ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"622"> gauche au tropique du capricorne; que le ciel est un corps solide, formé d'air & condensé en crystal par le feu; que sa nature est aërienne & ignée dans l'un & l'autre hémisphere; que les astres sont de ce feu qui se sépara originairement de la masse; que les étoiles fixes sont attachées au firmament; que les planetes sont errantes; que le soleil est un globe de feu plus grand que la lune; qu'il y a deux soleils, le feu primitif & l'astre du jour qui nous éclaire; que la lune n'est qu'un disque deux fois plus éloigné du soleil que de la terre; que l'homme a deux ames, l'une immortelle, divine, particule de l'ame universelle, renfermée dans la prison du corps pour l'expiation de quelque faute; l'autre sensitive, périssable, composée d'élémens unis & séparables; qu'un homme n'est qu'un génie châtié.

Fata jubent, stant hoec decreta antiqua deorum; Si quid peccando longoevi doemones errant; Quisque luit poenas, coeloque extorris ab alto Trigenta horarum per terras millia oberrat, Sic & ego nunc ipse vagor, divinitùs exul.

Que tous les animaux, toutes les plantes ont des ames; que ces ames sont dans des transmigrations perpétuelles; qu'elles errent & erreront jusqu'à ce que, restituées dans leur pureté originelle & premiere, elles rentreront dans le sein de la divinité, divines elles - mêmes.

Nam memini, fueram quandam puer atque puella, Plantaque, & ignitus piscis, pernixque volucris.

Qu'il avoit été, & qu'il s'en souvenoit bien, jeune garçon, jeune fille, plante immobile, poisson phosphorique, oiseau léger, puis philosophe Empédocle.

Que les animaux n'ont pas toujours eu l'unité de conformation qu'on y remarque; qu'ils ont eu les deux sexes; qu'ils étoient un assemblage informe de membres & d'organes d'especes différentes, & qu'il reste encore dans quelques - uns des vestiges de ce desordre premier, dont les monstres sont apparemment des individus plus caractérisés.

Multa genus duplex referunt animalia membris Pectore, vel capite, aut alis, sic ut videatur, Ante viri retroque boris forma aut vice versâ, In pecore humanoe quondam vestigia formoe.

Le monstre est l'homme d'autrefois.

Que la mer est une sueur que l'ardeur du soleil exprime sans cesse de la terre; qu'il émane des corps des especes visibles par la lumiere du soleil qui les éclaire en s'y unissant; que le son n'est qu'un ébranlement de l'air porté dans l'oreille où il y a un battant, & où le reste s'exécute comme dans une cloche; que la semence du mâle contient certaines parties du corps organique à former, la semence de la femelle d'autres, & que de - là naît la pente des deux sexes, effet dans l'un & l'autre des molécules qui tendent à réformer un tout épars & séparé; que l'action de la respiration commence dans la matrice l'air s'y portant à mesure que l'humidité disparoît, la chaleur le repoussant à son tour, & l'air y retournant; que la chair est un égal composé des quatre élémens; qu'il en est des graines comme de la semence des animaux; que la terre est une matrice où elles tombent, sont reçues & éclosent; que la loi de nature est une loi éternelle, à laquelle il faut toujours obéir, &c....

Celui qui méditera avec attention cet abrégé de la vie & de la doctrine d'Empédocle, ne le regardera pas comme un homme ordinaire: il y remarquera des connoissances physiques, anatomiques, des vûes, de l'imagination, de la subtilité, de l'esprit, & une des<cb-> tination bien caractérisée à accélerer les progrès de l'esprit humain. Pour éclairer les hommes, il ne s'agit pas toujours de rencontrer la vérité, mais bien de les mettre en train de méditer par une tentative heureuse ou malheureuse. L'homme de génie est celui que la nature porte à s'occuper d'un sujet sur lequel le reste de l'espece est assoupi & aveugle.

Epicarme de Cos fut porté dans sa premiere enfance en Sicile: il y étudioit le Pythagorisme; mais le peuple sot, comme en tout tems & par - tout, y étoit déchaîne contre la Philosophie, & la tyrannie toujours ennemie de la liberté de penser, parce qu'elle s'avoue secrettement à elle - même, qu'elle n'a pas de moyen plus sûr de maîtriser les hommes qu'en les réduisant à la condition des brutes, y fomentoit la haine du peuple, il se livra donc au genre théâtral. Il écrivit des comédies où quelques principes de sagesse pythagorique échappés par hasard, acheverent de rendre cette philosophie odieuse; il fut versé dans la Morale, l'Histoire naturelle & la Médecine: il atteignit l'âge de 99 ans, & les brigands qui l'avoient persécuté lui éleverent une statue après sa mort. Son ombre ne fut - elle pas bien vaine de cet hommage? Ces hommes étoient - ils meilleurs quand ils l'honoroient par un monument, que quand ils égorgerent son maître, & qu'ils brûlerent tous ses disciples. Epicarme disoit:

Il est impossible que quelque chose se soit fait de rien.

Donc il n'y a rien qui soit un premier être, rien qui soit un second être.

Les dieux ont toujours été, & n'ont jamais cessé d'être.

Le chaos a été le premier des dieux engendré: il se fait donc un changement dans la matiere.

Ce changement s'exécute incessamment. La matiere est à chaque instant diverse d'elle - même. Nous ne sommes point aujourd'hui ce que nous étions hier; & demain, nous ne serons pas ce que nous sommes aujourd'hui.

La mort nous est étrangere: elle ne nous touche en rien; pourquoi la craindre?

Chaque homme a son caractere: c'est son génie bon ou mauvais.

L'homme de bien est noble, sa mere fût - elle étiopienne.

Ocellus fut - il péripatéticien ou pythagoricien? L'ouvrage de universo qu'on nous a transmis sous son nom est - il ou n'est - il pas de lui? C'est ce dont on jugera par les principes de sa doctrine. Selon Ocellus,

L'instinct de la nature nous instruit de plusieurs choses, dont la raison ne nous fournit que des preuves légeres. Il y a donc la certitude du sentiment, & la conjecture de la raison.

L'univers a toujours été, & sera toujours.

C'est l'ordre qu'on y remarque qui l'a fait nommer univers.

Il y a une collection de toutes les natures, un enchaînement qui lie & les choses qui sont & celles qui surviennent: il n'y a rien hors de - là.

Les essences, les principes des choses ne se saisissent point par les sens; elles sont absolues, énergiques par elles - mêmes, & parfaites.

Rien de ce qui est n'a été de rien, & ne se résout en rien.

Il n'y a rien hors de l'univers, aucune cause extérieure qui puisse le détruire.

La succession & la mort sont des choses accidentelles, & non des parties premieres.

Les premiers mobiles se meuvent d'eux - mêmes de la même maniere, & selon ce qu'ils sont.

Leur mouvement est circulaire.

Condensez le feu, & vous aurez de l'air; l'air, & [p. 623] vous aurez l'eau; l'eau, & vous aurez la terre; & la terre se résout en feu. L'homme se dissout, mais il ne revient pas. C'est un être accidentel; le tout reste, mais les accidens passent.

Le monde est un globe: il se meut d'un mouvement analogue à sa figure. La durée est infinie; la substance universelle ne peut être ni augmentée, ni diminuée, ni amendée, ni détériorée.

Il y a deux choses dans l'univers, la génération & sa cause.

La génération est le changement d'une chose en une autre. Il y a génération de celle - ci. La cause de la génération est la raison du changement ou de la production. La cause est efficiente & active. Le sujet est récipient & passif.

Le destin a voulu que ce monde fût divisé en deux régions que l'orbe de la lune distinguât; & que la région qui est au - dessus de l'orbe lunaire fût celle de l'immutabilité & de l'impassibilité; & celle qui est au - dessous, le séjour de la discorde, de la génération.

Il y a trois choses, le corps palpable, ou le récipient, ou le sujet passif des choses à venir, comme l'air qui doit engendrer le son, la couleur, les ténébres & la lumiere; la contradiction sans laquelle les mutations ne se feroient pas. Les substances contraires, comme le feu, l'eau, l'air & la terre.

Il y a quatre qualités générales contraires, le froid & le chaud, causes efficientes; le sec & l'humide, causes passives; la matiere qui reçoit tout est un suppôt commun.

Entre les qualités & différences des corps, il y en a de premieres & de secondaires qui émanent des premieres. Les premieres sont le froid & la chaleur, la sécheresse & l'humidité. Les secondaires sont la pesauteur & la légereté, la rareté & la densité; la dureté & la mollesse; l'uni & l'inégalité; la grosseur & la ténuité; l'aigu & l'obtus.

Entre les élémens, le feu & la terre sont les extrèmes, l'air & l'eau les moyens. Le feu est chaud & sec; l'air chaud & humide; l'eau humide & froide; la terre froide & seche.

Les élémens se convertissent sans cesse les uns dans les autres; l'un naît d'un autre. Dans cette décomposition, la qualité de l'élément qui passe, contraire à celle de l'élément qui naît, est détruite, la qualité commune reste, & c'est ainsi que cette sorte de génération s'exécute.

Entre les causes efficientes, il y en a une placée dans la région haute du monde, le soleil dont la distance variable altere incessamment la constitution de l'air; d'où naissent toutes les vicissitudes qui s'observent sur la terre. Cette bande oblique, demeure des signes, séjour passager du soleil, ornement de l'univers, qu'on appelle zodiaque, donne au soleil même la puissance, ou d'engendrer, ou de souffrir.

Le monde étant de toute éternité, ce qui fait sa beauté & son harmonie est aussi éternel; le monde a toujours été, & chacune de ses parties; la raison des générations & des corruptions, des vicissitudes, n'a point changé & ne change point.

Chaque partie du monde a toujours eu son animal; les dieux ont été au ciel, les démons dans l'air, les hommes sur la terre. L'espece humaine n'a pas commencé.

Les parties de la terre sont sujettes à des vicissitudes & passent, mais la terre reste.

C'est la conservation de l'espece humaine, & non la volupté qu'il faut se proposer dans la production de l'homme.

Dieu a voulu que la suite des générations diverses fût infinie, afin que l'homme s'approchât nécessaireme de la divinité.

L'homme est sur la terre, comme un hôte dans sa maison, un citoyen dans sa ville; c'en est la partie la plus importante.

L'homme est le plus traitable des animaux; aussi ses fonctions sont en vicissitude & variables.

La vie contient les corps; l'ame est la cause de la vie; l'harmonie contient le monde: Dieu est la cause de l'harmonie; la concorde contient les familles & les cités; la loi est la cause de la concorde.

Ce qui meut toujours, commande; ce qui souffre toujours est commandé. Ce qui meut est antérieur à ce qui souffre; l'un est divin, raisonnable, intelligent; l'autre engendré, brute & périssable.

Timée le locrien, se distingua par la connoissance astronomique & par ses idées générales sur l'univers. Il nous reste de lui un ouvrage intitulé. de l'ame du monde, où il admet deux causes génerales, éternelles, Dieu ou l'esprit; la nécessité ou la matiere source des corps. Si l'on compare son systeme avec le dialogue de Platon, on verra que le philosophe Athénien a souvent corrompu la physiologie du locrien.

Architas naquit à Tarente; il fut contemporain de Platon qu'il initia au Pythagorisme. Celui - ci qu'on peut appeller le jeune, ne vit point Pythagore; car il y a eu un Architas l'ancien qui étudia sous ce maître commun de tant d'hommes célébres. Celui de l'arente eut pour disciples, outre Platon, Philolaüs & Eudoxe; il fleurit dans la quatre - vingt - seizieme olympiade; ce fut un géometre de la premiere force, ainsi qu'il paroît par l'analyse de quelques problèmes que Laerce & Vitruve nous ont laissés de lui. Il s'immortalisa dans la méchanique; il en posa le premier les principes rationels qu'il appliqua en même tems à la pratique par l'invention des mousles, des vis, des leviers & d'autres machines. Il fit une colombe qui voloit. Il eut encore les qualités qui constituent le grand homme d'état. Ses concitoyens lui conférerent sept fois le gouvernement de leur ville. Il commanda à l'armée avec des succès qui ne se démentirent point. L'envie qui le persécutoit le détermina à abdiouer toutes ses dignités; mais les événemens malheureux ne tarderent pas à punir ses concitoyens de leur injustice; le trouble s'éleva dans leur ville, & leurs armées furent défaites. A ses talens personnels, & à ses vertus publiques, ajoutez toutes les vertus domestiques, l'humanité, la modestie, la pudeur, la bienfaisance, l'hospitalité, & vous aurez le caractere d'Architas; il périt dans un naufrage sur les rivages de la Calabre; c'est entre ce philosophe & un matelot, qu'Horace a institué ce beau dialogue qui commence par ces mots:

Le matelot Te maris & terroe, numeroque carentis arena Mensoram cohibent, Archita, Pulveris exigui, prope littus, parva, matinum Munera; nec quicquam tibi prodest Aerias tentasse domos, animoque rotundum Percurrisse polum, morituro.

Voyez le reste de l'ode; rien n'est plus beau que la réponse d'Architas; lisez - la, & apprenez à mourir & à honorer la cendre de ceux qui ne sont plus.

Architas pensoit que le tems étoit un nombre, un mouvement, où l'ordre de la nature entiere, que le mouvement universel se distribuoit en tout, selon une certaine mesure; que le bonheur n'étoit pas toujours la récompense immédiate de la vertu; qu'il n'y avoit d'heureux que l'homme de bien; que Dieu possedoit dans son ouvrage une tranquillité & y introduisoit une magnificence qu'il n'étoit pas donné à l'homme d'atteindre; qu'il y avoit des biens desirables par eux - mêmes; des biens desirables pour d'autres, & des biens desirables sous l'un & l'autre aspect; que l'homme de bien est celui qui se montre vertueux dans la prospérité, dans l'adversité, & dans

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