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Quantité (Page 13:655)
La quantité des sons dans chaque syllabe, ne confiste donc point dans un rapport déterminé de la durée du son, à quelqu'une des parties du tems que nous assignons par nos montres, à une minute, par exemple, à une seconde, &c. Elle consiste dans une proportion invariable entre les sons, qui peut être caractérisée par des nombres: en sorte qu'une syllabe n'est longue ou breve dans un mot que par relation à une autre syllabe qui n'a pas la même quantité. Mais quelle est cette proportion?
Longam esse duorum temporum, brevem unius, etiam [p. 656]
On distingue généralement les syllabes en longues
& breves, & on assigne, dit M. d'Olivet, un tems à
la breve, & deux tems à la longue, ibid.
Que suit - il de - là? Le moins qu'on puisse donner à la plus breve, c'est un tems, de l'aveu du savant prosodiste françois. J'en conclus qu'il juge donc lui - même ce tems indivisible, puisque sans cela on pourroit donner moins à la plus breve: donc le moins qu'on puisse donner de plus à la moins breve, sera un autre tems; la longue aura donc au moins trois tems, & la plus longue qui aura au - dela de trois tems, en aura au moins quatre. Dans ce cas que devient la maxime de Quintilien, reçue par M. d'Olivet, longam esse duorum cemporum, brevem unius?
Mais notre prosodiste augmente encore la difficulté.
Notre illustre académicien répondra peut - être, que je lui prête des conséquences qu'il n'a point avouées: qu'il a dit positivement que la plus breve auroit un tems; que la moins breve auroit un peu au - delà d'un tems; mais sans pouvoir emporter deux tems entiers; qu'ainsi la longue auroit justement deux tems. & la plus longue un peu au de - là. Je conviens que tel est le système de la prosodie françoise: mais je réponds, 1°. qu'il est inconséquent, puisque l'auteur commence par poser que le moins qu'on puisse donner à la plus breve, c'est un tems; ce qui est déclarer ce moins un élément indivisible, quoiqu'on le divise ensuite pour fixer la gradation de nos tems syllabiques sans excéder les deux tems élémentaires: 2°. que cette inconséquence même n'est pas encore suffisante pour renfermer le système de la quantité dans l'espace de deux tems élémentaires, puisqu'on est forcé de laisser aller la plus longue de nos syllabes un peu au - delà des deux tems; & que par conséquent il reste toujours à
Pour ce qui concerne la conciliation de ce calcul avec le principe, connu des enfans mêmes, que l'art métrique, en grec & en latin, ne connoît que des longues & des breves; il ne s'agit que de distinguer la quantité naturelle & la quantité artificielle.
La quantité naturelle est la juste mesure de la durée du son dans chaque syllabe de chaque mot, que nous prononçons, conformément aux lois du méchanisme de la parole & de l'usage national.
La quantité artificielle est l'appréciation conventionnelle de la durée du son dans chaque syllabe de chaque mot, relativement au méchanisme artificiel de la versification métrique & du rythme oratoire.
Dans la quantité naturelle, on peut remarquer des durées qui soient entre elles comme les nombres 1, 2, 3, 4, 5, ou même dans une autre progression: & ceux qui parlent le mieux une langue, sont ceux qui se conforment le plus exactement à toutes les nuances de cette progression quelconque. Les femmes du grand monde sont ordinairement les plus exactes en ce point, sans y mettre du pédantisme. Ciceron (de Orat. III. 21.) en a fait la remarque sur les dames romaines, dont il attribue le succès à la retraite ou elles vivoient. Mais si l'on peut dire que la retraite conserve plus sûrement les impressions d'une bonne éducation; on peut dire aussi qu'elle fait obstacle aux impressions de l'usage, qui est dans l'art de parler le maître le plus sûr, ou même l'unique qu'il faille suivre: nous voyons en effet que des savans très profonds s'expriment sans exactitude & sans grace, parce que continuellement retenus par leurs études dans le silence de leur cabinet, ils n'ont avec le monde aucun commerce qui puisse rectifier leur langage; & d'ailleurs les succes de nos dames en ce genre ne peuvent plus être attribués à la même cause que ceux des dames romaines, puisque leur maniere de vivre est si différente. La bonne raison est celle qu'ailegue M. l'abbé d'Olivet, pag. 99. c'est qu'elles ont, d'une part, les organes plus délicats que nous, & par conséquent plus sensibles, plus susceptibles des moindres différences; & de l'autre, plus d'habitude & plus d'inclination à discerner & à suivre ce qui plaît. A peine distinguons - nous dans les sons toutes les différences appréciables; nos dames y démêlent toutes les nuances sensibles: nous voulons plaire, mais sans trop de frais; & rien ne coûte aux dames, pourvu qu'elles puissent plaire.
S'il avoit fallu tenir un compte rigoureux de tous les degrés sensibles ou même appréciables de quantité, dans la versification métrique, ou dans les combinaisons harmoniques du rythme oratoire; les difficultés de l'art, excessives ou même insurmontables, l'auroient fait abandonner avec justice, parce qu'elles auroient été sans un juste dédommagement: les chefs - d'oeuvres des Homeres, des Pindares, des Virgiles, des Horaces, des Démosthènes, des Cicérons, ne seroient jamais nés; & les noms illustres, ensevelis dans les ténebres de l'oubli qui est dû aux hommes vulgaires, n'enrichiroient pas aujourd'hui les [p. 657]
Les syllabes des mots sont longues ou breves, ou par nature ou par usage.
1°. Une syllabe d'un mot est longue ou breve par nature, quand le son qui la constitue dépend de quelque mouvement organique que le méchanisme doit exécuter avec aisance ou avec célérite, selon les lois physiques qui le dirigent.
C'est par nature que de deux voyelles consécutives
dans un même mot, l'une des deux est breve, &
sur - tout la premiere; que toute diphtongue est longue,
soit qu'elle soit usuelle ou qu'elle soit factice;
que si par licence on décompose une diphtongue, l'un
des deux sons élémentaires devient bref, & plus communément
le premier. Voyez
On peut regarder encore comme naturelle une autre regle de quantité, que Despautere énonce en deux vers:
Dum postponuntur vocali consona bina Aut duplex, longa est positu . . . . . . . . & que l'on trouve rendue par cesdeux vers françois dans la méthode latine de Port - Royal:
La voyelle longue s'ordonne, Lorsqu'après suit double consonne. Ceci doit s'entendre du son représente par la voyelle; & sa position consiste à être suivi de deux articulations prononcées, comme dans la premiere syllabe de carmen, dans la syllabe p>st, dans at suivi de pius, ät pius AEneas, &c. C'est que l'on ne tient alors aucun compte de syllabes physiques qui ont pour ame l'e muet qui suit nécessairement toute consonne qui n'est pas avant une autre voyelle; & qu'en conséquence on rejette sur le compte de la voyelle antécédente, le peu de tems qui appartient à l'e muet que la premiere des deux consonnes amene nécessairement, mais sourdement. Ainsi la prononciation usuelle ne fait que deux syllabes de carmen, quoique l'articulation y introduise nécessairement un e muet, & que l'on prononce naturellement ca - re mè - ne: cet e muet est si bref, qu'on le compte absolument pour rien; mais il est si réel que l'on est forcé d'en retenir la quantité pour en augmenter celle de la voyelle précédente.
L'auteur de la méthode latine (traité de la quantité, reg. IV.), observe que pour faire qu'une syllabe soit longue par posrtion, il faut au moins qu'il y ait une des consonnes dans la syllabe même qu'on fait longue. Car, dit - il, si elles sont toutes deux dans la suivante, cela ne la fait pas longue d'ordinaire. Cette remarque est peu philosophique; parce que deux consonnes ne peuvent appartenir à une même syllabe physique; & qu'une consonne ne peut influer en rien sur une voyelle précédente. Voyez H. Ainsi que les deux consonnes appartiennent au mot suivant, ou qu'elles soient toutes deux dans le même mot que la voyelle précédente, ou enfin que l'une soit dans le même mot que la voyelle, & l'autre dans le mot suivant; il doit toujours en résulter le même effet prosodique, puisque c'est toujours la même chose. Le vers qu'on nous cite de Virgile, AEneid. IX. 37. Ferte citi ferrum, date tel>, scandite muros, est donc dans la regle générale, ainsi que l'usage ordinaire des Grecs
On peut objecter sur cela que la liberté que l'on a en grec & en latin, de faire breve ou longue, une voyelle originairement breve, quand elle se trouve par hasard suivie d'une mute & d'une liquide, semble prouver que la regle d'alonger la voyelle située devant deux consonnes, n'est pas dictée par la nature, puisque rien ne peut dispenser de suivre l'impression de la nature. Mais il faut prendre garde que l'on suppose 1°. qu'originairement la voyelle est breve, & que pour la faire longue, il faut aller contre la regle qui l'avoit rendue breve; car si elle étoit originairement longue, loin de la rendre breve, le concours de la mute & de la liquide seroit une raison de plus pour l'alonger: 2°. il faut que des deux consonnes, la seconde soit liquide, c'est - à - dire qu'elle s'allie si bien avec la précédente, qu'elle paroisse n'en faire plus qu'une avec elle: or dès qu'elle paroît n'en faire qu'une, on ne doit sentir que l'effet d'une, & la breve a droit de demeurer breve; si on veut appuyer sur les deux, la voyelle doit devenir longue.
On objectera encore que l'usage de notre orthographe
est diamétralement opposé à cette prétendue
loi de la nature, puisque nous redoublons la consonne
d'après une voyelle que nous voulons rendre breve.
Nos peres, selon M. l'abbé d'Olivet, pag. 22,
ont été si fideles à notre orthographe, que souvent
ils ont secoué le joug de l'étymologie, comme dans
couronne, personne, où ils redoublent la lettre n, de
peur qu'on ne fasse la pénultieme longue en françois
ainsi qu'en latin.
La réponse à cette objection est fort simple. Nous écrivons deux consonnes à la vérité; mais nous n'en prononçons qu'une. Or la quantité du son est une affaire de prononciation & non d'orthographe; si bien que dès que nous prononcerons les deux consonnes, nous allongerons inévitablement la voyelle précédente. Quant à l'intention qu'ont eue nos peres, en instituant le redoublement de la consonne dans les mots où la voyelle précédence est breve; ce n'a point été de l'abréger, comme le dit l'auteur de la prosodie françoise, mais d'indiquer seulement qu'elle est breve. Le moyen étoit - il bien choisi? Je n'en crois rien, parce que le redoublement de la consonne, dans l'orthographe, devroit indiquer naturellement l'effet que produit dans la prononciation le redoublement de l'articulation, qui est de rendre longue la syllabe qui précéde. Nous n'avons point de signe, dit - on, qui puisse y suppléer. M. Duclos, dans ses remarques manuscrites sur cet endroit - là même, demande s'il ne suffiroit pas de marquer les longues par un circonflexe, & les breves par la privation d'accent. Nous pouvons déja citer quelques exemples autorisés: matin, commencement du jour, a la premiere breve, & il est sans accent; mâtin, espece de chien, a la premiere longue, & il a le circonflexe: c'est la même chose de tache, souillure, & tâche que l'on a à faire; de sur, préposition, & sûr, adjectif; de jeune d'âge, & jeûne, abstinence. Y auroit - il plus d'inconvénient à écrire il tete & la tête, la pâte du pain, & la pate d'un animal; vu surtout que nous sommes déja en possession d'écrire avec le circonflexe ceux de ces mots qui ont la premiere longue?
2°. Une syllabe d'un mot est longue ou breve par usage seulement, lorsque le méchanisme de la prononciation n'exige dans le son, qui en est l'ame, ni longueur, ni briéveté.
Il y a dans toutes les langues un plus grand nom<pb-> [p. 658]
Un auteur à genoux, dans une humble préface, Au lecteur qu'il ennuie à beau demander gr>ce. C'est la même chose de ceux - ci, justement relevés par M. Restaut, qui, en faveur de Boileau, cherche mal - à - propos à excuser les précédens:
Je l'instruirai de tout, je t'en donne par>le, Mais songe seulement a bien jouer ton r>le. (B. E. R. M.)
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