ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"771"> petits barils, où les grappes sont ensilées d'une même ficelle, à - peu - près comme des morilles.

L'on peut également leur substituer les raisins de Malaga, qu'on nomme raisins sol; ce sont des raisins égrenés, de couleur rougeâtre, bleuâtre, ou violette, secs, d'un très - bon goût, avec lesquels on fait les vins d'Espagne, & que l'on tire de ce payslà: voici comme on les prépare; on trempe les grappes de raisins mûrs dans de la lie bouillante, faite des cendres du sarment; on les en retire sur le champ, on les étend sur des clayes; on les laisse sécher au soleil; on en remplit ensuite des cabas, & on les reçoit en barils de quarante à cinquante livres. Il y a encore les marocains qui sont d'autres raisins d'Espagne, mais très - peu connus en France.

Je passe aux raisins de Corinthe, uvoe passoe minimoe, ou passuloe corinthiarcoe; ce sont de petits raisins secs égrenés, de différentes couleurs, rouges ordinairement, ou plutôt noirs, purpurins, de la grosseur des grains de groseilles communes, ou des baics de sureau, sans pepin, doux au gout, avec une légere & agréable acidité; on les transporte de plusieurs endroits de l'Archipel, & entr'autres de l'isthme de Corinthe, d'où ils ont pris leur nom. On les cultivoit autrefois dans tous les alentours de Corinthe, & en particulier aux environs de ce bois de cyprès, où Diogène jouissoit d'un loisir philosophique, lorsqu'il prit envie à Alexandre de l'y aller surprendre; mais aujourd'hui, soit par la négligence des habitans de ce pays - là, soit par d'autres raisons, la culture en a passé dans les îles soumises aux Vénitiens.

Ce que raconte Wheeler dans son voyage de Grece & de Dalmatie, des divers lieux d'où se tirent ces sortes de raisins, de la maniere qu'on les y prépare, & de la quantité qu'on en transporte en Europe, est assez curieux pour que le lecteur ne soit pas fâché d'en trouver ici le précis.

Il n'y a pas long - tems, dit ce voyageur anglois, qu'on recueilloit encore un peu de raisins de Corinthe à Vasilica, qui est l'ancienne Sicyone, éloignée de Corinthe seulement de six à sept milles; mais comme on n'en trouvoit pas le débit chez les Turcs, on les a négligés. Depuis que les Chrétiens ont été dépossédés de la Grece, & que le sultan a bâti deux châteaux aux bouches du golfe de Lépante, il ne permet pas aux grands vaisseaux d'entrer dans ce golfe, de peur de quelque surprise, sous prétexte d'aller chercher des raisins de Corinthe. On cultive néanmoins ces raisins sur la côte du golfe & à Vobtilsa, & on les porte à Patras où il en croît aussi. Ces trois lieux en peuvent fournir la charge d'un vaisseau médiocre.

Vis - à - vis de Patras, dans le pays des anciens étoliens, il y a un village nommé Anatolico, bâti comme Venise dans un marais, & peuplé d'environ 200 feux. Ses habitans y cultivent dans la terre - ferme du voisinage le raisin de Corinthe, qui y réussit merveilleusement. Il est beau & bon, & deux fois plus gros que celui de Zante. Ils en peuvent charger avec ceux du village de Messanlongi, un grand vaisseau. Le raisin de Corinthe croît encore dans l'île de Céphalonie, & sur - tout dans celle de Zante.

Boterus n'a pas eu tort d'appeller cette derniere île, l'ile d'or, à cause de sa fertilité & de sa beauté; mais elle mérite encore mieux ce nom, depuis que les Vénitiens ont trouvé le moyen d'en tirer tous les ans du profit par le trafic en général, & en particulier par celui de ses raisins. Cette île de la mer Ionienne, au couchant de la Morée dont elle est éloignée d'environ 15 lieues, & au midi de la Céphalonie, gouvernée par un provéditeur vénitien, est le principal endroit où on les cultive. Ils ne viennent pas sur des buissons comme des groseilles rouges & blanches, quoiqu'on le croye ordinairement, mais sur des vignes comme l'autre raisin; excepté que les feuilles sont un peu plus épaisses, & que la grappe est un peu plus petite. Ils n'ont aucun pepin, & ils sont à Zante tout rouges, ou plutôt noirs.

Ils croissent dans une belle plaine de douze milles de long, & de quatre ou cinq de large, à l'abri des montagnes qui bordent les rivages de l'ile; de sorte que le soleil rassemblant ses rayons dans ce fonds, y fait parfaitement mûrir les raisins de Corinthe, le raisin muscat & le raisin ordinaire, dont l'on fait du vin très - fort. Cette plaine est séparée en deux vignobles où il y a quantité d'oliviers, de cyprès, & quelques maisons de campagne qui, avec la forteresse & la croupe du mont di Scoppo, présentent un aspect charmant.

On vendange ces raisins dans le mois d'Août, on en fait des couches sur terre jusqu'à ce qu'ils soient secs. Après qu'on les a rassemblés, on les nettoie, & on les apporte dans la ville pour les mettre dans des magasins qu'ils appellent seraglio: on les y jette par un trou jusqu'à ce que le magasin soit plein. Ils s'entassent tellement par leur poids, qu'il faut les fouir avec des instrumens de ser; quand on les met en barils pour les envoyer quelque part, des hommes se graissent les jambes, & les pressent avec les piés nus afin qu'ils se conservent mieux, & qu'ils ne tiennent pas tant de place. Le millier pesant revient à l'acquéreur à environ 24 écus, quoique le premier achat ne soit que de 12 écus; mais on paye autant de douane à l'état de Venise que pour l'achat même. On fait quelquefois par curiosité du vin de ce raisin, il est cependant si violent, qu'il pourroit passer pour de l'eau - de - vie.

L'ile de Zante fournit tous les ans assez de raisins de Corinthe, pour en charger cinq ou six vaisseaux; Céphalonie pour en charger trois ou quatre; Nachaligo ou Anatolico, Messalongi & Patras, pour en charger un: on en transporte aussi quelque peu du golfe de Lépante. Les Anglois ont un comptoir à Zante, qui est conduit par un consul, & cinq ou six marchands pour ce commerce. Les Hollandois y ont un consul, & un ou deux marchands; & les François n'y ont qu'un commis, qui est le consul & le marchand tout ensemble. Les Anglois achetent presque tout le raisin de Corinthe.

Les Zantins n'ont pas beaucoup de connoissance de l'usage que l'on en fait en Europe; ils sont persuadés que l'on ne s'en sert que pour teindre les draps, & ils n'ont pu imaginer la consommation prodigieuse qu'en font les Anglois dans leurs mets, leurs pâtés de Noël, leurs gateaux, leurs tartes, leurs puddings, &c.

Les apothicaires sont ceux qui en débitent la moindre partie.

Ils viennent ordinairement en France par la voie de Marseille, dans des balles du poids de deux à trois cent livres, où ils sont extrèmement pressés & entassés. Les Anglois & les Hollandois en tems de paix, en apportent aussi quantité à Bordeaux, à la Rochelle, à Nantes & à Rouen.

Les raisins de Corinthe doivent se choisir nouveaux, petits, en grosses masses, point frottés de miel, ni mangés de mites. Quand ils sont bien emballés, ils peuvent se garder deux ou trois ans, en ne les remuant point, & ne leur donnant aucun air. La vigne qui les porte, vitis corinthiaca, sive apyrina, J. B. 2. 72. est semblable aux autres; les feuilles sont seulement plus grandes, moins découpées, obtuses, plus épaisses, & blanches en dessous.

Tous les raisins secs dont nous avons parlé, se vendent au quintal de cent livres à Amsterdam; le prix de ceux de Corinthe y est depuis 10 jusqu'à 17 florins le quintal: leur tare est de 16 pour 100, leur déduction de 2 par 100 pour le bon poids, & autant pour le prompt paiement. Les raisins longs s'y ven<pb-> [p. 772] dent depuis 10 jusqu'à 12 florins les cent livres; leur tare est de 10 pour 100. Les raisins ronds de cabas, s'achetent depuis 7 jusqu'à 9 florins le quintal. Ils ne déduisent en tout que un pour 100, pour le prompt paiement.

Dans les pays septentrionaux on se sert de raisins secs pour faire un vin artificiel, vigoureux, & qui n'est pas désagréable. En pilant ces raisins dans de l'eau bouillante, & les laissant macérer & fermenter, on retire de ce vin de l'eau - de - vie & un esprit de vin. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Raisin (Page 13:772)

Raisin, (Diete & Mat. méd.) le raisin est sur - tout connu par le suc qu'on en exprime, qui étant récent porte le nom de mout, & qui est changé par une espece de fermentation dont il est éminemment susceptible, en cette liqueur si connue sous le nom de vin. Voyez Mout & Vin. Il ne s'agit dans cet article que des qualités diététiques, des usages & des vertus médicamenteuses du raisin même. Sous ce point de vûe on doit le considérer dans deux états différens; savoir lorsqu'il est récent, ou du moins frais & bien conservé, ou lors qu'il est réduit par une desfication artificielle en raisin sec, appellé aussi dans les boutiques passe ou raisins passes, en latin uvoe passoe.

Les raisins frais sont un aliment très - sain, pourvû qu'on les mange dans un état de parfaite maturité. Ils sont pourtant sujets à l'inconvénient de fournir un suc qui épaissit la salive, qui empâte la bouche & l'ésophage, & qui excite la soif par cette raison. Les raisins qui donnent le meilleur vin sont précisement ceux qui ont éminemment cette qualité, ou plutôt ce vice diététique. Mais il y a quelques especes de raisin dont le suc est très - aqueux, & qui en sont presque absolument exempts: ceux - là n'excitent dans la bouche que le sentiment de fraîcheur, joint à une douceur agréable, & à un goût assez relevé quoique sans parfum proprement dit, ce qui les fait regarder avec raison, comme le plus excellent des fruits, sur - tout dans les pays chauds où les fruits très aqueux sont aussi salutaires qu'agréables. Le raisin qui est connu en bas Languedoc sous le nom d'aspiran, sous celui de verdal, & sous celui de rabaieren, est vraissemblablement le premier, le plus excellent des raisins à manger. Il joint aux qualités du suc que nous venons d'exposer, la circonstance d'avoir des grains très - gros; d'avoir une peau extrèmement mince, & de n'avoir qu'un ou deux très - petits pepins. Le village de Pignan, à une lieue & demie de Montpellier, & ceux de Nefie, de Fontés, de Nizas, de Caux & de Peret, aux environs de Pézenas, sont les cantons où ce raisin est le plus beau & le meilleur.

Une observation d'agriculture singuliere à - propos de la vigne qui porte ces raisins aux environs de Pézenas, c'est que la plupart des seps sont plantés dans des fentes de rochers, qui sont dans tout ce canton une lave très - dure, sans que le fruit dont ces seps se chargent très - abondamment, souffre notablement de la chaleur du climat, & des longues sécheresses qui y sont très - communes en automne.

Le chasselas de Champagne, & celui de Fontainebleau, est encore un très - bon raisin à manger; & il ne fait aussi - bien que l'aspiran du Languedoc, qu'un petit vin sans corps & peu durable.

Le raisin muscat n'est presque plus mangeable dès qu'il est parfaitement mûr, & cela à cause de la viscosité de son suc, dont nous avons parlé au commencement de cet article; viscosité qui dégénere même en une certaine âcreté; & lors même qu'on le mange avant qu'il soit parvenu à ce point, il n'est jamais très - salutaire; il est venteux, sujet à donner des coliques, on le croit même propre à procurer des accès de fievre; mais il y a apparence qu'il ne produit ces mauvais effets, que parce qu'on le mange ordinai<cb-> rement étant encore verd: or il est assez bien observé qu'en général le raisin verd est très - fiévreux.

Les raisins mûrs au contraire, non - seulement sont très - salutaires, comme nous l'avons observé plus haut, mais il est très - vraissemblable que l'opinion populaire qui les fait regarder comme une ressource assurée contre les restes des maladies d'été, & surtout contre les reliquats ordinaires des fievres intermittentes, savoir, la maigreur, la jaunisse, les obstructions naissantes, les petites toux seches, &c. que cette opinion, dis - je, n'est pas absolument dénuée de fondement. Laissez - nous attraper les raisins, disent communément dans les provinces où ils sont très abondans, les convalescens dont nous venons de parler; ils se gorgent en effet de ce fruit lorsque la saison en est venue, & la plupart s'en trouvent très - bien. Au reste ce n'est pas par une action purement occulte qu'ils produisent cette merveille, ils entretiennent une liberté de ventre, & même une légere purgation continue, dont l'efficacité est observée contre les incommodités dont nous venons de parler.

Les raisins secs sont employés en médecine de toute antiquité. On en distingue à - présent dans les boutiques des apothicaires de trois especes; savoir, le raisin de Damas, le raisin de notre pays, qu'on appelle communément à Paris passerille ou raisin de Provence, & le raisin de Corinthe.

On peut tres - bien se passer des raisins de Damas, moyennant les raisins de Provence, je veux dire quant à l'usage pharmaceutique; car quant à l'usage diététique, les premiers sont d'un goût peu agréable, & on ne les sert jamais sur nos tables. Les raisins de Corinthe ne paroissent pas non - plus dans nes desserts, on les emploie seulement dans quelques ragoûts, & dans quelques pâtisseries; mais beaucoup plus chez quelques peuples nos voisins, que chez nous.

Les raisins secs contenant ce suc doux & mielleux, dont nous avons parlé au commencement de cet article, beaucoup plus concentré ou rapproché que le raisin frais le plus doux & le plus mûr, on peur déduire les qualités diététiques des uns, de ce que nous avons observé de celles des autres. Cependant si on mange modérément des raisins secs à la fin du repas, ils n'incommodent point ordinairement, & sur - tout si on boit par - dessus de l'eau pure; car l'eau est le remede direct & infaillible de l'épaississement incommode de la salive qu'occasionnent tous les corps très - doux: ainsi on en boit utilement encore sur le raisin frais très - doux. Les usages pharmaceutiques des raisins secs sont plus étendus, on les emploie d'abord dans plusieurs compositions magistrales, ils font ordinairement avec les autres fruits doux & secs, comme figues, dattes, &c. la base ordinaire des tisanes pectorales. On les regarde comme éminemment pectoraux. Voyez Pectoral & Figue, Matiere médicale. On vante chez eux une qualité adoucissante, plus générale & capable d'affecter les reins, la vessie, le foie, &c. tous effets fort douteux, aussi bien que le pectoral; car ce suc doux n'est autre chose que le suc nourrissant végétal, très - pur, qui ne peut arriver aux reins, à la vessie, &c. qu'après avoir été digéré, & par conséquent changé, réduit à l'état très - commun de chyle, &c. Voyez Doux, chimie; Doux, diete, Incrassant, Muqueux, Nourrissant , &c. On les emploie plus utilement à masquer le goût de certains remedes désagréables, & principalement du séné. Il est encore suffisamment parlé de cet usage, qui est aussi propre à la figue seche, & aux autres substances analogues, à l'article Figue, Matiere médicale, voyez cet article. Voyez aussi l'article Correction, Pharmacie.

Les raisins secs entrent dans plusieurs compositions pharmaceutiques, ceux de Provence en particulier,

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