Jean-François FÉRAUD: Dictionaire critique de la langue française. Marseille, Mossy,  1787-1788, 3 vol. Fol. 

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POUR


POUR, prép. Cette préposition sert à marquer, ou la fin et l'objet qu'on se propôse dans ce qu'on fait: travailler pour le bien public; étudier pour son instruction; ou le motif et la caûse qui fait agir: Dieu a tout fait pour sa gloire: doner l'aumône pour l'amour de Dieu; ou, l'usage auquel une chôse est destinée: fonder un Hopital pour les malades: il a tant à dépenser pour sa table; ou, à quoi une chôse est propre: cheval bon pour le carrosse. = Il est quelquefois oposé à contre, et il a le sens de en sa faveur: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? = Quelquefois aussi, il a le sens de, eu égard, par raport à: "La cour est trop petite pour la maison. = Il sert à marquer échange: doner l'un pour l'aûtre. = Il a le sens d'au lieu, en la place de: "J'y irai pour vous: il sert pour moi; ou de, comme, de même que: "Je vous done pour sûr: je le paye pour bon; ou de, en qualité de: "Il l'a pris pour laquais; ou de, à caûse de: "On l'a puni pour ses crimes, ou de, quant à: "Pour moi je dis, etc. "Pour moi je ne m'en mets pas en peine: "Pour les étrangers, il les recevoit avec bonté. Télém. — * Marivaux faisant parler un paysan, fait régir à pour la prép. à: "Pour à de l'argent, j'y rêve comme au Mogol. On dirait, en voulant parler correctement: "Pour ce qui est de l'argent, je n'y pense pas plus qu'au grand Mogol. = Pour s'unit mieux à ces quatre prépositions, aprês, dans, devant, derrière: "Ce sera pour aprês le dîner; pour dans quinze jours: celui-ci est destiné pour devant la porte; cela est pour derrière le lit, etc. = Il s'associe aussi avec beaucoup, peu, rien, jusque, quand: "Pour lors, les Soldats étoient pour beaucoup (dans un combat naval), et les gens de l'art (les Marins) pour peu. À~ présent les Soldats sont pour rien, ou pour peu; et les gens de l'art pour beaucoup. "Le Roi est à Marli pour jusqu'à samedi. Mde de Coul. "M. de Langlée gardez ces familiarités pour quand vous jouerez avec le Roi. Sév. Bon mot du Comte de Grammont. — Pour lors: alors. "Pour lors nous verrons ce qu'il y aura à faire. = Joint à un verbe, il régit l'infinitif, ou que avec le subjonctif: "Il fait cela pour avoir de l'argent. "Pressez-vous pour que vous reveniez plutôt. Il signifie alors afin que. * Quelques-uns même les joignent ensemble, et disent: pour afin que vous reveniez plutôt. C'est un barbarisme grossier.
   Rem. Pour ne doit régir l'infinitif que lorsque cet infinitif se raporte au sujet de la phrâse, au nominatif du verbe précédent. Aûtrement il faut se servir de que avec le subjonctif.
   Elle a, pour le blâmer, une trop juste cause.
       Corn.
  Je venois te chercher pour servir mon amour.
      Mol.
Il faut, du moins en prôse, dire, pour qu'on la blâme; pour que tu serves. = D'Olivet reprend la même faute dans Racine:
   Qu'ai-je fait, pour venir accabler, en ces lieux,
   Un héros, sur qui seul j'ai pu jeter les yeux?
Qu'ai-je fait, dit Axiane, pour que vous veniez, vous Alexandre, acabler, etc. Il ne s'agit pas de savoir si pour que ferait ici un bon éfet: il s'agit seulement de faire sentir l'équivoque, qui est dans la phrâse de Racine, où l'on croit que ces mots, pour venir, regardent la persone qui dit, qu' ai-je fait? D'OLIV. = M. Racine le Fils dit sur cette Remarque, que pour venir est une ellipse; et qu'on doit aprouver en vers tout ce qui contribûe à~ la vivacité, sans nuire à la clarté. On pourrait grandement abuser de cette dernière maxime. Il est beaucoup d'expressions, qui contribuent à~ la vivacité, sans nuire à la clarté, et qui ont un air sauvage, parce que l'usage n'y a pas acoutumé. Dailleurs, três-souvent ce faux raport du verbe régi au sujet de la phrâse, y jète non-seulement de l'obscurité, mais de l'équivoque et un contre-sens. Quand M. l'Ab. Millot dit, dans un de ses Discours Académiques: "Le Créateur se fait sentir à l' intelligence humaine, pour lui rendre hommage, il semble que c' est le Créateur, qui veuille rendre hommage à sa créature. S'il avait dit: pour qu'elle lui rende hommage, il n'y aurait eu ni contre-sens, ni équivoque. = Pour que, aprês assez et trop, ne date que du tems de Vaugelas; et Bouhours dans ses Remarques Nouvelles, ne l'admet que pour la conversation; mais depuis on l'a dit et on l'a écrit sans dificulté. "Il est assez riche pour que cette dépense ne puisse l'incomoder; il est trop puissant pour qu'on puisse l'ofenser impunément. "Je ne suis pas assez heureux; ou, je suis trop malheureux pour qu'un tel bonheur m'arrive. = Pour avec l'infinitif, se met quelquefois au lieu de parce que. "Vertus, qui commençoient à se faire remarquer, pour n'être plus si communes parmi les Romains. Révol. Rom. C. à. d. parce qu'elles n'étaient plus si communes.
   POUR demande le même ordre dans la construction de son régime actif et de son régime passif, c. à. d. du mot qui le régit, et de celui qu'il régit lui-même. Si le premier verbe est à l'actif, le second ne doit pas être au passif. On dira: je vous cherchais pour vous mener au concert, et non pas pour être mené, si c'est moi qui vous dois mener; et si c'est vous qui devez me mener, on dira: pour que vous me meniez. Il faut dire, au contraire: je fus poursuivi tout le jour pour être présenté à cette assemblée, et non pas pour me présenter. Cette remarque paraitra peu nécessaire, tant cette construction semble naturelle. Cependant, plusieurs en emploient une toute contraire. Fleury a dit, par exemple: "St. Athanase étoit alors dans le désert, persécuté et cherché pour le faire périr. H. Écl. Il falait, persécuté par de cruels énemis, qui le cherchaient pour le faire périr. = On peut faire la même observation sur pour, régi par le v. être, impersonel. "Montesquieu avoit déjà doné le Temple de Gnide, dit M. l'Ab. de Fontenai; et il seroit fâcheux pour lui de ne l'avoir pas fait. — Je voudrais dire, qu' il ne l'eût pas fait. = Quand pour régit l'infinitif, il ne doit pas en être trop séparé, et tout au plus, doit-il y avoir, entre deux, une ou deux particules, comme, pour y venir, pour en partir, pour de là passer, etc. Mais, dire, comme font certains: "Je suis venu de bone heure, pour, après avoir resté une heure avec vous, aller en tel endroit; et comme Corneille:
   Pour de ce grand hymen renverser les projets.
C'est employer une construction vicieûse. = Autrefois on ne faisait pas dificulté de mettre un adverbe entre pour et son régime. Bossuet fournit plus d'un exemple de cette construction. "Pour maintenir revenir à la confession d'Ausbourg: pour enfin s'oposer à ces désordres: pour ensuite l' embarrasser davantage.
Cette manière de construire la phrâse serait désaprouvée aujourd'hui. On mettrait l'adverbe aprês l'infinitif: pour revenir maintenant, etc.
   POUR s'unit quelquefois à des noms qu'on redouble, et se place entre deux: prix pour prix. "Dangers pour dangers. Il valait mieux que je me livrasse à ceux du lieu, où l'on me destinoit, qu'à d'autres où je périrois peut-être sans aucun fruit. Let. Édif.
   POUR s'unit aussi aux adjectifs et aux participes, dans le sens de quelque que, avec le subjonctif: "pour aimable qu'il puisse être, pour protégé qu'il soit; ou de quoique avec l'infinitif. "Pour être fété par-tout, il n'en est pas plus fier: "O céleste justice, tes vengeances, pour être lentes et tardives, n'en sont que plus terribles. Jér. Dél. C' est-à-dire, quoiqu'il soit fété, quoiqu' elles soient lentes, etc. = La Touche trouve la première manière vicieûse, et il dit que les persones qui ont quelque goût pour la langue ne peuvent soufrir ces phrâses: pour riche qu'on soit, pour belle qu'elle soit. Je doute que cela fût vrai de son tems (au comencement du siècle); mais aujourd'hui ces locutions sont aprouvées de tout le monde.
   Pour peu que régit le subjonctif: pour peu que vous le pressiez, il viendra.
   Pour est quelquefois employé seul et sans régime, quand il est oposé à contre: être pour, être contre.
   Il faut cacher sa marche et faire belle montre,
   Paroître qu'on est pour, tandis que l'on est contre.
       DUCERC.
  POUR entre dans quelques locutions, dont l'usage est douteux ou suranné. N'être pas pour faire, n'être pas capable de, ou n'être pas disposé à: "De pareils engagemens n'étoient pas pour arrêter un coeur ambitieux. "Il n'était pas pour en demeurer là. = Faire pour quelqu'un, lui être favorable: "La preuve qu'il aporte fait pour moi: elle confirme ma proposition. = En pour, en récompense, en dédomagement: "Il va le matin à l'Église; mais en pour, il va le soir à la Comédie. * Pour ce, à cause de cela, et pour ce que, parce que, sont de vieilles locutions. La seconde aurait été bone à conserver dans les ocasions, où pour ce que exprimerait mieux que par ce que le motif, qui fait parler ou agir.
   POUR, répété deux fois dans une phrâse, avec diférens régimes, ne fait pas~ un bon éfet: je suis venu pour préparer pour vous, etc. Il faut se servir alors d'afin de: "Je suis venu afin de préparer pour vous, etc. = Mais si le régime est le même, on peut le répéter, et même élégamment: "Je suis venu, pour voir, pour examiner, pour tout disposer. "J'ai tout préparé pour vous, pour votre frère, etc.

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