ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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PYTHONISSE (Page 13:633)

PYTHONISSE, s. f. (Divinat.) femme possédée de l'esprit python. Voyez Python.

Pythonisse d'Endor (Page 13:633)

Pythonisse d'Endor, (Critique sacrée.) on sait [p. 634] qu'il y a trois oppinions sur l'histoire de cette pythonisse d'Endor, que Saül alla consulter, I. Sam. c. xxviij. V. 7. & suiv. Les uns croient que l'ame de Samuël fut véritablement évoquée, & que ce fut l'ombre de ce prophete, ou ce prophete lui - même qui apparoissoit au roi, lui prédit sa défaite & sa mort comme certaine, V. 18 & 19. Les autres prétendent que le diable prit la figure de Samuel. D'autres enfin soutiennent que le tout ne fut qu'une fourberie de la part de la devineresse d'Endor. Le lecteur peut embrasser l'opinion qu'il lui plaira; car chacun de ces trois systèmes a des partisans. Nous remarquerons seulement que le dernier nous paroît le plus raisonnable, parce que c'est une maxime très - sage des Théologiens, de ne point multiplier les miracles sans nécessité; & comme on ne prouvera jamais que Dieu eût un besoin indispensable ou de la résurrection de Samuël, ou de laisser agir le diable, pour apprendre à Saül qu'il seroit battu par les Philistins, ce seroit pécher contre un axiome reçu, que de recourir au merveilleux.

Les deux principaux acteurs de la scène d'Endor sont Saül & la pythonisse. Nous savons par le texte ce que la pythonisse pensoit de Saül: Voi si ta servante a fait, dit - elle, ce que tu lui as demandé. Saül avoit demandé qu'elle lui devinât par l'Ob, & qu'elle lui fît monter celui qu'elle lui diroit. La conduite de Saül nous apprend ce qu'il pensoit: il compta fort peu sur la certitude de la prédiction; doute qu'il n'auroit pas eu, s'il avoit été assuré qu'elle vînt de Dieu: aussi, dès qu'il fut en état de faire quelques réflexions, il la regarda comme une illusion, puisqu'il se hâta si fort d'aller donner bataille aux Philistins. Samuël est un personnage suspect à l'une des parties; Saül & la pythonisse ne le sont point. Que demanda Saül à cette femme? Je te prie, devine - moi par l'Ob, & fais monter vers moi celui que je te dirai. On voit par - là bien clairement que Saül avoit renoncé à consulter Dieu, qui, selon sa pensée, s'étoit retiré de lui. Qui veuxtu que je te fasse monter? lui répond la pythonisse, c'est - à - dire, lequel des morts veux - tu consulter? Fais monter Samuël, replique Saül; après quoi la pythonisse se vante d'avoir fait ce qu'on lui a demandé.

Il est clair, dans l'histoire sacrée, que l'Eternel avoit constamment refusé de répondre aux incertitudes de Saül. V. 6. Or, l'opinion qui suppose que sans en avertir, Dieu change de conduite, jusqu'au point de ressusciter un prophete mort, pour fixer des doutes qu'il n'avoit pas daigné éclaircir par des songes, &c. attribue, en quelque sorte, à l'Etre suprème une conduite contradictoire, & conséquemment indigne de ses perfections infinies.

La pythonisse, qui connoissoit Saül, se conduisit avec beaucoup d'adresse, & feignit d'être effrayée quand elle vit Saül dans le trouble: « Et la femme voyant Samuël s'écria à haute voix en disant: Saül, pourquoi m'as - tu déçue? car tu es Saül ». Mais en même tems qu'elle feint d'être effrayée, elle conserve toute la tranquilité nécessaire, & répond à toutes les questions du prince; ensuite s'appercevant qu'il étoit fort troublé, elle lui dit pour le rassurer: « Voici, ta servante a écouté ta voix, & j'ai exposé ma vie, & j'ai obéi aux paroles que tu m'as dites ».

Ces paroles, j'ai exposé ma vie, n'ont pas besoin de commentaire; tout le monde entend qu'elles sont relatives à l'art que cette femme exerçoit, & aux supplices que Saül avoit infligés à ceux de cette profession: il les avoit exterminés du pays. « Maintenant, ajoute - t - elle, je te prie que tu écoutes ce que ta servante te dira. Souffre que je mette devant toi une bouchée de pain, afin que tu manges & que tu ayes des forces pour t'en retourner par ton chemin: il le refusa, & dit: Je ne mangerai point. Mais ses serviteurs & la femme aussi le presserent tant, qu'il acquiesça à leurs sollicitations, & s'étant levé de terre, il s'assit sur un lit ».

Cette femme adroite « avoit un veau qu'elle engraissoit en sa maison; elle se hâta de le tuer; puis elle prit de la farine, la paitrit, & en cuifit des pains sans levain, qu'elle mit devant Saül, &c Tout cela prouve que les deux personnages n'avoient pas été également affectés de la prétendue apparition, & que le prince tremblant étoit la dupe de la femme rusée, assurée & contente du succès de sa filouterie.

Cette femme avoit d'abord représenté à Saül les mauvais traitemens qu'il avoit faits aux personnes de sa profession. Elle connoissoit Saül de vue; néanmoins, pour ne point se tromper sur la personne qui la venoit consulter, elle commence par lui dire: pourquoi tends - tu un piége à mon ame pour me faire mourir? Il lui jure qu'il ne lui arrivera point de mal pour cela. Alors elle est parfaitement assurée de ne se pas tromper. Si Samuël s'étoit présenté vivant pendant cette conversation, Saül l'auroit vu comme la pythonisse; mais de peur de rien voir, il se prosterne le visage contre terre.

Le but de la magicienne étoit son propre intérêt, & le plaisir de se venger du mal que Saül avoit fait à ses semblables. En lui prédisant d'heureux succès, la confiance auroit pu revenir à Saül, & elle auroit travaillé par - là à reculer des malheurs que vraissemblablement elle souhaitoit d'avancer, pour être plutôt vengée. Les circonstances même forcerent la Pythonisse à parler comme elle parla. Ne doutons point que s'il eût été à son choix d'introduire quel personnage il lui eût plu pour jouer le rôle le plus commode, qu'elle n'en eût choisi un autre que Samuël. Mais Saül ayant souhaité qu'elle interrogeât ce prophete, comment le faire reconnoître à un prince qui craint de voir celui qu'il veut consulter, qu'en empruntant son langage, & lui faisant même rappeller ce qu'il avoit déja dit dans une autre occasion? Saul crut donc que c'étoit Samuel qui lui parloit, par les discours qu'il lui tint. Il ne l'auroit pas cru, s'il lui en avoit tenu de flateurs, Samuël n'ayant pas accoutumé Saül à en entendre de tels. Ainsi, tout concourut à favoriser la magicienne: ainsi tout est simple dans cette histoire, & rien ne requiert la supposition d'un miracle. (D. J.)

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