ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

REDOUL le (Page 13:877)

REDOUL le, (Botan.) Le redoul nommé par nos botanistes coriaria, est un genre de plante à fleur composée de dix étamines chargées chacune de deux sommets; elles sortent du fond du calice, lequel est divisé en cinq parties jusqu'à sa base. Lorsque la fleur est passée, le pistil contenu dans un autre calice devient un fruit, qui renferme cinq semences assez semblables en figure à celle d'un rein.

Nous ne connoissons qu'une espece de ce genre dite coriaria ou thus myrtyfolia, monspeliaca, par C. B. Pin. 414. On l'appelle coriaria ou herbe aux tanneurs, parce qu'elle a le même usage pour apprêter les cuirs, que Théophraste, Dioscoride, Pline & autres auteurs attribuent au sumach, qu'ils ont nommé rhus coriaria ou rhus coriariorum.

Les tanneurs sechent cette herbe, & la font moudre sous une meule posée de champ, qui tourne autour d'un pivot vertical; cette poudre est un tan bien plus fort que celui de l'écorce de chêne vert; car quand les tanneurs veulent hâter la préparation des cuirs, ils ne font que mêler le tiers ou le quart de cette poudre au tan ordinaire; au moyen de ce mélange, le cuir est plutôt nourri; mais il en vaut beaucoup moins pour l'usage.

M. Linnaeus a rangé le redoul parmi les plantes qui ont des fleurs mâles sur des piés différens de ceux qui portent les femelles. Il a dix étamines à sa fleur mâle, & la femelle est baccifere; toutes deux sont sans pétales; les feuilles sont entieres, lisses, trois ou quatre fois plus grandes que celles du myrte, opposées deux à deux le long des tiges.

La plûpart des modernes qui ont écrit sur cette plante, se sont contentés de dire qu'elle servoit aux tanneurs à nourrir les cuirs, & aux teinturiers à teindre en noir les maroquins; d'autres l'ont pris pour le rhus obsoniorum, c'est - à - dire, le sumach, avec lequel ils l'ont confondu, trompés par la ressemblance des noms, & le défaut de connoissance de leurs caracteres distinctifs; d'autres, copistes de Pline, ont avancé que le frutex coriarius ou rhus sauvage à feuilles de myrte, étoit utile en Médecine pour déterger les ulceres, pour résister au venin, & pour guérir les maladies appellées poeliaques.

Après ces éloges, on ne soupçonneroit pas que le redoul fût une plante vénéneuse; c'est cependant un vrai poison, & un poison singulier par ses effets; car il cause également l'épilepsie aux hommes qui mangent de ses fruits, & aux animaux qui broutent ses jeunes rejettons. Ce sont des faits intéressans, sur lesquels on doit quelques observations à M. Sauvage de la Croix insérées dans le recueil de l'académie royale des Sciences, année 1739.

Les chevreaux & les agneaux qui ont mangé des rejettons de cette plante, chancelent, tournoyent, & tombent avec des trémoussemens de tout le corps; ces animaux se relevent ensuite, mais pendant un tems ils portent la tête basse, & donnent étourdiment contre ce qui se présente à leur passage, & resrent enfin des heures entieres dans cet état épileptique. Les bergers disent que le redoul enivrent seulement ces animaux, & que ce ne sont que les jeunes qui s'y laissent attrapper, les vieux se donnant bien de garde d'y toucher; ils ajoutent que leur yvresse ne tirent pas à conséquence; mais comme des témoignages de bergers ne sont d'aucun poids, on est venu à des expériences, & l'on a trouvé que les feuilles tendres & nouvelles ne font effectivement qu'enivrer ces animaux, au lieu que les vieilles feuilles & les baies du redoul sont un poison plus violent. M. Linnaeus a remarqué que les jeunes pousses de certaines plantes très - venimeuses étoient sans danger, du moins dans certains pays. Dans la Lapponie suédoise, on mange en salade, sans aucun accident, les jeunes feuilles du napel, ou de l'aconit bleu. En France ne mange - t - on pas les asperges. ou jeunes pousses du clematitis, l'herbe aux gueux, dont les feuilles plus anciennes servent aux mendians à s'exciter des ulceres aux jambes?

Mais le redoul est - il réellement un poison pour les hommes; car on sait que ce qui l'est pour les animaux ne l'est pas toujours pour nous? Je réponds que deux expériences funestes qui coûterent la vie à deux personnes, ont assez prouvé combien cette plante est dangereuse.

A Alais, un enfant âgé de dix ans s'avisa de manger au mois de Septembre de l'année 1732, des baies de cet arbrisseau, trompé peut - être par la ressemblance qu'elles ont avec les mûres de ronces; étant de retour chez lui, il tomba coup sur coup dans plusieurs attaques d'épilepsie si violentes, que nonobstant tous les secours de l'art, il mourut le lendemain.

L'année suivante à pareille saison, un laboureur âgé de 40 ans avala une vingtaine de baies de redoul, & une demi heure après il fut saisi d'épilepsie; on le saigna; les attaques redoublerent; on lui donna l'émetique, il vomit une dixaine des baies qu'il avoit mangées, & néanmoins il mourut le soir même.

L'action du redoul est inexplicable; l'inspection & l'ouverture du cadavre n'en découvrent rien; le goût, la vue, l'odorat ne rendent le redoul suspect qu'autant que la prudence demande de ne pas manger d'un fruit dont on ignore les vertus; l'affinité de cette plante avec la casia, l'éphédra, le smylax, le tamnus, le genevrier n'apprend rien de ses qualités. Ses baies qui d'abord paroissent agréables, ne se démentent pas pour être mâchées plus long - tems, comme il arrive aux ricins, à l'aconit, à la dentelaire. L'extrait de leur pulpe est mucilagineux, doux, aigrelet, & se fond à l'air, après avoir été desséché. Les pepins pulvérisés & infusés dans l'eau - de - vie, ensuite passés au travers d'un papier brouillard, ne donnent aucune partie huileuse. Soupçonner dans ce fruit un acide coagulant, seroit un soupçon imaginaire, & même démenti par l'examen; car le sang des cadavres ne paroit nullement coagulé. Enfin l'analyse chimique du redoul fournit les mêmes principes que ceux des plantes salutaires. Ainsi tenons-nous - en à savoir par le fait, que c'est un poison végétal dont il faut se garder, & qui produit à peu près les mêmes symptomes dans l'homme & dans les animaux qui broutent: ce n'est pas que le redoul ne méritât de nouvelles recherches; mais personne ne s'occupe des plantes véneneuses. Nous avons quantité d'ouvrages sur les plantes usuelles, où l'on n'a cessé de se copier; & nous n'en avons pas un sur les plantes nuisibles. (D. J.)

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.