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La réflexion qui nous donne le pouvoir de distinguer nos idées, nous donne encore celui de les comparer, pour en connoître les rapports. Cela se fait en portant alternativement notre attention des unes aux autres, ou en la fixant en même tems sur plusieurs. Quand des notions peu composées font une impression assez sensible pour attirer notre attention sans effort de notre part, la comparaison n'est pas difficile: mais les difficultés augmentent, à mesure que les idées se composent davantage, & qu'elles font une impression plus legere. Les comparaisons sont, par exemple, communément plus aisées en Géométrie qu'en Métaphysique. Avec le secours de cette opération, nous rapprocherons les idées les moins familieres de celles qui le sont davantage; & les rapports que nous y trouvons, établissent entre elles des liaisons très - propres à augmenter & à fortifier la mémoire, l'imagination, & par contre - coup la réflexion.
Quelquefois, après avoir distingué plusieurs idées, nous les considérons comme ne faisant qu'une seule notion: d'autres fois nous retranchons d'une notion quelques - unes des idées qui la composent; c'est ce qu'on nomme composer & décomposer ses idées. Par le moyen de ces opérations, nous pouvons les comparer sous toutes sortes de rapports, & en faire tous les jours de nouvelles combinaisons. Pour bien conduire la premiere, il faut remarquer quelles sont les idées les plus simples de nos notions; comment & dans quel ordre elles se réunissent à celles qui surviennent. Par - là on sera en état de regler également la seconde; car on n'aura qu'à défaire ce qui aura été fait; cela fait voir comment elles viennent l'une & l'autre de la réflexion.
La réflexion n'a point lieu dans les enfans nouveaunés; & même les personnes en âge de raison ne réfléchissent pas, à beaucoup près, sur tout ce qu'elles voyent & sur tout ce qu'elles font. On voit des personnes, qui emportées par la vivacité de leur tempérament, & n'ayant pas été accoutumées à la réflexion, parlent, jugent, agissent, conformément à l'impression actuelle qu'elles éprouvent, & ne se donnent jamais la peine de peser le pour & le contre des partis qu'on leur propose. On peut passer ainsi sa vie dans la société; mais les sciences, c'est - à - dire, les véritables sciences, les théories, ne s'acquierent qu'à l'aide de l'attention & de la réflexion; & quiconque néglige ces secours, ne fera jamais de progrès dans les connoissances spéculatives. Voyez l'essai sur l'origine des connoissances humaines.
Réflexion (Page 13:886)
Les Cartésiens soutiennent la négative, & nient qu'il y ait aucun repos entre l'incidence & la réflexion,
En conséquence Rohaut & d'autres définissent la réflexion, le détour ou le changement de détermination qui arrive à un corps qui se meut à la rencontre d'un autre qu'il ne peut pénétrer.
De même, disent - ils, qu'un pendule après être parvenu à la plus grande hauteur où il peut atteindre ne s'arrête point; de même deux corps durs qui se rencontrent directement ne s'arrêtent point, mais continuent leur mouvement dans un sens contraire, suivant la loi que la nature a établie, & cela par l'influence ou impulsion immédiate de la cause qui les a d'abord mis en mouvement. Mais cette doctrine est aujourd'hui presque universellement rejettée.
En effet, il n'y a aucune raison qui oblige un corps
parfaitement dur, comme les Cartésiens le supposent,
de se réfléchir lorsqu'il rencontre un plan inébranlable.
Lorsque ce corps dur vient choquer le
plan, il perd tout le mouvement qu'il avoit dans
cette direction; & pour qu'il reçoive du mouvement
dans une autre direction, il faut de deux choses l'une,
ou qu'il reçoive le mouvement de quelque cause, ou
que ce mouvement se trouve déja implicitement,
pour ainsi dire, dans le mouvement qu'il avoit déja,
à - peu - près comme le mouvement d'un corps par un
des côtés d'un parallelogramme se trouve implicitement
dans son mouvement par la diagonale, ensorte
que si on oppose à ce corps mû, suivant la diagonale,
une puissance qui arrête son mouvement dans la direction
d'un des côtés, le corps prendra de lui - même
la direction & la vîtesse qu'il doit avoir, suivant l'autre
côté du parallelogramme. Voyez
Or on ne peut supposer ici aucune de ces deux choses. 1° Le plan ou corps choqué qui par la supposition est inébranlable, & n'a qu'une force de résistance purement passive, ne peut donner au corps aucun mouvement, il ne peut qu'arrêter celui que ce corps avoit. 2° On ne peut pas dire non plus que le mouvement du corps en arriere existât implicitement dans le mouvement primitif: car soit b le mouvement primitif du corps, a le mouvement qu'on lui suppose en arriere, il faudroit dans cette supposition regarder la vîtesse b comme composée du mouvement a que le corps garde après le choc, & d'un autre mouvement qui est détruit. Or ce mouvement détruit ne pourroit être que a + b, car la vîtesse b est composée de la vîtesse a en arriere, & de la vîtesse a + b en avant. Donc la vîtesse a + b doit être détruite par la rencontre du plan, & à plus forte raison la vîtesse a; donc le corps choquant doit rester en repos.
La raison qui a porté les Cartésiens à établir cette
loi de réflexion; c'est que, selon eux, il ne doit point
y avoir de mouvement perdu dans la nature, & que
par conséquent un corps ne doit point perdre son
mouvement sans le communiquer à un autre: &
comme on suppose ici que le corps choquant ne peut
pas communiquer son mouvement, ils en concluent
qu'il doit se réfléchir avec ce mouvement. Mais outre
qu'il est ici question de corps parfaitement durs,
qui n'existent point dans la nature, nous observons
souvent dans le choc des corps que la même quantité
de mouvement ne s'y conserve pas. Voyez
Les auteurs modernes les plus célebres conçoivent la réflexion comme un mouvement propre aux corps élastiques, par lequel, après en avoir frappé d'autres [p. 887]
C'est sur ce principe que quelques auteurs assurent qu'il peut y avoir & qu'il y a effectivement un moment de repos entre l'incidence & la réflexion; puisque le mouvement réfléchi n'est point une continuation du premier, mais un nouveau mouvement qui naît d'une nouvelle cause ou principe, savoir de la force d'élasticité. Cependant l'opinion de ces auteurs prise en un certain sens, n'est point une suite nécessaire de la nature de l'élasticité. Un corps à ressort qui vient frapper un plan se bande & s'applatit peu - à - peu en changeant de figure, & consume petit - à - petit tout le mouvement qu'il avoit & qu'il emploie à bander son ressort. Quand une fois le ressort est totalement bandé, & que le corps a perdu tout son mouvement, le ressort se débande aussi - tôt sans qu'il y ait d'intervalle entre le commencement du débandement & la fin du débandement.
En effet quelle seroit la cause qui feroit que le ressort
resteroit bandé lorsque le mouvement du corps
est entierement cessé, & que rien ne s'oppose au débandement
du ressort? Il se débandera donc aussi - tôt,
& rendra par degrés au corps tout le mouvement qu'il
avoit perdu, précisément comme un pendule qui retombe
après avoir monté. Il n'y aura donc point d'intervalle
entre la fin du bandement, qu'on peut regarder
comme le terme de l'incidence, & le commencement
du débandement qu'on peut regarder
comme le premier moment de la réflexion. Car quand
le corps commence à se débander, toutes ses parties,
hors celle du point de contact, commencent à s'éloigner
du plan; & tant que le corps bande son ressort,
toutes ses parties s'approchent du même plan.
Mais si on veut prendre pour le moment d'incidence
celui où le corps vient à toucher le plan, & pour le
moment de réflexion celui où le corps quitte entierement
le plan, il est évident qu'il y aura un intertervalle
de tems fini, quoique très - court, entre l'incidence
& la réflexion, savoir le tems que le ressort
met à se bander & à se débander. Voyez
C'est une des grandes lois de la réflexion que l'angle
qu'un corps réfléchi fait avec le plan de l'obstacle
réfléchissant, est égal à celui sous lequel il frappe cet
obstacle. Cette loi se démontre de la maniere suivante: imaginons qu'un corps ou point élastique A,
Réflexon (Page 13:887)
C'est par la réflexion des rayons de lumiere qui
tombent sur les surfaces des corps éclairés, que ces
mêmes corps deviennent visibles. Voyez
Et c'est la disposition qu'ont les corps à réfléchir
tel ou tel rayon en plus grande abondance, qui est
la cause des différentes couleurs qu'on y remarque.
Voyez
La réflexion de la lumiere de dessus les surfaces des
miroirs fait l'objet de la catoptrique. Voyez
La réflexion de la lumiere, ainsi que M. Newton l'a
fait voir, ne se fait point par les rayons qui frappent
toutes les parties d'un corps, mais par quelque propriété
de ce même corps également répandue sur
toute sa surface, au moyen de laquelle il agit sur le
rayon, l'attirant ou le repoussant sans aucun contact
immédiat. Voyez
Il prétend que c'est ce même pouvoir qui fait que
les rayons se rompent dans d'autres circonstances, &
qu'ils émanent du corps lumineux. Voyez
Les raisons dont il se sert pour prouver son sentiment,
sont 1° que les surfaces des miroirs qui paroissent
les plus unies à l'oeil, sont cependant raboteuses
& inégales; puisque polir une glace n'est autre chose
qu'enlever ses parties les plus éminentes par le moyen
du sable ou du tripoli. Si donc les rayons de lumiere
étoient réfléchis en frappant les parties solides du
verre, les réflexions ne seroient jamais aussi exactes
qu'elles le sont, & le verre le plus uni écarteroit autant
les rayons que le plus raboteux. Il reste donc
à savoir comment un verre poli peut réfléchir les
rayons aussi régulierement qu'il fait, & on ne peut
résoudre ce probleme qu'en disant que la réflexion
d'un rayon se fait non d'un seul point de corps réfléchissant,
mais par quelque faculté de ce corps également répandue sur toute sa surface, par laquelle il
agit sur un rayon sans aucun contact immédiat; car
on a déja fait voir au mot
2°. Si l'on fait ensorte que les couleurs que l'on a séparées par le moyen d'un prisme placé à l'endroit par où un rayon de lumiere entre dans une chambre obscure tombent successivement sur un second prisme, placé à une très - grande distance du premier avec une même obliquité; le second prisme peut être tellement incliné aux rayons incidens, qu'il réfléchisse tous ceux qui sont de couleur bleue, & qu'il donne passage à ceux qui sont rouges. Or si la réflexion étoit causée par les parties de l'air ou du verre, on pourroit demander d'où vient qu'à la même obliquité d'incidence les rayons bleus frappent ces parties de maniere qu'ils se réfléchissent, & que les rouges trouvent assez de pores pour passer à - travers le prisme en grande quantité.
3°. Il n'y a point de réflexion sensible au point où deux verres se touchent, & cependant on ne voit point d'où vient que les rayons ne heurtent point les parties du verre, lorsqu'il est contigu à un autre verre avec autant de force que lorsqu'il l'est à l'air.
4°. Si les rayons rouges & bleus qui ont été séparés
par le prisme, tombent successivement sur une
lame plate de telle matiere transparente que ce soit,
dont l'épaisseur augmente en proportion arithmétique
continue, telle qu'une lame d'air entre deux
verres, dont l'un soit plan & l'autre un peu convexe,
la même lame réfléchira dans la même partie tous les
rayons d'une même couleur, & donnera passage à
tous ceux d'une couleur différente, mais elle réfléchira
dans ses différentes parties les rayons d'une
seule & même couleur à une épaisseur, & leur donnera
passage à une autre, & ainsi alternativement &
à l'infini. Or, on n'imaginera jamais que dans un en<pb->
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