ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"75"> Musicien, qu'il sache bien l'harmonie, qu'il connoisse à fond son clavier, qu'il ait l'oreille excellente, les doigts souples, & le goût bon.

Nous aurons occasion de parler au mot accompagnement de quelques - unes des qualités nécessaires à l'accompagnateur. (S)

ACCOMPAGNE (Page 1:75)

ACCOMPAGNE, adj. terme de Blason. Il se dit de quelques pieces honorables qui en ont d'autres en séantes partitions. Ainsi on dit que la croix est accompagnée de quatre étoiles, de quatre coquilles, & seize alérions, de vingt billettes, lorsque ces choses sont également disposées dans les quatre cantons qu'elle laisse vuides dans l'écu. Voyez Croix, Alérion, Billettes , &c. Le chevron peut être accompagné de trois croissans, deux en chef & un en pointe, de trois roses; de trois besans, &c. La fasce peut être accompagnée de deux lozanges, deux molettes, deux croisettes, &c. l'une en chef, l'autre en pointe, ou de quatre tourteaux, quatre aiglettes, &c. deux en chef & deux en pointe. Le pairle de trois pieces semblables, une en chef & deux aux flancs, & le sautoir de quatre; la premiere en chef, la seconde en pointe, & les deux autres aux flancs. On dit la même chose des pieces mises dans le sens de celles - là, comme deux clefs en sautoir, trois poissons mis en pairle, &c. Voyez Sautoir, Pairle, &c.

Esparbez en Guienne, d'argent à la fasce de gueules, accompagné de trois merlettes de sable. (V)

ACCOMPAGNEMENT (Page 1:75)

ACCOMPAGNEMENT, s. m. c'est l'exécution d'une harmonie complette & réguliere sur quelque instrument, tel que l'orgue, le clavecin, le théorbe, la guitare, &c. Nous prendrons ici le clavecin pour exemple.

On y a pour guide une des parties de la Musique, qui est ordinairement la basse. On touche cette basse de la main gauche, & de la droite, l'harmonie indiquée par la marche de la basse, par le chant des autres parties qu'on entend en même tems, par la partition qu'on a devant les yeux, ou par des chiffres qu'on trouve communément ajoûtés à la basse. Les Italiensméprisent les chiffres; la partition même leur est peu nécessaire; la promptitude & la fiesse de leur oreille y supplée, & ils accompagnent ort bien sans tout cet appareil: mais ce n'est qu'à leur disposition naturelle qu'ils sont redevables de cette facilité: & les autres Peuples qui ne sont pas nés comme eux pour la Musique, trouvent à la pratique de l'accompagnement des difficultés infinies; il faut des dix à douze années pour y réussir passablement. Quelles sont donc les causes qui retardent l'avancement des éleves, & embarrassent si long - tems les maîtres? La seule difficulté de l'Art ne fait point cela.

Il y en a deux principales: l'une dans la maniere de chiffrer les basses; l'autre dans les méthodes d'accompagnement.

Les signes dont on se sert pour chiffrer les basses sont en trop grand nombre. Il y a si peu d'accords fondamentaux! pourquoi faut - il un multitude de chiffres pour les exprimer? les même signes sont équivoques, obscurs, insuffisans. Pàr exemple, ils ne déterminent presque jamais la nature des intervalles qu'ils expriment, ou, ce qui pis est, ils en indiquent d'opposés: on barre les uns po tenir lieu de dièse, on en barre d'autres pour tenir lieu de bémol: les intervalles majeurs & les superflus, même les diminués, s'expriment souvent de la même maniere. Quand les chiffres sont doubles, ils sont trop confus; quand ils sont simples, ils n'offrent presque jamais que l'idée d'un seul intervalle; de sorte qu'on en a toûjours plusieurs autres à sous - entendre & à exprimer.

Comment remédier à ces inconvéniens? faudrat - il multiplier les signes pour tout exprimer? maison se plaint qu'il y en a déjà trop. Faudra - t - il les réduire? on laissera plus de choses à deviner à l'accompagna<cb-> teur, qui n'est déja que trop occupé. Que faire donc? Il faudroit inventer de nouveaux signes, perfectionner le doigter, & faire des signes & du doigter deux moyens combinés qui concourent en même tems à soulager l'accompagnateur. C'est ce que M. Rameau a tenté avec beaucoup de sagacité dans sa Dissertation sur les différentes méthodes d'accompagnement. Nous exposerons aux mots Chiffrer & Doigter, les moyens qu'il propose. Passons aux méthodes.

Comme l'ancienne Musique n'étoit pas si composée que la nôtre, ni pour le chant, ni pour l'harmonie, & qu'il n'y a oit guere d'autre basse que la fondamentale, tout l'accompagnement ne consistoit que dans une suite d'accords parfaits, dans lesquels l'accompagnateur substituoit de tems en tems quelque sixte à la quinte, selon que l'orcille le conduisoit. Ils n'en savoient pas davantage. Aujourd'hui qu'on a varié les modulations, surchargé, & peut - être gâté l'harmonie par une foule de disionnances, on est contraint de suivre d'autres regles. M. Campion imagina celle qu'on appelle regle de l'octave; & c'est par cette methode que la plûpart des maîtres montrent aujourd'hui l'accompagnement.

Les accords sont déterminés par la regle de l'octave, relativement au rang qu'occupent les notes de la basse dans un ton donné. Ainsi le ton connu, la note de la basse continue, le rang de cette note dans le ton, le rang de la note qui la précede immédiatement, le rang de celle qui la suit, on ne se trompera pas beaucoup en accompagnant par la regle de l'octave, si le compositeur a suivi l'harmonie la plus simple & la plus naturelle: mais c'est ce qu'on ne doit guere attendre de la Musique d'aujourd'hui. D'ailleurs, le moyen d'avoir toutes ces choses présentes? & tandis que l'accompagnatenr s'en instruit, que deviennent les doigts? A peine est - on arrivé à un accord qu'un autre se présente; le moment de la réflexion est précisément celui de l'exécution: il n'y a qu'une habitude consommée de Musique, une expérience refléchie, la facilité de lire une ligne de musique d'un ceup d'oeil, qui puissent secourir; encore les plus habiles se trompent - ils avec ces secours.

Attendra - t - on pour accompagner que l'oreille soit formée, qu'on sache lire rapidement la musique, qu'on puisse débrouiller à livre ouvert une partition? mais en fût - on là, on auroit encore besoin d'une habitude du doigter, fondée sur d'autres principes d'accompagnement que ceux qu'on a donnés juqu'à M. Rameau.

Les maîtres zélés ont bien senti l'insuffisance de leurs principes. Pour y remédier ils ont eu recours à l'énumération & à la connoissance des consonances, dont les dissonnances se préparent & se sauvent. Détail prodigieux, dont la multitude des dissonnances fait suffisamment appercevoir.

Il y en a qui conseillent d'apprendre la composition avant que de passer à l'accompagnement; comme si l'accompagnement n'étoit pas la composition même, aux talens près, qu'il faut joindre à l'un pour faire usage de l'autre. Combien de gens au contraire veulent qu'on commence par l'accompagnement à apprendre la composition?

La marche de la basse, la regle de l'octave, la maniere de preparer & de sauver les dissonnances, la composition en général, ne concourent qu'à indiquer la succession d'un seul accord à un autre; de sorte qu'à chaque accord, nouvel objet, nouveau sujet de réflexion. Quel travail pour l'esprit! Quand l'esprit sera - t - il assez instruit, & l'oreille assez exercée, pour que les doigts ne soient plus arrêtés?

C'est à M. Rameau qui, par l'invention de nouveaux signes & la perfection du doigter, nous a aussi indiqué les moyens de faciliter l'accompagnement, c'est à lui, dis - je, que nous sommes redevables d'une [p. 76] méthode nouvelle, qui garantit des inconvéniens de toutes celles qu'on avoit suivies jusqu'à présent. C'est lui qui le premier a fait connoître la basse fondamentale, & qui par là nous a découvert les véritables fondemens d'un Art où tout paroissoit arbitraire.

Voici en peu de mots les principes sur lesquels sa methode est fondée.

Il n'y a dans l'harmonie que des consonances & des dissonances. Il n'y a donc que des accords consonans & dissonans.

Chacun de ces accords est fondamentalement divisé par tierces. (C'est le système de M. Rameau) Le consortant est composé de 3 notes, comme ut, mi, sol; & le dissonant de quatre, comme sol, si, re, fa.

Quelque distinction ou distribution que l'on fasse de l'accord consonant, on y aura toûjours trois notes, comme ut, mi, sol. Quelque distribution qu'on fasse de l'accord dissonant, on y trouvera toûjours quatre notes, comme sol, si, ré, fa, laissant à part la supposition & la suspension qui en introduisent d'autres dans l'harmonie comme par licence. Ou des accords consonans se succedent, ou des accords dissonans sont suivis d'autres dissonans, ou les consonans & les dissonans sont entrelacés.

L'accord consonant parfait ne convenant qu'à la tonique, la succession des accords consonans fournit autant de toniques, & par conséquent de changemens de ton.

Les accords dissonans se succedent ordinairement dans un même ton. La dissonance lie le sens harmonique. Un accord y fait souhaiter l'autre, & fait sentir en même tems que la phrase n'est pas finie. Si le ton change dans cette succession, ce changement est toûjours annoncé par un dièse ou par un bémol. Quant à la troisieme succession, savoir l'entrelacement des accords consonans & dissonans, M. Rameau réduit à deux cas cette succession, & il prononce en général, qu'un accord consonant ne peut être précédé d'un autre dissonant que de celui de septieme de la dominante, ou de celui de sixte - quinte de la soûdominante, excepté dans la cadence rompue & dans les suspensions; encore prétend - il qu'il n'y a pas d'exception quant au fond. Il nous paroît que l'accord parfait peut encore être précédé de l'accord de septieme diminuée, & même de celui de sixte superflue; deux accords originaux, dont le dernier ne se renverse point.

Voilà donc trois textures différentes de phrases harmoniques: des toniques qui se succedent & qui font changer de ton: des consonances qui se succedent ordinairement dans le même ton; & des consonances & des dissonnances qui s'entrelacent, & où la consonance est, selon M. Rameau, nécessairement précédée de la septieme de la dominante, ou de la sixtequinte de la soûdominante. Que reste - t - il donc à faire pour la facilité de l'accompagnement, sinon d'indiquer à l'accompagnateur quelle est celle de ces textures qui regne dans ce qu'il accompagne? Or c'est ce que M. Rameau veut qu'on exécute avec des caracteres.

Un seul signe peut aisément indiquer le ton, la tonique & son accord.

On tire de là la connoissance des dièses & des bémols qui doivent entrer dans le courant des accords d'une tonique à une autre.

La succession fondamentale par quintes ou par tierces, tant en montant qu'en descendant, donne la premiere texture de phrases harmoniques toute composée d'accords consonans.

La succession fondamentale par tierces ou par quintes en descendant, donne la seconde texture, composée d'accords dissonans, savoir des accords de septieme, & cette succession donne l'harmonie descendante.

L'harmonie ascendante est fournie par une succession de quintes en montant, ou de quartes en descendant, accompagnées de la dissonance propre à cette succession, qui est la sixte ajoûtée; & c'est la troisieme texture des phrases harmoniques, qui n'a jusqu'ici été observée de personne, quoique M. Rameau en ait trouvé le principe & l'origine dans la cadence irréguliere. Ainsi par les regles ordinaires, l'harmonie qui naît d'une succession de dissonances descend toûjours, quoique selon ses vrais principes & selon la raison, elle doive avoir en montant une progression tout aussi réguliere qu'en descendant. Voyez Cadence.

Les cadences fondamentales donnent la quatrieme texture de phrases harmoniques, où les consonances & les dissonances s'entrelacent.

Toutes ces textures peuvent être désignées par des caracteres simples, clairs & peu nombreux, qui indiqueront en même tems, quand il le faut, la dissonance en général; car l'espece en est oûjours déterminée par la texture même. Voyez Chiffrer. On commence par s'exercer sur ces textures prises séparément, puis on les fait se succéder les unes aux autres sur chaque ton & sur chaque mode successivement.

Avec ce précautions, M. Rameau prétend qu'on sait plus d'accompagnement en six mois, qu'on n'en savoit auparavant en six ans, & il a l'expérience pour lui. Voyez Musique, Harmonie, Basse fondamentale, Basse continue, Partition, Chiffrer, Doigter, Consonance, Dissonance, Regle de l'octave, Composition, Supposition, Suspension, Ton, Cadence, Modulation , &c.

A l'égard de la maniere d'accompagner avec intelligence, elle dépend plus de l'habitude & du goût que des regles qu'on en peut donner. Voici pourtant quelques observations générales qu'on doit toûjours faire en accompagnant.

1°. Quoi que suivant les principes de M. Rameau il faille toucher tous les sons de chaque accord, il ne faut pas toûjours prendre cette regle à la lettre. Il y a des accords qui seroient insupportables avec tout ce remplissage. Dans la plûpart des accords dissonans, surtout dans les accords par supposition, il y a quelque son à retrancher pour en diminuer la dureté; ce son est souvent la septieme, quelquefois la quinte, quelquefois l'une & l'autre. On retranche encore assez souvent la quinte ou l'octave de la basse dans les accords dissonans, pour éviter des octaves ou des quintes de suite, qui font souvent un fort mauvais effet, surtout dans le haut; & par la même raison, quand la note sensible est dans la basse, on ne la met pas dans l'accompagnement; au lieu de cela, on double la tierce ou la sixte de la main droite. En général on doit penser en accompagnant, que quand M. Rameau veut qu'on remplisse tous les accords, il a bien plus d'égard à la facilité du doigter & à son système particulier d'accompagnement, qu'à la pureté de l'harmonie.

2°. Il faut toûjours proportionner le bruit au caractere de la Musique, & à celui des instrumens ou des voix qu'on a à accompagner: ainsi dans un choeur on frappe les accords pleins de la main droite, & l'on redouble l'octave ou la quinte de la main gauche, & quelquefois tout l'accord. Au contraire dans un récit lent & doux, quand on n'a qu'une flûte ou une voix foible à accompagner, on retranche des sons, on les arpege doucement, on prend le petit clavier: en un mot, on a toûjours attention que l'accompagnement, qui n'est fait que pour soûtenir & embellir le chant, ne le gâte & ne le couvre pas.

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