ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"802"> prend ceux qui sont donnés sur la simple requisition des blessés; mais qui étant faits ou approuvés par les chirurgiens titrés, ne laissent pas d'être provisoires, quoique la partie adverse en puisse contester l'exécution, quand il s'agit d'une seconde provision, en demandant par une requête présentée au juge, une contre - visite; & en ce cas - là les juges nomment des chirurgiens d'office pour faire le rapport, qui prévaut même sur celui des chirurgiens titrés.

De la validité des rapports en Chirurgie. Comme l'usage des rapports sur quelque matiere que ce soit, n'a été établi en justice que pour connoître des vérités dont les juges ne peuvent pas s'instruire par eux - mêmes, leurs lumieres toutes pénétrantes qu'elles soient, ne suffisant pas pour les éclaircir à fond du détail de tous les faits qui concernent les différentes professions des hommes, il a été d'une grande importance, particulierement à l'égard des rapports en Chirurgie, qui peuvent quelquefois décider de la vie ou de la mort des accusés, d'engager les Chirurgiens à ne se point éloigner de la vérité dans la relation des faits qui dépendent de leur art.

Or comme il se trouve peu de gens si confirmés dans le mal, qui ne soient intimidés par la religion du serment, c'est avec raison que l'on a ordonné que tous les autres titres dont les Chirurgiens pourroient être revêtus, ne rendroient point leurs rapports valables, s'ils ne s'étoient astreins par un serment exprès, à faire ces actes avec fidélité.

C'est aussi pour cela, que de quelque caractere que les Chirurgiens soient pourvus, ils ne sont admis par aucun juge civil ou criminel à faire des rapports en Chirurgie, qu'après avoir prêté ce serment entre ses mains; & même que les juges subalternes sont toujours bien fondés à demander ce même serment dans les cas extraordinaires aux Chirurgiens qu'ils nomment d'office pour faire des rapports, quand même ils ne pourroient pas ignorer que ces dénommés ne l'eussent déja fait en des cours supérieures. C'est donc ce serment qui est la premiere condition essentielle à la validité des rapports; cependant les juges n'admettent à ce serment que des maîtres chirurgiens qui ont un titre qui réponde de leur suffisance.

Des conditions requises pour bien faire les rapports proprement pris. Il faut qu'un chirurgien, pour se bien acquitter de sa fonction en faisant les trois sortes de rapports proprement dits, observe nécessairement plusieurs choses.

1°. Il doit les faire dans un esprit d'équité, & avec une intégrité qui soit à toute épreuve; de maniere qu'elle ne puisse être ébranlée par des offres avantageuses, ni séduite par les prieres de ses proches, & qu'elle le rende sourd aux instances de ses amis, aux sollicitations des puissances, & de tous ceux à qui il est redevable des bienfaits les plus insignes.

2°. Il faut qu'un chirurgien integre examine tout par lui - même, & qu'il ne s'en rapporte en aucune façon à ses collegues, ou à ses serviteurs, dont l'ignorance & l'infidélité pourroient le faire tomber en faute sans le savoir. C'est néanmoins à quoi beaucoup de chirurgiens manquent, principalement à Paris, où il y a un grand nombre de privilégiés, qui n'ayant pas de titre pour faire des rapports, engagent un maître à les signer pour eux; ce que ces maîtres font trop légerement sur la foi de ces subalternes, sans voir les blessés ou les malades pour qui les rapports sont faits.

3°. Un chirurgien judicieux est obligé à ne rien dire d'affirmatif dans son rapport sur les causes absentes, sur les douleurs, & généralement sur tout ce qui ne tombe pas sous les sens; parce que le récit qui lui en est fait, soit par le malade même, ou par les assistans, lui doit toujours être suspect.

4°. Il doit prendre toutes les précautions possibles, pour l'empêcher d'être trompé par des maladies feintes, par des contorsions, ou des convulsions simulées, du sang seringué, des tumeurs apparentes, des contusions en peinture, ou par de semblables artifices ou fourberies.

5°. Il doit faire ses pronostics d'une maniere douteuse, parce que l'événement des maux & des blessures est toujours incertain; & il vaut mieux dans les faits de conséquence, suspendre son jugement, que d'être trop décisif, particulierement quand il s'agit de prédire la mort, ou d'assurer la guérison des blessés.

6°. Il est encore absolument nécessaire qu'il marque avec précision dans les rapports, la largeur & la profondeur des plaies, & qu'il désigne bien les signes par lesquels on peut juger de la lésion des parties intérieures.

7°. Il doit faire son possible pour bien déclarer l'essence des blessures, pour bien exprimer les accidens qui les accompagnent, & pour déterminer ensuite ce que l'on en peut espérer, & ce que l'on en doit craindre, l'ordre qu'il faudra tenir dans la curation, dans quel tems à - peu - près elle pourra être accomplie; le régime que l'on doit faire observer aux malades, ou aux blessés; s'ils doivent rester au lit ou non, & s'ils ne pourront point vacquer à leurs affaires dans le tems même de leur traitement.

8°. Il faut encore qu'il observe avec soin si les blessures pour lesquelles le rapport est requis ou ordonné, ont été les véritables causes de la mort, de l'impuissance, ou des autres accidens qui sont arrivés au blessé; & cette instruction est très - nécessaire dans la procédure criminelle; parce que si le blessé est mort par une autre cause que celle de la blessure qu'il a reçue, celui qui l'a blessé n'est pas responsable de sa mort, sa blessure n'ayant pas été mortelle par elle - même.

9°. Le chirurgien qui fait son rapport, ne doit pas négliger de marquer si le blessé l'est venu trouver pour être visité ou pansé, ou s'il a été requis de se transporter chez lui pour en faire la visite & le pansement; en ce cas, il doit marquer s'il l'a trouvé couché ou debout, vaquant à ses affaires, ou dans l'impuissance d'y donner ses soins.

10°. Il ne doit rien oublier de tout ce qui peut donner au juge quelque éclaircissement, pour juger avec équité & avec connoissance de cause: il doit sur tout cela s'exprimer en termes clairs & intelligibles, & ne se point mettre en peine d'étaler son prétendu savoir, en affectant de se servir de termes barbares & d'école, comme font plusieurs chirurgiens, qui croyent ne parler savamment, que lorsqu'ils ne sont point entendus.

11°. Un chirurgien judicieux doit bien prendre garde de ne pas passer d'un excès à l'autre, & sous prétexte de bien éclaircir un fait, de ne pas charger ses rapports d'une longue suite de raisonnemens. Ces sortes de discours scientifiques ne peuvent être plus mal employés dans un récit, dont la perfection dépend de sa simplicité, de sa précision, & de sa briéveté, accompagnée d'une grande exactitude dans la vérité des faits. Or cet avis n'est pas donné sans raison, puisqu'il s'est trouvé des chirurgiens assez extravagans, pour tracer des figures géométriques dans leurs rapports, & assez peu sensés pour s'imaginer qu'ils se rendroient recommandables aux juges, en leur faisant voir qu'ils pouvoient démontrer géométriquement l'effet des forces mouvantes, & la pesanteur des corps liquides, &c.

12°. Il ne doit pas présumer de son savoir & de sa capacité, jusqu'au point de se croire infaillible; en sorte qu'une telle présomption l'empêche de prendre conseil dans les choses douteuses & difficiles; parce que l'amour - propre aveugle celui qu'il obsede, [p. 803] & que cet aveuglement le conduit à l'erreur.

13°. Il est enfin fort à propos que les rapports en Chirurgie soient faits sans connivence, & avec tout le secret possible; c'est pour cela que l'ordonnance porte qu'on les délivrera cachetés, parce que la révélation du secret attire souvent l'impunité du crime, & la persécution de l'innocence.

Des certificats d'excuses ou exoenes. On entend par l'exoëne ou le certificat d'excuse, une certification par écrit donnée par un médecin ou par un chirurgien, conjointement ou séparément, sur l'état des particuliers, soit à leur simple requisition ou par ordonnance de justice, tendant à faire connoître à tous ceux qui ont droit d'y prendre part; la vérité des causes maladives qui peuvent les dispenser valablement de faire bien des choses dont ils seroient tenus, s'ils jouissoient d'une santé parfaite.

Ces sortes de certifications sont de trois especes; savoir ecclésiastiques, politiques, & juridiques.

Les exoënes ecclésiastiques tendent à obtenir du pape, des evêques, des prélats, & de tous ceux qui ont quelque supériorité dans la hiérarchie ecclésiastique, des dispenses concernant l'exercice de certaines fonctions bénéficiales, l'observation des lois canoniques, la dissolution du mariage sur faits d'impuissance, attribuée à l'un ou à l'autre des conjoints.

Les exoënes politiques regardent tout l'état en général, ou le service des maisons royales en particulier.

Les premiers se font en France, à la requisition de ceux que leurs maladies ou leurs blessures empêchent de vaquer à leurs charges, emplois, & fonctions. Ceux de la seconde espece qui regardent le service des maisons royales, sont demandés par les officiers de ces maisons. Dans ces sortes d'exoënes politiques, on n'observe aucune formalité judiciaire, etant de simples certificats qui sont délivrés par ordre des supérieurs, ou à la requisition des particuliers. La seule précaution qu'on y apporte, est de n'y avoir aucun égard, que lorsqu'ils sont donnés par des médecins ou chirurgiens d'une réputation connue, & non suspects de subornation.

Les exoënes juridiques ont lieu dans les procédures civiles & criminelles, pour retarder le jugement d'un procès, dont l'instruction ou la poursuite demande la présence des parties.

Elles sont encore requises ou ordonnées, lorsqu'il est question d'élargir, de resserrer, ou de transferer un prisonnier que le mauvais air feroit périr infailliblement; quand il s'agit de commuer la peine d'un forçat qui n'est pas en état de servir sur les galeres; d'épargner dans ces pays - ci, ou de modérer les douleurs de la torture à un criminel que sa foiblesse met hors d'état d'en essuyer la violence.

La grossesse ou les couches des femmes, sont encore des raisons valables pour les dispenser de comparoître en personne, afin de répondre aux accusations qui leur sont intentées.

Or il faut pour la validité des exoënes, non - seulement une procuration spéciale de la part des exoënés, par laquelle on affirme à l'audience de la validité de l'exoëne; mais l'ordonnance veut encore que l'on produise le rapport d'un médecin approuvé, qui ait affirmé de la vérité de sa certification par - devant le juge du lieu.

Au reste, toutes les circonstances marquées pour bien faire les rapports proprement pris, doivent être gardées dans les exoënes juridiques, sur - tout dans la procédure criminelle.

Des rapports comprenant les estimations de visite, pansemens, & médicamens. L'on doit entendre par un rapport d'estimation en Chirurgie, un jugement par écrit donné par un, ou par plusieurs chirurgiens - ju<cb-> rés, sur l'examen d'un mémoire de pansemens & de médicamens qui leur est remis par un chirurgien auquel le payement en est contesté par celui qui en est le débiteur, soit qu'ils lui ayent été faits ou fournis à lui - même, ou que le chirurgien y ait travaillé par son ordre, ou qu'il ait été condamné par justice à en faire les frais.

Les estimations ont donc lieu en Chirurgie, lorsque les salaires sont contestés par les débiteurs aux chirurgiens qui les ont traités, soit qu'ils refusent absolument d'entrer en payement, ou qu'ils leur fassent des offres qui ne soient pas recevables; car en ce cas - là, les juges ordonnent que les mémoires concernant les opérations, pansemens, & médicamens en question, seront prisés & estimés par des experts, qui sont quelquefois nommés d'office, mais ordinairement dont les parties conviennent; le demandeur en nommant un, & le défendeur un autre.

Mais au surplus, soit que les experts ayent été nommés d'office, ou que les parties en soient convenues, on observe toutes les formalités nécessaires, pour que les juges puissent faire droit aux parties avec toute l'équité possible.

Il y a ici des regles générales & particulieres à observer dans toutes sortes d'estimations de Chirurgie.

Par exemple, 1°. les experts doivent considérer le mérite de l'opération, parce que celles qui demandent beaucoup de dextérité & d'expériences, ou qui sont pénibles & laborieuses, doivent être mieux payées que celles qui sont faciles, communes, & que l'on fait sans beaucoup de peine & de travail.

2°. Il faut quelquefois avoir plûtôt égard à l'importance des maladies; par exemple, un chirurgien qui reunira en fort peu de tems une grande division dans les chairs, par la suture, par la situation, & par un bandage convenable, méritera d'être beaucoup mieux récompensé qu'un chirurgien ignorant qui aura tamponné une semblable plaie, & qui ne l'aura conduite à sa guerison, qu'après une longue suppuration, & qu'après avoir fait souffrir au blessé de cruelles douleurs qu'il lui auroit épargnées, aussi bien qu'un traitement fort ennuyeux, s'il eût été bien versé dans son art, dont une des meilleures maximes l'engage à traiter ses malades promprement, surement, & avec le moins de dérangement qu'il est possible.

Je ne prétends pourtant pas inférer de là, que le tems qu'on emploie dans les traitemens ne doive pas être considéré dans les estimations de Chirurgie, parce qu'il y a des maladies si grandes par elles - mêmes, qui ont de si fâcheuses complications, & auxquelles il survient un si grand nombre d'accidens, que l'on ne peut très - souvent les guérir que par un long traitement. Il y en a même qui sont légeres en apparence, & que la mauvaise disposition des sujets rend néanmoins très - longues & très - difficiles à guérir. Or les experts doivent peser sur toutes ces choses, afin de faire leur estimation avec équité.

3°. L'on doit beaucoup insister dans la taxe d'un mémoire sur la qualité des personnes qui ont été traitées, aussi - bien que sur leurs facultés; car plus les personnes sont élevées en dignité, plus aussi demandent - elles de sujétions, de soins, de visites, d'assiduités, qui méritent par conséquent une plus ample récompense: outre que les fonctions des Chirurgiens qui n'ont rien de fixe, sont toujours payées à l'amiable par les honnêtes gens, selon le rang qu'ils tiennent, & cet usage doit servir de regle dans les estimations.

La considération des facultés des malades n'est pas moins essentielle en ces rencontres que celle de leurs qualités, parce qu'il y a tel marchand, ou officier de robe, ou sur - tout tel employé dans les fermes, qui

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