ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Cette manoeuvre se fait avec tant d'agilité & de promptitude, qu'il est impossible d'en distinguer les mouvemens lorsque l'abeille est vigoureuse. Pour bien distinguer cette manoeuvre de l'abeille, il faut l'observer lorsqu'elle est affoiblie & engourdie par la rigueur d'une mauvaise saison. Les palettes sont de figure triangulaire; leur face extérieure est lisse & luisante, des poils s'élevent au - dessus des bords; comme ils sont droits, roides & serrés, & qu'ils l'environnent, ils forment avec cette surface une espece de corbeille: c'est - là que l'abeille dépose, à l'aide de ses pattes, les petites pelotes qu'elle a formées avec les brosses; plusieur pelotes réunies sur la palette font une masse qui est quelquefois aussi grosse qu'un grain de poivre.

La trompe de l'abeille est une partie qui se développe & qui se replie. Lorsqu'elle est dépliée, on la voit descendre du dessous des deux grosses dents saillantes qui sont à l'extrémité de la tête. La trompe paroît dans cet état comme une lame assez épaisse, très - luisante & de couleur châtain. Cette lame est appliquée contre le dessous de la tête: mais on n'en voit alors qu'une moitié qui est repliée sur l'autre; lorsque l'abeille la déplie, l'extrémité qui est du côté des dents s'éleve, & on apperçoit alors celle qui étoit dessous. On découvre aussi par ce déplacement la bouche & la langue de l'abeille qui sont au - dessus des deux dents. Lorsque la trompe est repliée, on ne voit que les étuis qui la renferment.

Pour développer & pour examiner cet organe, il faudroit entrer dans un grand détail. Il suffira de dire ici que c'est par le moyen de cet organe que les abeilles recueillent le miel; elles plongent leur trompe dans la liqueur miellée pour la faire passer sur la surface extérieure. Cette surface de la trompe forme avec les étuis un canal par lequel le miel est conduit: mais c'est la trompe seule qui étant un corps musculeux, force par ses différentes inflexions & mouvemens vermiculaires la liqueur d'aller en avant, & qui la pousse vers le gosier.

Les abeilles ouvrieres ont deux estomacs; l'ur reçoit le miel, & l'autre la cire: celui du miel a un co qui tient lieu d'oesophage, par lequel passe la liqueur que la trompe y conduit, & qui doit s'y changer en miel parfait: l'estomac où la cire brute se change en vraie cire, est au - dessous de celui du miel. Voyez Cire, Miel.

L'aiguillon est caché dans l'état de repos; pour le faire sortir, il faut presser l'extrémité du corps de l'abeille. Onle voit paroître accompagné de deux corps blancs qui forment ensemble une espece de boîte, dans laquelle il est logé lorsqu'il est dans le corps. Cet aiguillon est semblable à un petit dard qui, quoique très - délié, est cependant creux d'un bout à l'autre. Lorsqu'on le comprime vers la base, on fait monter à la pointe une petite goute d'une liqueur extrèmement transparente; c'est - là ce qui envenime les plaies que fait l'aiguillon. On peut faire une équivoque par rapport à l'aiguillon comme par rapport à la trompe, ce qui paroît être l'aiguillon n'en est que l'étui; c'est par l'extrémité de cet étui que l'aiguillon sort, & qu'il est dardé en même tems que la liqueur empoisonnée. De plus cet aiguillon est double; il y en a deux à côté qui jouent en même tems, ou séparément au gré de l'abeille; ils sont de matiere de corne ou d'écaille, leur extrémité est taillée en scie, les dents sont inclinées de chaque côté, de sorte que les pointes sont dirigées vers la base de l'aiguillon, ce qui fait qu'il ne peut sortir de la plaie sans la déchirer; ainsi il faut que l'abeille le retire avec force. Si elle fait ce mouvement avec trop de promptitude, l'aiguillon casse & il reste dans la plaie; & en se séparant du corps de l'abeille, il arrache la vessie qui contient le venin, & qui est posée au - dedans à la base de l'aiguillon. Une partie des entrailles sorten même tems, ainsi cette séparation de l'aiguillon est mortelle pour la mouche. L'aiguillon qui reste dans la plaie a encore du mouvement quoique séparé du corps de l'abeille; il s'incline alternativement dans des sens contraires, & il s'enfonce de plus en plus.

La liqueur qui coule dans l'étui de l'aiguillon est un véritable venin, qui cause la douleur que l'on éprouve lorsqu'on a été piqué par une abeille. Si on goûte de ce venin, on le sent d'abord douçâtre: mais il devient bien - tôt acre & brûlant; plus l'abeille est vigoureuse, plus la douleur de la piquûre est grande. On sait que dans l'hyver on en souffre moins que dans l'été, toutes choses égales de la part de l'abeille: il y a des gens qui font plus ou moins sensibles à cette piquûre que d'autres. Si l'abeille pique pour la seconde fois, elle fait moins de mal qu'à la premiere fois, encore moins à une troisieme; enfin le venin s'épuise, & alors l'abeille ne se fait presque plus sentir. On a toûjours cru qu'un certain nombre de piquûres faites à la fois sur le corps d'un animal pourroient le faire mourir; le fait a été confirmé plusieurs fois; on a même voulu déterminer le nombre de piquûres qui seroit nécessaire pour faire mourir un grand animal; on a aussi cherché le remede qui détruiroit ce venin: mais on a trouvé seulement le moyen d'appaiser les douleurs en frottant l'endroit blessé avec de l'huile d'olive, ou en y appliquant du persil pilé. Quoi qu'il en soit du remede, il ne faut jamais manquer en pareil cas de retirer l'aiguillon, s'il est resté dans la plaie comme il arrive presque toûjours. Au reste la crainte des piquûres ne doit pas empêcher que l'on approche des ruches: les abeilles ne piquent point lorsqu'on ne les irrite pas; on peut impunément les laisser promener sur sa main ou sur son visage, elles s'en vont d'elles - mêmes sans faire de mal: au contraire si on les chasse, elles piquent pour se défendre.

Pour suivre un ordre dans l'histoire succincte des abeilles que l'on va faire ici, il faut la commencer dans le tems où la mere abeille est fécondée. Elle peut l'être dès le quatrieme ou cinquieme jour après celui où elle est sortie de l'état de nymphe pour entrer dans celui de mouche, comme on le dira dans la suite. Il seroit presque impossible de voir dans la ruche l'accouplement des abeilles, parce que la reine reste presque toûjours dans le milieu où elle est cachée par les gâteaux de cire, & par les abeilles qui l'environnent. On a tiré de la ruche des abeilles meres, & on les a mises avec des mâles dans des bocaux pour voir ce qui s'y passeroit.

On est obligé pour avoir une mere abeille de plonger une ruche dans l'eau, & de noyer à demi toutes les abeilles, ou de les enfumer, afin de pouvoir les examiner chacune séparément pour reconnoître la mere. Lorsqu'eile est revenue de cet état violent, elle ne reprend pas d'abord assez de vivacité pour être bien disposée à l'accouplement. Ce n'est donc que par des hasards que l'on en peut trouver qui fassent réussir l'expérience; il faut d'ailleurs que cette mere soit jeune; de plus il faut éviter le tems où elle est dans le plus fort de la ponte. Dès qu'on présente un mâle à une mere abeille bien choisie, aussitôt elle s'en approche, le lêche avec sa trompe, & lui présente du miel: elle le touche avec ses pattes, tourne autour de lui, se place vis - à - vis, lui brosse la tête avec ses jambes, &c. Le mâle reste quelquefois immobile pendant un quart - d'heure; & enfin il fait à peu près les mêmes choses que la femelle; celle - ci s'anime alors davantage. On l'a vûe monter sur le corps du mâle; elle recourba l'extrémité du sien, pour l'appliquer contre l'extrémité de celui du mâle, qui faisoit sortir les deux cornes charnues & la partie recourbée en arc. Supposé que cette partie soit, comme on le croit, celle qui opere l'ac, [p. 20] couplement, il faut nécessairement que l'abeille femelle soit placée sur le mâle pour la rencontrer, parce qu'elle est recourbée en haut; c'est ce qu'on a observé pendant trois ou quatre heures. Il y eut plusieurs accouplemens, après quoi le mâle resta immobile, la femelle lui mordit le corcelet, & le soûleva en faisant passer sa tête sous le corps du mâle; mais ce fut en vain, car il étoit mort. On présenta un autre mâle: mais la mere abeille ne s'en occupa point du tout, & continua pendant tout le reste du jour de faire différens efforts pour tâcher de ranimer le premier. Le lendemain elle monta de nouveau sur le corps du premier mâle, & se recourba de la même façon que la veille, pour appliquer l'extrémité de son corps contre celui du mâle. L'accouplement des abeilles ne consiste - t - il que dans cette jonction qui ne dure qu'un instant? On présume que c'est la mere abeille qui attaque le mâle avec qui elle veut s'accoupler; si c'étoit au contraire les mâles qui attaquassent cette femelle, ils seroient quelquefois mille mâles pour une femelle. Le tems de la fécondation doit être nécessairement celui où il y a des mâles dans la ruche; il dure environ six semaines prises dans les mois de Mai & de Juin; c'est aussi dans ce même tems que les essains quittent les ruches. Les reines qui sortent sont fécondées; car on a observé des essains entiers dans lesquels il ne se trouvoit aucun mâle, par conséquent la reine n'auroit pû être fécondée avant la ponte qu'elle fait: aussi - tôt que l'essain est fixé quelque part, vingt - quatre heures après on trouve des oeufs dans les gâteaux.

Après l'accouplement, il se forme des oeufs dans la matrice de la mere abeille; cette matrice est divisée en deux branches, dont chacune est terminée par plusieurs filets: chaque filet est creux; c'est une sorte de vaisseau qui renferme plusieurs oeufs disposés à quelque distance les uns des autres dans toute sa longueur. Ces oeufs sont d'abord fort petits, ils tombent successivement dans les branches de la matrice, & passent dans le corps de ce viscere pour sortir au - dehors; il y a un corps sphérique posé sur la matrice; on croit qu'il en degoutte une liqueur yisqueuse qui enduit les oeufs, & qui les colle au fond des alvéoles, lorsqu'ils y sont déposés dans le tems de la ponte. On a estimé que chaque extrémité des branches de la matrice est composée de plus de 150 vaisseaux, & que chacun peut contenir dix - sept oeufs sensibles à l'oeil, par conséquent une mere abeille prête à pondre a cinq mille oeufs visibles. Le nombre de ceux qui ne sont pas encore visibles, & qui doivent grossir pendant la ponte, doit être beaucoup plus grand; ainsi il est aisé de concevoir comment une mere abeille peut pondre dix à douze mille oeufs, & plus, en sept ou huit semaines.

Les abeilles ouvrieres ont un instinct singulier pour prévoir le tems auquel la mere abeille doit faire la ponte, & le nombre d'oeufs qu'elle doit déposer; lorsqu'il surpasse celui des alvéoles qui sont faits, elles en ébauchent de nouveaux pour fournir au besoin pressant; elles semblent connoître que les oeufs des abeilles ouvrieres sortiront les premiers, & qu'il y en aura plusieurs milliers; qu'il viendra ensuite plusieurs centaines d'oeufs qui produiront des mâles; & qu'enfin la ponte finira par trois ou quatre, & quelquefois par plus de quinze ou vingt oeufs d'où sortiront les femelles. Comme ces trois sortes d'abeilles sont de différentes grosseurs, elles y proportionnent la grandeur des alvéoles. Il est aisé de distinguer à l'oeil ceux des reines, & que l'on a appellé pour cette raison alvéoles royaux; ils sont les plus grands. Ceux des faux bourdons sont plus petits que ceux des reines, mais plus grands que ceux des mulets ou abeilles ouvrieres.

La mere abeille distingue parfaitement ces diffé<cb-> rens alvéoles; lorsqu'elle fait sa ponte, elle arrive environnée de dix ou douze abeilles ouvrieres, plus ou moins, qui semblent la conduire & la soigner; les unes lui présentent du miel avec leur trompe, les autres la lêchent & la brossent. Elle entre d'abord dans un alvéole la tête la premiere, & elle y reste pendant quelques instans; ensuite elle en sort, & y rentre à reculons; la ponte est faite dans un moment. Elle en fait cinq ou six de suite, après quoi elle se repose avant que de continuer. Quelquefois elle passe devant un alvéole vuide sans s'y arrêter.

Le tems de la ponte est fort long; car c'est presque toute l'année, excepté l'hyver. Le fort de cette ponte est au printems; on a calculé que dans les mois de Mars & de Mai, la mere abeille doit pondre environ douze mille oeufs, ce qui fait environ deux cens oeufs par jour: ces douze mille oeufs forment en partie l'essain qui sort à la fin de Mai ou au mois de Juin, & remplacent les anciennes mouches qui font partie de l'eain; car après sa sortie, la ruche n'est pas moins peuplée qu'au commencement de Mars.

Les oeufs des abeilles ont six fois plus de longueur que de diametre; ils sont courbes, l'une de leurs extrémités est plus petite que l'autre: elles sont arrondies toutes les deux. Ces oeufs sont d'une couleur blanche tirant sur le bleu; ils sont revêtus d'une membrane flexible, desorte qu'on peut les plier, & cela se peut faire sans nuire à l'embrion. Chaque oeuf est logé séparément dans un alvéole, & placé de façon à faire connoître qu'il est sorti du corps de la mere par le petit bout; car cette extrémité est collée au fond de l'alvéole. Lorsque la mere ne trouve pas un assez grand nombre de cellules pour tous les oeufs qui sont prêts à sortir, elle en met deux ou trois, & même quatre dans un seul alvéole; ils ne doivent pas y rester; car un seul ver doit remplir dans la suite l'alvéole en entier. On a vû les abeilles ouvrieres retirer tous les oeufs surnuméraires: mais on ne sçait pas si elles les replacent dans d'autres alvéoles; on ne croit pas qu'il se trouve dans aucune circonstance plusieurs oeufs dans les cellules royales.

La chaleur de la ruche suffit pour faire éclorre les oeufs, souvent elle surpasse de deux degrés celle de nos étés les plus chauds: en deux ou trois jours l'oeuf est éclos; il en sort un ver qui tombe dans l'alvéole. Dès qu'il a pris un peu d'accroissement, il se roule en cercle; il est blanc, charnu, & sa tête ressemble à celle des vers à soie; le ver est posé de façon qu'en se tournant, il trouve une sorte de gelée ou de bouillie qui est au fond de l'alvéole, & qui lui sert de nourriture. On voit des abeilles ouvrieres qui visitent plusieurs fois chaque jour les alvéoles où sont les vers: elles y entrent la tête la premiere, & y restent quelque tems. On n'a jamais pû voir ce qu'elles y faisoient: mais il est à croire qu'elles renouvellent la bouillie dont le ver se nourrit. Il vient d'autres abeilles qui ne s'arrêtent qu'un instant à l'entrée de l'alvéole comme pour voir s'il ne manque rien au ver. Avant que d'entrer dans une cellule, elles passent successivement devant plusieurs; elles ont un soin continuel de tous les vers qui viennent de la ponte de leur reine: mais si on apporte dans la ruche des gâteaux dans lesquels il y auroit des vers d'une autre ruche, elles les laissent périr, & même elles les entraînent dehors. Chacun des vers qui est né dans la ruche n'a que la quantité de nourriture qui lui est nécessaire, excepté ceux qui doivent être changés en reines; il reste du superflu dans les alvéoles de ceux - ci. La quantité de la nourriture est proportionnée à l'âge du ver; lorsqu'ils sont jeunes, c'est une bouillie blanchâtre, insipide comme de la colle de farine. Dans un âge plus avancé, c'est une gelée jaunâtre ou verdâtre qui a un goût de sucre ou

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