ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
ABREGÉ
(Page 1:35)
ABREGÉ, s. m. épitome, sommaire, précis, raccourci. Un abregé est un discours dans lequel on réduit
en moins de paroles, la substance de ce qui est
dit ailleurs plus au long & plus en détail.
« Les Critiques, dit M. Baillet, & généralement
tous les Studieux qui sont ordinairement les plus
grands ennemis des abregés, prétendent que la coûtume
de les faire ne s'est introduite que long - tems
après ces siecles heureux où fleurissoient les Belles - Lettres & les Sciences parmi les Grecs & les Romains. C'est à leur avis un des premiers fruits de
l'ignorance & de la fainéantise, où la barbarie a
fait tomber les siecles qui ont suivi la décadence
de l'Empire. Les Gens de Lettres & les Savans de
ces siecles, disent - ils, ne cherchoient plus qu'à
abreger leurs peines & leurs études, sur - tout dans
la lecture des Historiens, des Philosophes, & des
Jurisconsultes, soit que ce fût le loisir, soit que
ce fût le courage qui leur manquât ».
Les abregés peuvent, selon le même Auteur, se
réduire à six especes differentes; 1°, les épitomes où
l'on a réduit les Auteurs en gardant régulierement
leurs propres termes & les expressions de leurs originaux,
mais en tâchant de renfermer tout leur sens
en peu de mots; 2°. les abrégés proprement dits, que
les Abréviatcurs ont faits à leur mode, & dans le style
qui leur étoit particulier; 3°. les centons ou rhapsodies,
qui sont des compilations de divers morceaux; 4°.
les lieux communs ou classes sous lesquelles on a rangé
les matieres relatives à un même titre; 5°. les Recueils faits par certains Lecteurs pour leur utilité particuliere,
& accompagnés de remarques; 6°. les extraits qui ne contiennent que des lambeaux transcrits
tout entiers dans les Auteurs originaux, la plûpart
du tems sans suite & sans liaison les uns avec
les autres.
« Toutes ces manieres d'abreger les Auteurs, continue - t - il, pouvoient avoir quelque utilité pour
ceux qui avoient pris la peine de les faire, & peut - être
n'étoient - elles point entierement inutiles à
ceux qui avoient lû les originaux. Mais ce petit
avantage n'a rien de comparable à la perte que la
plûpart de ces abregés ont causée à leurs Auteurs,
& n'a point dédommagé la République des Lettres ».
En effet, en quel genre ces abregés n'ont - ils pas
fait disparoître une infinité d'originaux? Des Auteurs
ont crû que quelques - uns des Livres saints de l'ancien
Testament n'étoient que des abregés des Livres
de Gad, d'Iddo, de Nathan, des Mémoires de Salomon, de la Chronique des Rois de Juda, &c. Les Jurisconsultes se plaignent qu'on a perdu par cet artifice
plus de deux mille volumes des premiers Ecrivains dans leur genre, tels que Papinien, les trois
Scevoles, Labéon, Ulpien, Modestin, & plusieurs autres
dont les noms sont connus. On a laissé périr de
même un grand nombre des ouvrages des Peres Grecs
depuis Origene ou S. Irenée, même jusqu'au schisme,
tems auquel on a vû toutes >es chaînes d'Auteurs anonymes
sur divers Livres de l'Ecriture. Les extraits
que Constantin Porphyrogcnete fit faire des excellens
Historiens Grecs & Latins sur l'histoire, la Politique,
la Morale, quoique d'ailleurs très - loüables, ont occasionné
la perte de l'Histoire Universelle de Nicolas de
Damas, d'une bonne partie des Livres de Polybe, de
Diodore de Sicile, de Denys d'Halicarnasse, &c. On
ne doute plus que Justin ne nous ait fait perdre le
Trogue Pompée entier par l'abrege qu'il en a fait, &
ainsi dans presque tous les autres genres de littérature.
Il faut pourtant dire en faveur des abregés, qu'ils
sont commodes pour certaines personnes qui n'ont n>
le loisir de consulter les originaux, ni les facilités de
se les procurer, ni le talent de les approfondir, ou
d'y démêler ce qu'un compilateur habile & exact leur
présente tout digéré. D'ailleurs, comme l'a remarqué
Saumaise, les plus excellens ouvrages des Grecs &
des Romains auroient infailliblement & entierement
péri dans les siecles de barbarie, sans l'industrie de
ces Faiseurs d'abregés qui nous ont au moins sauvé
quelques planches du naufrage: ils n'empêchent point
qu'on ne consulte les originaux quand ils existent.
Baillet, Jugem. des Sçavans, tom. I. pag. 240. &.
suiv. (G)
Ils sont unles: 1°. à ceux qui ont déjà vû les choses
au long.
2°. Quand ils sont faits de façon qu'ils donnent la
connoissance entiere de la chose dont ils parlent, &
qu'ils sont ce qu'est un portrait en mignature par rapport
à un portrait en grand. On peut donner une idée
générale d'une grande Histoire, ou de quelqu'autre
matiere; mais on ne doit point entamer undétail qu'on
ne peut pas éclaircir, & dont on ne donne qu'une idée
confuse qui n'apprend rien, & qui ne réveille aucune
idée déja acquise. Je vais éclaircir ma pensée par ces
exemples; Si je dis que Rome fut d'abord gouvernée
[p. 36]
par des Rois, dont l'autorité duroit autant que leur
vie, ensuite par deux Consuls annuels; que cet usage
fut interrompu pendant quelques années; que l'on
élut des Décemvirs qui avoient la suprème autorité,
mais qu'on reprit bien - tôt l'ancien usage d'élire des.
Consuls: qu'enfin Jules César, & après lui, Auguste,
s'emparerent de la souveraine autorité; qu'eux &
leurs successeurs furent nommés Empereurs: il me
semble que cette idée générale s'entend en ce qu'elle
est en elle - même: mais nous avons des abregés qui
ne nous donnent qu'une idée confuse qui ne laisse
rien de précis. Un célebre Abréviateur s'est contenté
de dire que Joseph fut vendu par ses freres, calomnié
par la femme de Putiphar, & devint le Surintendant
de l'Égypte. En parlant des Décemvirs, il dit qu'ils
furent chassés à cause de la lubricité d'Appius; ce qui
ne laisse dans l'esprit rien qui le fixe & qui l'éclaire.
On n'entend ce que l'Abréviateur a voulu dire, que
lorsque l'on sait en détail l'Histoire de Joseph & celle
d'Appius. Je ne fais cette remarque que parce qu'on
met ordinairement entre les mains des jeunes gens
des abregés dont ils ne tirent aucun fruit, & qui ne
servent qu'à leur inspirer du dégoût. Leur curiosité
n'est excitée que d'une manicre qui ne leur fait pas
venir le desir de la satisfaire. Les jeunes gens n'ayant
point encore assez d'idées acquises, ont besoin de détail;
& tout ce qui suppose des idées acquises, ne sert
qu'à les étonner, à les décourager, & à les rebuter.
En abregé, façon de parler adverbiale, summatim.
Les jeunes gens devroient recueillir en abregé ce
qu'ils observent dans les Livres, & ce que leurs Maitres leur apprennent de plus utile & de plus intéressant.
(F)
Abregé
(Page 1:36)
Abregé ou Abréviation, lorsqu'on veut écrire
avec diligence, ou pour diminuer le volume, ou en
certains mots faciles à deviner, on n'écrit pas tout
au long. Ainsi au lieu d'écrire Monsieur & Madame,
on écrit Mr ou Me par abréviation ou par abrégé.
Ainsi les abréviations sont des lettres, notes, caracteres,
qui indiquent les autres lettres qu'il faut suppléer.
D. O. M. c'est - à - dire, Deo optimo, maximo.
A. R. S. H. Anno reparatoe salutis humanoe. Au commencement
des Epîtres latines, on trouve souvent
S. P. D. c'est - à - dire, Salutem plurimam dicit. Aux Inscriptions, D. V. C. c'est - à - dire, Dicat, vovet, consecrat. Sertorius Ursatus a fait une collection des explications
De Notis Romanorum. (F)
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.