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QUANTITE (Page 13:653)
QUANTITE, s. f. (Philosophie.) se dit de tout
ce qui est susceptible de mesure, ou qui comparé
avec chose de même espece peut être dit ou plus
grand ou plus petit, ou égal ou inégal. Voyez
Les Mathématiques sont la science de la quantité.
Voyez
La quantité est un attribut général qui s'applique à différentes choses dans des sens tout - à - fait différens; ce qui fait qu'il est très - difficile d'en donner une définition exacte.
La quantité s'applique également & aux choses &
aux modes; & cela au singulier, quand elle ne s'applique
qu'à un, ou au pluriel, quand elle s'applique
à plusieurs. Dans le premier cas elle s'appelle grandeur, dans l'autre multitude. Voyez
Plusieurs philosophes définissent en général la quantité la différence interne des choses semblables, ou ce en quoi les semblables peuvent différer, sans que leur ressemblance en souffre.
Les anciens faisoient de la quantité un genre, sous lequel ils renfermoient deux especes, le nombre & la grandeur. Ils nommoient le nombre quantité discrete, parce que ses parties sont actuellement discretes ou séparées, & qu'en prenant une de ces parties pour une unité, elle est actuellement déterminée. La grandeur au contraire portoit le nom de quantité continue, parce que ses parties ne sont pas actuellement séparées, & qu'on peut diviser en différentes manieres le tout qu'elle compose. Les mathématiciens modernes, en adoptant ces notions, ont remarqué de plus que le nombre & les grandeurs avoient une propriété commune, savoir de souffuir augmentation ou diminution; ainsi ils ont défini en général la quantité, ce qui peut être augmenté ou diminué.
La quantité existe dans tout être fini, & s'exprime par un nombre indéterminé, mais elle ne peut être connue & comprise que par voie de comparaison, & en la rapportant à une autre quantité homogene.
Nous nous représentons, par une notion abstraite, la quantité comme une substance, & les accroissemens ou diminutions comme des modifications, mais il n'y a rien de réel dans cette notion. La quantité n'est point un sujet susceptible de diverses déterminations, les unes constantes, les autres variables, ce qui caractérise les substances. Il faut à la quantité un sujet dans lequel elle réside, & hors duquel elle n'est qu'une pure abstraction.
Toute quantité qui ne sauroit être assignée, passe pour zéro dans la pratique commune; & dans celle des Mathématiciens, les nombres servent à faire comprendre distinctement les quantités. Elles peuvent aussi être représentées par des lignes droites, & leurs relations mutuelles se représentent par les relations de ces lignes droites.
Nous venons de dire que toute quantité inassignable passe pour zéro dans l'usage commun. Ainsi la division des poids, des mesures, des monnoies, va jusqu'à certaines bornes, au - delà desquelles on néglige ce qui reste, comme s'il n'étoit point; c'est ainsi que le gros va jusqu'aux grains, le pié jusqu'aux lignes ou aux points, &c.
Pour les Mathématiciens, sans parler des pratiques
La quantité peut être réduite à quatre classes, savoir;
La quantité morale qui dépend d'usages & de déterminations arbitraires, comme le poids & la valeur des choses, les degrés de dignité & de pouvoir, les récompenses & les châtimens, &c.
La quantité intellectuelle, qui a sa source & sa détermination dans l'entendement seul; comme le plus ou le moins d'etendue dans l'esprit ou dans ses conceptions; en logique les universaux, les prédicamens, &c.
La quantité physique ou naturelle est de deux sortes;
1°. celle de la matiere même & de son étendue,
voyez
On distingue aussi communément la quantité en continue & discrete.
La quantité continue est de deux sortes, la successive
& impropre qui est le tems. Voyez
Et la permanente ou propre qui est l'espace. Voyez
Quelques philosophes veulent que l'idée de la quantité continue & la distinction qu'on en fait d'avec la quantité directe ne sont fondees sur rien. M. Machin regarde cette quantité mathématique, ou ce qui est la même chose, toute quantité qui s'exprime par un symbole, comme n'étant autre chose que le nombre par rapport à quelque mesure considérée comme unité; car ce n'est que par le nombre que nous pouvons concevoir la mesure d'une chose. La notion d'une quantité, sans égard à aucune mesure, n'est qu'une idée confuse & indéterminée; & quoiqu'il y ait quelques - unes de ces quantités, qui considérées physiquement, peuvent être décrites par le mouvement, comme les lignes par le mouvement des points, & les surfaces par les mouvemens des lignes; cependant, dit M. Machin, les grandeurs ou quantités mathématiques ne se déterminent point par le mouvement, mais par le nombre relatif à quelque mesure. Voyez philos. Trans. n°. 447. pag. 228.
La quantité permanente se distingue encore en longueur,
largeur, & profondeur. Voyez
M. Wolf nous donne une autre notion des quantités mathématiques & de la division qu'on en fait
en discrete & continue. Tout ce qui se rapporte, ditil,
à l'unité, comme une ligne droite ou une autre
ligne, est ce que nous appellons quantité ou nombre
en général. Voyez
Ce qui se rapporte à une unité donnée, comme 2 ou 3, &c. s'appelle nombre determiné; ce qui se rapporte à l'unité en général s'appelle quantité, laquelle n'est en ce cas autre chose qu'un nombre.
Ainsi, par exemple, la largeur d'une riviere est une quantité: mais veut - on savoir combien elle est large pour se former une idée distincte de cette quan - [p. 654]
La largeur de la riviere est donc une quantité considérée relativement à une unité indéterminée ou une unité en général; mais prise relativement à telle ou telle unité déterminée en particulier, c'est un nombre déterminé.
La quantité de mouvement dans les méchaniques est de deux sortes; celle du mouvement momentané & celle du mouvement successif.
Les Cartésiens définissent celle - ci comme on a coutume de définir le mouvement momentané, par le résultat de la masse & de la vîtesse. Mais comme le mouvement est quelque chose de successif, dont les parties ne sont point co - existantes; quelques-uns prétendent que sa quantité ne doit être estimée que par la collection de ses parties successives, ce qui est vrai à plusieurs égards, sur - tout dans le mouvement non - uniforme.
La quantité du mouvement momentané est le produit
de la vîtesse par la masse; ainsi la quantité de
mouvement d'un corps entier est la collection des
quantités de mouvement de toutes ses parties. Voyez
Donc dans un corps deux fois aussi grand qu'un autre, mu avec la même vîtesse, il y a une fois plus de mouvement que dans celui qui est une fois plus petit; & si la vîtesse est double, il y aura quatre fois plus de mouvement.
La quantité de mouvement momentané est proportionelle
à l'impulsion qui fait mouvoir le corps.
Voyez
Dans le choc des corps, la quantité de mouvement
momentané qui se trouve dans chacun, en prenant
la somme des mouvemens qui tendent au même
point, ou leurs différences s'ils ont des directions
contraires, n'est point - du - tout changée par leur choc.
Voyez
La quantité de matiere dans un corps est le produit
de sa densité par son volume. Voyez
Si donc un corps est une fois plus dense qu'un autre, & occupe une fois plus d'espace ou de volume, sa quantité de matiere sera quatre fois plus grande.
Le poids absolu d'un corps est ce qui fait connoître
le mieux sa quantité de matiere. Voyez
Quantité infinie. Quoique l'idée d'une grandeur
infinie, ou qui excede toute quantité finie, emporte
avec soi l'exclusion de limites, il ne laisse pas d'y
avoir, à plusieurs égards, selon quelques philosophes,
des différences entre les infinis; car outre les
longueurs infinies, les largeurs infinies, il y a aussi
trois sortes de solides infinis, différentes les unes des
autres. Voyez
Quant à la surface ou aire infinie, une ligne
étendue à l'infini, à parte ante & à parte post, tirée
sur ce plan infini, le partageroit en deux parties
égales, l'une à droite & l'autre à gauche de cette
ligne. Mais si d'un point de ce plan partoient deux
lignes droites prolongées à l'infini, & s'écartant
l'une de l'autre ensorte qu'elles formassent un angle,
l'aire infinie comprise entre les deux lignes,
seroit à la surface totale comme un arc de cercle
décrit entre ces deux lignes, du point de concours
comme centre, seroit à la circonférence entiere du
cercle, ou comme le nombre de degrés de l'angle
que forment les deux lignes seroit aux 360 degrés
du cercle entier.
Par exemple, deux lignes droites infinies se rencontrant
à angles droits sur un plan infini, enferment
un quart de la surface totale. Si l'on suppose
deux lignes paralleles tirées sur un pareil plan infini,
l'aire comprise entre deux sera pareillement
infinie; mais en même tems on peut dire en quelque
sorte qu'elle sera infiniment moindre que l'espace
compris entre deux lignes inclinées l'une sur
l'autre, quelque petit que soit l'angle qu'elles formeront,
parce que dans l'un des deux cas la distance
finie donnée des deux paralleles, les borne à
n'être infinies que dans un sens ou une dimension,
au - lieu que dans l'espace renfermé par l'angle il y
a infinité en deux dimensions.
De cette même considération naissent trois différentes
sortes de solides infinis; car le parallelépipede,
ou le cylindre infiniment long est plus grand
qu'aucun solide fini, quelque grand qu'il soit; mais
ce parallelépipede ou ce cylindre n'est infini qu'en
longueur, & fini dans le sens des autres dimensions.
De même si on compare ensemble plusieurs
espaces compris entre deux plans paralleles étendus à l'infini, mais infiniment distans l'un de l'autre,
c'est - à - dire qui soient d'une longueur & d'une largeur
infinie, mais d'une épaisseur finie, tous ces
solides seront en même raison les uns avec les autres
que leurs dimensions finies.
Mais ces quantités, quoiqu'infiniment plus grandes
que d'autres, sont en même tems infiniment
plus petites que celles en qui les trois dimensions
sont infinies. Tels sont les espaces compris entre
deux plans inclinés infiniment étendus; l'espace
compris dans la surface d'un cône ou les côtés
d'une pyramide, aussi prolongés à l'infini; & il
n'est pas difficile d'assigner quelles sont les proportions
de ces différens solides les uns aux autres, ou
au
Il y a sans doute du vrai dans ces observations; mais l'idée d'un infini plus grand qu'un autre a toùjours en soi quelque chose qui répugne; il est certain qu'un espace peut n'avoir qu'une de ses dimensions infinies, & les deux autres finies; mais il est certain aussi que ce même espace sera toujours plus grand que tout espace fini, & qu'à cet égard il ne sera pas plus petit qu'un autre espace qui seroit infini dans [p. 655]
Quantités (Page 13:655)
Les quantités sont proprement le sujet de l'algebre,
qui roule entierement sur leur calcul, voyez
On marque ordinairement les quantités connues par les premieres lettres de l'alphabet, a, b, c, d, &c. & le quantités inconnues par les dernieres, z, y, &c.
Les quantités algébriques sont ou positives ou négatives.
On appelle quantité positive celle qui est au - dessus
de zéro, & qui est précédée, ou que l'on suppose
être précédée du signe +, voyez
Quantités négatives sont celles qui sont regardées
comme moindres que rien, & qui sont précédées du
singne - , voyez
Puis donc que + est le signe de l'addition, & <-> celui de la soustraction, il s'ensuit qu'il ne faut pour produire une quantité positive, qu'ajouter une quantité réelle à rien; par exemple 0 + 3 = + 3; & 0 + a = + a. De même pour produire une quantité négative il ne faut que retrancher une quantité réelle de 0; par exemple 0 - 3 = - 3; & 0 - a = - a.
Eclaircissons ceci par un exemple. Supposez que vous n'ayez point d'argent, ou que quelqu'un vous donne cent écus; vous aurez alors cent écus plus que rien, & ce sont ces cent écus qui constituent une quantité positive.
Si au contraire vous n'avez point d'argent, & que vous deviez cent écus, vous aurez alors cent écus moins que rien; car vous devez payer ces cent écus pour être dans la condition d'un homme qui n'a rien & qui ne doit rien: cette dette est une quantité négative.
De même dans le mouvement local, le progrès peut être appellé une quantité positive, & le retour une quantité négative; à cause que le premier augmente & le second diminue le chemin qu'on peut avoir déja fait.
Si l'on regarde en géometrie une ligne tirée vers
quelque côté que ce soit comme une quantité positive,
celle que l'on menera du côte opposé sera une quantité
négative. Voyez
Selon quelques auteurs, les quantités négatives sont les défauts des positives.
Selon ces mêmes auteurs, puisqu'un défaut peut excéder un autre (car, par exemple, le défaut de 7 est plus grand que celui de 3); une quantité négative prise un certain nombre de fois, peut être plus grande qu'une autre.
D'où il suit que les quantités négatives sont homogenes entr'elles.
Mais, ajoutent - ils, puisque le défaut d'une quantité positive prise tel nombre de fois que l'on voudra, ne peut jamais surpasser la quantité positive, & qu'elle
Addition des quantités. 1°. Si les quantités exprimées par la même lettre ont aussi le même signe, on ajoutera les nombres dont elles sont précédées, comme dans l'arithmétique ordinaire.
2°. Si elles ont différens signes, l'addition devient une soustraction, & l'on ajoute au restant le signe de la plus grande quantité.
3°. On ajoute les quantités exprimées par différentes lettres par le moyen du signe +, comme dans l'exemple suivant: [omission: formula; to see, consult fac-similé version]
Soustraction des quantités, voyez
Multiplication & division des quantités, voyez
Continuation des quantités, voyez
Lorsqu'on multiplie ou qu'on divise deux quantités positives l'une par l'autre, il en résulte une quantité positive.
2°. Quand on multiplie ou qu'on divise une quantité négative par une positive, le produit & le quotient sont négatifs.
3°. En multipliant ou divisant deux quantités négatives l'une par l'autre, il en résulte une quantité positive.
4°. Lorsqu'on multiplie ou qu'on divise une quantité positive par une négative, ce qui en vient est une quantité négative. Chambers. (E)
Quantité (Page 13:655)
La quantité des sons dans chaque syllabe, ne confiste donc point dans un rapport déterminé de la durée du son, à quelqu'une des parties du tems que nous assignons par nos montres, à une minute, par exemple, à une seconde, &c. Elle consiste dans une proportion invariable entre les sons, qui peut être caractérisée par des nombres: en sorte qu'une syllabe n'est longue ou breve dans un mot que par relation à une autre syllabe qui n'a pas la même quantité. Mais quelle est cette proportion?
Longam esse duorum temporum, brevem unius, etiam [p. 656]
On distingue généralement les syllabes en longues
& breves, & on assigne, dit M. d'Olivet, un tems à
la breve, & deux tems à la longue, ibid.
Que suit - il de - là? Le moins qu'on puisse donner à la plus breve, c'est un tems, de l'aveu du savant prosodiste françois. J'en conclus qu'il juge donc lui - même ce tems indivisible, puisque sans cela on pourroit donner moins à la plus breve: donc le moins qu'on puisse donner de plus à la moins breve, sera un autre tems; la longue aura donc au moins trois tems, & la plus longue qui aura au - dela de trois tems, en aura au moins quatre. Dans ce cas que devient la maxime de Quintilien, reçue par M. d'Olivet, longam esse duorum cemporum, brevem unius?
Mais notre prosodiste augmente encore la difficulté.
Notre illustre académicien répondra peut - être, que je lui prête des conséquences qu'il n'a point avouées: qu'il a dit positivement que la plus breve auroit un tems; que la moins breve auroit un peu au - delà d'un tems; mais sans pouvoir emporter deux tems entiers; qu'ainsi la longue auroit justement deux tems. & la plus longue un peu au de - là. Je conviens que tel est le système de la prosodie françoise: mais je réponds, 1°. qu'il est inconséquent, puisque l'auteur commence par poser que le moins qu'on puisse donner à la plus breve, c'est un tems; ce qui est déclarer ce moins un élément indivisible, quoiqu'on le divise ensuite pour fixer la gradation de nos tems syllabiques sans excéder les deux tems élémentaires: 2°. que cette inconséquence même n'est pas encore suffisante pour renfermer le système de la quantité dans l'espace de deux tems élémentaires, puisqu'on est forcé de laisser aller la plus longue de nos syllabes un peu au - delà des deux tems; & que par conséquent il reste toujours à
Pour ce qui concerne la conciliation de ce calcul avec le principe, connu des enfans mêmes, que l'art métrique, en grec & en latin, ne connoît que des longues & des breves; il ne s'agit que de distinguer la quantité naturelle & la quantité artificielle.
La quantité naturelle est la juste mesure de la durée du son dans chaque syllabe de chaque mot, que nous prononçons, conformément aux lois du méchanisme de la parole & de l'usage national.
La quantité artificielle est l'appréciation conventionnelle de la durée du son dans chaque syllabe de chaque mot, relativement au méchanisme artificiel de la versification métrique & du rythme oratoire.
Dans la quantité naturelle, on peut remarquer des durées qui soient entre elles comme les nombres 1, 2, 3, 4, 5, ou même dans une autre progression: & ceux qui parlent le mieux une langue, sont ceux qui se conforment le plus exactement à toutes les nuances de cette progression quelconque. Les femmes du grand monde sont ordinairement les plus exactes en ce point, sans y mettre du pédantisme. Ciceron (de Orat. III. 21.) en a fait la remarque sur les dames romaines, dont il attribue le succès à la retraite ou elles vivoient. Mais si l'on peut dire que la retraite conserve plus sûrement les impressions d'une bonne éducation; on peut dire aussi qu'elle fait obstacle aux impressions de l'usage, qui est dans l'art de parler le maître le plus sûr, ou même l'unique qu'il faille suivre: nous voyons en effet que des savans très profonds s'expriment sans exactitude & sans grace, parce que continuellement retenus par leurs études dans le silence de leur cabinet, ils n'ont avec le monde aucun commerce qui puisse rectifier leur langage; & d'ailleurs les succes de nos dames en ce genre ne peuvent plus être attribués à la même cause que ceux des dames romaines, puisque leur maniere de vivre est si différente. La bonne raison est celle qu'ailegue M. l'abbé d'Olivet, pag. 99. c'est qu'elles ont, d'une part, les organes plus délicats que nous, & par conséquent plus sensibles, plus susceptibles des moindres différences; & de l'autre, plus d'habitude & plus d'inclination à discerner & à suivre ce qui plaît. A peine distinguons - nous dans les sons toutes les différences appréciables; nos dames y démêlent toutes les nuances sensibles: nous voulons plaire, mais sans trop de frais; & rien ne coûte aux dames, pourvu qu'elles puissent plaire.
S'il avoit fallu tenir un compte rigoureux de tous les degrés sensibles ou même appréciables de quantité, dans la versification métrique, ou dans les combinaisons harmoniques du rythme oratoire; les difficultés de l'art, excessives ou même insurmontables, l'auroient fait abandonner avec justice, parce qu'elles auroient été sans un juste dédommagement: les chefs - d'oeuvres des Homeres, des Pindares, des Virgiles, des Horaces, des Démosthènes, des Cicérons, ne seroient jamais nés; & les noms illustres, ensevelis dans les ténebres de l'oubli qui est dû aux hommes vulgaires, n'enrichiroient pas aujourd'hui les [p. 657]
Les syllabes des mots sont longues ou breves, ou par nature ou par usage.
1°. Une syllabe d'un mot est longue ou breve par nature, quand le son qui la constitue dépend de quelque mouvement organique que le méchanisme doit exécuter avec aisance ou avec célérite, selon les lois physiques qui le dirigent.
C'est par nature que de deux voyelles consécutives
dans un même mot, l'une des deux est breve, &
sur - tout la premiere; que toute diphtongue est longue,
soit qu'elle soit usuelle ou qu'elle soit factice;
que si par licence on décompose une diphtongue, l'un
des deux sons élémentaires devient bref, & plus communément
le premier. Voyez
On peut regarder encore comme naturelle une autre regle de quantité, que Despautere énonce en deux vers:
Dum postponuntur vocali consona bina Aut duplex, longa est positu . . . . . . . . & que l'on trouve rendue par cesdeux vers françois dans la méthode latine de Port - Royal:
La voyelle longue s'ordonne, Lorsqu'après suit double consonne. Ceci doit s'entendre du son représente par la voyelle; & sa position consiste à être suivi de deux articulations prononcées, comme dans la premiere syllabe de carmen, dans la syllabe p>st, dans at suivi de pius, ät pius AEneas, &c. C'est que l'on ne tient alors aucun compte de syllabes physiques qui ont pour ame l'e muet qui suit nécessairement toute consonne qui n'est pas avant une autre voyelle; & qu'en conséquence on rejette sur le compte de la voyelle antécédente, le peu de tems qui appartient à l'e muet que la premiere des deux consonnes amene nécessairement, mais sourdement. Ainsi la prononciation usuelle ne fait que deux syllabes de carmen, quoique l'articulation y introduise nécessairement un e muet, & que l'on prononce naturellement ca - re mè - ne: cet e muet est si bref, qu'on le compte absolument pour rien; mais il est si réel que l'on est forcé d'en retenir la quantité pour en augmenter celle de la voyelle précédente.
L'auteur de la méthode latine (traité de la quantité, reg. IV.), observe que pour faire qu'une syllabe soit longue par posrtion, il faut au moins qu'il y ait une des consonnes dans la syllabe même qu'on fait longue. Car, dit - il, si elles sont toutes deux dans la suivante, cela ne la fait pas longue d'ordinaire. Cette remarque est peu philosophique; parce que deux consonnes ne peuvent appartenir à une même syllabe physique; & qu'une consonne ne peut influer en rien sur une voyelle précédente. Voyez H. Ainsi que les deux consonnes appartiennent au mot suivant, ou qu'elles soient toutes deux dans le même mot que la voyelle précédente, ou enfin que l'une soit dans le même mot que la voyelle, & l'autre dans le mot suivant; il doit toujours en résulter le même effet prosodique, puisque c'est toujours la même chose. Le vers qu'on nous cite de Virgile, AEneid. IX. 37. Ferte citi ferrum, date tel>, scandite muros, est donc dans la regle générale, ainsi que l'usage ordinaire des Grecs
On peut objecter sur cela que la liberté que l'on a en grec & en latin, de faire breve ou longue, une voyelle originairement breve, quand elle se trouve par hasard suivie d'une mute & d'une liquide, semble prouver que la regle d'alonger la voyelle située devant deux consonnes, n'est pas dictée par la nature, puisque rien ne peut dispenser de suivre l'impression de la nature. Mais il faut prendre garde que l'on suppose 1°. qu'originairement la voyelle est breve, & que pour la faire longue, il faut aller contre la regle qui l'avoit rendue breve; car si elle étoit originairement longue, loin de la rendre breve, le concours de la mute & de la liquide seroit une raison de plus pour l'alonger: 2°. il faut que des deux consonnes, la seconde soit liquide, c'est - à - dire qu'elle s'allie si bien avec la précédente, qu'elle paroisse n'en faire plus qu'une avec elle: or dès qu'elle paroît n'en faire qu'une, on ne doit sentir que l'effet d'une, & la breve a droit de demeurer breve; si on veut appuyer sur les deux, la voyelle doit devenir longue.
On objectera encore que l'usage de notre orthographe
est diamétralement opposé à cette prétendue
loi de la nature, puisque nous redoublons la consonne
d'après une voyelle que nous voulons rendre breve.
Nos peres, selon M. l'abbé d'Olivet, pag. 22,
ont été si fideles à notre orthographe, que souvent
ils ont secoué le joug de l'étymologie, comme dans
couronne, personne, où ils redoublent la lettre n, de
peur qu'on ne fasse la pénultieme longue en françois
ainsi qu'en latin.
La réponse à cette objection est fort simple. Nous écrivons deux consonnes à la vérité; mais nous n'en prononçons qu'une. Or la quantité du son est une affaire de prononciation & non d'orthographe; si bien que dès que nous prononcerons les deux consonnes, nous allongerons inévitablement la voyelle précédente. Quant à l'intention qu'ont eue nos peres, en instituant le redoublement de la consonne dans les mots où la voyelle précédence est breve; ce n'a point été de l'abréger, comme le dit l'auteur de la prosodie françoise, mais d'indiquer seulement qu'elle est breve. Le moyen étoit - il bien choisi? Je n'en crois rien, parce que le redoublement de la consonne, dans l'orthographe, devroit indiquer naturellement l'effet que produit dans la prononciation le redoublement de l'articulation, qui est de rendre longue la syllabe qui précéde. Nous n'avons point de signe, dit - on, qui puisse y suppléer. M. Duclos, dans ses remarques manuscrites sur cet endroit - là même, demande s'il ne suffiroit pas de marquer les longues par un circonflexe, & les breves par la privation d'accent. Nous pouvons déja citer quelques exemples autorisés: matin, commencement du jour, a la premiere breve, & il est sans accent; mâtin, espece de chien, a la premiere longue, & il a le circonflexe: c'est la même chose de tache, souillure, & tâche que l'on a à faire; de sur, préposition, & sûr, adjectif; de jeune d'âge, & jeûne, abstinence. Y auroit - il plus d'inconvénient à écrire il tete & la tête, la pâte du pain, & la pate d'un animal; vu surtout que nous sommes déja en possession d'écrire avec le circonflexe ceux de ces mots qui ont la premiere longue?
2°. Une syllabe d'un mot est longue ou breve par usage seulement, lorsque le méchanisme de la prononciation n'exige dans le son, qui en est l'ame, ni longueur, ni briéveté.
Il y a dans toutes les langues un plus grand nom<pb-> [p. 658]
Un auteur à genoux, dans une humble préface, Au lecteur qu'il ennuie à beau demander gr>ce. C'est la même chose de ceux - ci, justement relevés par M. Restaut, qui, en faveur de Boileau, cherche mal - à - propos à excuser les précédens:
Je l'instruirai de tout, je t'en donne par>le, Mais songe seulement a bien jouer ton r>le. (B. E. R. M.)
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