ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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PYRRHIQUE, la (Page 13:607)

PYRRHIQUE, la (Orchestiq. greq.) danse de gens armés, voici la description de cette danse si célebre dans les écrits des poëtes & des historiens.

Les danseurs étoient vêtus de tuniques d'écarlate, sur lesquelles ils portoient des ceinturons garnis d'acier, d'où pendoient l'épée & une espece de courte lance. Les musiciens outre cela, avoient le casque, orné d'aigrettes & de plumes.

Chaque bande étoit précédée par un maître de ballet, qui marquoit aux autres les pas & la cadence, & qui donnoit aux musiciens le ton & le mouvement, dont la vîtesse représentoit l'ardeur & la rapidité des combats.

Cette danse de gens armés s'appelloit la pyrrhique, soit qu'elle eût été inventée par Minerve, lorsque pour célébrer la victoire remportée sur les Titans, elle institua les danses, & dansa la premiere avec ses armes; soit que remontant encore plus haut, les Curètes en soient les auteurs, dans le tems que par le cliquetis de leurs armes & les mouvemens de leurs cors, ils calmoient selon le témoignage de la fable, les cris de Jupiter au berceau.

Les auteurs donnent diverses interprétations de l'origine du terme pyrrhique. Les uns assurent qu'elle fut ainsi nommée de Pyrrhus de Cydon, qui le premier apprit aux Crétois cette maniere de danser avec leurs armes sur la cadence du pié pyrthique, c'est - à - dire d'une cadence précipitée, parce que le pié pyrrhique étant composé de deux breves, en désigne la vîtesse. D'autres prétendent que Pyrrhus sils d'Achille, fut l'inventeur de cette danse, & qu'il fut le premier qui dansa armé devant le tombeau de son pere. Aristote en fait Achille même l'auteur.

Quoi qu'il en soit, cette danse étoit fort ancienne dans la Grece, comme Homere le justifie par sa description du bouclier d'Achille. Il y place deux villes; l'une jouissant d'une profonde paix; l'autre accablée des malheurs de la guerre. Dans la premiere qu'il éleve au - dessus de la seconde, & dont il représente l'heureuse destinée, il n'y fait voir que des jours de fêtes, que nôces & que festins, suite naturelle de la prospérité; & il dit:

Dans ces lieux fortunés la charmante jeunesse Au son des instrumens signale son adresse; Et sur leurs doux accords réglant ses mouvemens, Du beau sexe à l'envi fait les amusemens.

Dans ce même bouclier, il décrit une danse de Crete, ciselée avec le même artifice; il la compose de jeunes garçons & de jeunes filles, dont il parle ainsi:

Là sur l'acier poli par une main divine, Brilloit de mille traits une troupe enfantine, Dont le pas animé & le port gracieux, Fait l'objet le plus doux des hommes & des dieux.

Quand il vient au récit de leurs habillemens, il re marque que les filles portoient des couronnes en dansant, & les garçons des épées.

Les filles en dansant, se couronnent de fleurs; Les garcons du plaisir, l'ame moins occupée, D'un riche ceinturon font briller leur épée.

Il n'oublie pas ceux qui menoient la danse, & qui marquoient aux autres l'air & les pas, sur lesquels ils devoient se régler.

Tandis qu'à cette fête on court de toutes parts, Contenter à loisir ses curieux regards; Les acteurs enchantés d'une telle afflucnce, Redoublent leur ardeur, & raniment la danse; Deux maîtres en cet art, du geste & de la voix, Mettent la troupe en branle, & prescrivent les lois.

Mais laissons le bouclier d'Achille pour décrire cet exercice militaire qu'on nommoit la danse pyrrhique.

Les jeunes soldats n'ayant que des armes & des boucliers de bouis, faisoient en dansant plusieurs tours, & divers mouvemens qui représentoient les différentes évolutions des bataillons. Ils exprimoient aussi par leurs gestes tous les devoirs des soldats dans la guerre; comment il falloit attaquer l'ennemi: manier l'épée dans le combat, lancer un dard, ou tirer une fleche; voilà l'objet de la danse pyrrhique. Cependant plusieurs joueurs animoient ces soldats par le son de leurs flutes, & réjouissoient le peuple qui étoit présent à ce spectacle. Celui qui présidoit à ces jeux étoit une personne d'autorité qui avoit droit de châtier ceux qui manquoient à leur devoir. Quelquefois la pyrrhique étoit composée de deux partis; l'un d'hommes & l'autre de femmes, comme on le voit par cette ancienne épigramme:

In spatio veneris simulantur proelia Martis Cum sese adversum sexus uterque venit. Foemineam manibus nam confert pyrrhica classem, Et velut in mortem militis, ama movet; Quoe tamen haud ullo chalybis sunt tecta rigore, Sed solum reddunt buxea tela sonum.

Souvent aussi les enfans nobles se divertissoient à ces jeux que l'on appelloit castrenses, parce qu'ils se faisoient ordinairement dans le camp, pour l'exercice & pour le divertissement des soldats: c'étoient là les jeux pyrrhiques.

Les Lacédémoniens furent ceux d'entre les Grecs qui s'adonnerent le plus à cette danse; & au rapport d'Athénée, ils y exerçoient leur jeunesse dès l'âge de cinq ans.

Xénophon rapporte qu'on donna une fête à un ambassadeur des Paphlagoniens, dans laquelle on le régala de toutes sortes de danses guerrieres; ensuite un mysien pour lui plaire davantage, fit entrer une baladine, qui étant armée d'un leger bouclier, dansa la pyrrhique avec tant de perfection, que les Paphlagoniens demanderent si les femmes greques alloient à la guerre; on leur répondit que oui, & qu'elles avoient chassé le roi de Perse de son camp.

Le même historien dans la description du festin que Seuthe, prince de Thrace, fit aux Grecs, parle encore d'une autre espece de pyrrhique: « Après le repas, dit - il, entrerent des cérasontins qui sonnerent la charge avec des flutes, & des trompettes de cuir de boeuf crud, sur lesquelles ils imitoient la cadence de la lyre; & Seuthe lui - même se levant, se mit à danser avec autant de vîtesse & de légéreté, que s'il eût tâché d'éviter un dard ».

Comme cette ancienne pyrrhique étoit une danse pénible, elle reçut dans la suite divers adoucissemens; il paroît que du tems d'Athénée, la pyrrhique étoit une danse consacrée à Bacchus, où l'on repré<pb-> [p. 608] sentoit les victoires de ce dieu sur les Indiens, & où les danseurs, au lieu d'armes offensives, ne portoient que des thyrses, des roseaux & des flambeaux. C'est sans doute cette seconde espece de pyrrhique dont le même auteur veut parler, lorsqu'il en fait une des trois sortes de danses qui appartenoient à la poésie lyrique. La pyrrhique décrite par Apulée dans le X. livre de ses Milésiades, porte aussi le caractere d'une danse tout - à - fait pacifique.

Néron aimoit beaucoup la pyrrhique; l'histoire rapporte qu'au sortir d'un spectacle qu'il venoit de donner au peuple, il honora de la bourgeoisie romaine tous les éphebes étrangers qui y avoient dansé cette danse. (D. J.)

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