ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"87"> ges imaginaires que la Grece citoit, que dans ceux de Rome. Toute religion a ses prodiges: les peres ont toujours vu; les enfans ne voyent rien; mais ils sont persuadés comme s'ils avoient vu. Les premiers Grecs avoient vu les dieux voyager, habiter parmi eux. Tantale les avoit conviés à sa table: quantité de beautés greques les avoient reçus dans leur lit. Laomédon s'étoit servi une année entiere de Neptune & d'Apollon pour bâtir les murs de Troie. Toute la Grece sous le regne d'Erecthée, avoit pu voir Céres cherchant sa fille Proferpine, & enseignant aux hommes l'agriculture. Jamais les Romains n'avoient eu les yeux si perçans; ils disoient que les dieux résidoient toujours dans l'olympe, & que delà, ils gouvernoient le monde sans se faire voir: espérons - nous, dit Cicéron, de rencontrer les dieux dans les rues, dans les places publiques, dans nos maisons? S'ils ne se montrent pas, ils répandent partout leur puissance. Les pontifes n'avoient écrit qu'un petit nombre d'apparitions momentanées, comme celle qui étonna Posthumius dans le combat où il défit les Tarquins; cette autre qui frappa Vatinnius dans la voie salarienne, & celle de Sagra dans le combat des Locriens. Ceux qui les croyoient, les jugeoient très - rares; au lieu que la Grece étoit semée de monumens qui attestoient le commerce fréquent, long, & visible des immortels avec les hommes.

Les yeux d'une nation voyent beaucoup moins quand les imaginations ne s'échauffent pas: celles des Grecs s'enflammerent encore sur les merveilles que les dieux opererent par les héros. Deucalion après un déluge jetta des pierres derriere lui; & ces pierres se rechangerent en hommes pour repeupler la Grece. Hercule sépara deux montagnes, pour ouvrir un passage à l'Océean. Cadmus tua un dragon dont les dents semées dans la terre, produisirent une moisson de soldats. Atlas avoit soutenu le ciel; un peuple impie fut changé en grenouilles, un autre en rocher.

Les fastes de la religion romaine, au lieu de ces sublimes extravagances, nous présentent des voix formées dans les airs, des colomnes de feu qui s'arrêtent sur des légions, des fleuves qui remontent à leur source, des simulacres qui suent, d'autres qui parlent, des spectres ambulans, des pluies de lait de pierres, & de sang; c'est ainsi que les dieux annonçoient aux Romains leur protection ou leur colere. Ces prodiges quoiqu'attestés par les histoires, confirmés par les traditions, consacrés par les monumens, enseignes par les pontifes, sont sans doute aussi faux que les monstrueuses rêveries des Grecs; mais il ne falloit pas tant de fanatisme pour les croire. Concluons qu'en tout, le merveilleux de la religion romaine fut moins fanatique. Il reste une derniere chose à prouver.

Son culte fut plus sage: il consistoit comme dans la Grece en fêtes, en jeux, & en sacrifices. Les fêtes grecques portoient une empreinte d'extravagance qui ne convenoit pas à la sagesse romaine: ce n'étoit pas seulement dans les sombres retraites des oracles; c'étoit au grand jour, au milieu des processions publiques, qu'on voit des enthousiastes dont le regard farouche, les yeux étincelans, le visage enflammé, les cheveux hérissés, la bouche écumante, passoient pour des preuves certaines de l'esprit divin qui les agitoit; & ce dieu ne manquoit pas de parler par leur bouche. On y voyoit de fameux corybantes, qui au bruit des tambours & des tymbales, dansant, tournant rapidement sur eux - mêmes, se faisoient de cruelles plaies pour honorer la mere des dieux. On y entendoit des gémissemens, des lamentations, des cris lugubres; c'étoient des femmes désolées qui pleuroient l'enlevement de Proserpine, ou la mort d'Adonis.

La licence l'emportoit encore sur l'extravagance: qu'on se représente des hommes couverts de peaux de bêtes, un thyrse à la main, couronnés de pampres, échauffés par le vin, courant jour & nuit les villes, les montagnes & les forêts, avec des femmes déguisées de même, & encore plus forcenées: mille voix qui appelloient Bacchus, qu'on vouloit rendre propice par la débauche & la corruption. Croira - ton qu'au milieu de cette pompe impure, on exposoit à la vénération publique des objets qu'on ne sauroit trop voiler; ces phalles monstrueux, qu'ailleurs le libertinage n'auroit pas regardé sans rougir? Et Vénus, comment l'honoroit - on? Amathonte, Cythere, Paphos, Gnide, Idalie, noms célebres par l'obscénité: c'est - là que les filles & les femmes mariées se prostituoient publiquement à la face des autels: celle qui cût conservé un reste de pudeur, auroit mal honoré la déesse.

On célébroit à Rome les mêmes fêtes; mais Denys d'Haly carnasse qui avoit vu les unes & les autres, nous assure que dans les fêtes romaines, quoique les moeurs fussent déja corrompues, il n'y avoit ni lamentations de femmes, ni enthousiasme, ni fureurs corybantiques, ni prostitutions, ni bacchanales. Ces bacchanales s'étoient pourtant glissées à Rome sous le voile du secret & de la nuit: mais le sénat les bannit de la ville, & de toute l'Italie. Le discours du conseil dans l'assemblée du peuple est remarquable: « Vos peres vous ont appris, dit - il, à prier, à honorer des dieux sages, non des dieux qui ensorcelent les esprits par des superstitions étrangeres & abominables; non des dieux qui avec le fouet des furies poussent leurs adorateurs à toutes sortes d'excès ». On vouloit que le culte portât un caractere de décence & d'honnêteté, contre la coutume des Grecs & des Barbares.

S'il falloit se relâcher en faveur des étrangers, on le faisoit avec précaution; on leur permettoit d'honorer Cybèle avec les cérémonies phrygiennes; mais il étoit défendu aux Romains de s'y mêler: & lorsque Rome célébroit cette fête, elle en écartoit toutes les indécences & les vaines superstitions.

Elle reprouvoit également ces assemblées clandestines, ces veilles nocturnes des deux sexes si usitées dans les temples de la Grece Si elle autorisa les mysteres secrets de la bonne déesse, les matrones qui les célébroient n'y souffroient les regards d'aucun homme. L'attentat de Clodius sit horreur. Ces mysteres si anciens, dit Ciceron, qui se célebrent par des mains pures pour la prospérité du peuple romain, ces mysteres consacrés à une déesse dont les hommes ne doivent pas même savoir le nom, ces mysteres enfin dont l'impudence la plus outrée n'osa jamais approcher, Clodius les a violés par sa présence. S'ils devinrent suspects dans la suite, ils ne l'étoient pas alors & encore moins dans leur institution. De tout cela il résulte que les fêtes romaines étoient plus sages que les fêtes grecques.

Les jeux entroient dans les fêtes, ils tenoient à la religion; tels furent dans la Grece les jeux olympiques, les pithiques, les isthmiques, les néméens; & à Rome les capitolins, les megalenses, les apollinaires, & nombre d'autres tous dédiés à quelque divinité: ce n'étoit donc pas des jeux de pur amusement. La lutte, le pugilat, le pancrace, la course à pié, tout cela se faisoit pour honorer les dieux, & pour le salut du peuple. Ce fut une partie du culte; mais il paroît que les Grecs les profanerent beaucoup plus que les Romains. Leurs athletes combattirent & coururent nuds jusqu'à la quinzieme olympiade. Pausanias nous dit que la prêtresse de Cerès avoit une [p. 88] place honorable aux grands jeux, & que l'entrée n'en étoit pas même interdite aux vierges. Quelle apparence en effet qu'on eût voulu exclure la moitié d'une nation de jeux publics approuvés par les dieux? Ce que la religion consacre est ordinairement commun à tous, & paroît toujours bien.

La pudeur réforma chez les Romains les lupercales, qu'on célébroit en l'honneur du dieu Pan. Evandre les avoit apportées de la Grece avec toute leur indécence: des bergers nuds couroient lascivement çà & là, en frappant les spectateurs de leurs fouets. Romulus habilla ses luperques; les peaux des victimes immolées leur formoient des ceintures. Enfin le peuple romain paroît n'avoir franchi les bornes de la pudeur que dans les jeux sloraux: encore en montra - t - il un reste lorsque, sous les yeux de Caton, il n'osa pas demander la nudité des mimes, & Caton se retira pour ne pas troubler la fête.

Les sacrifices faisoient la partie la plus essentielle du culte religieux des Grecs & des Romains. Ce ne fut pas une chose indifférente lorsque les hommes s'aviserent d'égorger des animaux pour honorer la divinité, au - lieu d'offrir simplement les fruits de la terre. Le sang des taureaux fit penser à plus d'un peuple que le sang des hommes seroit encore plus agréable aux dieux. Si cette idée n'avoit saisi que des barbares, nous en serions moins surpris; les Grecs, dont les moeurs étoient si douces, s'y laisserent entraîner. Calchas, si nous en croyons Eschyle, Sophocle & Lucrece, sacrifia Iphigenie en Aulide. Homere n'en convient pas, puisque qu'Agamemnon l'offre en mariage à Achille dix ans après. Mais la coutume impie perça à - travers cette différence de sentimens; & l'histoire nous fournit d'ailleurs des faits qui ne sont pas douteux. Lycaon, roi d'Arcadie, immola un enfant à Jupiter Lycien, & lui en offrit le sang. Le nom de Calliroë est connu: le bras étoit levé, elle expiroit, si l'amoureux sacrificateur, en s'appliquant l'oracle, ne se fût immolé pour elle. Aristodeme enfonça lui - même le couteau sacré dans le coeur de sa fille, pour sauver Messene. Et ce n'est point là de ces fureurs passageres que les siecles ne montrent que rarement. L'Achaïe voyoit couler tous les ans le sang d'un jeune garçon & d'une vierge, pour expier le crime de Menalippus & de Cometho, qui avoient violé le temple de Diane par leurs amours.

Je sais que Lyeurgue & d'autres législateurs abolirent ces sacrifices barbares. Rome n'eut pas la peine de les proscrire, elle n'en offrit jamais. Dire que les Grecs étoient encore bien nouveaux & peu policés lorsqu'ils donnerent dans ces excès de religion, ce n'est pas les justifier: quoi de plus dur & de plus féroce que les Romains sous Romulus? cependant aucune victime humaine ne souilla leurs autels, & la suite de leur histoire n'en fournit point d'exemple: au contraire ils en marquerent une horreur bien décidée, lorsque dans un traité de paix ils exigerent des Carthaginois qu'ils ne sacrifieroient plus leurs enfans à Saturne, selon la coutume qu'ils en avoient reçue des Phéniciens leurs ancêtres.

Néanmoins Lactance & Prudence au iv. siecle, viennent nous dire qu'ils ont vu de ces détestables sacrifices dans l'empire romain. Si c'eût été là une continuation des anciens, Tite - Live, Denys d'Halicarnasse, cet auteur fidele & curieux, qui nous a fait connoître à fond les Romains, enfin tous les autres historiens nous en auroient montré quelque vestige. Mais quand il y auroit eu de ces horribles sacrifices au iv. siecle, il ne seroit pas étonnant que dans une religion qui périssoit avec Rome, on eût introduit des pratiques monstrueuses.

Assurément les dévouemens religieux qui se fai<cb-> soient pour la patrie, ne sont pas du nombre des sacrifices qu'on peut reprocher aux Romains. Un guerrier animé d'un pareil motif, un consul même, après certaines cérémonies, des prieres & des imprécations contre l'ennemi, se jettoit, tête baissée, dans le fort de la mêlée; & s'il n'y succomboit pas, c'étoit un malheur qu'il falloit expier. Ainsi périrent trois Décius, tous trois consuls; ce furent - là des sacrifices volontaires que Rome admiroit, & néanmoins qu'elle n'ordonnoit pas. Si elle enterra quatre ou cinq vestales vivantes dans le cours de sept ou huit siecles, c'étoient des coupables qu'on punissoit, suivant les lois rigoureuses, pour avoir violé leurs engagemens religieux. Rome pensa toujours que le sang des brebis, des boucs & des taureaux suffisoit aux dieux, & que celui des Romains ne devoit se verser que sur un champ de bataille, ou pour venger les lois.

C'est ainsi que Rome, en adoptant la religion grecque, en réforma le culte, le merveilleux, les dogmes & les dieux - mêmes. (D. J.)

Religion chrétienne (Page 14:88)

Religion chrétienne, voyez Christianisme.

J'ajoute seulement que la religion est le lien qui attache l'homme à Dieu, & à l'observation de ses lois, par les sentimens de respect, de soumission & de crainte qu'excitent dans notre esprit les perfections de l'Etre suprème, & la dépendance où nous sommes de lui, comme de notre créateur tout sage & tout bon. La religion chrétienne a en particulier pour objet la felicité d'une autre vie, & fait notre bonheur dans celle - ci. Elle donne à la vertu les plus douces espérances, au vice impénitent de justes allarmes, & au vrai repentir les plus puissantes consolations; mais elle tâche sur - tout d'inspirer aux hommes de l'amour, de la douceur, & de la pitié pour les hommes. (D. J.)

Religion (Page 14:88)

Religion, (Théolog) s'applique aussi à un ordre militaire composé de chevaliers qui vivent sous quelque regle certaine. Voyez Chevalier, Militaire & Ordre.

On dit en ce sens la religion de Malte; les galeres & les vaisseaux, l'étendard de la religion, pour l'ordre de Malte; les galeres, les vaisseaux, l'étendard de l'ordre de Malte. Voyez Malte.

Religion (Page 14:88)

Religion se prend aussi quelquefois pour couvent ou pour ordre monastique. Ainsi l'on dit, il y a des religions d'hommes, c'est - à dire des moines: des religions de femmes, c'est - à - dire des couvens de religieuses. Il s'établit tous les jours de nouvelles religions, c'est - à - dire qu'on institue de nouveaux ordres, ou qu'on bâtit de nouveaux monasteres. Entrer en religion, c'est faire profession dans un couvent. On dit d'un religieux qu'il est mort à l'age de 70 ans, après 50 ans de religion, c'est - à - dire 50 ans après son entrée dans le cloitre. Voyez Moine, Monastere, Religieux, Cloitre .

Le mot de religion pris d'une maniere absolue, dénote en France la religion prétendue réformée. C'est en ce sens qu'on dit: Tanneguy, le Fevre & d'Ablancourt étoient de la religion; M. Pellisson & M. Dacier avoient été de la religion. Voyez Calviniste, Huguenot.

RELIGIONNAIRE (Page 14:88)

RELIGIONNAIRE, s. m. (Gram.) qui professe la religion réformée. Voyez l'article Protestant.

RELIMER (Page 14:88)

RELIMER, v. act. (Gram.) limer pour la seconde fois. Voyez les articles Lime & Limer. Il se dit au simple & au figuré. Il faut relimer cette piece de fer; il faut relimer le style de ce discours.

RELIQUA (Page 14:88)

RELIQUA, (Jurisprud.) terme latin qui a été adopté dans le langage du palais, pour exprimer ce

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