un tems extrèmement humide, dont il donne une description très - exacte, en prouvant par cela même que la cause de la rouille des métaux doit être attribuée entierement à l'humidité de l'air.

On peut dire que c'est un sentiment assez universellement reçu, que l'humidité fait rouiller les métaux; & il est certain que cette relation de Ligon doit avoir paru à tous ceux qui l'ont lue, une preuve incontestable de cette opinion reçue: par la raison contraire, dans les pays qui environnent la baie de Hudson, les métaux y sont moins susceptibles de rouille que par - tout ailleurs; on observe la même chose en Russie, & sans doute que la sécheresse de l'air de ce pays en est la cause. Cependant, quoique les métaux se rouillent dans l'île de Barbade par l'humidité de l'air, & qu'ils sont préservés de la rouille en Russie par la sécheresse de cet élément, on peut douter que l'idée générale de l'humidité soit seule suffisante pour rendre raison de tous les phénomenes qui accompagnent ordinairement la rouille. Il est très - certain que l'air des pays qui environnent la baie d'Hudson, est plutôt humide que sec; car les brouillards continuels qui y regnent sont plus que suffisans, pour prouver que l'air y doit être humide dans un degré très considérable; & toutesfois les métaux ne s'y rouillent pas comme dans d'autres endroits. Ne pourroit - on pas conclure de - là, que l'humidité seule n'est pas la cause de la rouille, quoiqu'il soit vrai d'un autre côté que celle - ci ne se trouve jamais, ou que rarement, sans humidité?

En examinant avec attention la rouille, on trouve que c'est une solution des particules superficielles du métal, sur lequel elle se forme causée par quelque dissolvant fluide: mais il ne s'ensuit pas de - là, que tous les fluides indifféremment puissent causer de la rouille, ou ce qui revient au même, ronger & dissoudre les particules superficielles du métal: nous savons, par exemple, que l'huile, loin d'avoir cette propriété, sert plutôt à conserver les métaux contre la rouille. Or, en réfléchissant davantage sur ce sujet, & en examinant d'où vient que l'huile, & généralement toute sorte d'onguent & de graisse, fait cet effet sur les métaux; on est porté à penser que l'huile conserve les métaux en les garantissant contre certaines [p. 408] particules contenues dans les fluides aqueux qui causent précisément la rouille, & que ces particules ne sont autre chose que des sels acides.

Ce sentiment paroît d'autant plus vraissemblable, qu'il est certain que les solutions de tous les métaux se font par les dissolvans acides, comme nous le voyons confirmé tous les jours, par la maniere ordinaire de faire du blanc de plomb, qui n'est autre chose qu'une rouille, ou solution de ce métal, causée par le vinaigre. Nous apprenons par - là que l'huile conserve les métaux, par la qualité connue qu'elle a d'envelopper les sels acides. Il paroitroit donc que ce n'est pas proprement l'humidité, mais plutôt un certain dissolvant fluide, répandu dans l'air qui cause la rouille; car quoique l'air soit un fluide, & qu'il agisse souvent sur la surface des métaux, en les faisant rouiller, nous ne devons pas croire qu'il agit ainsi simplement comme fluide, puisqu'en ce cas l'air devroit causer par - tout le même effet; & les métaux devroient se rouiller en Russie, aussi - bien que par - tout ailleurs proche la ligne équinoxiale. L'air ne peut pas non plus produire cet effet comme étant chargé de particules aqueuses, quoiqu'on le croie communément. Si cela étoit, l'air humide devroit causer le même effet dans la baie de Hudson, que sur les côtes de l'île de Barbade. Disons donc plutôt que lorsque les particules aqueuses, qui flottent dans l'air, sont chargées de sels acides, elles causent alors la rouille, & non autrement.

Nous voyons par - là, que les métaux deviennent à cet égard, une espece d'essai ou d'épreuve, pour la qualité de l'air, puisque par l'action que l'air fait sur eux, ils font connoitre s'il est chargé de certains sels ou non. Il est encore possible que la chaleur de l'air agisse en quelque façon sur les métaux, principalement sur leurs surfaces, en ouvrant leurs pores, & en les disposant par - la à admettre une plus grande quantité de cet esprit acide de sel élevé dans l'atmosphere par la force des rayons du soleil. (Le chevalier de Jaucourt.)

Rouille (Page 14:408)

Rouille du froment, (Agricult.) la rouille est une maladie qui attaque les feuilles & les tiges du froment. Elle se manifeste par une substance de couleur de fer rouillé, ou de gomme - gutte; elle couvre les feuilles & les tignes des fromens dans la plus grande force de leur végétation.

Cette substance est peu adhérente aux feuilles, puisqu'on a souvent vu des épagneuls blancs sortir leurs poils tout chargés de poussiere rouge, quand ils avoient parcouru un champ de froment attaqué de cette maladie.

De plus, il est d'expérience que quand il survient une pluie abondante, qui lave les fromens qui en sont attaqués, la rouille est presqu'entierement dissipée, & les grains en souffrent peu. Il n'est pas douteux que c'est la couleur de cette poussiere dont les feuilles se trouvent chargées, qui a déterminé les Agriculteurs à donner le nom de rouille à cette maladie; & c'est peut - être celle que les anciens ont connue sous le nom de rubigo.

On l'attribue ordinairement, & mal - à - propos, aux brouillards secs qui surviennent quand les fromens sont dans la plus grande force de leur végétation. Cette erreur vient de ce qu'on a remarqué que quand un soleil chaud succédoit à ces brouillards secs, il arrivoit quelques jours après que les fromens étoient devenus rouillés. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette maladie est extrèmement fâcheuse, puisque les fromens de la plus grande beauté sont tout - à - coup réduits presque à rien par cet accident imprévu.

Si la rouille attaque les fromens encore jeunes, & avant qu'ils aient poussé leurs tuyaux, le dommage est médiocre; pourvû néanmoins qu'il survienne un tems propre à la végétation. Dans ces circonstances, les piés sont seulement affoiblis, comme si on en avoit coupé, ou fait paitre les feuilles. Ces piés font de nouvelles productions, & ils donnent des épis; la paille en est seulement plus courte, & les épis moins gros. Mais si la rouille attaque & les feuilles & les tuyaux, alors la végétation du froment est arrêtée, & le grain ne profite presque plus; en sorte qu'il en résulte un très - grand dommage pour la moisson.

Cette triste maladie a été décrite par M. du Tillet. Ce laborieux observateur en attribue la cause à l'âcreté des brouillards, qui brisent le tissu des feuilles & des tuyaux, & qui occasionnent par - là l'extravasation d'un suc gras & oléagineux, lequel en se desséchant peu - à - peu, se convertit en une poussiere rouge - orangé. Il a examiné, dit - il, avec une forte loupe plusieurs piés de froment, dont les tiges & les feuilles étoient chargées de rouille, & il a vu distinctement que dans les endroits où étoit cette poussiere rouge, il y avoit de petites crevasses, & que l'épiderme de la plante étoit entr'ouverte d'espace en espace. Il a observé que ce suc réduit en poussiere rougeâtre, sortoit d'entre ces petites ouvertures, au - dessus desquelles on voyoit de légers fragmens d'épiderme, qui recouvroient imparfaitement les petites crevasses.

Il appuie son sentiment par l'extravasation du suc nourricier de plusieurs arbres, par exemple, des noyers, de la manne de Calabre, qui est un suc extravasé des feuilles d'une espece de frène; enfin par ce que M. de Muschenbroeck rapporte dans ses Essais de Physique, des sucs épais & oléagineux qui sortent des vaisseaux excrétoires des feuilles, & qui s'arrêtent à leur surface avec la même consistance que le miel.

M. du Tillet rapporte plusieurs observations qui tendent à démontrer combien se trompent ceux qui croient que les brouillards sont un agent extérieur qui altere les grains. Il ne doute pas que la rouille des blés ne soit la suite d'une maladie dont le principe n'est pas encore assez bien connu.

Ceux - là se trompent encore, qui croient que la rouille, & la poussiere farineuse qu'on apperçoit sur plusieurs plantes, sont des amas d'oeufs que des insectes y ont déposés, & dont il sort une nombreuse famille funeste aux végétaux. En adoptant avec l'auteur, pour cause de ces maladies l'extravasation des sucs nourriciers, on appercevra que la rouille, la roseé mielleuse, la rosée farineuse, & ces matieres grasses qu'on apperçoit sur les plantes graminées, dépendent de la qualité d'un suc concentré dans les plantes par l'évaporation, & qui se convertit tantôt en une poussiere impalpable, & tantôt en cette substance épaisse que l'on voit être de couleur rouge sur les feves de marais, rougeâtre sur les plantes graminées, verdâtre sur le prunier, jaunâtre sur le frêne, blanche sur le mélèse, &c.

Quoique ces remarques laissent bien des choses à desirer, elles peuvent néanmoins engager les Physiciens à s'exercer sur un objet aussi utile au public. M. Lullen de Châteauvieux, qui a fait tant de belles expériences sur la culture des terres, n'a pas dédaigné de communiquer au public d'excellentes observations sur la rouille, qui m'ont paru dignes d'entrer dans cet ouvrage.

Il soupçonne que cette maladie des blés provient d'une extravasation de la seve, d'autant que la végétation de la plante se trouve arrêtée, & que l'agrandissement des feuilles, l'allongement des tuyaux, & la croissance des épis sont suspendus: or comme la seve existe dans la plante, il faut qu'elle deviennê quelqu'autre substance; & peut - être se convertitelle en cette poudre rouge - orangée, qui paroît le produit d'une véritable végétation, qui croît & qui

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