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ABEILLE (Page 1:18)
ABEILLE, s. f. insecte de l'espece des mouches. Il y en a de trois sortes: la premiere & la plus nombreuse des trois est l'abeille commune: la seconde est moins abondante; oe sont les faux bourdons ou mâles: enfin la troisieme est la plus rare, ce sont les femelles.
Les abeilles femelles que l'on appelle reines ou meres abeilles, étoient connues des Anciens sous le nom de Rois des abeilles, parce qu'autrefois on n'avoit pas distingué leur sexe: mais aujourd>hui il n'est plus équivoque. On les a vû pondre des oeufs, & on en trouve aussi en grande quantité dans leur corps. Il n'y a ordinairement qu'une Reine dans une ruche; ainsi il est très - difficile de la voir: cependant on pourroit la reconnoître assez aisément, parce qu'elle est plus grande que les autres; sa tête est plus allongée, & ses ailes sont très - courtes par rapport à son corps; elles n'en couvrent guere que la moitié; au contraire oelles des autres abeilles couvrent le corps en entier. La Reine est plus longue que les mâles: mais elle n'est pas aussi grosse. On a prétendu autrefois qu'elle n'avoit point d'aiguillon: cependant Aristote le connoissoit; mais il croyoit qu'elle ne s'en servoit jamais. Il est aujourd'hui très - certain que les abeilles femelles ont un aiguillon même plus long que celui des ouvrieres; cet aiguillon est recourbé. Il faut avoüer qu'elles s'en servent fort rarement, ce n'est qu'après avoir été irritées pendant long - tems: mais alors elles piquent avec leur aiguillon, & la piquûre est accompagnée de venin comme celle des abeilles communes. Il ne paroît pas que la mere abeille ait d'autre emploi dans la ruche que celui de multiplier l'espece, ce qu'elle fait par une ponte fort abondante; car elle produit dix à douze mille oeufs en sept semaines, & communément trente à quarante mille par an.
On appelle les abeilles mâles faux bourdons pour
les distinguer de certaines mouches que l'on connoît
sous le nom de bourdons. Voyez
On ne trouve ordinairement des mâles dans les ruches que depuis le commencement ou le milieu du mois de Mai jusques vers la fin du mois de Juillet; leur nombre se multiplie de jour en jour pendant ce tems, à la fin duquel ils périssent subitement de mort violente, comme on le verra dans la suite.
Les mâles sont moins grands que la Reine, & plus grands que les ouvrieres; ils ont la tête plus ronde, ils ne vivent que de miel, au lieu que les ouvrieres mangent souvent de la cire brute. Dès que l'aurore paroit, celles - ci partent pour aller travailler, les mâles sortent bien plus tard, & c'est seulement pour voltiger autour de la ruche, sans travailler. Ils rentrent avant le serein & la fraîcheur du soir; ils n'ont ni aiguillon, ni patelles, ni dents saillantes comme les ouvrieres. Leurs dents sont petites, plates & cachées, leur trompe est aussi plus courte & plus déliée: mais leurs yeux sont plus grands & beaucoup plus gros que ceux des ouvrieres: ils couvrent tout le dessus de la partie supérieure de la tête, au lieu que les yeux des autres forment simplement une espece de bourlet de chaque côté.
On trouve dans certains tems des faux bourdons qui ont à leur extrémité postérieure deux cornes charnues aussi longues que le tiers ou la moitié de leur corps: il paroît aussi quelquefois entre ces deux cornes un corps charnu qui se recourbe en haut. Si ces parties ne sont pas apparentes au dehors, on peut les faire sortir en pressant le ventre du faux bourdon; si on l'ouvre, on voit dans des vaisseaux & dans des réservoirs une liqueur laiteuse, qui est vraissemblablement la liqueur séminale. On croit que toutes ces parties sont celles de la génération; car on ne les
Il y a des abeilles qui n'ont point de sexe. En les disséquant on n'a jamais trouvé dans leurs corps aucune partie qui eût quelque rapport avec celles qui caractérisent les abeilles mâles ou les femelles. On les appelle mulets ou abeilles communes, parce qu'elles sont en beaucoup plus grand nombre que celles qui ont un sexe. Il y en a dans une seule ruche jusqu'à quinze ou seize mille, & plus, tandis qu'on n'y trouve quelquefois que deux ou trois cens mâles, quelquefois sept ou huit cens, ou mille au plus.
On désigne aussi les abeilles communes par le nom
d'ouvrieres, parce qu'elles font tout l'ouvrage qui
est nécessaire pour l'entretien de la ruche, soit la récolte
du miel & de la cire, soit la construction des alvéoles;
elles soignent les petites abeilles; enfin elles
tiennent la ruche propre, & elles écartent tous les
animaux étrangers qui pourroient être nuifibles. La
tête des abeilles communes est triangulaire; la pointe
du triangle est formée par la rencontre de deux
dents posées horisontalement l'une à côté de l'autre,
longues, saillantes & mobiles. Ces dents servent à
la construction des alvéoles: aussi sont - elles plus fortes
dans les abeilles ouvrieres que dans les autres.
Si on écarte ces deux dents, on voit qu'elles sont
comme des especes de cuillieres dont la concavité
est en - dedans. Les abeilles ont quatre ailes, deux
grandes & deux petites; en les levant, on trouve de
chaque côté auprès de l'origine de l'aile de dessous
en tirant vers l'estomac, une ouverture ressemblante
à une bouche; c'est l'ouverture de l'un des poumons: il y en a une autre sous chacune des premieres
jambes, desorte qu'il y a quatre ouvertures sur le
corcelet (V.
L'air entre par ces stigmates, & circule dans le
corps par le moyen d'un grand nombre de petits canaux;
enfin il en sort par les pores de la peau. Si on
tiraille un peu la tête de l'abeille, on voit qu'elle ne
tient à la poitrine ou corcelet que par un cou très court,
& le corcelet ne tient au corps que par un filet
très - mince. Le corps est couvert en entier par six
grandes pieces écailleuses, qui portent en recouvrement
l'une sur l'autre, & forment six anneaux qui
laissent au corps toute sa souplesse. On appelle antennes (Voyez
L'abeille a six jambes placées deux à deux en trois
rangs; chaque jambe est garnie à l'extrémité de deux
grands ongles & de deux petits, entre lesquels il y a
une partie molle & charnue. La jambe est composée
de cinq pieces, les deux premieres sont garnies de
poils; la quatrieme piece de la seconde & de la troisieme
paire est appellée la brosse: cette partie est
quarrée, sa face extérieure est rase & lisse, l'intérieure
est plus chargée de poils que nos brofses ne le
sont ordinairement, & ces poils sont disposés de la
même façon. C'est avec ces sortes de brosses que l'abeille
ramasse les poussieres des étamines qui tombent
sur son corps, lorsqu'elle est sur une fleur pour
faire la récolte de la cire. Voyez
Cette manoeuvre se fait avec tant d'agilité & de promptitude, qu'il est impossible d'en distinguer les mouvemens lorsque l'abeille est vigoureuse. Pour bien distinguer cette manoeuvre de l'abeille, il faut l'observer lorsqu'elle est affoiblie & engourdie par la rigueur d'une mauvaise saison. Les palettes sont de figure triangulaire; leur face extérieure est lisse & luisante, des poils s'élevent au - dessus des bords; comme ils sont droits, roides & serrés, & qu'ils l'environnent, ils forment avec cette surface une espece de corbeille: c'est - là que l'abeille dépose, à l'aide de ses pattes, les petites pelotes qu'elle a formées avec les brosses; plusieur> pelotes réunies sur la palette font une masse qui est quelquefois aussi grosse qu'un grain de poivre.
La trompe de l'abeille est une partie qui se développe & qui se replie. Lorsqu'elle est dépliée, on la voit descendre du dessous des deux grosses dents saillantes qui sont à l'extrémité de la tête. La trompe paroît dans cet état comme une lame assez épaisse, très - luisante & de couleur châtain. Cette lame est appliquée contre le dessous de la tête: mais on n'en voit alors qu'une moitié qui est repliée sur l'autre; lorsque l'abeille la déplie, l'extrémité qui est du côté des dents s'éleve, & on apperçoit alors celle qui étoit dessous. On découvre aussi par ce déplacement la bouche & la langue de l'abeille qui sont au - dessus des deux dents. Lorsque la trompe est repliée, on ne voit que les étuis qui la renferment.
Pour développer & pour examiner cet organe, il faudroit entrer dans un grand détail. Il suffira de dire ici que c'est par le moyen de cet organe que les abeilles recueillent le miel; elles plongent leur trompe dans la liqueur miellée pour la faire passer sur la surface extérieure. Cette surface de la trompe forme avec les étuis un canal par lequel le miel est conduit: mais c'est la trompe seule qui étant un corps musculeux, force par ses différentes inflexions & mouvemens vermiculaires la liqueur d'aller en avant, & qui la pousse vers le gosier.
Les abeilles ouvrieres ont deux estomacs; l'ur reçoit
le miel, & l'autre la cire: celui du miel a un co> qui
tient lieu d'oesophage, par lequel passe la liqueur
que la trompe y conduit, & qui doit s'y changer en
miel parfait: l'estomac où la cire brute se change
en vraie cire, est au - dessous de celui du miel. Voyez
L'aiguillon est caché dans l'état de repos; pour le faire sortir, il faut presser l'extrémité du corps de l'abeille. Onle voit paroître accompagné de deux corps blancs qui forment ensemble une espece de boîte, dans laquelle il est logé lorsqu'il est dans le corps. Cet aiguillon est semblable à un petit dard qui, quoique très - délié, est cependant creux d'un bout à l'autre. Lorsqu'on le comprime vers la base, on fait monter à la pointe une petite goute d'une liqueur extrèmement transparente; c'est - là ce qui envenime les plaies que fait l'aiguillon. On peut faire une équivoque par rapport à l'aiguillon comme par rapport à la trompe, ce qui paroît être l'aiguillon n'en est que l'étui; c'est par l'extrémité de cet étui que l'aiguillon sort, & qu'il est dardé en même tems que la liqueur empoisonnée. De plus cet aiguillon est double; il y en a deux à côté qui jouent en même tems, ou séparément au gré de l'abeille; ils sont de matiere de corne ou d'écaille, leur extrémité est taillée en scie, les dents sont inclinées de chaque côté, de sorte que les pointes sont dirigées vers la base de l'aiguillon, ce qui fait qu'il ne peut sortir de la plaie sans la déchirer; ainsi il faut que l'abeille le retire avec force. Si elle fait ce mouvement avec trop de promptitude, l'aiguillon casse & il reste dans la plaie; & en se séparant du corps de l'abeille, il arrache la vessie qui contient le venin, & qui est posée au - dedans à la base de l'aiguillon. Une partie des entrailles sorten même
La liqueur qui coule dans l'étui de l'aiguillon est un véritable venin, qui cause la douleur que l'on éprouve lorsqu'on a été piqué par une abeille. Si on goûte de ce venin, on le sent d'abord douçâtre: mais il devient bien - tôt acre & brûlant; plus l'abeille est vigoureuse, plus la douleur de la piquûre est grande. On sait que dans l'hyver on en souffre moins que dans l'été, toutes choses égales de la part de l'abeille: il y a des gens qui font plus ou moins sensibles à cette piquûre que d'autres. Si l'abeille pique pour la seconde fois, elle fait moins de mal qu'à la premiere fois, encore moins à une troisieme; enfin le venin s'épuise, & alors l'abeille ne se fait presque plus sentir. On a toûjours cru qu'un certain nombre de piquûres faites à la fois sur le corps d'un animal pourroient le faire mourir; le fait a été confirmé plusieurs fois; on a même voulu déterminer le nombre de piquûres qui seroit nécessaire pour faire mourir un grand animal; on a aussi cherché le remede qui détruiroit ce venin: mais on a trouvé seulement le moyen d'appaiser les douleurs en frottant l'endroit blessé avec de l'huile d'olive, ou en y appliquant du persil pilé. Quoi qu'il en soit du remede, il ne faut jamais manquer en pareil cas de retirer l'aiguillon, s'il est resté dans la plaie comme il arrive presque toûjours. Au reste la crainte des piquûres ne doit pas empêcher que l'on approche des ruches: les abeilles ne piquent point lorsqu'on ne les irrite pas; on peut impunément les laisser promener sur sa main ou sur son visage, elles s'en vont d'elles - mêmes sans faire de mal: au contraire si on les chasse, elles piquent pour se défendre.
Pour suivre un ordre dans l'histoire succincte des abeilles que l'on va faire ici, il faut la commencer dans le tems où la mere abeille est fécondée. Elle peut l'être dès le quatrieme ou cinquieme jour après celui où elle est sortie de l'état de nymphe pour entrer dans celui de mouche, comme on le dira dans la suite. Il seroit presque impossible de voir dans la ruche l'accouplement des abeilles, parce que la reine reste presque toûjours dans le milieu où elle est cachée par les gâteaux de cire, & par les abeilles qui l'environnent. On a tiré de la ruche des abeilles meres, & on les a mises avec des mâles dans des bocaux pour voir ce qui s'y passeroit.
On est obligé pour avoir une mere abeille de plonger une ruche dans l'eau, & de noyer à demi toutes les abeilles, ou de les enfumer, afin de pouvoir les examiner chacune séparément pour reconnoître la mere. Lorsqu'eile est revenue de cet état violent, elle ne reprend pas d'abord assez de vivacité pour être bien disposée à l'accouplement. Ce n'est donc que par des hasards que l'on en peut trouver qui fassent réussir l'expérience; il faut d'ailleurs que cette mere soit jeune; de plus il faut éviter le tems où elle est dans le plus fort de la ponte. Dès qu'on présente un mâle à une mere abeille bien choisie, aussitôt elle s'en approche, le lêche avec sa trompe, & lui présente du miel: elle le touche avec ses pattes, tourne autour de lui, se place vis - à - vis, lui brosse la tête avec ses jambes, &c. Le mâle reste quelquefois immobile pendant un quart - d'heure; & enfin il fait à peu près les mêmes choses que la femelle; celle - ci s'anime alors davantage. On l'a vûe monter sur le corps du mâle; elle recourba l'extrémité du sien, pour l'appliquer contre l'extrémité de celui du mâle, qui faisoit sortir les deux cornes charnues & la partie recourbée en arc. Supposé que cette partie soit, comme on le croit, celle qui opere l'ac, [p. 20]
Après l'accouplement, il se forme des oeufs dans la matrice de la mere abeille; cette matrice est divisée en deux branches, dont chacune est terminée par plusieurs filets: chaque filet est creux; c'est une sorte de vaisseau qui renferme plusieurs oeufs disposés à quelque distance les uns des autres dans toute sa longueur. Ces oeufs sont d'abord fort petits, ils tombent successivement dans les branches de la matrice, & passent dans le corps de ce viscere pour sortir au - dehors; il y a un corps sphérique posé sur la matrice; on croit qu'il en degoutte une liqueur yisqueuse qui enduit les oeufs, & qui les colle au fond des alvéoles, lorsqu'ils y sont déposés dans le tems de la ponte. On a estimé que chaque extrémité des branches de la matrice est composée de plus de 150 vaisseaux, & que chacun peut contenir dix - sept oeufs sensibles à l'oeil, par conséquent une mere abeille prête à pondre a cinq mille oeufs visibles. Le nombre de ceux qui ne sont pas encore visibles, & qui doivent grossir pendant la ponte, doit être beaucoup plus grand; ainsi il est aisé de concevoir comment une mere abeille peut pondre dix à douze mille oeufs, & plus, en sept ou huit semaines.
Les abeilles ouvrieres ont un instinct singulier pour prévoir le tems auquel la mere abeille doit faire la ponte, & le nombre d'oeufs qu'elle doit déposer; lorsqu'il surpasse celui des alvéoles qui sont faits, elles en ébauchent de nouveaux pour fournir au besoin pressant; elles semblent connoître que les oeufs des abeilles ouvrieres sortiront les premiers, & qu'il y en aura plusieurs milliers; qu'il viendra ensuite plusieurs centaines d'oeufs qui produiront des mâles; & qu'enfin la ponte finira par trois ou quatre, & quelquefois par plus de quinze ou vingt oeufs d'où sortiront les femelles. Comme ces trois sortes d'abeilles sont de différentes grosseurs, elles y proportionnent la grandeur des alvéoles. Il est aisé de distinguer à l'oeil ceux des reines, & que l'on a appellé pour cette raison alvéoles royaux; ils sont les plus grands. Ceux des faux bourdons sont plus petits que ceux des reines, mais plus grands que ceux des mulets ou abeilles ouvrieres.
La mere abeille distingue parfaitement ces diffé<cb->
Le tems de la ponte est fort long; car c'est presque toute l'année, excepté l'hyver. Le fort de cette ponte est au printems; on a calculé que dans les mois de Mars & de Mai, la mere abeille doit pondre environ douze mille oeufs, ce qui fait environ deux cens oeufs par jour: ces douze mille oeufs forment en partie l'essain qui sort à la fin de Mai ou au mois de Juin, & remplacent les anciennes mouches qui font partie de l'e>ain; car après sa sortie, la ruche n'est pas moins peuplée qu'au commencement de Mars.
Les oeufs des abeilles ont six fois plus de longueur que de diametre; ils sont courbes, l'une de leurs extrémités est plus petite que l'autre: elles sont arrondies toutes les deux. Ces oeufs sont d'une couleur blanche tirant sur le bleu; ils sont revêtus d'une membrane flexible, desorte qu'on peut les plier, & cela se peut faire sans nuire à l'embrion. Chaque oeuf est logé séparément dans un alvéole, & placé de façon à faire connoître qu'il est sorti du corps de la mere par le petit bout; car cette extrémité est collée au fond de l'alvéole. Lorsque la mere ne trouve pas un assez grand nombre de cellules pour tous les oeufs qui sont prêts à sortir, elle en met deux ou trois, & même quatre dans un seul alvéole; ils ne doivent pas y rester; car un seul ver doit remplir dans la suite l'alvéole en entier. On a vû les abeilles ouvrieres retirer tous les oeufs surnuméraires: mais on ne sçait pas si elles les replacent dans d'autres alvéoles; on ne croit pas qu'il se trouve dans aucune circonstance plusieurs oeufs dans les cellules royales.
La chaleur de la ruche suffit pour faire éclorre les oeufs, souvent elle surpasse de deux degrés celle de nos étés les plus chauds: en deux ou trois jours l'oeuf est éclos; il en sort un ver qui tombe dans l'alvéole. Dès qu'il a pris un peu d'accroissement, il se roule en cercle; il est blanc, charnu, & sa tête ressemble à celle des vers à soie; le ver est posé de façon qu'en se tournant, il trouve une sorte de gelée ou de bouillie qui est au fond de l'alvéole, & qui lui sert de nourriture. On voit des abeilles ouvrieres qui visitent plusieurs fois chaque jour les alvéoles où sont les vers: elles y entrent la tête la premiere, & y restent quelque tems. On n'a jamais pû voir ce qu'elles y faisoient: mais il est à croire qu'elles renouvellent la bouillie dont le ver se nourrit. Il vient d'autres abeilles qui ne s'arrêtent qu'un instant à l'entrée de l'alvéole comme pour voir s'il ne manque rien au ver. Avant que d'entrer dans une cellule, elles passent successivement devant plusieurs; elles ont un soin continuel de tous les vers qui viennent de la ponte de leur reine: mais si on apporte dans la ruche des gâteaux dans lesquels il y auroit des vers d'une autre ruche, elles les laissent périr, & même elles les entraînent dehors. Chacun des vers qui est né dans la ruche n'a que la quantité de nourriture qui lui est nécessaire, excepté ceux qui doivent être changés en reines; il reste du superflu dans les alvéoles de ceux - ci. La quantité de la nourriture est proportionnée à l'âge du ver; lorsqu'ils sont jeunes, c'est une bouillie blanchâtre, insipide comme de la colle de farine. Dans un âge plus avancé, c'est une gelée jaunâtre ou verdâtre qui a un goût de sucre ou [p. 21]
Il ne sort du corps des vers aucun excrément: aussi ont - ils pris tout leur accroissement en cin>ou six jours. Lorsqu'un ver est parvenu à ce point, les abeilles ouvrieres ferment son alvéole avec de la cire; le couvercle est plat pour ceux dont il doit sortir des abeilles ouvrieres, & convexe pour ceux des faux bourdons. Lorsque l'alvéole est fermé, le ver tapisse l'intérieur de sa cellule avec une toile de soie: il tire cette soie de son corps au moyen d'une filiere pareille à celle des vers à soie, qu'il a au - dessous de la bouche. La toile de soie est tissue de fils qui sont très - proches les uns des autres, & qui se croisent; elle est appliquée exactement contre les parois de l'alvéole. On en trouve où il y a jusqu'à vingt toiles les unes sur les autres; c'est parce que le même alvéole a servi successivement à vingt vers, qui y ont appliqué chacun une toile; car lorsque les abeilles ouvrieres nettoyent une cellule où un ver s'est métamorphosé, elles enlevent toutes les dépouilles de la nymphe sans toucher à la toile de soie. On a remarqué que les cellules d'où sortent les reines ne servent jamais deux fois; les abeilles les détruisent pour en bâtir d'autres sur leurs fondemens.
Le ver après avoir tapissé de soie son alvéole,
quitte sa peau de ver; & à la place de sa premiere
peau, il s'en trouve une bien plus fine: c'est ainsi
qu'il se change en nymphe. Voyez
Les abeilles se nourrissent de miel & de cire brute; on croit que le mêlange de ces deux matieres est nécessaire pour que leurs digestions soient bonnes; on croit aussi que ces insectes sont attaqués d'une maladie qu'on appelle le dévoiement, lorsqu'ils sont obligés de vivre de miel seulement. Dans l'état naturel, il n'arrive pas que les excrémens des abeilles qui sont toujours liquides, tombent sur d'autres abeilles, ce qui leur feroit un très - grand mal; dans le dévoiement, ce mal arrive parce que les abeilles n'ayant pas assez de force pour se mettre dans une position convenable les unes par rapport aux autres, celles qui sont au - dessus laissent tomber sur celles qui sont au - dessous une matiere qui gâte leurs ailes, qui bouche les organes de la respiration, & qui les fait périr.
Voilà la seule maladie des abeilles qui soit bien connue; on peut y remédier en mettant dans la ruche où sont les malades, un gâteau que l'on tire d'une autre ruche, & dont les alvéoles sont remplis de cire brute: c'est l'aliment dont la disette a causé la
Après avoir suivi les abeilles dans leurs différens âges, il faut rapporter les faits les plus remarquables dans l'espece de société qu'elles composent. Une ruche ne peut subsister, s'il n'y a une abeille mere; & s'il s'en trouve plusieurs, les abeilles ouvrieres tuent les surnuméraires. Jusqu'à ce que cette exécution soit faite, elles ne travaillent point, tout est en desordre dans la ruche. On trouve communément des ruches qui ont jusqu'à seize ou dix - huit mille habitans, ces insectes travaillent assidûment tant que la température de l'air le leur permet. Elles sortent de la ruche dès que l'aurore paroît; au printems, dans les mois d'Avril & de Mai, il n'y a aucune interruption dans leurs courses depuis quatre heures du matin jusqu'à huit heures du soir; on en voit à tout instant sortir de la ruche & y rentrer chargées de butin. On a compté qu'il en sortoit jusqu'à cent par minute, & qu'une seule abeille pouvoit faire cinq, & même jusqu'à sept voyages en un jour. Dans les mois de Juillet & d'Août, elles rentrent ordinairement dans la ruche pour y passer le milieu du jour; on ne croit pas qu'elles craignent pour elles - mêmes la grande chaleur, c'est plûtôt parce que l'ardeur du Soleil ayant desséché les étamines des fleurs, il leur est plus difficile de les pelotonner ensemble pour les transporter; aussi celles qui rencontrent des plantes aquatiques qui sont humides, travaillent à toute heure.
Il y a des tems critiques où elles tâchent de surmonter tout obstacle, c'est lorsqu'un essain s'est fixé dans un nouveau gîte; alòrs il faut nécessairement construire des gâteaux; pour cela, elles travaillent continuellement; elles iroient jusqu'à une lieue pour avoir une seule pelotte de cire. Cependant la pluie & l'orage sont insurmontables; dès qu'un nuage paroît l'annoncer, on voit les abeilles se rassembler de tous côtés, & rentrer avec promptitude dans la ruche. Celles qui rapportent du miel ne vont pas toûjours le déposer dans les alvéoles; elles le distribuent souvent en chemin à d'autres abeilles qu'elles rencontrent; elles en donnent aussi à celles qui travaillent dans la ruche, & même il s'en trouve qui le leur enlevent de force.
Les abeilles qui recueillent la cire brute, l'avalent quelquefois pour lui faire prendre dans leur estomac la qualité de vraie cire: mais le plus souvent elles la rapportent en pelotes, & la remettent à d'autres ouvrieres qui l'avalent pour la préparer; enfin la cire brute est aussi déposée dans les alvéoles, L'a<pb-> [p. 22]
Les abeilles ouvrieres semblent respecter la mere abeille, & les abeilles mâles seulement, parce qu'elles sont nécessaires pour la multiplication de l'espece. Elles suivent la r eine, parce que c'est d'elle que sortent les oeufs: mais elles n'en reconnoissent qu'une, & elles tuent les autres; une seule produit une assez grande quantité d'oeufs. Elles fournissent des alimens aux faux bourdons pendant tout le tems qu'ils sont nécessaires pour féconder la reine: mais dès qu'elle cesse de s'en approcher, ce qui arrive dans le mois de Juin, dans le mois de Juillet, ou dans le mois d'Août, les abeilles ouvrieres les tuent à coup d'aiguillon, & les entraînent hors de la ruche: elles sont quelquefois deux, trois, ou quatre ensemble pour se défaire d'un faux bourdon. En même tems elles détruisent tous les oeufs & tous les vers dont il doit sortir des faux bourdons; la mere abeille en produira dans s> ponte un assez grand nombre pour une autre génération. Les abeilles ouvrieres tournent aussi leur aiguillon contre leurs pareilles; & toutes les fois qu'elles se battent deux ensemble, il en coûte la vie à l'une, & souvent à toutes les deux, lorsque celle qui a porté le coup mortel ne peut pas retirer son aiguillon; il y a aussi des combats généraux dont on parlera au mot Essain.
Les abeilles ouvrieres se servent encore de leur
aiguillon contre tous les animaux qui entrent dans
leur ruche, comme des limaces, des limaçons, des
scarabés, &c. Elles les tuent & les entraînent dehors.
Si le fardeau est au - dessus de leur force, elles
ont un moyen d'empêcher que la mauvaise odeur de
l'animal ne les incommode; elles l'enduisent de propolis,
qui est une résine qu'elles emploient pour espalmer
la ruche. Voyez
Il y a plusieurs especes d'abeilles différentes de
celles qui produisent le miel & la cire; l'une des
principales especes, beaucoup plus grosse que les
abeilles, est connue sous le nom de bourdon. Voyez
Les abeilles que l'on appelle perce - bois sont presque aussi grosses que les bourdons; leur corps est applati & presque ras: elles sont d'un beau noir luisant, à l'exception des ailes dont la couleur est violette. On les voit dans les jardins dès le commencement du printems, & on entend de loin le bruit qu'elles font
Une autre espece d'abeille construit son nid avec une sorte de mortier. Les femelles sont a >ssi noires que les abeilles perce - bois & plus velues; on voit seulement un peu de couleur jaunâtre en - dessous à leur partie postérieure: elles ont un aiguillon pareil à celui des mouches à miel; les mâles n'en ont point, ils sont de couleur fauve ou rousse. Les femelles construisent seules les nids, sans que les mâles y travaillent: ces nids n'ont que l'apparence d'un morceau de terre gros comme la moitié d'un oeuf, collé contre un mur; ils sont à l'exposition du Midi. Si on détache ce nid, on voit dans son intérieur environ huit ou dix cavités dans lesquelles on trouve, ou des vers & de la pâtée, ou des nymphes, ou des mouches. Cette abeille transporte entre ses dents une petite pelote composée de sable, de terre, & d'une liqueur gluante qui lie le tout ensemble, & elle applique & façonne avec ses dents la charge de mortier qu'elle a apportée pour la construction du nid. Elle commence par faire une cellule à laquelle elle donne la figure d'un petit dé à coudre; elle la remplit de pâtée, & elle y dépose un oeuf & ensuite elle la ferme. Elle fait ainsi successivement, & dans différentes directions sept ou huit cellules qui doivent composer le nid en entier; enfin elle remplit avec un mortier grossier les vuides que les cellules laissent entr'elles, & elle enduit le tout d'une couche fort épaisse.
Il y a d'autres abeilles qui font des nids sous terre; elles sont presque aussi grosses que des mouches à miel; leur nid est cylindrique à l'extérieur, & arrondi aux deux bouts: il est posé horisontalement & recouvert de terre de l'épaisseur de plusieurs pouces, soit dans un jardin, soit en plein champ, quelquefois dans la crête d'un sillon. La mouche commence d'abord par creuser un trou propre à recevoir ce cylindre; ensuite elle le forme avec des feuilles découpées: cette premiere couche de feuilles n'est qu'une enveloppe qui doit être commune à cinq ou six petites cellules faites avec des feuilles comme la premiere enveloppe. Chaque cellule est aussi cylindrique & arrondie par l'un des bouts; l'abeille découpe des feuilles en demi - ovale: chaque piece est la moitié d'un ovale coupé sur son petit diametre. Si on faisoit entrer trois pieces de cette figure dans un dé à coudre pour couvrir ses parois intérieures, de façon que chaque piece anticipât un peu sur la piece voisine, on feroit ce que fait l'abeille dont nous parlons. Pour construire une petite cellule dans l'enveloppe commune, elle double & triple les feuilles pour rendre la petite cellule plus solide, & elle les joint ensemble, de façon que la pâtée qu'elle y dépose avec l'oeuf ne puisse couler au - dehors. L'ouverture de la cellule est aussi fermée par des fe>lles découpées en rond qui joignent exactement les bords de la cellule. Il y a trois feuilles l'une sur l'autre pour faire ce cou<pb-> [p. 23]
Il y a des abeilles qui font seulement un trou en terre; elles déposent un oeuf avec la pâtée qui sert d'aliment au ver, & elles remplissent ensuite le reste du trou avec de la terre. Il y en a d'autres qui, après avoir creusé en terre des trous d'environ trois pouces de profondeur, les revêtissent avec des feuilles de cequelicot: elles les découpent & les appliquent exactement sur les parois du trou: elles mettent au moins deux feuilles l'une sur l'autre. C'est sur cette couche de fleurs que la mouche dépose un oeuf & la pâtée du ver; & comme cela ne suffit pas pour remplir toute la partie du trou qui est revêtue de fleurs, elle renverse la partie de la tenture qui déborde, & en fait une couverture pour la pâtée & pour l'oeuf, ensuite elle remplit le reste du trou avec de la terre.
On trouvera l'Histoire de toutes ces mouches dans
le sixiéme Volume des Mémoires pour servir à l'Histoire
des Insectes, par M. de Reaumur, dont cet abregé a
été tiré. Voyez
Abeilles (Page 1:23)
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