ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"804"> s'incommoderoit moins en payant largement un traitement d'importance, que beaucoup de gens de la premiere qualité, dont les biens ne répondent pas à leur naissance.

4°. Il faut que les vues des experts s'étendent jusque sur la distance des lieux; car il ne seroit pas raisonnable qu'un chirurgien qui auroit été d'un bont d'une grande ville à l'autre, pendant trois ou quatre mois, pour faire un traitement de conséquence, principalement à Paris, ou à une lieue & plus dans la campagne, ne fût pas mieux payé qu'un autre chirurgien qui auroit fait un pareil traitement dans son voisinage.

Enfin les experts doivent en même tems porter leur estimation à des prix honnêtes, équitables & indispensables.

Des talens nécessaires pour bien faire toutes sortes de rapports. Quoiqu'il soit vrai de dire généralement parlant, que les chirurgiens les mieux versés dans la théorie & dans la pratique de leur art, sont aussi les plus capables de bien faire toutes sortes de rapports en Chirurgie, il y a néanmoins des parties de cet art plus particulierement requises pour y bien réussir, & ces parties dépendent ou de l'anatomie, ou de la doctrine des maladies chirurgicales, qu'il faut connoître par leurs propres signes, par pratique & par théorie. Il faut avoir aussi beaucoup d'expérience dans la bonne méthode de traiter ces maladies.

A l'égard de l'anatomie, il faut pour bien faire les rapports, savoir celle que l'on nomme utile, c'est - à - dire celle qui tombe sous les sens, préférablement à celle qui est appellée curieuse, laquelle consiste dans certaines recherches que l'on fait avec le secours du microscope, des injections & des tuyaux qui servent en introduisant l'air dans les conduits, à les rendre plus visibles.

Il faut par exemple, qu'un chirurgien, pour bien faire ses rapports, soit parfaitement instruit de la structure, de l'ordonnance, du nombre, & de la conjonction des os, parce qu'il ne peut sans cela, bien connoître les fractures & les dislocations de ces parties, qui fournissent souvent matiere à faire des rapports: outre que ces masses solides étant fixes & permanentes, lui donnent lieu de mieux désigner la situation des autres parties, qui sont attachées aux corps durs, & auxquelles ils servent d'appui.

Il ne doit pas être moins informé de la situation, de l'ordonnance, du progrès des muscles, & des vaisseaux considérables, afin de pouvoir juger de l'issue des plaies, qui sont faites à la surface du corps, & aux extrémités tant supérieures qu'inférieures, & cela tant par rapport à l'hémorrhagie, qui est plus ou moins fâcheuse, selon que les vaisseaux ouverts sont plus ou moins gros, qu'eu égard à la perte du mouvement de quelque organe, lorsque les tendons ou les ligamens des jointures se trouvent intéressés dans les plaies.

Il est encore absolument nécessaire qu'un chirurgien, pour bien faire ses rapports, se soit appliqué à examiner la situation de tous les visceres dans les trois cavités principales, qui sont la tête, la poitrine & le bas - ventre; comment ils sont placés dans les différentes régions qui partagent ces cavités, & comment ils correspondent au - dehors, afin que la division que l'instrument offensif a fait à l'extérieur, lui donne lieu de juger quel viscere peut être blessé dans l'intérieur quand les plaies sont pénétrantes.

La connoissance des maladies chirurgicales lui est absolument nécessaire pour en exprimer dans ses rapports l'essence, les signes, les accidens & les prognostics; la pratique sur tout cela lui est encore plus nécessaire que la théorie, car quand il s'agira de caractériser une maladie, & de juger de ses suites, comme, par exemple, lorsqu'on sera en doute si certains sujets sont attaqués de vérole, de lepre, de scorbut, de bubons pestilentiels, de cancer, d'écrouelles, &c. Un chirurgien qui aura beaucoup vû & traité de ces sortes de maladies, en jugera bien mieux, & plus surement qu'un autre qui se sera contenté de lire avec application les livres qui en discourent.

Il faut néanmoins qu'il soit savant, indépendamment qu'il doit être expérimenté dans la méthode de traiter ces maladies, afin de pouvoir marquer dans ses rapports l'ordre & le tems de leur curation, & de pouvoir juger si les autres chirurgiens y ont procédé méthodiquement ou non.

Il faut de plus qu'il connoisse bien les remedes, leur prix & leur effet, tant pour ne pas adjuger dans les estimations le payement de plusieurs remedes qui auroient été inutiles ou contraires à la maladie, qu'afin de pouvoir estimer selon leur juste valeur, ceux qui ont été utilement administrés.

Mais comme l'objet des plaies fournit seul plus de matieres aux rapports de Chirurgie que toutes les autres maladies qui sont du ressort de cet art, il résulte que le chirurgien doit s'y appliquer tout entier pour éviter les erreurs dans les rapports en ce genre. Eh combien de connoissance ne demandent - ils pas! Depuis qu'Hippocrate a avoué ingénuement & en grand homme, s'être trompé en prenant dans une blessure à la tête la lésion de l'os pour une suture, que personne ne pense pouvoir être à l'abri d'une faute après l'exemple du prince des Médecins; mais sur - tout sile chirurgien & le médecin s'apperçoivent dans le traitement d'une blessure avoir commis quelque erreur semblable, par négligence ou par ignorance, il est de leur devoir & de l'équité, d'en faire l'aveu au juge dans leur rapport, afin que celui qui auroit porté le coup, ne soit point puni de la faute d'autrui.

Une autre observation bien importante dans tous les rapports de blessures, c'est de ne point attribuer légérement la mort qui a suivi, à la blessure comme à sa cause. Souvent la mort arrive tout - à - coup, en conséquence des causes cachées jusqu'alors. On peut donc imputer mal - à - propos le terme de notre vie à des accidens qui n'y entrent pour rien, ou du - moins pour peu de chose. Souvent des ignorans, en visitant des cadavres, au lieu d'étudier les blessures en forgent d'imaginaires.

Enfin l'on ne sauroit être trop circonspect à définir le tems qui doit s'écouler entre la blessure & la mort pour décider que la plaie étoit absolument mortelle. Nombre de personnes pensent que si le blessé passe le neuvieme jour, on ne doit point alors attribuer à la blessure la mort qui survient, mais qu'au contraire, si le blessé meurt avant ce tems, la plaie étoit absolument mortelle.

Cette idée n'est cependant qu'un préjugé populaire, dont un habile homme ne doit point se préoccuper. Une artere étant coupée au bras ou à la cuisse, pourra causer la mort au bout de quelques heures, & même plus promptement, quoique cette plaie ne fût pas absolument mortelle, & qu'on eût pû y apporter du reme de. Si un intestin grêle se trouve coupé près du pylore, le blessé pourra vivre quelques jours jusqu'à ce qu'il tombe en consomption par défaut de nutrition, & cependant cette plaie sera absolument mortelle. Ces exemples suffisent pour prouver combien la doctrine des rapports est délicate, & combien elle exige de talens, de prudence, de connoissances & de précautions.

Il nous reste à donner quelques modeles généraux des différentes especes de rapports dont nous avons parlé; nous commencerons par les exoënes.

Exoëne pour une prisonnniere. Rapporté par moi maître chirurgien juré à Paris, qu'en vertu de l'ordonnance de messieurs les officiers du grenier à sel de cette ville, en date du 3 Mars 1695, je me suis trans<pb-> [p. 805] porté ès prisons du fort - l'évêque, aux fins de voir & visiter, au desir de ladite ordonnance, la nommée Jaqueline Bataille, âgée de 50 ans ou environ, à laquelle j'ai remarqué une glande tuméfiée & disposée à suppurer, située sous l'aisselle gauche, & un grand nombre de pustules dartreuses aux fesses & aux cuisses, outre qu'elle s'est plainte à moi d'avoir la fievre considérablement les soirs; toutes lesquelles indispositions me paroissent être causées par un sang échaussé & corrompu, devenu tel par le mauvais air qu'elle respire depuis longtems, & par l'usage des mauvais alimens dont elle a été nourrie; c'est pourquoi j'estime, sous le bon plaisir néanmoins de mesdits sieurs du grenier à sel, que ladite prisonniere a besoin pour guérir de ses incommodités, d'être saignée, purgée, & traitée suivant les regles de l'art, de respirer un meilleur air, & d'user de bons alimens. De plus, elle doit coucher, boire, & manger seule jusqu'à ce qu'elle soit en état de faire les remedes nécessaires; sans ces remedes, elle ne manquera pas de communiquer ses maux aux autres prisonniers. Fait à Paris, les jour & an que dessus.

Rapport de la condition d'un coup d'arme à feu, pour savoir si l'arme a crevé dans la main du blessé, ou si le coup a été tiré exprès sur sa personne. Rapporté par moi soussigné maître chirurgien juré à Paris, que de l'ordonnance verbale de nosseigneurs du grand - conseil, j'ai vû & visité le nommé Edme Hamon dit Langevin, en présence de M. Lucas, procureur de la partie, qui ont requis de moi, si les blessures dudit Langevin ont été faites par une arme à feu crevée dans les mains du blessé, ou par un coup de cet arme qui lui auroit été porté en - dehors. Après avoir considéré avec attention toutes les cicatrices, leurs figures & leur situation, je les ai trouvées trop ramassées entre elles pour procéder d'une arme crevée entre les mains du blessé, laquelle cause toujours à la main de terribles écartemens, qui produisent des cicatrices fort étendues; ce qui me fait croire que ces cicatrices ont succédé à un coup qui a été tiré de propos délibéré sur la personne dudit Langevin. Fait à Paris ce 14 Avril 1662.

Rapport d'estimation de pansemens & médicamens pour une fracture compliquée à la cuisse. Nous médecin & chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions qu'en vertu d'une sentence contradictoire rendue au châtelet par M. le lieutenant civil, en date du 15 Février 1695, laquelle ordonne que les pansemens faits & fournis au sieur T... capitaine au régiment de, par le sieur B... chirurgien major des hôpitaux du roi, seront par nous prisés & estimés, après avoir préalablement vû & visité ledit sieur T... pour certifier de sa guérison, nous avons procédé à ladite visite, & que nous avons remarqué audit sieur T... deux cicatrices encore récentes, très considérables & fort profondes; savoir l'une située à la partie moyenne & antérieure de la cuisse droite, & l'autre à la partie moyenne & postérieure de la même cuisse, pareille à la précédente, que ledit blessé nous a dit être les vestiges d'un coup de mousquet, traversant la cuisse de part en part, & fracturant l'os dans son passage; laquelle plaie nous a paru très - bien guérie, & avoir été très - sagement traitée; ensorte que bien loin que le blessé ait lieu de se plaindre de la claudication à laquelle il est réduit, au contraire, nous l'estimons fort heureux que sa cuisse ait pû lui être conservée après une si terrible blessure. Sur quoi nous étant appliqués à l'examen du mémoire qui nous a été mis ès mains par ledit sieur B... & après avoir pesé juridiquement sur les soins, sujétions & assiduités qu'il a été obligé de rendre audit blessé pendant plus de sept mois, tant en la ville d'Ath, qu'en cette ville de Paris, nous estimons que bien que la somme de 1200 liv. demandée par ledit sieur B... ne soit pas exorbitante par rapport à un traitement aussi considérable, & à son heureux succès, il doit néanmoins se contenter de celle de 800 l. attendu qu'il nous est notoire que les biens dudit sieur T... ne répondent pas tout - à - fait à sa qualité & à sa naissance. Fait à Paris le 16 dudit mois & an.

Rapport fait par des matrones de leur visite d'une fille de trente ans qui avoit été forcée & violée. Nous Marie Mirau, Christophlette Reine, & Jeanne Portepoulet, matrones jurées de la ville de Paris, certifions à tous qu'il appartiendra, que le 22e jour d'Octobre de l'année présente 1672, par l'ordonnance de M. le prevôt de Paris, en date du 15 de cedit mois, nous nous sommes transportés dans la rue de Pompierre, en la maison qui est située à l'occident de celle où l'écu d'argent pend pour enseigne, une petite rue entre deux, où nous avons vû & visité Olive Tisserand, âgée de trente ans ou environ, sur la plainte par elle faite en justice contre Jacques Mudont, bourgeois de la ville de la Roche - sur - Mer, duquel elle a dit avoir été forcée & violée.

Le tout vû & visité au doigt & à l'oeil, nous avons trouvé qu'elle a les toutons dévoyés, c'est - à - dire la gorge slétrie; les barbes froissées, c'est - à - dire l'os pubis; le lippion recoquillé, c'est - à - dire le poil; l'entrepet ridé, c'est - à - dire le périnée; le pouvant débiffé, c'est - à dire la nature de la femme qui peut tout; les balunaux pendans, c'est - à - dire les levres; le lippendis pelé, c'est - à - dire le bord des levres; les baboles abattues, c'est - à - dire les nymphes; les halerons démis, c'est - à - dire les caroncules; l'entrechenat retourne, c'est - à - dire les membranes qui lient les caroncules les unes aux autres; le barbideau écorché, c'est - à - dire le clitoris; le guilboquet sendu, c'est - à - dire le cou de la matrice; le guillenard élargi, c'est - à - dire le cou de la pudeur; la dame du milieu retirée, c'est - à - dire l'hymen; l'arriere - fosse ouverte, c'est - à - dire l'orifice interne de la matrice. Le tout vû & visité feuillet par feuillet, nous avons trouvé qu'il y avoit trace de... &c. Et ainsi nous dites matrones, certifions être vrai à vous M. le prevôt, au serment qu'avons fait à ladite ville. Fait à Paris le 23 Octobre 1672.

Ce rapport de matrones avec l'explication des termes ici transcrite, est tiré du tableau de l'amour du sieur Nicolas Venette, médecin. On l'a copié sur le dictionnaire de Trévoux.

Rapport de la visite d'une fille de dix ans, qui avoit été violée, & qui avoit en même tems contracté la vérole. Rapporté par nous chirurgiens du roi, en sa cour de parlement, maître chirurgien juré à Paris, & maîtresse sage - femme jurée en titre d'office au châtelet de ladite ville, qu'en vertu d'une requête répondue par M. le lieutenant - criminel, en date du 27 Septembre dernier, laquelle ordonne que M. A. L. C. agée de dix ans, fille de Joseph L. C. joueur d'instrumens, & de R. N. sa femme, sera par nous vue & visitée, nous nous sommes à cet effet assemblés en la maison de J. B. l'un de nous, auquel lieu ladite M. A. L. C. nous a été amenée par son pere; lequel, avant qu'on procédât à la visite en question, nous a dit que sadite fille avoit été violée il y a six mois ou environ, & que deux mois après ladite violence, il lui avoit paru des pustules en différentes parties de son corps, accompagnées d'une inflammation douloureuse au pharynx, & d'une grande douleur de tête. Sur quoi l'ayant visitée en tout son corps, nous avons remarqué à sa vulve les vestiges d'une contusion & d'un écartement, qui ont procédé de l'intromission que l'on a faite en cette partie, que nous avons trouvée toute humectée du suintement des glandes vaginales. De plus, nous avons remarqué à ladite fille une inflammation ulcéreuse, & un gonflement sensible aux glandes du gosier, nommées amygdales, & quantité de pustules plates & farineuses à la tête, aux bras,

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