ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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ABRAXAS ou ABRASAX
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* ABRAXAS ou ABRASAX, terme mystique de
l'ancienne Philosophie & de la Théologie de quelques
hérétiques, en particulier des Basilidiens. Quel<->
>es Modernes ont cru sur la foi de Tertullien & de
Saint Jérôme, que Basilide appelloit le Dieu Suprème ou le Dieu Tout - puissant du nom d'abraxas, marquant,
ajoûtent - ils, par ce motles trois cens soixante
& cinq Processions divines qu'il inventoit; car selon
la valeur numérale des lettres de ce nom, A vaut 1.
> 2. R 100. A 1. S 200. A 1. C 60. ce qui fait en tout
365. Mais outre que Saint Jérôme dit ailleurs qu'abraxas étoit peut - être le nom de. Mithra ou du Soleil,
qui étoit le Dieu des Perses, & qui dans sa révolution
annuelle fournit le nombre de 365 jours, le sentiment
de ces Peres est détruit par celui de Saint Irénée, qui assûre, 1°. que les Basilidiens ne donnoient
point de nom au Dieu Suprème. Le Pere de toutes choses, disoient - ils, est ineffable & sans nom: ils ne l'appelloient
donc pas abraxas; 2°. que ce nom faisant
le nombre de 365, les Basilidiens appelloient de la
sorte le premier de leurs ccclxv. Cieux, ou le Prince & le premier des ccclxv. Anges qui y résidoient.
Tertull. de Proescript. hoeret. cap. 46. Saint Jérôme in
amor. Tom. VI. pag. 100. Beausobr. Hist. du Manich.
Tom. II. pag. 52.
Ce mot énigmatique a fort exercé les Savans:
mais comme les Anciens n'en ont donné aucune explication
satisfaisante, nous en rapporterons différentes
imaginées par les Modernes; le Lecteur jugera
de leur solidité.
Godfrid Wendelin, homme fort versé dans l'Antiquité ecclésiastique, a proposé son opinion sur cette
matiere dans une Lettre écrite à Jean Chiflet au mois
de Septembre 1615. Il y prétend qu'abrasax est composé
des lettres initiales de plusieurs mots; que chaque
lettre exprime un mot; les quatre premieres, quatre
mots Hébreux; les trois dernieres, trois mots
Grecs, de la maniere suivante:
A signifie ab, le pere.
B Ben, le fils.
R Rouach, l'esprit.
A Acadosch, le Saint.
S Soteria, le salut.
A Apo, par.
X Xulou, le bois.
Voilà abrasax bien orthodoxe & bien honoré, puisqu'on y trouve distinctement exprimées les trois Personnes divines, & le salut acquis par la croix du Rédempteur. Il est aisé de réfuter cette idée de Wendelin par deux raisons: la premiere, qu'il n'est pas naturel
de former un même mot de quatre mots Hébreux & de trois mots grecs. Cette objection n'est
pas à la vérité suffisante. Il y a d'autres exemples de
ces mots bâtards; d'ailleurs les Basilidiens auroient
pû désigner par - là l'union des deux Peuples des Hébreux & des Grecs dans la même Eglise & dans la
même Foi. La seconde raison paroît plus forte. On
dit que ces Hérétiques croyant que Simon le Cyrénéen fut crucifié à la place de Jesus - Christ, & sur
cette rêverie, refusant de croire en celui qui a été
crucifié, ils ne pouvoient dire que le salut a été acquis
par la croix. Le rafinement & la subtilité qui regnent
dans cette opinion de Wendelin, contribuent à la
détruire.
Le P. Hardouin a profité de la conjecture précédente.
Il veut que les trois premieres lettres du mot
abrasax désignent le Pere, le Fils, & le Saint - Esprit;
mais il croit que ces quatre dernieres A. S. A. X.
signifient A'NTROP> SO'ZWN A'GIW= CULW=, mots Grecs qui
veulent dire sauvant les hommes par le saint bois. En
suivant la même méthode, on a donné un sens fort
pieux au mot abracadabra, dont on a fait un remede
contre la fievre. On y a trouvé, le Pere, le Fils, le
Saint - Esprit, sauvant les hommes par le saint arbre. Le
Pere, le Fils, le Saint - Esprit, le Seigneur est unique.
Voyez Abracadabra.
M. Basnage dans son Histoire des Juifs, tome III.
part. 2. pag. 700. a proposé une autre hypothèse;
« Abraxes, dit - il, tire son origine des Égyptiens,
puisque l'on voit un grand nombre d'amuletes sur
lesquels est un Harpocrate assis sur son lotus, & le
fouet à la main avec le mot d'abrasax».
Jusques - là
cette conjecture de M. Basnage est non - seulement
vraissemblable; elle est vraie & évidemment prouvée
par le mot abracadabra, qui est formé sur celui d'abrasax, & qui répeté plusieurs fois, & écrit sur du
parchemin en forme de Pyramide renversée, passoit
pour un remede contre la fievre. La preuve que cette
superstition venoit des Payens, c'est que le Poëte Serenus qui fut Précepteur du jeune Gordien, & qui est
le plus ancien Auteur qui nous ait parlé de ce prétendu
remede, ne peut avoir fait profession du Christianisme: mais ce qui confirme encore plus solidement
le sentiment de M. Basnage, c'est le mot abpacaz en grec qu'on lit fort distinctement sur l'un des
deux Talismans qui ont été trouvés dans le XVII.
siecle, & dont le Cardinal Baronius nous a donné la
figure dans le II. tome de ses Annales, sous l'année
de Jesus - Christ 120. l'autre est dans le Cabinet de
Sainte Génevieve, en voici l'Inscription:
[p. 35]
*A*B*R*A>*A*C. *A*D*W*N*A*I. *D*A*I*M*O*N*W*N. *D*E*C*I*A*I. *L*U*N*A*M*E*I>.
*F*U*L*A*C*A*T*E. *O*U*L*B>*A*N. *P*A*U*L*E*I*N*A*N. *A*P*O. *P*A*N*T*O>.
*K*A*K*O*I. *D*A*I*M*O*N*O>; c'est - à - dire Abraxas Adonar, ou
Seigneur des démons, bonnes Puissances, préservez Ulpie
Pauline de tout méchant démon; formule qui ressent fort
le Paganisme. Mais ce qu'ajoûte M. Basnage n'est pas
aussi juste:
« Abraxas, continue - t - il, est un mot barbare
qui ne signifie rien, & dans lequel il ne faut
chercher que des nombres. Les Basilidiens s'en servoient
pour exprimer le Dieu Souverain qui a créé
trois cens soixante - cinq Cieux, & partagé le
cours du Soleil en trois cens soixante - cinq jours ».
On a vû ci - dessus qu'abraxas n'est point le nom que
les Basilidiens donnoient au Dieu Suprème; & nous
allons montrer que ce terme n'est pas un mot barbare,
& qui ne signifie rien.
Les recherches de M. de Beausobre nous en fourniront
la preuve.
« Je crois, dit ce Savant, qu'abraxas ou abrasax est composé de deux mots Grecs.
Le premier est A'>RO\> qui a diverses significations;
mais entr'autres celle de beau, de magnifique. C'est
une épithete ou un attribut du Dieu appellé Jao,
comme on le voit dans cet Oracle d'Apollon de
»
Claros rapporté par Macrobe. Saturnal, lib. 1. 17.
*KEI>MATI ME\N T'*A'I=HN, *DIA\ DE'E'I'ARO> A'RKOME'NOIO,
*HE'>LION DE\ I'>EREIN, METAPW=PA >'A'>RON 'IAO>.
« C'est - à - dire, Pluton préside sur l'hyver, Jupiter
sur le printems, le Soleil sur l'été, & le beau Jao sur
l'automne. On traduit ordinairement mollis Iao, ce
qui ne veut pas dire une Divinité molle & foible,
mais une Divinité qui fournit aux hommes toutes les
délice, de la vie, & qui préside sur l'automne, saison
des vins & des fruits... *A'>RO\> signifie aussi beau,
majestueux, superbe, de là vient l'A'>RA>AINEI=N d'Euripide, pour dire une démarche superbe, majestueuse.... Dans les vers que je viens d'alléguer Iao
est Bacchus: mais Bacchus est le Soleil, comme
Macrobe l'a fait voir.... Quoi qu'il en soit, A'>RO\>
est une épithete du Soleil. Le second mot Gre>dont
abrasax est composé. est ou celui de Sao, *S*A*W, qui
est souvent employé dans Homere, & qui veu> dire
sauver ou guérir, ou celui de Sa, *S*A, qui signifie
salut, santé. Ainsi abrasax voudroit dire à la lettre
le beàu, le magnifique Sauveur, celui qui guérit les
maux, & qui en préserve ».
Hist. du Man chéis. tome
II. pag. 55.
M. de Beausobre détaille ensuite fort au long les
preuves qui établissent qu'abrasax ou ce magnifique
Sauveur n'est autre que le Soleil. C'est pourquoi
nous renvoyons les Lecteurs à l'ouvrage de cet
Auteur. Cet article est en grande partie tiré des Mémoires
de M. Formey, Historiographe de l'Académie royale de
Prusse. (G)
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