ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"616"> roient ensemble; ils s'interrogeoient; ils se répondoient; ils s'oignoient; ils se baignoient; ils se rassembloient autour de tables servies de pain, de fruits, de miel, & d'eau; jamais on n'y buvoit de vin; le soir on faisoit des libations; on lisoit, & l'on se retiroit en silence.

Un vrai pythagoricien s'interdisoit l'usage des viandes, des poissons, des oeufs, des féves, & de quelques autres légumes; & n'usoit de sa femme que très - modérément, & après des préparations relatives à la santé de l'enfant.

Il ne nous reste presque aucun monument de la doctrine de Pythagore; Lysis & Archyppus, les seuls qui étoient absens de la maison, lorsque la faction cylonienne l'incendia, & fit périr par les flammes tous les autres disciples de Pythagore, n'en écrivirent que quelques lignes de réclame. La science se conserva dans la famille, se transmit des peres & meres aux enfans, mais ne se répandit point. Les commentaires abrégés de Lysis & d'Archyppus, furent supprimés & se perdirent; il en restoit à peine un exemplaire au tems de Platon, qui l'acquit de Philolaüs. On attribua dans la suite des ouvrages & des opinions à Pythagore; chacun interpreta comme il lui plut, le peu qu'il en savoit; Platon & les autres philosophes corrompirent son système; & ce système obscur par lui - même, mutilé, défiguré, s'avilit & fut oublié. Voici ce que des auteurs très - suspects nous ont transmis de la philosophie de Pythagore.

Principes généraux du Pythagorisme. Toi qui veux être philosophe, tu te proposeras de délivrer ton ame de tous les liens qui la contraignent; sans ce premier soin, quelque usage que tu fasses de tes sens, tu ne sauras rien de vrai.

Lorsque ton ame sera libre, tu l'appliqueras utilement; tu t'éleveras de connoissance en connoissance, depuis les objets les plus communs, jusqu'aux choses incorporelles & éternelles.

Arithmétique de Pythagore. L'objet des sciences mathématiques tient le milieu entre les choses corporelles & les incorporelles; c'est un des degrés de l'échelle que tu as à parcourir.

Le mathématicien s'occupe ou du nombre, ou de la grandeur; il n'y a que ces deux especes de quantité. La quantité numérique se considere ou en elle - même, ou dans un autre; la quantité étendue est ou en repos ou en mouvement. La quantité numérique en elle - même est objet de l'Arithmétique, dans un autre; comme le son, c'est l'objet de la Musique; la quantité étendue en repos, est l'objet de la Géométrie; en mouvement, de la Sphérique.

L'Arithmétique est la plus belle des connoissances humaines; celui qui la sauroit parfaitement, posséderoit le souverain bien.

Les nombres sont ou intellectuels ou scientifiques.

Le nombre intellectuel subsistoit avant tout dans l'entendement divin; il est la base de l'ordre universel, & le lien qui enchaîne les choses.

Le nombre scientifique est la cause génératrice de la multiplicité qui procede de l'unité & qui s'y résout.

Il faut distinguer l'unité de l'art; l'unité appartient aux nombres; l'art aux choses nombrables.

Le nombre scientifique est pair ou impair.

Il n'y a que le nombre pair qui souffre une infinité de divisions en parties toujours paires; cependant l'impair est plus parfait.

L'unité est le symbole de l'identité, de l'égalité, de l'existence, de la conservation, & de l'harmonie générale.

Le nombre senaire est le symbole de la diversité, de l'inégalité, de la division, de la séparation, & des vicissitudes.

Chaque nombre, comme l'unité & le binaire, a ses propriétés qui lui donnent un caractere symbolique qui lui est particulier.

La monade ou l'unité est le dernier terme, le dernier état, le repos de l'état dans son décroissement.

Le ternaire est le premier des impairs; le quaternaire le plus parfait, la racine des autres.

Pythagore procede ainsi jusqu'à dix, attachant à chaque nombre des qualités arithmétiques, physiques, théologiques & morales.

Le nombre denaire contient, selon lui, tous les rapports numériques & harmoniques, & forme ou plutôt termine son abaque ou sa table.

Il y a une liaison entre les dieux & les nombres, qui constitue l'espece de divination appellée arithmomantie.

Musique de Pythagore. La musique est un concert de plusieurs discordans.

Il ne faut pas borner son idée aux sons seulement. L'objet de l'harmonie est plus général.

L'harmonie a ses régles invariables.

Il y a deux sortes de voix, la continue & la brisée. L'une est le discours, l'autre le chant. Le chant indique les changemens qui s'operent dans les parties du corps sonore.

Le mouvement des orbites célestes, qui emportent les sept planetes, forme un concert parfait.

L'octave, la quinte & la quarte sont les bases de l'arithmétique harmonique.

La maniere dont on dit que Pythagore découvrit les rapports en nombre de ces intervalles de sons marque que ce fut un homme de génie.

Il entendit des forgerons qui travailloient. Les sons de leurs marteaux rendoient l'octave, la quarte & la quinte. Il entra dans leur attelier. Il sit peser leurs marteaux. De retour chez lui, il appliqua aux cordes tendues par des poids l'expérience qu'il avoit faite, & il forma la gamme du genre diatonique, d'où il déduisit ensuite celles des genres chromatiques & enharmoniques, & il dit:

Il y a trois genres de musique, le diatonique, le chromatique & l'enharmonique.

Chaque genre a son progrès & ses degrés. Le diatonique procéde du semi - ton au ton, &c.

C'est par les nombres & non par le sens qu'il faut estimer la sublimité de la musique. Etudiez le monocorde.

Il y a des chants propres à chaque passion, soit qu'il s'agisse de les tempérer, soit qu'il s'agisse de les exciter.

La flûte est molle. Le philosophe prendra la lyre; il en jouera le matin & le soir.

Géométrie de Pythagore. En géométrie, l'unité représentera le point; le nombre binaire la ligne; le ternaire la surface, & le quaternaire le solide.

Le point est l'unité donnée de position.

Le nombre binaire représente la ligne, parce qu'elle est la premiere dimension, engendrée d'un mouvement indivisible.

Le nombre ternaire représente la surface, parce qu'il n'y a point de surface qui ne puisse se réduire à des élemens de trois limites.

Le cercle, la plus parfaite des figures curvilignes, contient le triangle d'une maniere cachée; & ce triangle est formé par le centre & un portion indéterminée de la circonférence.

Toute surface étant réductible au triangle, il est le principe de la génération & de la formation des corps. Les élemens sont triangulaires.

Le quarré est le symbole de l'essence divine.

Il n'y a point d'espace autour d'un point donné, qu'on ne puisse égaler à un triangle, à un quarré ou à un cercle. [p. 617]

Les trois angles internes d'un triangle sont égaux à deux angles droits.

Dans un triangle rectangle, le quarré du côté opposé à l'angle droit est égal au quarré des deux autres côtés.

On dit que Pythagore immola aux muses une hécatombe, pour les remercier de la découverte de ce dernier théoreme, ce qui prouve qu'il en connut toute la fécondité.

Astronomie de Pythagore. Il y a dans le ciel la sphere fixe ou le firmament; la distance du sirmament à la lune, & la distancede la lune à la terre. Ces trois espaces constituent l'univers.

Il y a dix spheres celestes. Nous n'en voyons que neuf, celles des étoiles fixes, des sept planetes & de la terre. La dixieme, qui se dérobe à nos yeux, est opposée à notre terre.

Pythagore appelle cette derniere l'anthictone.

Le feu occupe le centre du monde. Le reste se meut autour.

La terre n'est point immobile. Elle n'est point au centre. Elle est suspendue dans son lieu. Elle se meut sur elle - même. Ce mouvement est la cause du jour & de la nuit.

La révolution de Saturne est la grande année du monde; elle s'acheve en trente ans. Celle de Jupiter en vingt. Celle de Mars en deux. Celle du Soleil en un. La révolution de Mercure, de Vénus & de la Lune est d'un mois.

Les planetes se meuvent de mouvemens qui sont entr'eux, comme les intervalles harmoniques.

Vénus, Hesper & Phosphorus sont un même astre.

La Lune & les autres planetes sont habitables.

Il y a des antipodes.

De la philosophie de Pythagore en général. La sagesse & la Philosophie sont deux choses fort différentes.

La sagesse est la science réelle.

La science réelle est celle des choses immortelles, éternelles, efficientes par elles - mêmes.

Les êtres qui participent seulement de ces premiers, qui ne sont appellés êtres qu'en conséquence de cette participation, qui sont matériels, corporels, sujets à génération & à corruption, ne sont pas proprement des êtres, ne peuvent être ni bien connus, ni bien définis, parce qu'ils sont infinis & momentanés dans leurs états, & il n'y a point de sagesse relative à eux.

La science des êtres réels entraîne nécessairement la science des êtres équivoques. Celui qui travaille à acquérir la premiere, s'appellera philosophe.

Le philosophe n'est pas celui qui est sage, mais celui qui est ami de la sagesse.

La Philosophie s'occupe donc de la connoissance de tous les êtres, entre lesquels les uns s'observent en tout & partout; les autres souvent, certains seulement en des cas particuliers. Les premiers sont l'objet de la science générale ou philosophie premiere; les seconds sont l'objet des sciences particulieres.

Celui qui sait résoudre tous les êtres en un seul & même principe, & tirer alternativement de ce principe un & seul, tout ce qui est, est le vrai sage, le sage par excellence.

La fin de la Philosophie est d'élever l'ame de la terre vers le ciel, de connoître Dieu, & de lui ressembler.

On parvient à cette sin par la vérité, ou l'étude des êtres éternels, vrais & immuables.

Elle exige encore que l'ame soit affranchie & purgée, qu'elle s'amende, qu'elle aspire aux choses utiles & divines, que la jouissance lui en soit accordée, qu'elle ne craigne point la dissolution du corps, que l'éclat des incorporels ne l'éblouisse pas, qu'elle n'en détourne pas sa vue, qu'elle ne se laisse pas enchaî ner par les liens des passions, qu'elle lutte contre tout ce qui tend à la déprimer, & à la ramener vers les choses corruptibles & de néant, & qu'elle soit infatigable & immuable dans sa lutte.

On n'obtiendra ce degré de perfection que par la mort philosophique, ou la cessation du commerce de l'ame avec le corps, état qui suppose qu'on se connoit soi - même, qu'on est convaincu que l'esprit est détenu dans une demeure qui lui est étrangere, que sa demeure & lui sont des êtres distincts, qu'il est d'une nature tout - à - fait diverse; qu'on s'exerce à se recueillir, ou à séparer son ame de son corps, à l'affranchir de ses affections & de ses sensations, à l'élever au - dessus de la douleur, de la colere, de la c amte, de la cupidité, des besoins, des appetits, & à l'accoutumer tellement aux choses analogues à sa nature, qu'elle agisse, pour ainsi dire, séparément du corps, l'ame étant toute à son objet, & le corps se portant d'un mouvement automate & méchanique sans la participation de l'ame; l'ame ne consentant ni ne se refusant à aucun de ses mouvemens vers les choses qui lui sont propres.

Cette mort philosophique n'est point une chimere. Les hommes accoutumés à une forte contemplation l'éprouvent pendant des intervalles assez longs. Alors ils ne sentent point l'existence de leur corps; ils peuvent être blessés sans s'en appercevoir; ils ont bû & mangé sans le savoir; ils ont vécu dans un oubli profond de leur corps & de tout ce qui l'environnoit, & qui l'eût affecté dans une situation diverse.

L'ame affranchie par cet exercice habituel existera en elle; elle s'élevera vers Dieu; elle sera toute à la contemplation des choses éternelles & divines.

Il paroît par cet axiome que Pythagore, Socrate, & les autres contemplateurs anciens, comparoient le géometre, le morasiste, le philosophe profondement occupé de ses idées, &, pour ainsi dire, hors de ce monde, à Dieu dans son immensité; avec cette seule différence, que les concepts du philosophe s'éteignoient en lui, & que ceux de Dieu se réalisoient hors de lui.

On ne s'éleve point au - dessus de soi, sans le secours de Dieu & des bons génies.

Il faut les prier; il faut les invoquer, sur - tout son génie tutélaire.

Celui qu'ils auront exaucé ne s'étonnera de rien; il aura remonte jusque aux formes & aux causes essentielies des choses.

Le philosophe s'occupe ou des vérités à découvrir, ou des actions à faire, & sa science est ou théorique, ou pratique.

Il faut commencer par la pratique des vertus. L'action doit précéder la contemplation.

La contemplation suppose l'oubli & l'abstraction parfaite des choses de la terre.

Le philosophe ne se déterminera pas inconsidérément à se mêler des affaires civiles.

La Philosophie considerée relativement à ses éleves est ou exotérique, ou esotérique: L'exotérique propose les vérités sous des symboles, les enveloppe, ne les démontre point. L'ésotérique les dépouille du voile, & les montre nues à ceux dont les yeux ont été disposés à les regarder.

Philosophie pratique de Pythagore. Il y a deux sortes de vertus. Des vertus privées qui sont relatives à nous - mêmes; des vertus publiques qui sont relatives aux autres.

Ainsi, la Philosophie morale est pédeutique ou politique.

La pédeutique forme l'homme à la vertu, par l'étude, le silence, l'abstinence des viandes, le courage, la tempérance & la sagacité.

L'occupation véritable de l'homme est la perfection de la nature humaine en lui.

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