ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"704"> aussi Fontanon, Imbert, Bouchel, le tit. 19 de l'ordon. criminelle. (A)

Question (Page 13:704)

Question, (Procédure criminelle.) on vient de lire des détails instructifs pour des juges criminels; mais puisqu'il n'est point défendu d'examiner les matieres les plus délicates du droit, nous profiterons de ce privilege en suivant l'exemple de plusieurs savans & citoyens, qui de tout tems ont osé exposer les inconvéniens qu'ils croyoient appercevoir dans la pratique de la question, ou pour mieux parler de la torture. La soumission des sujets demande bien qu'on obéisse aux magistrats, mais non pas qu'on les croie infaillibles, & qu'entre deux usages, ils n'aient pû embrasser le pire. C'est pour cela qu'il est permis de représenter avec respect les abus, afin d'éclairer le souverain, & de le porter par sa religion & par sa justice, à les réformer.

Je pourrois remarquer que les Athéniens n'usoient de la question qu'en cas de crime de lèse - majesté, & qu'ils ne connoissoient point la question préparatoire; que chez les Romains, la naissance, la dignité, la profession militaire garantissoient de ce tourment, & que les seuls esclaves sur lesquels on avoit droit de vie & de mort, y étoient exposés; que semblablement du tems de Charlemagne, la question ne se donnoit qu'aux esclaves: mais ces remarques sont foibles dès que la loi de la nature crie contre cette pratique, sans y mettre aucune exception vis - à - vis de qui que ce soit.

Indépendamment de la voix de l'humanité, la question ne remplit point le but auquel elle est destinée. Que dis - je, c'est une invention sûre pour perdre un innocent, qui a la complexion foible & délicate, & sauver un coupable qui est né robuste. Ceux qui peuvent supporter ce supplice, & ceux qui n'ont pas assez de force pour le soutenir, mentent également. Le tourment qu'on fait souffrir dans la question est certain, & le crime de l'homme qui souffre ne l'est pas; ce malheureux que vous appliquez à la torture songe bien moins à déclarer ce qu'il sait, qu'à se délivrer de ce qu'il sent. Ainsi, comme le dit Montagne, les gehennes sont d'une dangereuse invention; c'est, continue - t - il, « un essai de patience plus que de vérité; car, pourquoi la douleur fera - t - elle plûtôt confesser à un malheureux ce qui est, qu'elle ne le forcera de dire ce qui n'est pas? & au rebours, si celui qui n'a pas fait ce dont on l'accuse, est assez patient que de supporter ces tourmens, pourquoi ne le sera celui qui a fait un crime, un si beau guerdon que celui de la vie lui étant assuré? en un mot, c'est un moyen plein d'incertitude & de danger: que ne diroit - on, que ne feroit - on pas pour fuir à si grieves douleurs? D'où il advient que celui que le juge a gehenné pour ne le faire mourir innocent, il le fasse mourir innocent & géhenné ».

Un état bien lamentable est donc celui d'un homme innocent, à qui la question arrache l'aveu d'un crime; mais l'état d'un juge qui se croyant autorisé par la loi, vient de faire souffrir la torture à cet homme innocent, doit être selon moi, un état affreux. A - t - il quelques moyens de le dédommager de ses souffrances? Il s'est trouvé dans tous les tems des hommes innocens, à qui la torture a fait avouer des crimes dont ils n'étoient point coupables. La véhémence de la douleur, ou l'infirmité de la personne, fait confesser à l'innocent ce qu'il n'a pas commis; & l'obstination des coupables qui se trouvent robustes & plus assurés dans leurs crimes, leur fait tout dénier.

Charondas, liv. IX. rép. 1. en rapporte un exemple très - déplorable. Un mari accusé d'avoir assassiné sa femme, nie le fait; les présomptions étoient toutes contre lui, & même le soir de sa retraite, il avoit violemment maltraité cette femme, & s'étoit ensuite sauvé du logis. Sur ces demi - preuves, on l'applique à la question; il confesse le meurtre; on le condamne à la mort. Appel du jugement. Dans le tems qu'on fait le rapport du procès, tout entier à sa charge, la femme qui s'étoit cachée dans la maison d'un prêtre, son corrupteur, se représente. On comprend bien que l'arrêt qui intervint, déchargea de l'accusation le prétendu coupable: mais la torture qu'il avoit soufferte, le juge, ou si l'on veut, la loi, pouvoit - elle réparer les maux qu'il avoit endurés?

Si je le voulois bien, il me seroit facile de citer plusieurs autres exemples de gens appliqués à la question, qui préférant une prompte mort à de longs supplices, ont, pour s'en délivrer, confessé des crimes dont ils n'étoient pas coupables. Voyez S. Jerôme, épit. 34. & Papon, l. XXIV. tit. 8. nomb. 1. & Louis Vivès, dans son comment. sur S. Augustin, de civit. Dei, liv. XIX. ch. vj. où il se déclare hautement contre la torture.

Je ne serois pas même embarrassé d'alléguer de nouvelles raisons contre la torture, qu'on a point encore proposées. Il est du - moins certain que si l'on ne peut ôter la vie à un homme sur une preuve douteuse, celle que l'on arrache par la force des tourmens, sera toujours douteuse; & par conséquent la confession extorquée ne peut servir de fondement à une condamnation à la mort. Si l'on croit ne devoir pas prononcer de jugement sur la consession volontaire d'une personne, on ne peut pas mieux ordonner le dernier supplice sur la confession que l'on arrache à force de supplices.

Une autre réflexion s'offre à mon esprit; comme nous prétendons que la religion, la justice & les moeurs s'opposoient au combat judiciaire, nous devrions trouver également que les tortures y sont contraires; autrement nous sommes inconséquens dans nos principes; car il n'est pas moins possible qu'un accusé criminel résiste à la violence de la question, qu'il l'étoit que ce même homme vainquit & subjuguât son accusateur; cependant, malgré cet inconvénient commun aux duels & aux tortures, on a gardé l'usage des tortures dans ces mêmes pays, où l'on a sévérement réprimé les duels, du - moins par les lois.

J'ajoute que la question, loin d'être utile pour découvrir les vrais complices d'un crime, pourroit quelquefois nuire à ce projet. Lorsque Guillaume Laud, évêque de Londres, menaça Felton, qui avoit assassiné le duc de Buckingham, de le faire appliquer à la torture, s'il ne déclaroit ses complices, il lui répliqua: « Mylord, je ne sais ce que les tourmens de la question me feront dire, mais il se pourra que je vous nommerai comme le premier de mes complices, ou quelqu'autre membre du conseil du roi; ainsi vous ferez bien de m'épargner des tourmens inutiles ».

Enfin la question contre les criminels n'est point dans un cas forcé: nous voyons aujourd'hui une nation très - polie, & aussi éclairée que respectueuse envers l'humanité, qui a rejetté ce supplice sans inconvénient, même dans le cas de haute trahison; il n'est donc pas nécessaire par sa nature. Mais tant d'habiles gens & de beaux génies ont écrit sur cette matiere, qu'il est inutile que je m'étende davantage à la discuter. Ainsi pour exemple, je renvoie le lecteur en particulier, à l'ouvrage de Jean Grevius. Il est intitulé, Tribunal reformatum, in quo sanioris & tutioris justitia via judici christiano in processu criminali demonstratur, rejectâ & fugatâ torturâ, cujus iniquitatem, multiplicem fallaciam, atque illicitum inter christianos usum, aperuit, Joh. Grevius Clivensis Homb. 1624, in - 4°. Cet ouvrage a produit des effets salutaires en Hollande. On a laissé dormir la loi qui prescrivoit la question; on n'en a fait aucun usage dans les Provinces - Unies depuis plus de cent ans.

Je couronne mon article par ces paroles de Quintilien, Inst. Orat. lib. V. c. iv. Sicut in tormentis quo - [p. 705] que, qui est locus frequentissimus, cùm pars altera quaestionem, vera fatendi necessitatem vocet, altera soepè etiam causam falsa dicendi, quòd aliis patientia, facilè mendacium faciat, aliis, infirmitas necessarium. Ajoutez le passage du jurisconsulte Ulpien, in lib. I. §. quaest. de quaest. Statutum est non semper fidem tormentis, nec tamen nunquam adhibendam fore. Etenim res est fragilis, quaestio & periculosa, veritatem fallat; nam plerique patientiâ, sive duritiâ tormentorum, ita tormenta contemnunt, ut exprimi eis veritas, nullo modo possit: alii tantâ sunt impatientiâ, ut quoevis mentiri, quam pati tormenta velint. Ita fit, ut etiam vario modo fateantur, ut non tantùm se, verùm etiam alios criminentur. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Questions (Page 13:705)

Questions perpétuelles, (Hist. romaine.) c'est ainsi qu'on appelloit chez les Romains, les matieres criminelles, dont le jugement étoit commis à des magistrats particuliers, que le peuple créoit à cet effet, & qui furent nommés quoesitores parricidii, questeurs du parricide.

Ce fut seulement l'an de Rome 604, que quelquesunes de ces commissions furent rendues permanentes. On divisa peu - à - peu toutes les matieres criminelles en diverses parties, qu'on appella des questions perpétuelles, quoestiones perpetuoe, c'est - à - dire des recherches perpétuelles. On créa divers préteurs pour faire ces recherches, & on en attribua un certain nombre à chacun d'eux, suivant les conjonctures. On leur donna pour un an la puissance de juger les crimes qui en dépendoient, & ensuite ils alloient gouverner leurs provinces. Voyez de plus grands détails au mot Recherches perpétuelles. (Jurisprud. rom.)

QUESTIONNAIRE (Page 13:705)

QUESTIONNAIRE, s. m. (Jurisprud.) est celui qui donne la question ou torture aux accusés.

On se sert aussi du questionnaire pour faire fustiger ceux qui sont condamnés à avoir le foüet sous la custode, & auxquels on ne veut pas imprimer de note d'infamie.

Dans les endroits où il n'y a pas de questionnaire en titre, c'est l'exécuteur de la haute justice qui donne la question. Voyez ci - devant Question & le mot Torture. (A)

QUESTIONNER, INTERROGER, DEMANDER (Page 13:705)

QUESTIONNER, INTERROGER, DEMANDER, (Synonymes.) on questionne, on interroge, & l'on demande pour savoir; mais il semble que questionner fasse sentir un esprit de curiosité; qu'interroger suppose de l'autorité, & que demander ait quelque chose de plus civil & de plus respectueux.

Questionner & interroger font seuls un sens; mais il faut ajouter un cas à demander; c'est - à - dire que pour faire un sens parfait, il faut marquer la chose qu'on demande.

L'espion questionne les gens; le juge interroge les criminels; le soldat demande l'ordre au général. Girard.

QUESTOIRE (Page 13:705)

QUESTOIRE, s. m. (Art milit. des Rom.) quoestorium; on nommoit ainsi chez les Romains la tente, le pavillon, le logement du questeur dans le camp. C'étoit dans ce logement qu'étoit la caisse militaire; & nous apprenons de Polybe qu'on posoit toujours pour la garde trois sentinelles devant le questoire; mais on n'en posoit que deux devant le logement de ceux que le sénat envoyoit pour servir de conseil au général; c'étoit ordinairement des sénateurs sur l'expérience desquels on pouvoit compter.

QUESTURE (Page 13:705)

QUESTURE, s. f. (Hist. rom.) la questure ainsi que l'édilité, étoit une magistrature qui servoit à parvenir à de plus élevées; elle étoit annuelle comme celle de consul, & elle ne s'obtenoit, à ce qu'il paroît, qu'à 25 ans au plûtôt. De - là il est facile de conclure qu'on ne pouvoit avoir entrée au sénat avant cet âge, puisque pour y entrer, il falloit avoir obtenu la questure, ou exercer quelque autre charge. Voyez Sigonius, de antiq. juris rom. Celui qui étoit honoré de la questure s'appelloit questeur. Voyez Questeur.

QUÊTE (Page 13:705)

QUÊTE, s. f. (Gramm.) action de chercher; on dit: il y a long - tems que je suis en quête de cet homme, de sa demeure, de sa naissance, de cette vente. On dit de l'action de demander les aumônes des fideles pour quelque oeuvre pieuse, faire une quête. On fait une quête pour les brûlés, pour des pauvres familles honteuses, pour les prisonniers. Il faut une permission expresse de la police, de l'archevêque, pour faire une quête publique. Il y a un grand nombre de religieux qui n'ont pour vivre que ce qu'ils tirent de leurs quêtes.

Quête (Page 13:705)

Quête, (Hist. de la Chevalerie.) terme de l'ancienne chevalerie, qui signifie les courses ou voyages que plusieurs chevaliers qui venoient de recevoir les honneurs de la chevalerie, ou qui avoient assisté aux fêtes qui y étoient relatives, faisoient en commun, soit pour retrouver un fameux chevalier qui avoit disparu, soit pour reprendre une dame restée au pouvoir d'un ennemi, soit pour d'autres objets encore plus relevés, comme celui de la quête du S. Graal. Ces sujets se sont étendus & multipliés à l'infini dans l'imagination des faiseurs de romans. Nos héros errant de pays en pays, parcouroient sur - tout les forêts presque sans autre équipage que celui qui étoit nécessaire à la défense de leur personne; & ils vivoient uniquement de leurs chasses: des pierres plates plantées en terre, qu'on avoit exprès placées pour eux, servoient à faire les apprêts de leurs viandes, comme à prendre leurs repas; les chevreuils qu'ils avoient tués étoient mis sur ces tables, & recouverts d'autres pierres, avec lesquelles ils pressoient pour en exprimer le sang, d'où cette viande est nommée dans nos romans, chevaux de presse, nourriture des héros: du sel & quelques épices, les seules munitions dont on se chargeoit, en faisoient tout l'assaisonnement. Afin de surprendre plus surement les ennemis qu'ils alloient chercher, ils ne marchoient qu'en petites troupes de trois ou de quatre, ayant soin pour n'être point connus, de changer, de déguiser leurs armoiries, ou de les cacher en les tenant couvertes d'une housse. L'espace d'un an & d'un jour, étoit le terme ordinaire de leur entreprise. Au retour, ils devoient, suivant leur serment, faire un récit fidele de leurs avantures, exposer ingénuement leurs fautes, leurs malheurs & les succès qu'ils avoient eus dans leurs quêtes. (D. J.)

Quête (Page 13:705)

Quête, (Marine.) c'est la saillie, l'élancement ou l'angle, que l'étrave & l'étambord font aux extrémités de la quille. Cet angle est plus grand à l'étrave qu'à l'étambord.

Quête (Page 13:705)

Quête, (Charpent.) c'est l'avance que font les bateaux sur les rivieres, tant du côté du chef que de la quille, lorsqu'elle s'éleve & ne touche plus sur le chantier. La quête du chef d'un bateau - foncet est de la septieme partie de la longueur du fond; & celle de la quille est de la fixeme partie de celle du chef. Savary.

Quête (Page 13:705)

Quête, (terme de Chasse.) action de celui qui va détourner une bête pour la lancer & la chasser avec des chiens courans. (D. J.)

QUÊTER (Page 13:705)

QUÊTER, ou alle en quête, se dit en Vénerie lorsqu'un valet de limier va détourner les bêtes avec son limier. C'est aussi aller quêter une bête pour la lancer & la chasser avec les chiens courans.

QUÉVAGE (Page 13:705)

QUÉVAGE, s. m. terme de Coutume, Ragueau avoue dans son indice, qu'il ne connoît point ce droit; mais il semble à M. Aubert (& la chose est très - vraissemblable), que c'est le même droit que chevage, chevagium ou cavagium, dont il est fait mention dans plusieurs anciens titres rapportés par Galand en son traité du franc - aleu; c'est donc ce qui se leve par tête. (D. J.)

QUEUE (Page 13:705)

QUEUE, s. f. (Gramm.) la partie qui termine certains animaux par derriere. Ce mot a un grand nom<pb->

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